How I needed you ▲ ft. Yasmeen

Après ce qui semble être une éternité, tu sors enfin la tête de l’eau. Tu n’as plus l’impression d’étouffer, de te noyer. Parce que Jaz est enfin rentrée. Elle n’est pas morte, elle n’a pas disparu, elle s’est seulement égarée, si loin et si longtemps qu’elle aurait pu ne jamais revenir. Mais elle est là et c’est comme si tout reprenait enfin sa place, Alors que tu n’osais plus y croire. Pourtant, depuis son retour, tu n’as pas vraiment pu lui parler, juste l’apercevoir furtivement. Les semaines se sont enchainées dans une atmosphère presque irréelle, une illusion dont seule ta famille est capable. Et jusqu’au Grammy’s, elle était si proche de toi et pourtant inaccessible… Une torture qui ne t’a laissé qu’une profonde tristesse. Jusqu’à ce que tu la vois, rayonner sur la scène des Grammy’s. Son absence l’a rendu encore plus précieuse à tes yeux, encore plus belle, plus lumineuse. A présent, tu sais qu’elle peut disparaître en un battement de cil. Mais ce soir-là, au plaisir de la voir s’est ajoutée une révélation qui a changé l’ordre établi dans votre famille. Ce soir-là, Jaz a été un ouragan qui a tout bousculé sur son passage afin de tout remettre à sa place. Parce qu’elle n’a jamais été ta cousine, mais bien ta sœur, au même titre que Noora et Tami. Votre enfance et votre passé ressemble soudain à une longue succession de mensonges. A cause de Darya, Jaz a grandi à l’écart. Elle n’était pas loin, bien sûr, mais elle se trouvait de l’autre côté du miroir, en compétition avec Noora. Alors avec du recul, tu penses à tout ce que tu aurais pu partager avec elle, si elle avait pu être ta sœur, si tu avais pu être à ses côtés plus souvent. Mais tu l’as toujours aimé comme une sœur, sans rien dire. Parce qu’elle a toujours été aussi importante que Noora et Tami, parfois bien plus complice. Et ça te rend heureux de savoir que tu peux enfin dire que c’est ta sœur, sans mentir, sans parler uniquement d’un lien de cœur mais réellement d’un lien de sang. Jaz est ta sœur et elle est en vie. Voilà ce que tu retiens. Au-delà du mal que Darya a pu vous faire, au-delà de ces années de compétition. Peut-être parce que tu as toujours été à l’écart de toute cette course à la célébrité, simple spectateur du combat que tes sœurs ont eu à mener pour avoir l’affection du public.
C’est dur de ne pas ressasser le passé, de ne pas réécrire l’histoire, comme si toutes les blessures pouvaient être refermées, tandis que tu te diriges vers le bar de l’hôtel où Yasmeen t’as donné rendez-vous. Après tout ce temps perdu futilement, tu vas enfin pouvoir lui parler, prendre de ses nouvelles et peut-être comprendre ce qui lui est arrivé. Mais surtout, tu vas enfin être seul avec elle, la voir sans avoir l’impression de l’observer à travers un écran, comme un inconnu. Plus que quelques pas, l’entrée de l’hôtel, le comptoir de l’accueil et le regard inquisiteur des employés. Tu leur sembles peut-être trop jeune pour venir ici, bien que tu aies passé l’âge de sortir accompagné. Peu importe parce que lorsque tu tournes pour entrer dans le bar, tu l’aperçois. Et à cet instant, tu as l’impression qu’elle est seulement revenue hier ou qu’elle t’attend là depuis tout ce temps. Comme si elle n’était jamais partie. « Jaz… » L’émotion est trop forte. Tu as envie de crier et pourtant, c’est un son à peine perceptible qui s’échappe de tes lèvres. Maladroitement, tu la prends dans tes bras et son odeur familière t’enveloppe à nouveau.  « Je crois que je sais enfin ce que ressentent tes fans quand ils attendent des heures pour te voir seulement cinq minutes… » Tu souris. Même si tu as le cœur lourd. Ce n’est pas un reproche, bien sûr, tu sais très bien que Darya est la seule à blâmer, comme toujours. Mais elle n’a pas réussi cette fois, parce que Jaz a retrouvé sa liberté. « Je suis content que tu puisses être libre à nouveau ! Je te promets que je ne dirais à personne que je t’ai vu ici, ce soir. » Et elle sait qu’elle peut te faire confiance. C’est pour ça que tu as pu venir ce soir. Parce que tu as toujours été de son côté, et de celui de Noora et Tami. A tes yeux, ce sont vos ‘mères’ qui ont toujours été trop loin en s’opposant à travers votre génération. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là, d’accord ? » Bien que tu sois le petit dernier, celui que tout le monde voit encore comme un enfant, le ‘bébé’ de la famille, tu veux qu’elle sache que tu es prêt à l’aider. Tu es prêt à tout pour qu’elle puisse avoir la vie qu’elle mérite et qu’elle ne disparaisse plus jamais, volontairement ou non. Parce que cette fois, tu ne pourrais pas supporter de la perdre.

« Are you sure it’s okay? » demande-t-elle pour la dixième fois de l’après-midi, Sami répondant toujours de manière encourageante que oui, mais Yasmeen le sachant tout de même assez inconfortable avec l’idée. Il n’aime pas être seul, du moins à Sigan, et encore moins depuis peu, pour de bonnes raisons d’ailleurs. Elle n’aime pas ça non plus. Elle ne prendrait même pas la peine de considérer l’idée de le laisser seul pour une heure si ce n’était pas pour ça. Pour lui. Navid. Son petit frère et le seul membre de la fratrie Vane qu’elle parvient réellement à voir comme tel. Sami a beaucoup soutenu ce plan de retrouvailles puisqu’il a toujours été son préféré et que, pour autant qu’elle peut en croire de simples textos, il semblait plutôt positif quant à la révélation sous-jacente au Vane Scandal. Ça ne le dérange apparemment pas trop d’être son frère. Elle a ressenti un tel excès de pure gratitude en le réalisant que Sami n’a pu que le voir. Mais, même alors, planifier un rendez-vous avec Navid n’était pas pour Jaz chose aisée. La méfiance de mise avec le reste de sa famille est difficile à briser, après une vie de mensonges et de trahison et de relations toxiques. Ce n’est pas tant Navid à qui elle a du mal à faire confiance que tous ceux qui l’entourent lui, et puis, de manière générale, le monde entier. Elle a peur qu’on fasse éclater sa petite bulle de sécurité et de tranquillité dans l’hôtel secret où Sami et elle vivent pour le moment, peur que Navid soit suivi. Et puis, même quand elle réussit à oublier ces craintes-là un instant, elle doit s’avouer — quoique difficilement — qu’elle a aussi un peu peur de le voir. Ce n’est pas qu’elle a peur de lui bien sûr. Ni qu’elle lui impute de mauvaises intentions dans son envie à lui de la voir. Elle a simplement peur de ne pas le trouver aussi heureux que ses textos ont pu le laisser entendre qu’elle soit sa sœur. Elle a peur aussi qu’il n’apprécie pas cette nouvelle personne qu’elle ne peut qu’admettre qu’elle est devenue. Elle craint de le décevoir et elle craint tout simplement que leur rendez-vous ne se passe pas aussi bien qu’elle l’espère — qu'elle l'a espéré depuis qu'elle a appris la vérité sur sa filiation.

Pour autant elle l’a accepté, elle l’a organisé, et elle l’a invité à venir la retrouver. Et elle a beau demander à Sami encore et encore s’il est sûr que ce n’est pas un problème de rester seul dans la chambre, elle est excitée d’aller retrouver son frère. Elle n’a pas à aller loin de toute façon, juste quelques étages plus bas, au bar de l’hôtel. Elle a appris à considérer cet hôtel comme un endroit plutôt safe, puisque ça fait deux semaines qu’ils y sont avec Sami et que personne ne semble avoir fait fuiter l’information. Ils sont tranquilles. Et puis, dans le pire des cas, si on la voyait au bar, l’on pourrait simplement penser qu’elle est venue prendre un verre ici, pas nécessairement que c’est là qu’elle réside. Une fois que Sami l’a rassurée pour la énième fois et qu’elle a récupéré un sac à main, elle quitte la chambre sur un dernier baiser à son âme sœur, l’abandonnant à sa console de jeu. Elle arrive au bar, un peu vide à l’heure qu’il est, avant Navid et craint pendant quelques instants qu’il ne vienne pas. Ce n’est pas son genre pourtant. Elle ne croit pas. « Jaz… » Elle l’entend avant de le voir, mais ça ne change rien au soulagement qui l’enveloppe brusquement quand elle se retourne vers lui pour le prendre dans ses bras, satisfaite et rassurée qu’il se soit avancé pour le même geste — ça lui aurait brisé le cœur de percevoir une quelconque froideur de sa part. Elle le mériterait peut-être pourtant, après tout ce temps. « Je crois que je sais enfin ce que ressentent tes fans quand ils attendent des heures pour te voir seulement cinq minutes… » Il sourit et elle en fait de même, quoique sa risette soit légère, maladroite, désolée aussi. Elle a toujours été désolée pour ses pauvres fans qui en plus de la soutenir ardemment sans qu’elle ne le mérite à ses yeux véritablement, attendent parfois des heures dans le froid pour seulement l’apercevoir quelques instants. Tant de fois elle a dû insister auprès de son équipe pour qu’on la laisse au moins leur parler, prendre des photos, sans vraiment avoir l’impression d’avoir fait quelque chose de bien au final, ni avoir rendu leur longue attente worth it. Avec Navid c’est pire bien entendu. Elle a pensé aux Vane à Neodam évidemment. Mais elle ne savait pas si elle allait revenir un jour et elle n’avait pas de moyen de les contacter. Parler à Noora, même sans l’avoir fait exprès, à travers une fille très étrange de son cluster, l’a tellement chamboulée qu’elle n’a pas essayé ensuite de tirer profit de son point de contact tout aussi étrange avec Lupe par le biais de Scar. Elle avait trop peur à ce moment-là de découvrir les effets de son absence. Comme elle aurait voulu, ensuite de retour à Sigan, être réunie avec Navid, surtout à la villa Vane après avoir été “récupérée” par sa mère. Il aurait été un immense réconfort pour elle que de pouvoir lui parler un peu au moins, trouver un allié dans sa prison, mais c’est à peine s’ils se sont croisés.

« Je suis content que tu puisses être libre à nouveau ! Je te promets que je ne dirais à personne que je t’ai vu ici, ce soir. » Elle hoche lentement la tête, trop reconnaissante pour parler. Elle n’a pas envie que l’on vienne la trouver dans sa cachette et briser le maigre équilibre qu’elle a réussi à trouver ici. Elle n’a pas envie des flashs de paparazzi et des hurlements de fans et des questions intrusives de tous. Mais, surtout, elle n’a pas envie que Darya la retrouve. À sa mère, elle n’a adressé la parole qu’une seule fois depuis les Grammy’s, juste pour lui dire qu’elle allait bien, par texto aussi. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là, d’accord ? » Elle cligne des yeux et, de nouveau, hoche la tête, très émue. Navid est son petit frère, et il y a encore deux semaines il ne le savait même pas. Voilà pourtant maintenant qu’il lui offre une compassion dont elle n’a jamais fait que rêver de la part de sa famille — c’est faux, de Navid elle a toujours reçu plus d’affection que des autres réunis. « Je suis vraiment contente que tu sois venu, » finit-elle par réussir à dire la gorge nouée, avant de l’inviter à s’asseoir à une table dans un coin un peu à l’écart. « Normalement, on sera tranquilles ici. » Elle l’espère sincèrement.  « Tu veux boire quelque chose ? » Jaz sait qu’elle lui doit des explications, qu’il doit avoir des questions, et qu’elle devrait aussi certainement lui présenter quelques excuses. Elle sait aussi que cette question n’est qu’une façon de repousser un peu l’échéance et de rassembler son courage, de retrouver un peu son calme aussi après tant d’émotions. « Je- Je suis vraiment désolée tu sais ? De ne pas te l’avoir dit plus tôt…» Elle y a songé tellement de fois, en jouant avec lui aux jeux-vidéos ou en l’écoutant parler de son nouveau robot pour son prochain match de R-Fighting. Elle y a pensé et puis systématiquement elle a laissé la peur l’en empêcher, la bloquer complètement. Et s’il n’était pas content ? Et s’il ne la croyait pas ? Pire, et s’il le disait aux autres ? Maintenant tout le monde le sait et elle réalise que ses craintes n’étaient pas fondées. Navid l’aime quand même. Il ne lui en veut pas comme Noora. Son attention ne l’étouffe pas comme celle de Tami. Et elle lui semble sincère, contrairement aux tentatives de Sharzad. D’elle, Jaz ne veut pas entendre parler, pas plus que de Darya et elle espère que Navid ne les mentionera pas, même si c’est probablement trop lui en demander.

Spoiler:

Son émotion te touche. Tu ne t’attendais pas à ce qu’elle partage à ce point ton soulagement et instinctivement, tu retrouves ce lien si spécial qui vous unissait. Jaz a toujours été ta sœur. D’une certaine façon, tu ne l’as jamais perçue autrement, bien qu’elle ait été volontairement mise à l’écart de votre fratrie. Peut-être même que c’est ce qui t’a poussé à te rapprocher d’elle. Sa gentillesse et son attention à ton égard ayant fait le reste. « Je suis vraiment contente que tu sois venu » Bien que son attitude n’ait laissé aucun doute à ce sujet, tu es pourtant rassuré de l’entendre prononcer ces mots. Après tout, vous avez été séparés si longtemps… Et depuis son retour, elle était si inaccessible… Alors peut-être qu’un instant, tu as craint qu’elle ne t’associe à cette famille qu’elle cherche à fuir, pour de bonnes raisons. Et c’est pour ça qu’il était si important que tu la vois aujourd’hui. Pour tout éclaircir, pour que chacun puisse comprendre les désirs de l’autre. Elle te désigne une table à l’écart et tu la suis, t’installant à ses côtés. Parce que tu as besoin de cette proximité fraichement retrouvée. « Normalement, on sera tranquilles ici. » Tu lui fais confiance. T’es même prêt à suivre toutes ses directives, tant qu’elle te laisse une petite place dans sa vie. Afin de lui prouver que tu n’es pas comme votre mère et celle qui l’a élevé, tu la soutiendras, comme tu as toujours voulu le faire, sans en avoir réellement le pouvoir. Au fond, tu l’admires… Elle a réussi à fuir la pression familiale, à quitter cette prison dorée dans laquelle vous avez grandi. « Tu veux boire quelque chose ? » Un instant, tu hésites. Comme si ces besoins naturels, primaires, n’avaient plus aucun intérêt dans un moment comme celui-ci. Mais peut-être qu’une boisson te permettrait de te rafraichir les idées. Alors tu acceptes. « Je veux bien un soda, s’il te plait. » Tu ne la quittes pas des yeux. Elle est belle, ta sœur. A présent, tu parviens à voir la ressemblance, même le lien de parenté a toujours été évident. Elle n’est plus seulement ta cousine et même si sa vie doit en être chamboulée, tu voudrais pouvoir la protéger de tout ça.  « Je- Je suis vraiment désolée tu sais ? De ne pas te l’avoir dit plus tôt…» Un petit sourire apparaît à la commissure de tes lèvres. Elle n’a pas à s’excuser de quoi que ce soit. Ce n’était pas une révélation facile, loin de là. Personne n’aurait pu prédire vos réactions et tu ne peux pas lui en vouloir d’avoir eu peur. « Je ne suis pas en colère, Jaz. » Tout un tas d’émotions ont pu te traverser au cours des derniers mois. La peur, l’inquiétude, la tristesse, le soulagement, la joie. Mais jamais aucune colère ne s’est manifestée à son égard. Bien sûr, tu as été en colère contre Darya, contre tes parents qui n’ont pas su la protéger, contre cette guerre de clan et cette pression qui vous a tous étouffé. Mais cette fratrie dans laquelle tu as grandi, c’est ta véritable famille. Tu les aimes tous, plus que tu ne pourrais l’exprimer et Yasmeen n’a jamais fait exception. «  Tu as dû avoir peur… Je ne sais pas comment j’aurais réagi à ta place, si j’aurais pu l’avouer à quelqu’un. » Ta main vient se poser sur son bras et tu te rapproches imperceptiblement. « Tu ne pouvais pas prédire ma réaction et n’importe qui d’autre aurait eu peur du rejet. » Un léger haussement d’épaule et un regard malicieux viennent alors rompre le ton solennel de votre conversation. Peut-être dans l’espoir de l’aider à se détendre un peu. « Peut-être que j’ai été un peu vexé que tu me penses capable de te détester pour ça, mais Jaz… Tu m’as tellement manqué ! Je m’en fous de tout ça. Ce n’est pas un concours de celui qui a été prévenu en premier. » De toute façon, dans la famille, tu n’as jamais été le plus compétitif. Peut-être parce qu’au jeu de la popularité, tu avais déjà perdu d’avance. Tu ne possèdes pas les talents de tes aînés et personne ne s’intéresse à ce que tu peux réaliser. Ce qui n’est pas pour te déplaire. C’est sur la scène du R-fighting que tu espères briller et non sur les réseaux sociaux. Ce domaine-là, tu le laisses volontiers à tes sœurs. Elles ont le talent et la beauté nécessaire pour briller. Et ça n’a jamais été ton fort. « Je suis tellement content que tu sois revenu… Et cette nouvelle, pour moi ça veut juste dire que je n’ai plus à te considérer comme une sœur, parce que tu l’es et c’est forcément génial, tu vois. J’ai aucune raison d’être triste ou même en colère. Alors que toi, tu dois vivre en sachant qu’on t’a menti, que t’as grandi sans rien savoir… ça doit tout remettre en question et même si je ne peux pas me mettre à ta place, je comprends que ce secret ait été lourd à porter et à encaisser… » Ce n’est pas de la pitié qui t’anime, loin de là. Tu veux seulement qu’elle sache que tu y as beaucoup réfléchi et que tu as essayé de te mettre à sa place, de comprendre la détresse dans laquelle, elle a dû se trouver. Après ça, comment aurais-tu pu lui en vouloir ?

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