— deux somnambules,
deux funambules –
qui dansent et qui tournent au dessus du vide.
êtres sans parure, sans dorure ;
vous êtes de ces créatures nuptiales livides,
qui errent tard le soir dans les nuits polluées de la ville,
avec son ciel orangé et sa cacophonie incessante.
l’un qui s’éveille après l’incandescence d’un soir trop brûlant,
l’autre qui n’a pu clore les paupières sans chasser les pensées qui tourbillonnent dans sa tête.
aux quatre coins de la ville, et pourtant il y a ce fil,
ce lien qui vibre,
tressaute un instant –
des âmes qui se touchent,
qui se connaissent trop bien.
il est trois heures du matin.
« O M G ILS ONT TUE DEAN CES ENFOIRÉS et un fantôme a pop out of nowhere what c'est quoi cette série lol »un sms banal,
transformé en signal d’alerte brutal.
eiji qui fixe les lettres danser dans un océan de pixels –
à pas mettre bien longtemps pour comprendre où était le problème.
qui pour beaucoup n’en serait pas un ;
un cauchemar comme les autres,
un gars réveillé.
et pour eiji ça ressemble plus à une terreur nocturne,
un ami éraflé.
ou à la jambe carrément bousillée — t’es pas là pour qu’il puisse constater l’étendue des dégâts.
il saisit le téléphone,
prend une inspiration.
les doigts qui se glissent naturellement sur les touches, parce qu’il est facile de te parler.
de l’ouvrir et de dégueuler tout un tas de trucs,
alors qu’eiji il aime pas forcément parler –
ça parle de tout, de rien, des choses qui comptent et celles qui importent moins,
ça parle d’avenir (enfin pas trop), ça parle de souvenir (sûrement beaucoup trop)
de ceux à faire et de ceux déjà créés,
qui s’étalent là, à leurs pieds.
« j’te l’ai dit, ils ont écrit le scénario avec leur cul, mais faut croire qu’on aime les trucs de merde parce que PUTAIN ça me fait trop chié qu’ils l’aient tué. le seul perso potable dans l’histoire mdr. par contre t’es un bâtard tu m’as carrément spoilé nash, tu vas finir la tête dans les chiottes. »« c’est une promesse »au milieu des draps le géant s’étire,
deux pieds moitié dans le vide dans un lit trop large.
eiji qui tourne la tête vers le carreau à contempler les nuages grades et rougis par les cendres d’une cité déjà pourrie jusqu’à l’os.
qu’il aime.
à croire qu’il est comme baudelaire,
à avoir une passion pour les charognes.
un vautour décrépi, sans les belles plumes des rapaces,
juste à bouffer ce qu’il reste autour de la carcasse,
à effacer la mort et se fondre dans la masse ;
les rats et toutes les bestioles qu’on veut pas aimer,
qu’on doit pas aimer,
qui sont synonymes de pauvreté.
et eiji il se complait dans ce calvaire,
à pas avoir la sensation de devoir être quelqu’un,
de devoir être quelque chose pour les autres.
parce qu’à ce stade là, il n’y a plus rien qui compte,
surtout pas l’apparence.
et pourtant.
il se lève, chope sa veste et disparait,
sous les réverbères d’oriel.
à se diriger vers des lumières plus éclatantes.
trop éclatantes,
aveuglantes même.
faut dire qu’avec ses origines de bridé,
il risque pas d’ouvrir trop grand les yeux.
du moins pour ce monde là.
il en fera pas l’effort.
il entre chez nash sans trop prévenir,
les doigts tapent le code avec habitude,
et ouvrent la porte sans hésitation.
l’index qui presse le bouton d’étage comme s’il y vivait,
avec sa seule gueule qui fait tâche dans l’ascenseur qui coûte sûrement plus cher que sa piaule qui crie à l’insalubrité.
et c’est avec la même aisance qu’il pénètre dans le gigantesque penthouse de son meilleur ami,
qu’il ouvre sa porte,
à le narguer alors qu’il est étalé sur son lit.
j’t’ai dit que c’était une promesse.le sourire qui se dessine sur son visage,
franc,
provocant,
et eiji tourne la tête vers la télé toujours allumée.
ah mais l’épisode est même pas fini. t’aurais pu m’attendre petit con.en deux volées les godasses sont balancées,
et il s’étale sur le lit,
à lui donner un coup de coude au passage,
punition pour pacte d’amitié non respecté ;
acte 1. tu m’appelles si t’as envie de chialer.(icons : skate vibe)