do i know you ? (mew)

Il était perdu depuis qu’il était plus là, depuis qu’il avait repris ses bagages et qu’il était partie ailleurs. Il aurait pourtant dû le savoir que ça se terminerait comme ça, avec un cœur brisé par le frère. C’était pourtant pas faute d’avoir essayé de le foutre à la porte de bien trop nombreuses fois. Mais il y avait pas cru qu’il allait vraiment partir. Peut-être que naïvement il avait cru qu’il allait rester à ses cotés l’ainé. Qu’il le préférait à sa vie. Mais c’était un Sawyer, qu’est-ce qu’il croyait. Les Sawyer, c’était pas fait pour la boue et la pauvreté. C’était fait pour le luxe, l’opulence et la vie immortelle. Pourtant, il avait pas pu les retenir ses larmes lorsqu’il avait vu le mot. Parce qu’il était pas sûr qu’il arrive à lui pardonner un jour. C’était peut-être le mot qui avait fait le plus mal. La déception dans les lignes. Et il s’était dit que tout était fini, qu’il l’avait trop brisé pour qu’il puisse un jour accepter de lui pardonner. Il était libre mais il était seul. Seul chez lui. Y avait les Kiasnev qui ne lui faisaient plus autant confiance qu’avant depuis qu’il avait débarqué à Casma, depuis qu’ils avaient appris qui il était, son nom. Mais ça changeait rien. Il continuerait parce que c’était ce qu’il voulait. Il supportait plus et c’était pas son cœur qui brisé qui allait changer tout ça. Il allait falloir qu’il finisse par lui parler, qu’il mette les choses au clair. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il fallait qu’il aille ailleurs, il fallait qu’il voit d’autre chose.

Alors il quitte son appart miteux l’ancien riche. Il le quitte pour un petit boulot inintéressant, bien loin de ce qu’il aurait pu rêver de faire. Mais c’était ça sa vie désormais, survit ou meurt. Il l’avait pourtant la vie, il n’en voulait juste pas. Comme il ne voulait plus rien avoir à faire avec les Sawyer. Leur vie salement acquise il n’en voulait plus. Il ne voulait pas vivre aux dépends de personnes mortes pour elle. Serveur. Si un jour on lui avait dit qu’il ferait serveur il aurait juste rigolé. Parce que c’était pas son monde. Parce que c’était lui qu’on servait et pas l’inverse. Mais il était bien là, arrivant dans un bar mal famé pour la soirée. Ils avaient régulièrement besoin de remplaçants et vu que ça s’était plutôt bien passé une fois y avait pas de raison après tout. Il fallait qu’il bosse, il bossait. Il dormirait juste moins cette nuit, et toutes celles où on l’appellerait encore. Parce qu’il n’avait plus le choix désormais. Retourner chez lui était une option qu’il avait bannie le jour où il avait quitté sa prison dorée. Pourtant ce lieu, il le dégoutait. Parce qu’il représentait tout ce qu’on pouvait faire pour survivre quitte à vendre son propre corps. La pression, elle était presque trop simple alors qu’il y était serveur. Y avaient les heures qui défilaient mais il était vêtu au moins.

Regard perdu dans le vide pendant quelques instants et il revient sur les clients qui attendent. Et y a ce cœur qui accélère. Parce qu’il le connait. Il sait pas de où comme ça, mais il le connait. Et y a la peur qui monte alors qu’il se demande ce qu’il va lui arriver. C’était peut-être un des hommes de son père. Mais il se lance quand même. « On s’connait non ? » Ici, peut-être qu’il va pas réagir. Et puis l’incompréhension qui se peint sur ses traits alors qu’il le remet. Parce qu’il l’avait jamais vu que dans son miroir. Et il avait compris avec le temps, qu’il était pas en train de perdre la boule. Mais dans le fond, il avait toujours espéré que ce soit que des rêves, qu’ils pouvaient pas percer ses plus grands secrets, qu'ils étaient que dans sa tête. « Mew ? »

Mew a passé la majorité de la soirée à philosopher sur le verre en face de lui et par extension sur sa vie. Il ne peut pas boire, il n'est pas humain. Il ne peut pas faire comme les autres et ensuite, se mettre à avancer de manière maladroite, dire des choses qu'il pense à voix haute, mais qu'il n'est pas sensé dire parce que ce sont rarement des choses gentilles ; il le sait parce que, parfois, leur patron sent exactement comme le verre et il est moins aimable. Il ne connaît pas ce sentiment, il se demande si c'est réellement aussi intéressant, pour que les gens qui vont et viennent depuis une heure se donnent la peine d'y accéder. Mew n'aime pas les bars, toute cette proximité et cette ambiance. Il n'aime pas ce club et ces filles qui ne sont pas assez habillées, elles lui rappellent Babylone quelque part. C'est sans doute comme lui et la drogue ; ils essayent de devenir quelqu'un d'autre, ils sortent ppur se changer les idées et lui, il essaye littéralement de faire partir les idées parce qu'un programme avec des idées c'est compliqué. Il essaye parfois, comme Loni, de devenir humain. De faire semblant, de sourire quand il le faut et de ne pas oublier de cligner des yeux. Il est et restera une invention sans doute trop performante. D'autres en sont capable, mais ceux là sont fait pour ça. Ceux de compagnie, qui vivent dans les hautes tours et qui ne sont pas obligés de travailler comme lui le fait. C'est frustrant, de ne pas pas être fait pour ça. Il ne sait pas quoi en faire de toutes ses émotions alors, de tout ce qui lui arrive. Il lui arrive de se demander s'il ne doit pas s'occuper de ce problème en supprimant les programmes qui le font trop penser ou s'il doit accepter qu'il n'est pas comme les autres. Il lui suffit de dire un jour ce qu'il pense pour qu'une bonne révision  lui supprime cette gêne. C'est agréable aussi.
De pouvoir ainsi, se faire des amis. De ne pas être seul dans sa tête. Il n'imagine pas le vide.
Mew a beaucoup d'amis imaginaires, qui apparaissent parfois dans le reflet des miroirs, dans les vitres. Il lui arrive d'échanger un mot avec eux. Certains vivent dans des maisons comme il n'y en a pas sur Sigan, avec des créatures vivantes alors qu'il n'y a pas d'animaux sur Sigan. Jaco lui a déjà expliqué, une fois dans ses souvenirs, qu'il venait d'ailleurs et que, c'est pour cette raison qu'il avait son espèce d'animal de compagnie. Mais Mew ne l'a jamais cru, persuadé qu'il rigolait. Il ne doute pas. Ce qui se passe dans sa tête n'a pas d'explication, il doit surement perdre l'esprit. Cela fait longtemps, qu'il est en train de dérailler et ça ne l'étonne même pas, si il crois à nouveau voir un de ces personnages en train de servir. Mew laisse son verre plein sur le comptoir, qu'un type trop éméché n'hésite pas à ramasser. Il n'a pas envie de parler aux amis imaginaires en public et, il n'a pas envie d'un parler aujourd'hui. Cependant, quelque chose retient son attention. Visiblement il n'est pas le seul à voir son compagnon. D'autres gens interagissent avec lui, puisqu'il sert des verres. Des clients que l'androïde dévisage avec de gros yeux, très étonné. Puis, son rythme cardiaque commence à augmenter, signe qu'il commence à paniquer. Ce n'est presque jamais arrivé depuis qu'il a été mit en service. Sauf la fois ou un de ses collègues est tombé ou quand il a perdu le contact avec Jack. C'est quelque chose de très humain comme ressenti, apparemment. Un genre de peur, mais pas totalement. La chose empire quand la personne lui adresse la parole. Nathaniel. Mew connaît son prénom parce qu'il l'a déjà entendu. Il le connaît. C'est tout. Il connaît cette personne. Mais jusqu'à présent, il pensait être le seul capable de le voir et lui parler. Il ne pensait pas qu'il existait. Oui. Nathaniel ? Comment ? La tête penchée sur le coté, l'androïde analyse son interlocuteur. C'est la copie parfaite du gars qu'il voit parfois dans son miroir. Sauf qu'il est en chair et en os. Sans se soucier des conventions sociales Mew tend le bras le plus loin possible pour le toucher. Et c'est consistant, c'est chaud comme un corps humain bien vivant. Il retire sa main aussi rapidement, brûlé par le contact.
Il ne comprend plus rien.
Ses amis imaginaires existent ? Est-ce que lui est le seul à exister ou tous les autres sont bien vivants ? Tu existes, pour de vrai ? De la bouche d'un être humain, les gens le prendraient sans doute pour un fou. Mais sa diode d'androïde ne lui attire que des regards curieux ou râleurs. Il ressemble à un enfant, bouche bée. Il ne comprend plus rien. Je ne me souviens pas avoir prit de la drogue. Je ne comprends pas. la drogue ne lui a, d'ailleurs, jamais donné ce genre d'hallucination. Juste d'atroces trips vers lesquels il retourne toujours, tellement ils procurent la sensation d'être vivant et c'est incroyable, même de souffrir pour de vrai.

Il finit par comprendre Nath, d’où il le connait l’inconnu qui n’en est pas un en face de lui. Et ça lui fait tout drole. Parce que même s’il pensait avoir compris, même s’il se doutait qu’ils étaient réels, il s’était jamais dit qu’ils les croiseraient. Dans le fond, il espérait toujours que ça ne soit que des rêves. Qu’il n’y avait pas des personnes capables de le comprendre aussi bien que lui-même pouvait les comprendre. Qu’il n’y avait pas des personnes qui pouvaient partager les plus sombres parties de son existence. Mais ce soir, y avait tout qui basculait parce que Mew se trouvait devant lui. Et tout ce qui n’était pas encore réel, tout ce qui n’était que des suppositions qu’il espérait fausses prenait vie alors que se dressait devant lui l’un d’entre eux. Il le regarda étrangement. Il le détailla alors qu’il attendait sa réaction à lui. Peut-être que ce n’était pas la première fois pour lui. Peut-être qu’il en avait déjà rencontré d’autres. Qui sait ? Mais à la tête qu’il fit lorsqu’il leva les yeux il comprit bien rapidement que ce n’était pas le cas le gosse de riches. « Oui. Nathaniel ? Comment ? » Il le voit dans son regard un peu paumé alors que lui aussi semble le détailler comme s’il était en train de voir un fantôme. Mais il était réel, comme lui-même pouvait l’être. Y a le contact de sa main sur son bras. Un contact réel. Mais si Mew semblait en doutait, le doute n’était plus permis à l’instant même où il l’avait reconnu. Mais ça rendait le tout encore plus vrai. Il avait mille et une questions à lui poser mais il restait silencieux. Parce qu’il se sentait tout impressionné d’un coup. Il se demandait ce qu’il pouvait savoir de lui. Ce qu’il pouvait penser de lui. Est-ce qu’il vivait la même chose que lui ? Est-ce qu’il ressentait les mêmes choses que lui ? Est-ce qu’il savait des choses sur lui ? Il a les battements de cœur qui accélèrent un peu. Si ses parents apprenaient, ils pourraient le retrouver. Et s’il était sur ses traces ? Et si d’autres étaient sur ses traces.

Il se retourne en direction de la foule. Mais y a personne pour venir vers lui. Il semble être tranquille Nath, pour l’instant. « Tu existes, pour de vrai ? » Y a les regards qui se tournent vers eux avant de se détourner. Comme si la conversation était des plus banales. Comme si c’était juste une personne étrange. Alors ils étaient deux. « Je ne me souviens pas avoir pris de la drogue. Je ne comprends pas. » Il l’observe Nath, avant de poser le verre qu’il tenait à la main. Et il se tourne vers un collègue. « Faut que j’y aille, tu peux me remplacer ? » Parce qu’il pouvait pas comprendre alors qu’on ne cessait de l’interrompre, alors qu’on ne cessait de chercher à obtenir une boisson. Il espérait juste qu’il finirait pas viré. Il en avait besoin de ce travail pour allonger les mois difficiles. « Je… Je… crois qu’on est… connecté ? » Il est pas sûr de ce qu’il dit Nath. Parce que ça n’a rien de logique. Il comprend pas comment c’est possible dans le fond. Mais ça l’était, c’était une évidence. « Est-ce… Est-ce que tu vois aussi les autres ? » Il veut savoir, s’il voit les mêmes. S’il a aussi ce lien avec les autres. Dans d’autres mondes. C’était comme ça qu’il avait commencé par y croire. Parce qu’ils lui avaient dit des trucs qu’il pouvait pas savoir seul, sur leurs mondes à eux. Et puis y avaient d’autres personnes qui avaient confirmé tout ça. Ça ne pouvait pas être un rêve. Des rêves prémonitoires aussi précis, ça n’existait que dans les films. Mais rien n'était moins fantastique que cet étrange lien auquel il avait cru sans y croire pendant des années.