dégoûté, le goût amer du regret qui roule sur la langue depuis la réalisation. depuis la découverte de tes recherches pourtant si évidente pour un œil externe, mais qui relevait du défi dans la réalité. le nez trop dans tes affaires pour prêter attention, pour ne pas vouloir en savoir davantage sur un collègue déjà entraîné sous les draps à trop de reprises pour que tu puisses de départir de l'horrible sensation qui imprègne dorénavant ta peau. regard obstinément fuyard pendant que tu travailles, tu ne t'autorises plus à lever les yeux vers le spectacle offert plus loin du bar pour la satisfaction de la clientèle. pourtant, tu connais les numéros par cœur, tu sais qui se trouve sous la chaleur des projecteurs juste avec les premiers battements d'une musique présélectionnée. tu sais quand il ne s'agit pas de lui, que tu pourrais risquer d'y jeter ton attention - ne serait-ce que pour voir les réactions parfois ridicules des clients. or, tu ne peux pas. tu ne veux pas, incapable de penser à autre chose, de t'enlever de la tête que tu as pu dénicher de la famille perdue dans cet endroit. que tu as pu coucher avec
ton frère. comment aurais-tu pu savoir quand tu ne connaissais que son nom de scène ? tu te sens presque sale, horripilé d'avoir commis des gestes que tu ne savais alors pas immoral.
tu dois lui parler, lui en parler. tu as
besoin de partager ce lien qui vous uni tout en ayant crainte que ça tourne mal. au fond, vous ne vous connaissez que bien peu, pas même assez pour connaitre le nom entier de l'autre et qui sait comment il pourrait réagir. il pourrait aussi ne pas te croire, mais il y a toujours un papier qui reste. des écrits qui ne disparaissent pas, même lors de la vente aussi disgracieuse que puisse être celle d'un enfant : il suffit de savoir où fouiller pour dénicher le trésor convoité.
alors, tu attends que la nuit passe, que le boulot tire à sa fin et que les clients commencent à déserter l'endroit. tu boucles ton travail derrière le bar avant de fuir vers l'arrière-scène où tu ne traînes qu'à de rares occasions pour des raisons précises comme aujourd'hui. une quête poursuivie jusqu'à trouver la cible en train de se vêtir - dieu merci - et tu peux l'accoster sans sentir la nécessité de lever les yeux au plafond. «
nova ? » interpellation simple, préférant ne pas étaler son prénom entier à proximité d'oreilles indiscrètes, tu veux d'abord attirer son attention. «
on peut se parler deux minutes, si t'es libre ? » tu ne sais pas s'il ne possède pas déjà d'autres projets qui incluent malheureusement un client et cette idée qui ne t'a pourtant jamais dérangée fait désormais remonter la bile de ton estomac.