TWIN sa malédiction : être née
double plutôt qu'unique. Sharzad et sa sœur Darya Ardahvan ont été comparées dès le ventre, vouées par définition à devenir rivales, ennemies. issues d'une famille financièrement tout juste au-dessus de la moyenne et ayant migré à la capitale dans l'espoir de faire fortune, elles y ont connu les privations : estomacs négligés au profit d'un loyer exorbitant à payer, crainte constante d'être expulsée de ce paradis infernal. c'est dans ce cadre que s'est élaboré leur sens des priorités :
le succès avant le bien-être,
toujours. c'est la volonté de se distinguer l'une de l'autre qui les a poussées à chercher la
gloire. Darya en tant que chanteuse, Sharzad dans l'univers de la
danse. l'une a percé, l'autre est restée dans l'ombre : éternelle backup dancer dont les rêves se sont brisés sur les rouages d'un système qu'elle ne maîtrisait pas à l'époque. La roue n'a tourné que lorsque des nodules et une opération des cordes vocales mal exécutée, ont
ruiné la victoire de Darya sur sa jumelle. Tandis qu'elle se renfermait, brisée par la chute brutale et par le mépris dont elle écopait de la part de parents nullement compréhensifs, Sharzad s'est extirpée du néant par des moyens nullement conventionnels : une
sextape tournée avec nul autre que l'aîné Vanetti, héritier du véritable empire qu'est le
Labo X, spécialisé dans la robotique. Scandale certes —
attention plus encore. Elle est parvenue à se faire passer la bague au doigt par Antonio (dit Tonio ou Tony) Vanetti, haïe par ses beaux-parents mais presque ivre de l'adulation que lui vouaient ses géniteurs à présent que le Tout Brasilia n'avait que son nom sur les lèvres.
LOSS ses liens familiaux lui ont noué l'âme d'insatisfaction chronique et de crainte de l'échec ; de fait, le mariage n'a été à ses yeux qu'une bataille gagnée, pas une
finalité. Darya a contrattaqué en épousant le cadet Vanetti, talonnant à nouveau sa jumelle. Le round suivant a donc été l'étape naturelle de la
descendance et cette fois, Sharzad a immédiatement pris la tête avec la naissance d'un premier fils, Javed, en 1993, puis de
Tamina en 1996, alors que Darya enchaînait d'humiliantes (et dévastatrices) fausses-couches et playait sous les foudres de leur propre mère et le dédain glacé de leur père. le premier s'est avéré naturellement populaire, mais doué dans aucun domaine qui puisse intéresser sa mère ; Sharzad s'est donc contentée de l'affection qu'il attisait naturellement chez tous les
fils et filles de, en usant pour établir des connexions fructueuses mais laissant majoritairement le garçon aux mains de son père. Tamina, quant à elle, est née
parfaite. déroutée par l'envie de la garder constamment auprès d'elle, Sharzad s'est néanmoins laissée convaincre par sa génitrice, qui lui susurrait sans cesse par-dessus l'épaule que ne pas exploiter les talents de cette petite serait tout bonnement
criminel. a alors éclos l'addiction pour les
beauty pageants et autres castings que Tami a enchaînés comme si elle était réellement
née pour ça — suffisamment lumineuse, polyvalente et heureuse pour que Sharzad ravale son sentiment de culpabilité. enfin, en 98, alors que Darya annonçait fièrement une grossesse après de nombreux effet infructueux, Sharzad a asséné le coup final en révélant qu'elle attendait, pour sa part, des jumelles. grossesse extrêmement difficile, main protectrice constamment posée sur son ventre, murmures chargés d'amour et de promesses adressées à ses petites dernières — elle avait pris une
bonne résolution : celle de les chérir en toute équité, de faire d'elles les meilleures amies qui soient, plutôt que de les déchirer de la façon dont ses parents à elle l'avaient détruite dès le plus jeune âge.
Noora et
Jahaan, complémentaires,
lumières du monde. c'est alors qu'elle conduisait Tamina à un énième casting que Sharzad a perdu les eaux. conduite d'urgence à l'hôpital, elle a vu ses beaux rêves broyés par l'annonce fatidique de la mort d'une de ses filles, basculant dans une dépression sur laquelle elle n'est jamais parvenue à mettre des mots. le mal est invisible, mais la ronge encore ; le manque est presque
physique : de tous ses échecs, celui-ci a été le plus douloureux, tant un bout de son âme est mort avec cette enfant. plongée dans le mutisme plusieurs mois durant, elle a trouvé refuge à
Rivendell sous l'impulsion de son époux, bercée par les embruns de l'océan et éloignée du tapage de New Brasilia. à son retour, elle n'était qu'ambition et amertume, mue par une adoration mêlée de rancœur inavouée à l'encontre de Noorjahaan, petite rescapée sur les épaules de laquelle est retombée la détresse de la jeune mère, et plus encore dirigée contre
Yasmeen, unique fille de Darya. C'est insensé, irrationnel, mais le fait que les trois petites soient nées en même temps a nourri en Sharzad l'impression étrange que Yasmeen avait, d'une manière ou d'une autre,
volé la vie qui revenait de droit à sa propre fille. c'est sans doute horrible, mais Sharzad ne supporte même pas de la voir : c'est comme une brûlure et sa ressemblance avec Tami et Noora, son
potentiel, l'insupportent au plus haut point. inattendu et nullement calculé,
Navid a pointé le bout du nez en 2000, apaisant un peu la plaie qu'a laissé la perte d'une des jumelles.
MOMAGER Tamina est une
born actress et captive lorsqu'elle défile ; Sharzad s'est fait la main en prenant soin de sa carrière, investie à 200% assez exigeante pour la pousser à l'excellence et suffisamment aimante pour nouer avec elle une vraie complicité. mais avec Noora, tout a toujours été plus compliqué. elle a sombré dans la tentation de la comparer avec sa jumelle décédée, se demandant sans cesse si Jahaan aurait été meilleure ou moins bonne, quel que soit le domaine. sa mère ne cessant de critiquer une Noora qu'elle jugeait trop
fade, trop
morose,
bonne en rien, Sharzad a propulsé l'enfant dans le show business pour prouver que Noorjahaan n'était pas la benjamine de trop, mais une
perle n'attendant que de s'épanouir. succès mitigé : il a fallu la construire entièrement. elle n'aimait pas les projecteur, voulait être actrice comme Tamina mais s'était vite avérée incroyablement
piètre dans le domaine, trébuchait tous les deux pas une fois affublée d'une jolie robe et de talons. mais il y a eu le chant — parfait hasard,
révélation. rivale naturelle d'une Yasmeen que Darya poussait dans les
tous les domaines, Noora a involontairement attisé la fureur de Sharzad à l'encontre de sa nièce, et les deux gamines sont vite devenues
armes dans une lutte plus grande qu'elles.
momager par tous les temps, Sharzad exige le meilleur et ne lésine pas sur les moyens pour l'obtenir.
JAVED c'est le karma, a cruellement chantonné Darya le soir de l'annonce de la mort de Javed. il y avait quelque chose de tumultueux dans son regard, un brin de regret noyé sous une avalanche de satisfaction malsaine. Sharzad aurait voulu lui
arracher les yeux. cette étape de sa vie est un souvenir atroce — de l'annonce à l'enterrement en passant par la terrible étape de la reconnaissance du corps (des
restes). elle voudrait le gommer, l'effacer, et s'est dès lors attelée à l'enterrer sous des couches de déni. c'était en
2014. il était beau, son fils, fringant, attachant, et il tenait le monde entre ses mains. un mauvais jugement : sang mêlé d'alcool et baiser fiévreux échangé avec sa petite-amie alors qu'il conduisait — un instant fatidique, impardonnable, et le
crash. véhicule encastré dans un camion puis éjecté du pont, quatre presque-adultes morts avec lui dans l'accident. elle aurait pu devenir folle, Sharzad, folle de chagrin, alors son cœur a tout réprimé. instinct de survie, auto préservation, elle a éteint la douleur pour ne pas être achevée par elle.
Javed est un sujet tabou et nulle mention de lui n'est
tolérée, mot d'ordre adressé tant à la famille qu'aux médias. c'est comme s'il n'avait jamais existé. depuis, elle est plus présente que jamais dans la vie de chacun de ses enfants : envahissante, intraitable,
terrifiée.
FASHIONISTA elle fait partie des
influenceurs. finie, l'époque où Sharzad ne connaissait la gloire qu'à travers son époux ou ses enfants : elle est devenue une force avec laquelle il faut compter, notamment depuis qu'elle a monté la télé-réalité
Keeping Up with the Vanes (
nom choisi parce que représentatif à la fois de Ardahvan et de Vanetti) en 2010. si le show a été brutalement interrompu après la mort de Javed, il est fréquent que l'on réclame à Sharzad une nouvelle saison. elle en rit, écarte l'option d'un geste de main négligeant qui masque des battements de cœur accélérés. elle n'était tout bonnement pas
prête, jusqu'à présent, à imaginer le scénario sans Javed, et est passée à autre chose en lançant son
talk show,
The Queen Sha Show. mais de plus en plus, la possibilité de le relancer Keeping Up la taraude : les filles sont grandes, maintenant, et un tel coup de pouce à leurs carrières pourrait être palpitant. ce qui l'a freinée jusqu'à présent, c'était Shadi, qui exigeait qu'elle s'y remette mais en incluant
Jaz (Yasmeen). Sharzad a de
l'urticaire rien que d'y penser. elle a néanmoins fini par céder — quelques heures à peine après la disparition de Yasmeen le
25 janvier 2018, elle a signé pour autoriser la reprise de la télé-réalité et en léguer les reines à Shadi. pour sa part, elle en est
actrice tout en se consacrant à toutes ses occupations de
femme d'affaire surbookée. travaille à la confection d'une marque de Haute-Couture et de sous-vêtements de luxe, met Tamina et Noora en compétition pour le potentiel titre d'égérie ; défraye la chronique et inspire les tendances du moment de par son propre style ; reçoit des célébrités sur son plateau.
anecdotes en vrac elle ne sait pas que
Yasmeen est en fait sa fille, la jumelle prétendument décédée en 98. après avoir perdu son dernier enfant, Darya a
soudoyé un membre du personnel pour un échange : on lui a mis entre les bras l'une des jumelles, tandis que Sharzad s'entendait dire que sa seconde fille était malheureusement décédée.
elle aime chacun de ses enfants mais ne sait pas comment le faire
correctement, constamment influencée par sa propre mère, Shadi, qui a été un bien piètre modèle, et son père, Arnie, qui avait toujours le mot pour
démolir, avant sa mort (2016).
depuis qu'elle est veuve sa mère vit avec son mari et elle. tout comme Darya et Yasmeen, recueillies par son époux lorsque le frère cadet de ce dernier a
abandonné femme et enfant (exténué par l'attitude de Darya vis-à-vis de Yasmeen et incapable de la regarder exploiter celle qu'il pensait être "leur" fille). Sharzad ne s'est, étonnamment, opposée à aucune de ces idées : malgré elle, la notion du devoir familial est profondément ancré dans ses veines, et elle n'aurait pas été capable de laisser sa jumelle (quoique
honnie) à la rue en vivant, pour sa part, dans un luxe éhonté. elle a par contre plus de réticences quant au fait que ses beaux-parents exigent le même traitement. Sharzad ne les supporte pas et vice versa, et ne peut freiner ses violentes crises d'angoisse ou de nerfs à chaque fois que son époux semble sur le point de céder aux demandes répétitives de ses parents — il lui est déjà arrivé d'être hospitalisée à cause de ça. la pression quotidienne est déjà bien suffisante pour qu'elle accepte dans son entourage direct un duo dont la seule vocation est de la
rabaisser et de l'
injurier pour tout ce qu'elle est.