it comes at night (nephtys#4)

Dans une autre situation, Ajay aurait été plus apte à garder son sang froid. Sa fierté en prend un coup, de savoir qu'à son âge il a encore peur des monstres dans le noir. C'est différent de quand il était enfant, parce que cette fois c'est bien plus réel et qu'il y a toujours de quoi se défendre quand on est petit ; l'imagination fait le reste. Mais de l'imagination, il n'en a plus beaucoup, sauf quand il s'agit de préparer un sale coup. Au final, il s'est préparé à affronter toutes sortes de situations cauchemardesques, mais certainement pas ce genre de situation. Il ne sait pas ce que Nephtys pense, mais il admire son sang froid. Lui n'est pas capable de garder les choses pour lui, malheureusement. Il n'aurait jamais pensé qu'une chose pareille puisse lui arriver, mais Ajay est malchanceux. Il n'a toujours été. Si il s'était trouvé en compagnie de quelqu'un d'autre, il aurait plus facilement exprimé les problèmes que lui posent un monde dans lequel il n'y a pas de lumières. Ou, pourquoi malgré sa réputation et l'air qu'il se donne, il n'arrive tout simplement pas à calmer les battements de son coeur et relativiser. Cependant, il n'y a personne à l'horizon, pas de Max, pas de Gali, même pas de Bobby. Il n'a que Nephtys et tout ce qu'elle fait pour l'instant, c'est l'empêcher de totalement perdre les pédales en le gardant suffisamment sur les nerfs. Il s'en veut de l'avoir violemment repoussé mais c'était plus fort que lui. Il n'a l'a pas vue venir et pendant un moment, il s'est imaginé que ça aurait pu être quelqu'un d'autre.
Il se répète encore une fois que ça pourrait être pire, il n'a pas fait de crise d'angoisse. Qu'il a de la chance de ne pas savoir sur quoi il marche, ça lui évite d'être encore plus dégoûté, le bruit suffisant amplement. Des petites choses ridicules et vaines.
Ce serait plus simple s'il y avait un gros interrupteur. Le King ricane mais il n'en pense pas un mot.
A ce niveau, ce n'est même plus de la peur. C'est du désespoir pur et dur. Ajay ne sait pas comment il va se tirer de là. Il a toujours un coup d'avance sur ce qui lui arrive, même dans le situations les plus désespérées. Le coup de chance du débutant. Et si ce n'est pas le cas, il a toujours plus d'un tour dans son sac. Il peut compter sur d'autres personnes pour venir lui sauver sa peau au dernier moment. Il l'avantage de connaître son quartier, d'avoir un bon sens de l'orientation, d'être un Nulls. Mais tout ça ne lui sert pas à grand chose ici, même son arme ne le protège pas. Il se retrouve littéralement vulnérable, autant physiquement que psychologiquement. Et son téléphone doit s'être totalement déchargé, l'isolant du reste du monde. Il ne sait plus ce qu'il en a fait après l'avoir mit dans sa poche - est-ce qu'il l'a seulement rangé ? Il a l'impression de devenir fou et de ne plus savoir ce qu'il fait. Dans sa poche, tout ce qu'il trouve, c'est son briquet qu'il pensait ne pas avoir emporté. Il se remercie d'avoir songé à le ranger avec ses cigarettes. Ses mains tremblement légèrement et il lui faut plusieurs essais pour l'allumer.
Le karma décide de lui faire une petite faveur quand la flamme s'allume. Si la lumière est moindre, il se sent rassuré par la présence du feu. A choisir, il aurait préféré manipuler le feu. Ses illusions ne sont pas utiles ici, non plus, puisqu'il ne sait pas à quoi ressemble ce monstre. Il a essayé de se le regarder mais la terreur dans sa poitrine l'en a dissuadé. Pour une bonne raison, sans doute.
J'imagine que ce serait trop beau que tu sois douée en manipulation du feu ? Je me suis toujours demandé quelle était ta discipline. Je trouve que ça va bien avec ton caractère.
Au bout de quelques mètres durant lesquels le King reste relativement docile, elle se met à vaciller plus intensément d'un coté. Un peu comme-ci il y avait du vent quelque part. Avant de faire quelque chose de stupide, il interroge Nephtys du regard. La curiosité étant plus forte que tout, il décide de suivre coûte que coûte ce qui excite la flamme, sans trop s'éloigner de la lumière de Nephtys.
Si elle est ici, c'est qu'elle a peur de quelque chose de plus intense que du noir. Il se demande si elle partage le même genre de passé que lui, en version plus condensée étant donné qu'elle est plus jeune que lui. Il n'arrive pas à se rappeler comment il était à l'époque, s'il gardait tout pour lui où s'il a toujours laissé les choses s'échapper trop facilement parce qu'il ne sait pas garder ces choses pour lui. Un genre d'instinct de survie qui l'empêche de se tuer à petit feu - ou plutôt, un peu plus lentement. C'es sans doute lié à Olivier. Il a été habitué à se sentir profondément mal depuis qu'il est jeune, d'une manière ou d'une autre, il a trouvé un moyen de survivre en ouvrant les vannes de temps en temps. Au moins le temps de rencontrer son âme et de se reconstruire doucement. Même s'il déteste avoir besoin du soutien des autres, Ajay doit admettre qu'il ne peut pas s'en sortir seul. Il a déjà été assez borné pour ne pas en parler à un spécialiste. Il est responsable d'au moins la moitié de ses problèmes.  

J-112

Elle relève même pas le fait qu’elle ait utilisé le mot “nous” dans sa phrase. Y pense même pas, a pas réfléchi. Parce qu’ils sont de toute façon ensemble dans cette impasse, dans cette merde, dans ce genre d’endroit qu’est peut-être un monde, mais dans lequel elle a le plus en plus peur de crever. Et let’s be clear, elle refuse de crever dans un dépotoir de moisi et de trucs gluants dégueulasses. Alors elle a utilisé “nous”, ouais. Parce qu’il semble, par on ne sait quel jeu, qu’ils se retrouvent toujours ensemble, tous les deux, quand un truc se passe de travers, ou quand un truc déconne. A croire qu’ils se portent la poisse. Lorsqu’ils sortiront de là, parce qu’ils vont sortir de là, Nephtys essayera de respecter un périmètre de sécurité autour d’Ajay, pour éviter de trop l’approcher. Malchance quand tu nous tiens. Ils devaient être ensemble pour s’en sortir, Nephtys le sentait. Elle qu’a plutôt tendance à être solitaire, et à toujours vouloir gérer ses problèmes seules, là, la présence d’Ajay à côtés s’avérait être presque rassurante. Même si son arme à feu n’avait aucun effet sur la créature qui semblait les pourchasser, lui, il était là. Et il avait une présence rassurante. Ce genre de mec à côté de qui on se sent en sécurité, s’il est de notre côté du combat.
Elle hausse juste un sourcil à sa remarque, la relevant pas. Elle l’aurait fait s’ils étaient pas dans cette situation. Elle aurait ironisé, aurait fait sa cynique, (sa pouffiasse). Elle le fait pas. Parce que l’ambiance est pas vraiment propice à l’ironie. Ni au cynisme, d’ailleurs. L’ambiance est propice à la peur et au sérieux. C’est rare, pour Nephtys. Elle a une vie qu’est plus rythmé par la colère que la tristesse, plus par la débauche que le sérieux. C’est nouveau. Nouveau et effrayant. L’endroit et l’ambiance. Elle est tombée dans un inconnu qui lui fait peur. Elle déteste ce qu’est inconnu. En général, elle aime explorer, mais pas à ce point, pas comme ça, pas sans qu’elle l’ait décidé. Elle aime pas le contrôle sur sa vie, pas qu’un passage secret ridicule l’emmène dans un endroit dans les ténèbres et dans le froid. Et encore une fois, c’est pas tant de mourir qui lui fait peur, plus le fait qu’elle puisse pas le décider par elle-même, le faire par elle-même. Passe rapidement dans son esprit l’idée que peut-être, si deux personnes meurent pas de la même manière, elles pourront pas se retrouver après. Nephtys lève les yeux au ciel, (chialeuse). Après la mort, y’a rien. La mort. Jean est partie, Jean reviendra jamais. Jean, elle est morte, en train de bouffer des pisselis par la racine, et se faire bouffer par des insectes. Elle est pas dans l’au delà ou autres conneries du genre. Elle est juste partie. Pour toujours. Si Nephtys meurt, elle la rejoindra pas. Mais au moins, elle souffrira pas de son absence. C’est ça, qui l’incite à continuer son compte à rebours.
Elle attend qu’Ajay parle, fasse un truc. Nephtys est paumée. Elle sait même plus quoi faire de ses dix doigts. Outre tenir la lampe de poche qui commence sérieusement à faiblir entre ses mains. Elle sait juste pas quoi faire. Elle est probablement un poids pour Ajay, mais à ce niveau là, ils sont probablement un poids l’un pour l’autre. Autant qu’une aide précieuse. Alors elle attend. Il sort un truc de sa poche, un briquet. Il réussit à l’allumer, et Nephtys réfléchit au fait qu’après tout, ce jour là, aucune des deux filles n’a essayé de le faire fuir avec du feu, le monstre. Que peut-être que le feu l’atteint. Après tout, Nephtys en sait rien. Nephtys est pas professionnelle en monstre. Peut-être que ça vaut le coup d’essayer de lui cramer la gueule, finalement.
Sa remarque la fait hausser les épaules. Il la voit pas, alors elle se contente d’un "non" simple. Non, elle maîtrise pas le feu. Et peut-être qu’il a pas tord, quand il remarque que ça correspondrait bien à son comportement. Peut-être qu’elle relève pas parce qu’elle se dit que c’est pas un compliment, venant de lui. (Connard). Relèverait si elle avait pas si peur du moindre bruit qu’elle peut provoquer. Elle pourrait lui dire qu’elle, c’est de la manipulation du corps, au niveau le plus nul qu’il soit. Qu’elle est capable de se soigner elle-même avec beaucoup d’effort, que ça la crève, et qu’elle dort pendant trois journées complètes derrière. Qu’elle est même pas capable de soigner les autres (qu’elle le ferait probablement pas, si elle pouvait). Elle lui dit pas. Il a pas besoin de savoir. Elle lui dira peut-être, s’ils s’en sortent tous les deux vivants.
Nephtys le voit se diriger dans le sens d’où vient un vent faible qui fait vaciller la flamme de son briquet. Nephtys est pas trop chaude pour le suivre, le fait finalement, a pas envie de rester seule. Se dit que c’est qu’elle a pas envie qu’il reste dans les ténèbres, seul. Essaye de se donner un minimum de bonne conscience.

Ajay, t’es sûr de c’que tu fais là ?

De la direction que tu prends. De l’endroit vers lequel tu te diriges ? Si y’a du vent, c’est peut-être un portail, mais c’est peut-être aussi la respiration d’un de ces monstres.
Et sa lampe s’éteint. Les piles sont mortes. Elle se dépêche de les sortir du manche, de les changer de place, essaye de rallumer ce qui, jusqu’à maintenant, les a maintenu en vie. Rien.

Putain.

Outre la petite flamme du briquet d’Ajay, ils sont dans le noir.
Nephtys ressent une présence derrière elle.

Ajay. Ajay, y’a un truc, derrière moi.

Essaye de marche vers l’avant, de courir vers lui, de se rapprocher de la lumière, a pas le temps. Se retrouve par terre, semblant être écrasée par une énorme patte. Un gigantesque pied, si ce truc est humanoïde. Et elle a juste mal. Très, très mal. Alors elle crie, et elle essaye de se débattre, difficilement. Y arrive pas. Compte sur Ajay pour faire un truc. Qui soit pas, égoïstement, de courir loin d’elle pour se mettre en sécurité.

Le noir, puis les cris, Nephtys qui crie et il a l'impression d'entendre la voix de Nameha.
Plusieurs solutions se proposent à lui. Dès l'instant où c'est au tour de Nephtys de souffrir de la présence du monstre, le cerveau du King bouillonne et entendre son prénom crié de la sorte lui rappelle de douloureux souvenirs. Il est comme un lapin prit dans des phares, incapable de protéger quelq'un.
C'est le moment rêvé pour prendre la poudre d'escampette. Courir le plus vite possible, allez le plus loin possible, ne pas se retourner. S'il la laisse là il peut s'en sortir. Ajay est égoïste. Il veut retrouver son âme soeur, il ne veut pas mourir dans un endroit pareil. Il veut rentrer chez lui et c'est tout ce qui est sensé compter. Cependant, il a aussi une conscience qui a suffisamment souffert de la perte d'êtres chers par sa négligence.
Et cette conscience refuse de la laisser alors qu'elle s'est débrouillée pour ne pas l'abandonner. Il n'a pas beaucoup de possibilités, ni de temps. Mais il va le faire, parce qu'il lui doit soit et que c'est de sa faute. Elle aurait pu s'en sortir si elle n'avait pas croisé sa route. Le King commence à penser qu'il est maudit.
Ajay prend une grande inspiration  et se jette dans le vide. Son corps rencontre quelque chose de poilu qui grogne et a un mouvement de recul suffisant pour qu'il attrape la main de Nephtys afin de  la ramener contre lui. Il est brusque et a sans doute du lui faire mal mais il n'a plus le temps de rire. Il fait appel à toute sa force pour la redresser et s'assurer qu'elle ne soit pas trop secouée. Il ne peut pas voir si elle est blessé, si elle saigne, il espère que ce n'est rien de trop grave.
Là, maintenant, il a autre chose en tête et pas le temps de s'occuper de dommages collatéraux. Va t-en ! lui hurle t-il alors qu'il la repousse loin de la créature.
La petite flamme de permet pas de voir grand chose, de toute manière il n'y aura bientôt plus de lumière.
Il comprend qu'il ne vont pas s'en  sortir tous les deux.
Ce qu'il fait est inconsidéré. Il y a peu de chance qu'il réussisse mais c'est la dernière solution. Ajay profite une dernière fois de la lumière pour observer  ce qui l'entoure et  envoie son briquet en l'air. Il tire dessus à l'aveugle, en se fiant à son instinct.

Choix 1 : Ajay est putain de chanceux et la balle érafle suffisament le briquet pour créer une étincelle qui fait exploser le gaz à l'intérieur. La créature s'enflamme, la voie est libre est libre et le portail proche mais la bête est vraiment en colère. Il faut pas traîner.
Choix 2 : C'est inutile, Ajay a perdu son briquet et ils se retrouvent dans le noir complet cette fois-ci. Le bruit a sonné momentanément le monstre mais dès qu'il reprend ses esprits il s'en prend à la personne à l'origine de ce tir. Nephtys a le temps de s'enfuir si elle ne reste pas là.

J-112

Même si son envie profonde est égoïste. C’est de l’instinct de survie. Elle a envie qu’il reste, qu’il l’aide. Et pas qu’il la laisse crever là comme une malpropre. D’un autre côté, à quelques secondes de la mort, elle se dit qu’il mérite peut-être pas ça. De se mettre en danger pour elle. Alors que, de toute façon, elle a prévu de mettre fin à ses jours dans moins de cinq mois. Vraiment. Elle se dit qu’il mérite mieux. Et puis, peut-être qu’à l’inverse d’elle, il a quelqu’un qui l’attend à la maison. Même si Nephtys imagine assez mal Ajay avec une femme et un enfant à charge (peut-être que c’est lié aux prostituées, ou peut-être que c’est lié au flingue), il se dit qu’il doit avoir quelqu’un, probablement. Même si c’est pas sérieux, même si c’est juste comme ça. Peut-être que c’est sérieux. Peut-être qu’il a quelqu’un dans sa vie pour qui il continue de se lever tous les matins. Cette personne que Nephtys elle, a perdu, quand Jean est partie. Et rien que pour ça, Ajay devrait pas rester et l’aider. T’façon, Nephtys pourrait pas lui en vouloir, une fois morte. C’est pas comme si les fantômes existaient après tout.
Pourtant, il sent rapidement la pression sur ses côtes se dissiper. Entend le monstre grogner. Et la main d’Ajay la relever. Elle atterrit violemment sur ses pieds, et elle a juste mal. Rien d’étonnant, elle a entendu quelque chose craquer lorsque le monstre a appuyer sur ses côtes. Elle a mal. La douleur est pas rien comparé à la peur qu’elle ressent, pourtant. Et elle pleure. Les larmes coulent sur ses joues, tombent sans vraiment qu’elle s’en rende compte. C’est un automatisme de son corps qui voudrait juste qu’elle abandonne. Nephtys refuse d’abandonner. Pas maintenant. Et quand Ajay lui demande de s’en aller, en la poussant vers les ténèbres, vers autre part, vers loin de la créature, elle secoue la tête. Il la voit pas. C’est pas grave. Aucune chance qu’elle le laisse là. T’façon, à coup sûr ce monstre est pas seul, dans ce monde. Y’en a d’autres. S’ils se séparent, et qu’ils se retrouvent tous les deux face à un monstre différent, ils auront personne pour les sortir de là.
Elle voit Ajay lancer son briquet dans les airs, et Nephtys écarquille les yeux. What the hell ? Elle entend une détonation, comprend qu’il a probablement essayé de viser son briquet. Et damn, ça aurait été une bonne idée s’il avait pas loupé la cible. Nephtys se serait sentie obligé de se moquer s’ils avaient pas été dans cette situation. Mais ils sont dans cette situation. Et le monstre est encore proche d’eux, elle le sent. Tout le côté de son corps lui fait mal. Et elle sait juste. Pas quoi faire. Elle renifle un peu. Elle a juste envie de s’asseoir, et d’attendre de se faire buter en fumant une clope.
Une clope. Elle a des clopes, tout le temps sur elle. Elle a de quoi les allumer aussi. Elle se dépêche de fouiller dans ses poches. Y trouve rapidement son zippo. Et Nephtys se transforme, réfléchit.
Allume le briquet, jette son sac par terre, no shame. Elle a pas qu’un zippo avec elle. Parce que Nephtys fume excessivement. Nephtys boit aussi, excessivement. Elle s’accroupit, ouvre son sac rapidement, en sort une bouteille de vodka quasiment entière. Elle comptait la boire tranquille, assise dans un coin de rue après avoir fuit Jamie.
Elle sait pas trop comment procéder, mais là où elle en est, elle peut juste faire ce qui lui passe par la tête. Alors la bouteille de vodka sous le bras et le zippo allumé dans la main, elle choppe Ajay par le bras et l’amène près d’elle. Elle espère un peu que le monstre soit resté plus vers là où ils étaient plus tôt. Déverse l’alcool à ses pieds, essaye de le balancer plus loin aussi. Va même jusqu’à faire un genre de ce qu’elle imagine être cercle vers là où, plus ou moins, elle se rappelait d’avoir vu la créature. De là où elle sent sa présence, en tout cas. L'encercle pas totalement, a pas le courage, ni le liquide nécessaire pour. S’est éloignée d’Ajay, sent le souffle de la créature face à elle. C’est maintenant ou jamais. Elle allume le zippo, et la lumière qu’il projette la laisse entrevoir le museau horrifiant du monstre face à elle. Elle lâche le zippo, se recule rapidement et le feu prend. Vraiment. Encercle quasiment la créature qui a encore une place derrière elle pour se retirer des flammes.
Nephtys tourne la tête vers Ajay. Elle le voit, derrière le feu, du même côté qu’elle, mais plus là où elle avait commencé le chemin d’alcool. Elle se sent presque trop loin de lui. C’est bizarre. Elle lance sa tête vers l’arrière. Ils sont pas sauvés, mais c’est quelques secondes de répit. Quelques secondes à prendre. Sa douleur sur ses côtes se refait entendre, et son visage se contorsionne dans une grimace pas franchement jolie. Elle se rapproche doucement d’Ajay. Comme elle peut. Ils ont un peu de temps, maintenant. Elle est contente d’avoir pu trouver une solution qui puisse les sauver tous les deux.
Elle aurait jamais penser que vivre comme un déchet allait lui sauver la vie.

La détonation résonne dans le vide mais rien ne se passe. Il n'entend même pas le briquet retomber à terre, ni le mouvement du monstre qui se jette sur lui. Il ne peut que ressentir le poids qui s'écrase sur son corps et qui le cloue au sol, le souffle coupé pendant de précieuses secondes. Il ne crie même pas cette fois, sa voix meurt dans sa gorge, la surprise le paralyse. Il s'imagine que cette fois c'est la bonne et ce n'est pas à son avantage. Il va y rester. Il essaye de se débattre mais il arrive à peine à bouger, il commence aussi à s'épuiser. Sans doute la fatigue. Ajay est épuisé. Il passe sa vie à échapper à la malchance, mais d'habitude, les monstres qui essayent de lui faire la peau sont aussi humains que lui. C'est beaucoup plus facile de tuer un autre homme, conscience mise à part. Les faiblesses sont plus visibles, presque évidentes, contrairement à une bête dont il ne peut pas voir le visage. Il lui faut faire l'effort de libérer ses bras pour essayer de contrôler la pression sur son torse. Sinon il va finir par étouffer. Il ne sait même pas où il met les mains, incapable de deviner s'il s'agit de poils, de duvet ou de plumes. Il ne veut pas savoir ce qu'est la substance visqueuse qu'il touche autour de lui et craint un instant qu'il ne s'agisse de son sang. Peut-être qu'il est en train de se vider de ses entrailles au final. Il n'arrive pas à déterminer quoi que ce soit, il est juste victime de la douleur. Il lève les bras à la recherche de n'importe qu'elle prise.
C'est la main de Nephtys - il espère - qui lui donne le courage de libérer sa jambe et  balancer son pied dans ce qui semble être le nez ou la tête de la bête au passage, comme une petite vengeance personnelle. Il se redresse en titubant, à bout de souffle et secoué par ce qu'il vient de lui arriver. Mais il n'est pas au bout de sa peine et sait qu'ils sont loin d'être sorti d'affaire. Il va pour faire une réflexion sur le gaspillage de la vodka qui lui sature les narines, dans l'espoir de se calmer lui, plus que de pour faire de l'humour, mais s'arrête en chemin. Il préfère la former pour cette fois-ci. Il devine inconsciemment ce qui va se passer et se recule un maximum, plus effrayé par la suite des choses que par la bête. Il doit vaincre sa peur irrationnelle c’est peut-être le seul moyen de sortir. Mais il n’aime pas ça. Il ne se plaint pas parce que c’est tout ce qu’ils ont, c’est leur seule chance de survie. Mais une part de lui hurle à l’agonie et préfère encore le souffle chaud de la bête contre sa gorge, plutôt que de rester en sécurité auprès de flammes. Il recule jusqu'à ce que la petite du flamme du briquet se transforme en brasier. Encore une fois. La chaleur est réelle ce fois, le fait transpirer à travers ses vêtements et pourtant, son sang se glace dans ses veines. Il reste planté comme un bâton. Derrière le rideau de flammes, le visage de Nephtys ressemble à celui de Nameha, il voit qu'elle souffre mais il n'ose toujours pas faire le moindre mouvement pour lui offrir son épaule ou la réconforter. Il l'imagine elle, mais il imagine Gali aussi. Il imagine tout le monde brûler. Son monde entier qui part en cendres. Il a l'impression de vivre les mêmes choses en boucle inlassablement. Il la fixe de toute sa hauteur quand elle revient vers lui et recule au fur et à mesure qu'elle se rapproche. Il s'arrête au bout d'une dizaine de pas. Ajay se raisonne. Tant bien que mal, il essaye de reprendre pied avec la réalité et se rassurer. Le temps joue conte eux et il n'a pas de temps à perdre, il faut courir. S'enfuir. Comme ce soir là, comme tous les autres. Il s'imagine un moment que Gali soit derrière ses flammes et qu'il appelle à l'aide. Au bout d'un moment, Ajay ne sait même pas ce qui est réel et n'est pas. Il entend encore hurler dans sa tête, l'agonie de celle qu'il a aimé, des femmes de sa vie. Et dans un futur proche, de la personne avec qui il s'est fiancé. Peut-être sur un coup de tête beaucoup trop tôt. Mais finalement il a bien fait. Parce qu'il n'est pas certains d'avoir le temps d'attendre encore. Il n'est pas certains de s'en sortir. Tu aurais pu prévenir, j'ai vraiment peur du feu.
Ils n'y arriveront pas. Ces conneries de compliment, les signes de reconnaissances. Mais elle lui a sauvé la vie et ça ça a bien un peu de valeur à ses yeux. Merci. Cette fois, j'ai vraiment eu peur d'y passer. Il admet à demi-mot. Il a pas envie de finir ses jours ici, même si il y a quelques années, ça ne l'aurait pas dérangé plus que ça. Mais maintenant, il y a quelqu'un qui l'attend à la maison. Il espère que c'est le cas de Nephtys aussi, qu'elle n'est pas seule. Il ne sait pas s'il y a quelque chose entre elle et Jamie. Visiblement elles tiennent respectivement l'une à l'autre. Mais ça a l'air plus compliqué que ça. C'est un peu comme lui et Diana, ce serait évident pour les autres, s'ils renteraient dans leur intimité et étaient témoins d'où elle pose ses pattes. Sauf que c'est pas ça.  Ses yeux se perdent une dernière fois dans ceux de la jeune fille, il essaye d'y lire quelque chose pour la première fois. Sans aucun méprit ni jugement, mais en temps que personne. Puis dans la direction du monstre, une dernière fois le voir brûler lui et pas les autres, et le King fait volte face. Une douleur à la jambe l'empêche de courir mais il marche vite et se retourne de temps à autres pour s'assurer que Nephtys est proche de lui, jusqu'à ce que la lumière des flammes s'estompent et qu'ils ne reviennent peu à peu à l'obscurité angoissante. Si ce truc est attirée par le peur, alors tu ferais vraiment mieux de t'éloigner, parce que j'ai peur de beaucoup de choses. Il ne sait pas pourquoi il lui dit ça maintenant, il a l'impression de révéler quelque chose qui pourrait lui porter préjudice. Parce qu'il s'imagine qu'elle va se moquer de lui et elle n'aurait pas totalement tort. Il est ridicule quand il parle de ses sentiments, surtout ceux qui font battre son coeur plus vite et qui le font réellement sourire. Il aime trop fort, réellement. J'ai peur de perdre quelqu'un qui compte beaucoup pour moi. Il s'appelle Gali. C'est mon âme soeur et... bref Gali. Il ne pense qu'à lui. Même dans les pires moment comme celui-ci, quand il comble silence et vide pour faire fuir ses craintes, en pensant à des choses positives.Il pense à lui, un peu à Max qu'il sait fort. Il pense à sa propre personne qui rêve d'un peu de repos.  Je préfère encore mourir que de perdre quelqu'un à nouveau.
Il reste en suspend. Parce qu'il ne parlera pas de Nameha, pas aujourd'hui. Pas maintenant.

J-112

Elle s’approche, s’approche. Le voit reculer. Sérieusement, pendant un instant, elle se demande si c’est pas elle, qui lui fait peur. Elle se demande pourquoi, aussi. Se demande rapidement s’il aurait pas peur du feu. Et se rappelle que c’est la chose la plus ridicule du monde. Parce que, franchement, il a essayé de péter son briquet tout à l’heure, et il l’aurait pas fait s’il avait eu peur du feu, non ? Et même si c’était l’cas, y’a franchement plus flippant qu’une petite flamme là, actuellement, près d’eux. Mais Nephtys est pas en état de rire, ni de se moquer. Alors elle continue à avancer vers lui. Elle veut juste être proche de quelqu’un, dans ce monde qu’est juste ténèbres et silence et monstres affreux. Dans ce monde qui la fait flipper. Qui lui rappelle un peu trop la sensation qu’elle a eu, ce soir là. Avec Jean. La peur qu’elle a ressenti. La seule différence, c’est que la petite brune s’est transformée en grand brun. Qu’elle n’est pas amoureuse de lui. Et que le dégoût et l’envie de gerber ne fait pas partie de l’ambiance. Finalement, il s’arrête de reculer, et ça permet à Nephtys de le rejoindre plus rapidement. Elle avait aucune envie de lui courir après, mais s’il s’est arrêté, alors elle préfère pas le faire attendre. Il faut qu’ils se cassent d’ici, et vite. Elle s’inquiète un peu de savoir qu’il peut ne pas être seul habitant de ce monde, que des monstres comme lui, il y en a forcément d’autres. Mais sur le moment, pense surtout au fait que celui là, de monstre, il est derrière eux maintenant. Et qu’ils doivent juste courir, partir, s’enfuir. Elle peut pas vraiment courir, pourrait si elle forçait. Mais force pas, pas tout de suite. Marche vite vers Ajay. Le rejoint rapidement. Et elle entend sa phrase, comme au loin. Elle est trop concentrée sur l’idée de partir et de s’enfuir pour faire attention à ce qu’il lui dit présentement. Elle comprend le sens de ses mots pourtant. Il a vraiment peur du feu. Sans aucun doute que dans n’importe quelle autre situation, Nephtys se serait moquée (connasse). Mais comme quoi, les pires situations, chez elle, ça fait ressortir le bon.
Le merci la fait sourire, pourtant. Elle qu’est si habituée aux sourires cyniques et moqueurs. Cette fois c’est un réel sourire qui fronce un peu les plis de son visage. Elle est pas vraiment habituée à ce qu’on la remercie, aussi. Y’a les clients, mais c’est différent. Les clients, elle a jamais été dans une situation comme ça avec eux. Alors qu’Ajay, ça fait déjà deux fois. Trois en comptant la panne d’essence. Ils risquaient pas vraiment de mourir ce jour là. Mais c’est resté un très mauvais souvenir. Il se met à marcher, et elle le suit. Un peu à l’aveugle. Parce qu’ils ont plus rien pour s’éclairer. Entend ses pas, et essaye de les suivre. Et ses pas sont pas réguliers. Il doit boiter sérieusement. Il pourrait peut-être pas courir lui, s’il le voulait. S’ils devaient se mettre à courir, Nephtys sait pas ce qu’elle ferait. Elle pourrait, elle. Mais laisser Ajay derrière lui semble être de moins en moins une bonne idée. De plus en plus une idée raisonnable. Mais Nephtys s’attache rarement. Et elle sait, elle sait qu’au fond, elle est pas égoïste. Si Ajay peut pas courir, et que pour vivre, ils le doivent, Nephtys sait pas, actuellement, ce qu’elle ferait.
Il se remet à parler, et Nephtys écoute. Dépitée par les décisions qu’elle pourrait venir à prendre. Elle aime pas ça. Du tout. Elle a pas vécu grand chose avec le mafieux, ok. Elle l’apprécie même pas, pour être honnête. Mais imaginer de le laisser crever là, juste parce qu’il peut plus courir, parce qu’il pourrait pas avoir la possibilité de s’échapper, ça lui fait un truc, au creux des poumons. Elle aime pas ça. Elle est pas sentimentale Nephtys. Elle l’est plus. Ajay parle de ses peurs, et Nephtys tend l’oreille. Mauvaise idée, probablement. Et il continue de parler. Parle de quelqu’un qui compte pour lui. Son âme soeur. Gali. Nephtys laisse échapper un ricanement discret. Elle en a connu un, de Gali. Elle pense à lui parfois. Elle se demande ce qu’il devient. L’imagine dans un caniveau avec une seringue dans le bras. Ce serait pas étonnant. Puis il parle de le perdre. Puis de perdre à nouveau. Et Nephtys a pas envie d’entendre tout ça. Parce qu’elle a pas envie de se sentir attendrie. Elle fait pas ça. Plus depuis Jean.

Y’a personne que j’ai peur de perdre. Je supporte pas ma soulmate, c’est une pétasse. Et.

La femme de ma vie est plus là. C’est ça, qu’elle s'apprêtait à dire. Elle s’est arrêté. Il a pas besoin de savoir ça. Il doit pas savoir ça. Elle baisse les yeux au sol deux secondes.

Tu vas pas mourir, et tu vas perdre personne. On va sortir d’ici. Et t’iras retrouver ton Gali. J’irai retrouver mes motos.

C’est ça. C’est ce qu’ils vont faire. C’est ce qu’il faut qu’ils fassent. Elle s’avance vers Ajay, s’apprête à poser sa main sur son épaule (ou sur lui, en tout cas, pas vraiment sûre de toucher l’épaule). C’est qu’il fait noir. Et que suivre le bruit des pas, c’est fatiguant. Et stressant. Et effrayant. Mais y’a plus rien. Y’a plus personne. Elle tourne, sa main en avant.

Ajay ! Ajay !

Elle finit son tour, sa main se pose sur des poils. Et elle connaît ces poils. Et la peur la fige sur place. Elle a peur pour sa vie. Et peur parce qu’en quelques secondes, elle s’imagine qu’Ajay est peut-être déjà mort. Et ça, ça la terrifie.

Il se souvient de ce qu'il a ressenti quand il a découvert qu'il avait deux âmes-sœurs, comme-ci une seule ne suffisait pas. Il avait envie de la détester, qui que soit cette personne, puisqu'elle n'était pas la femme qu'il aimait. Cela n'avait pas d'importance pour lui, puisqu'elle était morte alors personne d'autre ne comptait. Pas même lui, ça ne comptait plus. Il était hors jeu, tout ce qui le motivait à se lever le matin venait de s'évaporer dans l'air sans qu'il ne puisse rien faire. Et la promesse d'une nouvelle rencontre lui donnait envie de vomir ; ce n'était pas assez pour le destin, ou dieu, ou qui que ce soit, gentiment perché sur son nuage. Il fallait qu'il souffre encore. C'est ce qui l'a tué à petit feu tout en le maintenant vivant. Sa vie n'est qu'un enchaînement de situations désastreuses et cocasses, qui lui auraient valu de mourir dix fois s'il était chanceux. Mais Ajay ne l'est qu'aux cartes, il arrive à se tirer des situations en un seul morceau. Il peut toujours les cinq doigts de chacune de ses mains et n'a du payer que le prix de quelques cicatrices, qui sont d'avantage des marques que des reliefs désagréable au toucher. Il survit, avec un talent qui lui est propre et en général, au dépit de ceux qui s'approchent et qui partagent un bout de son chemin. Ajay était comme Nephtys, il n'aimait pas son âme soeur, sans l'avoir rencontré. Puis quand il a rencontré Aquila, il était aussi soulagé que remonté.
Qu'on lui ait collé un foutu érudit, à qui il a mentit durant tout ce temps sur sa véritable identité et qui a en mains les clefs pour le foutre en taule. Puis, il a su pour Gali et quelque chose à changé. Il n'a pas réussi à le détester comme il le voulait, malgré sa trahison. Il s'est montré lâche pour une fois. Et la récompense qu'il en a tiré lui a donné envie de se montrer lâche une seconde fois, une troisième fois. Peut-être toute la vie.
Parce que Gali était différent et surtout, il l'aimait sincèrement. Proche de désespoir qu'on peut ressentir quand notre vie ne tient qu'à un seul fil. Seulement à un regard. J'ai perdu la seule femme que j'ai aimé. L'air est toujours aussi moisi à cause des ténèbres, le sol ne se dérobe pas sous ses pieds et son fantôme n'essaye pas de le poursuivre pour le brûler vif. Il vient d'avouer quelque chose, sans rentrer dans les détails.   Je ne voyais pas l'intérêt d'avoir une âme soeur, jusqu'à ce que je le rencontre quand il bossait pour moi. Enfin... bref, t'imagines Quelqu'un qu'il a plus ou moins tenu en esclavage. Parce que c'est le cas, dissimulé, derrière de grands discours, de belles promesses. Derrière les billets qui peuvent éponger les larmes et les coulisses des rideaux rouges. Derrière tout ça, ce n'est ni plus ni moins que du commerce d'homme et de femmes désespérés, qui comme lui n'avaient pas le choix à ce moment là. A qui il a offert une illusion pour se donner une bonne conscience, dans son délire paternaliste. Pour remplir le vide béant qu'est sa vie sans le crime et un flingue dans sa main. Sauf que jusqu'à présent, il n'avait jamais ressenti de sentiment pour ces gens là. De vrais sentiments. J'ai appris que c'était mon âme-soeur.  Alors j'ai fait quelque chose de vraiment stupide. Il l'a demandé en mariage. Il lui a dit je t'aime. Encore et encore dans ses rêves, puis en le touchant. Il l'a laissé entrer dans sa maison, dans son lit, dans son corps et.
Et l'idée de ne plus jamais le revoir est tellement douloureuse qu'il ne fait même pas attention à tout ce qu'il a déjà dévoilé. Ça n'aura pas de sens s'il meurt de toute manière. Tu vas pas mourir, et tu vas perdre personne. Mais Nameha est morte, Jaco est mort, Romir est parti. Même ses parents sont partis. J'ai une faveur à te demander. S'il m'arrive quelque chose, je veux que tu ailles le voir. Il s'appelle Galileo Bruni. Il ne mérite pas... de ne pas pas savoir. Dit lui que je l'aimerai toujours. La peur de l'abandon à cinquante balais lui donne l'impression d'être encore un gosse qui recherche l'attention, l'amour. Son esprit est vidé petit à petit de toute peur. Il peut sentir la présence de Gali si proche, peut-être que s'il force, il pourrait rentrer en contact lui et sorti mais...
Nephtys hurle et tout se brise aussi vite que la sensation s'est emparée de son âme. Le King fait vole face, uniquement mû par l'adrénaline. Néanmoins, le dernier choc avec le monstre ralentit ses mouvements ; il a du être blessé. Il fait ce qu'il a fait de mieux pour l'instant, attraper Nephtys par le col pour la tirer de là et courir. COURS ! Ne te retourne pas.
Ajay court, il court jusqu'à ne plus avoir de souffle. Jusqu'à ne plus entendre que le seul bruit sifflant de sa respiration. Quand il se retourne, il n'entend pas un bruit. Pas un pas. Nephtys ? La solitude vient l'éteindre et l'effraie comme il ne l'a jamais été.
Nephtys a dispu.  

J-112

Il lui suffit de quelques secondes pour se reculer. Doucement. De la créature qu’elle imagine face à elle. (Putain Ajay). Elle a peur pour lui. Et elle qui faisait la fière, plus tôt, en se disant que de toute façon, si elle mourrait, ce serait que d’avancer l’inévitable. Mais c’est pas vrai. C’est une connerie. Elle veut pas mourir, Nephtys, pas comme ça. C’est trop facile. Puis, finalement, elle veut pas mourir, du tout. Elle veut pas non plus que les gens autour d’elle meurent. Ils sont rares. Ils sont pas nombreux, ceux qui sont vraiment proches. Y’a Jamie, y’a Néfer. Y’a Ajay, maintenant. C’est étrange. Parce qu’ils sont pas proches. Ils ont juste cette capacité à toujours se retrouver dans les pires des situations ensembles. Et à s’en sortir, ensemble. Elle veut perdre personne d’autre. Jean, c’était suffisant. Elle, c’était suffisant. Son intérieur a brûlé quand Jean s’est suicidé. Et elle en peut plus. Elle veut plus. Perdre Jamie, ce serait insupportable, perdre Néfer, elle préfère même pas en parler. Perdre ses soeurs, pareil. Mais surtout Jamie. Et Ajay, Ajay en soi, elle serait triste, mais sans plus. C’est pas ça, le probléme, c’est pas elle. C’est Gali qui l’attend. C’est le fait, qu’à l’inverse de Nephtys, lui, il a quelqu’un qui l’attend à la maison. Nephtys, elle a juste Jamie. Nephtys, elle a juste une famille qui l’a rejeté à moitié. Mais lui, lui il a autre chose. Il a l’amour, ça se voit, ça s’entend. Et Nephtys est pas une connasse, elle peut pas, veut pas le laisser mourir là. Elle refuse de partir sans lui. Même si, actuellement, la peur la paralyse.
Elle a retenu tout ce qu’elle a entendu, tout ce qu’Ajay lui a dit. Elle a retenu que lui aussi, il a perdu la seule femme qu’il ait aimé. Et Nephtys sent une larme couler sur sa joue. Elle l’essuie, rapidement. Pas que quiconque puisse la voir, dans l’obscurité ambiante. Ils se ressemblent plus qu’elle ne le pensait. Et ça la fait souffrir. Même si, dans une autre situation, ça l’aurait fait sourire, cyniquement. Elle a retenu qu’il a trouvé son âme soeur, qu’il se prostituait, elle le comprend. Elle a retenu le mot stupide. Et Nephtys pense que ce n’était probablement pas stupide. Parce qu’il est tombé amoureux de cet âme-soeur. Qu’il en a, de la chance, d’avoir pu passer à autre chose. C’est pas le cas de Nephtys. Et certainement pas avec son âme-soeur, à elle. Non, Nephtys sait, que la seule personne qui un jour pourrait lui faire oublier Jean, c’est cette personne, à l’autre bout du numéro inconnu. Une fille. Une autre fille. Qu’elle connait pas. Il faudrait, qu’elle la rencontre. Sérieusement. Elle refuse de mourir sans l’avoir rencontré. Et ça semble urger. Elle a enfin retenu ce qu’il lui a demandé. Elle a retenu le nom. A bloqué sur le nom. Ajay a pas vu ses yeux s’écarquiller, sa bouche s’ouvrir de surprise et d’incrédulité. Elle sait qu’il pourrait exister plusieurs Galileo. Probablement pas plusieurs Galileo Bruni, tho. A retenu le message à lui faire passer. Sait qu’elle pourra pas, sans pleurer. Sait que c’est pas grave. Parce que s’il y a une personne en face de qui elle peut se laisser aller, c’est Gali.
Et tout a été très vite. Il lui a demandé de courir, elle a couru. Vite, le plus vite possible. A reculon.
Quelques secondes pour se reculer, et percuter un mur. Ouvrir les yeux et être aveuglée par la lumière environnante. Un mur de pierre. Un sol de béton. Elle est sortie. Elle est sortie. Elle regarde autour d’elle, cherche Ajay. Parce qu’il est sorti avec elle, c’est obligé. Il.
Elle est seule. Elle est seule, et elle a laissé Ajay dans ce monde. Elle pose un pied devant l’autre, pour retourner de là où elle vient, mais s’arrête finalement. Elle a beaucoup trop peur, pour y retourner. Puis, elle a un message à délivrer. A Galileo. (Putain). Galileo. Le prostitué Galileo.
Elle sent et accepte les larmes qui coulent sur ses joues. Peut-être qu’elles se sont pas arrêtées depuis qu’il a parlé de la femme qu’il aimait. Elle se retourne contre le mur qu’elle a percuté, et frappe. Et frappe. Frappe. Encore. Et lorsqu’elle sent, entend son poignet craquer, elle arrête. S’assoit dos au mur, et attend. S’endort là.
Demain, elle préviendra Jamie qu’elle est de retour, incapable de savoir combien de temps elle est partie. Et elle partira a la recherche de Galileo Bruni.
Elle a un message pour lui.