the first tattoo with you ☾ bebe

boum.
boum.
boum.

« aaaaarrrrgh ! sa-lo-paaaard de voi-sin ! »

et je criais en tapant dans le plafond avec le manche à balai. je criais fort. j'hurlais. mais rien. efforts vains. parce que mon voisin d'au-dessus il s'en fichait de déranger les autres. c'était un des plus ancien de l'immeuble. un qui faisait sa loi sans le consentement des autres sous prétexte qu'il avait le pouvoir. et les muscles. je me demandais encore où était la cervelle.

boum.
des basses. ça raisonnait partout. une mélodie insupportable. j'aurais dis du hard-rock. du métal peut-être ? je m'y connaissais pas assez en musique. le genre zéro culture. et pourtant dans ma chambre j'en avais des vinyles. des disques que j'avais volé à mon père. c'est qu'ils prenaient la poussière. j'en avais fait de la déco.

alors désespérée et épuisée de gueuler pour un truc qui allait jamais changer, je m'effondrais sur mon lit. le matelas était moelleux. c'était agréable. mon oreiller un peu plat, mais il faisait l'affaire. quant à mes draps : un mélange de taupe et de bleu marine. mais ça faisait un bail que je les avais pas changer. mon lit était sale. ma chambre tout entière était sale.

6.p.m
mes frères étaient rentrés y'a peu. mon père à l'hôpital. et ma mère ? boaf je me demandais si j'avais encore une mère. y'avait un des mes livres que j'avais jamais terminé sur mon bureau. attrape poussière des temps modernes. l'histoire était trop niaise. trop lente. et les personnages débiles. mais la couverture m'avait toujours intriguée.

une croix qui se confondait à une demi-lune.

je fixais la couverture. pendant cinq minute. et j'ai pas lâché. et je me suis levée d'un bond de mon lit. je me suis approchée du bouquin. et je me suis décidée. j'allais me tatouer ça sur l’auriculaire droit.

je bougeais mes fesses pour aller chercher l'attirail nécessaire. j'avais appris à me tatouer toute seule depuis le temps.

Bebe est seul, pour une fois. Le camion est abandonné quelque part, quelque part sur le bord de la route alors que le noir commence à se dessiner dans le ciel et que les couleurs se mélangent. Il est assis ; assis à l'arrière dans la boite, parmi les plaids trop nombreux et avec des oreillers tout aussi nombreux également. Sa joue est écrasée contre les tissus, sa tête trop vite, peut-être. Bebe dévisage ce qui se passe autour de lui et ne se demande pas, ce soir, qui il ira voir. Il ne cherche pas un lit à partager ou encore une personne à qui parler. Les messages sont nombreux, sur son portable. Il ne les a pas lu. Il sait que certains lui en envoient encore ; il entend le petit bruit, de temps à autre, mais n'y prête pas réellement attention. Bebe est seul ce soir et a envie d'être seul au monde ; il n'a pas envie de sourire tout simplement ou alors de rire ou alors de parler trop longtemps.
Les yeux se ferment une seconde, avant de s'ouvrir sur le monde.
La tête est pleine mais vide et les doigts dansent dans les couvertures, testant la texture et serrant brièvement, avant de tout relâcher complètement.
Le silence est présent autour de lui, presque étouffant sauf pour les quelques voitures qui passent le long de la route et pourtant, dans sa tête, un bruit oppressant. Les battements de son coeur, peut-être. Le boom l'assomme. Le boom l'emporte.
Il ferme les yeux une nouvelle fois, soupire doucement avant de ressentir un léger picotement, au travers de ses doigts. Quelque chose de fort, d'enivrant. Quelque chose de brûlant qui travers ses doigts pour aller dans ses bras et dans son coeur, violemment.
Rester sans mouvement est tuant ; les jambes se déplient un peu trop vite, il tangue légèrement mais quitte la boite pour ouvrir la porte avant du véhicule.
Dans le coffre à gant, entre un hachoir et une pipe à l'eau et d'autres conneries qu'il aime particulièrement, un pot d'encre à tatouer et des anguilles neuves. Bebe n'a pas vraiment de demeure ; le camion sert de véhicule et de maison.
Il s'en empare avant de retourner à l'arrière de son camion, pousse les quelques oreillers oppressants avant d'ouvrir l'un des emballages renfermant une aiguille, d'ouvrir le pot d'encre et s'y plonger son outil. Le coeur bat toujours trop fort, dans sa poitrine. Il ne sait pas réellement pourquoi. Il ne comprend pas réellement ses mouvements, non plus. Mais la drogue lui a déjà fait faire bien des choses qu'il ne comprend pas encore aujourd'hui et Bebe n'a pas réellement peur de l'inconnu - ou alors, se noie dans la peur, enivré - et continue.
Le premier contact lui arrache une grimace ; trop puissant, lui traversant le bras en entier, ayant peut-être toucher un nerf. La douleur s'éveille mais Bebe n'attend pas et enfonce une nouvelle fois l'aiguille dans la peau de son doigt sans réellement savoir ce qu'il fait. Dans son esprit, une image danse. Elle a pris toute la place. Il ne voit que cela. Et la chose est peu commune ; ses pensées sont toujours envahis par un millier de choses, qu'importe combien ils sont, qu'il ne peut suivre totalement. Mais il ne voit que le tatouage. Il ne sent que chacun des coups lorsque l'aiguille traverse sa chair et d'autres aussi, absents mais pourtant là, contre sa peau, qui résonne à l'intérieur de son être.
Une ligne est faite, contre sa peau, une ligne qui ne veut pas dire grand chose, lorsqu'il remarque. Lorsqu'il voit que sous ses jambes croisés ne se trouvent plus les plaids mais plutôt un parquet usé et que la musique, le boom de toute à l'heure, est parfaitement audible. Bebe stoppe son mouvement. Retient son souffle, un long instant. Il hésite brièvement, un peu trop longtemps, avant de relever les yeux. Ses mains le démangent ; il a besoin de continuer de tatouer, il a besoin de continuer l'oeuvre et pourtant, il a besoin d'observer autour de lui, également.
Ses iris tombent sur une chambre qu'il n'a jamais vu, avant d'échouer sur le visage pale d'une jeune femme qui est concentrée sur l'un de ses doigts. Il passe ses lèvres contre ses lèvres, hésite un instant à continuer son tatouage, croire qu'il s'agit d'un rêve, n'importe quoi, et de continuer la chose comme si rien n'était.
Mais le visage est familier.
Elle est familière.
Elle est surtout
- Vraiment jolie, qu'il lâche, dans un souffle, sans parvenir à garder les mots pour lui. Et elle lève les yeux, soudain, pour l'observer, et l'observation semble presque maigre. Car elle est beaucoup plus que jolie et Bebe ne s'y attendait pas. Il cligne des yeux quelques fois, reste sans mouvement, posé là sur le parquet sans savoir complètement comment il a pu arriver là, sans trouver les mots, pour une fois. Hé ?
La panique est là ; le coeur bat un peu trop fort, il ne comprend pas. Ses doigts lui démangent encore.

l'image en tête je trempe mes aiguilles dans l'encre. noir de jais. comme un noir impure. un noir de solitude et de tristesse. noir abrupt. la musique d'au-dessus déstabilise. manque de confiance. la sérénité imprésente. le poignet tremble. mais l'envie grandissante prend le dessus. le dessus sur tout. et ça pique. et ça rentre dans la peau. comme si ça arrachait. ou brûlait. on ne sait pas. la sensation est trop floue. tous les sens se mélangent. et finalement je me laisse bercer par la musique du dessus qui s'adoucit.

et j'entends le chahut des frères à l'arrière. leur chambre collée à la mienne.
une dispute ?

mais je suis bien trop concentrée. bien trop pour y prêter attention. et mes sourcils sont froncés. comme si j'étais dans une bulle. à l'écart de tout. rien n'aurait pu briser cette absorption.  

rien.
ni même le son d'une voix inconnue.
une voix qui se glisse dans ma chambre.
qui chuchote à mon oreille.
une voix qui je connais.
l'impression de déjà vu.

rien.
mais si.
cette voix.

je lève la tête. je sors de l'eau et inspire. respiration rapide. la tatouage est presque achevé. il reste quelques finissions et détails à compléter pour un rendu parfait. mais j'ai mal aux yeux. ils sont secs. je n'ai pas assez cligné. mon cou me fait mal. le fait de rester trop longtemps dans une même position. mes muscles et articulations sont faibles. résultat d'une mauvaise nutrition.

mes yeux sont rivés sur lui. je ne sais pas quoi dire. quoi faire. ni même quoi penser. l'aiguille tombe sur le bureau. se fracasse. l'encre coule. et s'écoule.

ploc.
ploc.
ploc.

le parquet se noircit.
le visage est doux. les yeux incroyablement beaux. et je m'y perds. plongée dans son océan. un hologramme. une vision. un rêve. une hallucination. je retiens mon souffle.

« he... salut... c'est quoi ton nom.. ? »

la voix est douce.
le souffle presque coupé.
la respiration compliquée.

quelle belle créature.