princesse de la nuit (luseult)

Aussi cliché que ça puisse paraître, ce furent les rayons de soleil qui réveillèrent Lupe. Ils réchauffèrent légèrement sa peau nue lui faisant ouvrir peu à peu les yeux. Elle n’était pas chez elle. Le décor ne reflétait en rien la richesse à laquelle elle était habituée et pour cause, la jeune femme était dans les bas-quartiers de Sigan, à Casma. Ce n’était pas rare de la trouver dans les alentours. Un certain nombre de ses connaissances vivaient à Casma ou plutôt, survivaient. Difficile de profiter d’une vie qui pouvait s’achever à chaque instant, à chaque transaction inattendue ou trop lourde. Lupe ne disait rien mais, elle avait peur de ne pas retrouver certaines personnes quand elle quittait New Brasilia pour rejoindre des ruelles bien plus pauvres, bien plus risquées. Et à chaque fois, elle ressentait cet immense soulagement en les revoyant, galérant toujours autant mais, au moins, ils étaient en vie. C’était peut-être égoïste comme façon de penser, peut-être qu’eux ne désiraient que dire adieu à ce quotidien misérable, peut-être qu’ils voulaient disparaître. Lupe poussa un soupir discret avant de se tourner vers la jeune femme à ses côtés, tout aussi dénudée qu’elle. Belle brune dont le visage lui rappelait quelque chose mais, dont elle n’arrivait pas à se souvenir, une impression de déjà-vu qui se renforçait à chaque rencontre et pourtant, rien ne s’allumait dans son esprit. Les petites lumières restaient éteintes, qu’importe ses tentatives pour se remémorer où elle avait déjà vu Iseult. Elle dormait toujours. Lupe esquissa un sourire avant de se lever doucement afin de se rendre dans la douche. Certes, ce n’était pas le faste dont elle était habituée, mais peu importe, tant qu’elle pouvait se laver, ça lui était égal. La qualité de la salle de bain s’avérait être le dernier de ses soucis. Elle ferma les yeux en sentant l’eau couler sur son corps nu tout en repensant à diverses choses. A Iseult, bien sûr. A Yasmeen et sa disparition. A sa mère qui vivait des moments difficiles, sûrement dû à sa jumelle cosmique. A Link et leur relation trop flou. Dire que pendant un temps, elle avait cru que c’était lui, son âme-sœur. Un garçon de Casma et une héritière de New Brasilia. Duo atypique mais, qui lui plaisait bien jusqu’à qu’elle finisse par apercevoir le fameux signe qui n’avait rien à voir avec le sien. Lupe se demandait ce qu’il se passerait quand elle trouverait la personne qui lui était soi-disant destiné. Au fond, elle espérait ne jamais la trouver. Ça éviterait bien des problèmes. Se sentant bien réveillée, elle arrêta la douche, n’ayant aucune idée du temps écoulé. Elle referma la porte et plongea son regard dans celui de la propriétaire des lieux qui semblait bien éveillée. Un sourire se dessina sur les lèvres de la Castellane. « Non, je ne suis pas partie. Ce n’est pas mon genre. Passé une bonne nuit ?» Lupe ne doutait pas de la réponse à sa question si ses souvenirs étaient exacts. Elle ne savait pas comment allait tourner leur relation après cette nuit mais, elle espérait qu’Iseult voudrait garder contact. Après tout, cette situation, les deux filles l’avaient autant désiré l’une que l’autre. Ce n’était pas un verre de trop qui les avait poussés à s’embrasser et bien plus encore. Que ce soit Lupe ou Iseult, elles étaient en pleine possession de leurs moyens. La brune avait presque envie de l’embrasser encore. Cependant, elle se retint. Ce n’était pas ça entre elles. Elle ne ressentait pas des sentiments amoureux pour son vis-à-vis et supposait que c’était également le cas pour Iseult. Cette dernière n’ayant lancé aucun signe montrant le contraire… « Juste pour être sûre, tu ne ressens rien de particulier pour moi, n’est-ce pas ? Je veux dire, tu es attirante, magnifique et franchement, si je m’écoutais, je voudrais bien passer la journée avec toi à continuer ce qui s’est passé pendant la nuit mais, c’est le désir qui parle. Pas un quelconque sentiment qui pourrait nous pousser à créer une belle histoire digne des contes de fées… » De toute manière, Lupe ne croyait pas aux contes de fées, ni à l’amour éternel. Pendant un moment, elle a cru à tout ça. Quand ses parents étaient encore ensemble et amoureux, elle rêvait de la même chose avant de se rendre compte que c’était une simple illusion, un mirage, une belle connerie.  

Ils sont rares, ces moments de pur plaisir et de détente, d’affection et de chaleur sincère, même passagère. Elle n’est pas une fille qui se laisse séduire tous les soirs, ni par les premiers venus aux paroles doucereuses – car les mots sont ses propres armes, on ne la berne plus Iseult. Ils sont rares, ces instants de partage, de rires et d’amitié jusqu’à ce que leurs regards en demandent plus – jeux de charmes. Elle émerge d’une nuit sans rêve et l’air frais sur sa peau lui rappelle qu’elle ne s’est pas endormie seule, même si les draps sont retroussés et qu’elle demeure bel et bien seule ce matin. Les souvenirs tendres de cette nuit lui paraissent bien loin alors que la pièce lui semble déjà trop froide, puis elle entend du bruit et sursaute légèrement, avant qu’une silhouette familière sorte de sa petite salle de bain. D’abord la surprise, puis le soulagement lorsqu’elle laisse un soupir échapper ses lèvres, un sourire venant les peindre. « Une de mes meilleures nuits, en toute honnêteté. » Elle s’installe sur le côté, une main soutenant sa tête alors qu’elle admire la jeune Castellane sans gêne. Elle la trouve toujours aussi désirable surtout avec les cheveux humides, Lupe représente l’exotisme et le luxe à ses yeux et elle se sentirait presque honteuse de lui offrir sa modeste hospitalité.

Elles sont rares, ces personnes à qui elle offre un peu d’elle-même et la Castellane en fait partie. Ce n’était pas l’affaire d’une nuit, mais de quelques semaines à se croiser trop souvent, à parler et rire ensemble jusqu’à ce qu’elles laissent leur désir parler. Mais aussi bien s’est-elle sentie à ses côtés, Iseult ne ressent guère plus qu’une forte attirance mêlée de curiosité. Elle ne connait pas les sentiments d’amour et ne souhaite pas s’y aventurer non plus, elle n’aime pas les choses trop compliquées qu’elle ne peut pas résoudre avec des calculs logiques. Alors, lorsque son invité essaie de lui faire comprendre son point de vue, c’est un rire cristallin qui échappe de ses lèvres avant qu’elle ne se débatte avec les draps pour sortir du lit. Elle n’est plus si pudique depuis que son cluster lui en a fait voir de toutes les couleurs, mais elle ne l’est surtout pas avec les personnes qui l’ont déjà vue et touché, des sensations fantômes sur sa peau satinée. Elle s’arrête devant Lupe et monte un peu sur la pointe des pieds pour poser ses lèvres sur les siennes, une demi-seconde à peine et c’est comme la dernière goutte d’un cocktail sucré, elle la savoure en regrettant de l’avoir fini trop vite. « Tu es mignonne. »

Elle ouvre ensuite ses tiroirs pour choisir ses sous-vêtements avant de se diriger vers la salle de bain, mais avant, elle répond à la question de la Siganaise. « Je ne crois pas aux contes de fée, mais en l’amitié si. J’aimerais beaucoup qu’on reste amies, parce que je t’aime bien Lupe. Oh et … fais comme chez toi, en attendant. » Un sourire et elle disparaît sous la douche pour quelques minutes de détente. Lorsqu’elle sort enfin et s’arrête devant le miroir pour sourire deux fois plus fort, elle n’est qu’à peine surprise en voyant apparaître le visage d’un de ces chers amis qui la regarde avec un sourire lourd de sens. Incapable de l’entendre cependant, elle ne lui adresse qu’un clin d’œil et un « shut up » mimé sur ses lèvres, en imaginant déjà les taquineries dont elle serait victime dans les jours à venir. Ça ne dure qu’un instant avant qu’Iseult ne revienne dans son studio, si peu spacieux et pourtant, elle trouve quand même le moyen de laisser traîner tout un tas de pièces mécaniques pour la modeste bricoleuse qu’elle est. Elle s’habille d’un chandail et d’un short avant de se diriger vers son petit coin cuisine. « Je ne suis pas un très bon chef … mais je peux essayer de nous préparer quelque chose. Thé ou café ? » Mais si ça se trouve, la Brasilienne ne veut pas donner suite à cette nuit sous quelconque forme et Iseult se sent un peu forceuse, alors elle rectifie. « Si tu préfères t’en aller, je le comprendrai aussi. » Un coup d’œil sur son bras lui indique son temps de répit aujourd’hui, une habitude prise au quotidien et toujours cette nonchalance lorsqu’elle y découvre les chiffres, douze heures.