Lights will guide you home Jana Miller ~ Halcyon Ioannis {Jacyon #1} High up above or down below. When you're too in love to let it go... But if you never try you'll never know just what you're worth. « OLIVER ! »
Le rugissement n'a clairement rien d'amusant. Un père hausserait ainsi le ton face à son enfant désobéissant. Mais rien de tel pour Halcyon ; simplement son petit protégé qui, une fois de plus, se rebelle. Évidemment qu'il en a l'habitude, mais cette fois, la situation lui semble plus grave, d'une manière ou d'une autre. Le jeune homme croise des bras sur sa poitrine, arrogant à l'extrême, alors qu'il se retourne et jette un regard méprisant à son aîné. Ce dernier soupire, fronce les sourcils, presque absent de la scène, pourtant trop importante pour qu'il ne s'en détourne comme il aurait pu le faire par le passé. Ollie lui tournerait le dos définitivement, s'il ne réagissait pas, cette fois. D'une manière ou d'une autre, il ressentait sa détresse, ce désespoir criant qu'il cachait sous ses piques narquoises.
« Je n'ai pas de comptes à te rendre, Hal », crache l'entêté, le regard empli d'une haine qui pétrifie le pilote. « Tu veux qu'on parle de lâcheté, hein ? » Il s'avance, toise Halcyon, menaçant. « Tu veux qu'on parle de ta façon de nous avoir laissés derrière toi, sans penser à l'impact que ça aurait sur nous ?! »
Il reste coi, incapable de trouver les mots. Il aurait pu lui en coller une pour son comportement si insolent. Les nerfs bouillonnent à mesure que la tension monte. Mais Hal se contente de serrer les poings et d'encaisser les remarques. Il l'a cherché, il le sait. La moindre des choses est de rester fidèle à lui-même, digne, stoïque. Il cherche des réponses, le gamin, Halcyon en est conscient. Des réponses qu'il n'aura pas, pour l'instant : il est encore trop tôt.
« Tu veux qu'on parle de l'état dans lequel tu laisses Jana, quand toi, tu retournes tranquillement à ta vie là-bas ? » La voix d'Oliver s'effrite.
Ça y est, il a lâché ce qu'il avait sur le cœur et il brise celui du Shadowrunner, en même temps, dans l'explosion d'émotions trop longtemps contenues. Non, il ne réfléchissait pas à ça, Halcyon. Pour tout dire, il se l'interdisait formellement, car il savait qu'il en perdrait sa conviction s'il venait à trop y penser. Ollie, il le croyait assez fort pour encaisser. Il savait qu'il pouvait compter sur lui pour protéger leur petite Jana.
« EST-CE QUE T'Y AS SEULEMENT PENSÉ ? »
La colère éclate et Halcyon se prend le coup de poing de son gosse en plein visage. Le bruit est sourd, l'impact a cogné le zygoma avec une violence qui lui a aussitôt fait tourner la tête. Il reste immobile quand un deuxième coup l'atteint, sous le cri de rage d'un Oliver qui s'est largement laissé emporter. Ce n'est qu'à la troisième attaque qu'Hal se déporte simplement sur la gauche, d'un geste souple, pour accompagner le mouvement du bras d'Ollie, agrippant son poignet au passage et bloquant ainsi la moindre de ses tentatives de déplacement. Quelques secondes s'écoulent avant, qu'enfin, l'homme ne lui souffle :
« Je te demande pardon. - J'en ai rien à foutre de tes excuses. »
La chaleur écrasante, sous le soleil aride du désert, il n'y a même pas prêté attention. Halcyon semble étrangement vidé de toutes ses émotions. De longues minutes se sont écoulées, dans un silence de plomb, depuis qu'Ollie s'est dégagé de son emprise pour s'éloigner, rapidement, et sans doute rejoindre Nostra.
Par messager interposé – avec qui il avait dû négocier l'achat de son silence par un troc clairement à son désavantage – il avait averti Oliver, trois jours auparavant, de sa présence. Il ne remettait jamais de message à Jana directement de peur que le messager faute, d'une manière ou d'une autre. Oliver passait facilement pour son petit frère, ça engendrerait moins d'interrogations ou de suspicions qu'il lui écrive plus ou moins régulièrement. Quelques mots, symboles illisibles, dans une langue que trop peu connaissaient aujourd'hui, gravés méticuleusement sur une plaque fine de bois vert lui était parvenue peu avant leur rencontre du jour.
Tout près du feu, le trio se regroupe, une habitude qui leur apporte ce réconfort sans lequel ils auraient été perdus depuis bien longtemps. Halcyon plonge son regard dans celui d'Ollie, puis dans celui de Jana. L'air sérieux, presque grave qu'il arbore déboussole sans doute les jeunes, un instant, mais il n'en fait pas fi. Autour d'eux, le chekpoint retrouve le silence typique de la nuit tombée. Installés dans leur petite habitation, ils ne sont pas beaucoup plus bruyants. Jusqu'à ce que l'adulte prenne la parole et brise le calme de la pièce, doucement. Il leur explique, en quelques phrases mûrement réfléchies, qu'il va devoir s'éloigner, quelques temps. Il ne sait pas encore combien et surtout, il reviendra les voir régulièrement. Alors il attrape une plaque de bois et il y grave, devant eux, une succession de symboles, en colonne, à l'aide de la pointe de son couteau de chasse. Il leur explique le danger que peut représenter la communication de nos jours et il les enjoint à se méfier, à ne pas envoyer de messages, à ne pas chercher à le retrouver, ni à le contacter. Halcyon a déjà pour projet de rejoindre les Shadowrunners mais rien n'est fait, alors il le garde pour lui, il se dit qu'il les avertira plus tard, quand il aura plus de concret. Son doigt glisse d'une ligne à l'autre et il répète, à plusieurs reprises, ce que chaque symbole signifie : κάκτος pour illustrer l'espèce de cactus géant qu'ils savent bien devoir éviter, à quelques kilomètres du checkpoint, car celui-ci ne renferme pas d'eau mais un poison terrible à la place ; ρωγμή pour l'espace vaste où le sol cesse d'être sableux et se craquelle, là où ils avaient vu une espèce de charognard dévorer une autre créature, quelques mois auparavant ; δάσος qui évoquait la forêt et plus particulièrement cet endroit où le sentier principal se sépare en trois voies, là où ils avaient choisi de prendre celle du milieu pour tomber sur une espèce de clairière déserte. Il en explique quelques autres, et les prie de les mémoriser, il n'y a qu'ainsi qu'ils pourront se retrouver. Il communiquera avec eux sous forme de code ; une petite planche de bois ressemblante à celle-ci – il tapote celle qu'ils ont sous les yeux – ornées des phrases qui ne signifieront rien pour eux mais parmi lesquelles ils devront rechercher le symbole de l'endroit qui sera leur point de rendez-vous. La dernière ligne de la plaque sera toujours constituée d'un certain nombre de mots : deux mots équivaudra à deux jours, trois mots à trois jours, et ainsi de suite.
Mauvais timing pour Oliver qui pensait certainement lui échapper une nouvelle fois ; ils se sont fortuitement rentrés dedans aux abords du checkpoint, à quelques kilomètres de là. Ils l'avaient eue, leur conversation. Leur semblant de conversation. Et la rupture indiciblement douloureuse qui s'en était suivie. Halcyon avait du mal à garder l'esprit clair, à se rassurer, se dire que ce n'était qu'une passe. L'avait-il perdu ? Pour de bon ?
Malgré tout, il n'était pas inquiet, il avait confiance en lui et il savait qu'il n'aurait pas empêché Jana d'être mise au courant de sa venue. Si Ollie lui en voulait, il ne ferait pas plus souffrir la jeune femme et il n'ignorait pas que pouvoir revoir Halcyon était important pour elle. Il s'est finalement calé sur le sol, contre une gros rocher, profitant du peu d'ombre qu'il lui offre, la tête emballée dans une sorte de turban au tissu léger pour se protéger des insolations, un prérequis fondamental quand on sortait en plein désert. Il se fout pas mal de sa pommette qui le lance, probablement gonflée. Ni de son nez dans une état ressemblant, duquel le sang a finalement cessé de couler. Il est à l'écoute du moindre bruit. Il guette la venue de sa petite protégée.
Lights will guide you home Jana Miller ~ Halcyon Ioannis {Jacyon #1} High up above or down below. When you're too in love to let it go... But if you never try you'll never know just what you're worth. C’est toujours le même cri. Inlassablement, comme un appel à la faucheuse elle-même. Désespéré, perçant, déchirant. Il sillonne l’air pour venir s’écraser contre son tympan. C’est l’apocalypse, derrière la détentrice de ce hurlement ; les flammes qui ont immédiatement suivi le crash, les corps gisant, la pluie qui ne démord pas. Et Ema, sa grande-sœur, son modèle, elle se tord de douleur, à même le sol. Une grimace de résignation contorsionne son doux visage, alors qu’elle se refuse à quitter leur paternel. Mais il est mort ! voudrait-elle lui crier, comme chaque nuit. Il est mort, laisse-le ! S’il-te-plait, viens avec nous. Je t’en supplie, ne me laisse pas seule…
Toutes les nuits, ou presque, elle revoit tous ces fantômes. Ces proches qu’elle n’a pas réussi à sauver et qui reviennent la hanter. Ces pertes, elle le revit chaque fois qu’elle ne peut se résoudre à garder les paupières ouvertes, épuisée.
Bien qu’incapable de s’arracher à son sommeil, elle a pourtant conscience qu’elle commence à haleter. Bientôt, elle suffoque, manquant d’air, de forces. C’est une poigne féroce qui se referme sur son épaule et la secoue presque qui la réveille. Brusquement, la respiration saccadée et les yeux grands ouverts, comme alarmés. Immédiatement, elle retient le bras qui s’éloigne déjà, le maintenant contre elle. Surpris, Oliver hausse un sourcil, mais ne se dégage pourtant pas. Alors elle se laisse aller contre lui, encore secouée par ses songes.
« Jana ? Tout va bien ? Tu étais… - Un cauchemar, hum, je sais », répond-t-elle précipitamment.
Puis elle lui adresse ce genre de regard qu’il connait bien ; on n’en parle pas. A la fois suppliante et décidée, son expression lui intime de ne pas insister, simplement d’être là pour elle. Pour une fois, le jeune homme ne bronche pas et ils restent encore quelques secondes enlacés, avant de décider, d'un accord tacite, de se séparer. Elle ne le remarque probablement pas, mais il semble presque regretter son geste, sûrement pris de culpabilité pour s’être laissé aller, durant un instant d’égarement, à la douceur.
« Tu as déjà mangé ? - Oui. - Bien. »
Elle soupire, se lève et se poste au niveau de leur minuscule fenêtre, tentant d’apercevoir l’immensité sablée qui les entoure. Il ne lui faut que quelques minutes pour chasser la bouffée de regrets provoquée par l’horreur de la nuit et le voile qui tapissait ses iris disparaît. C’est avec un sourire si caractéristique de sa bienveillance qu’elle se tourne de nouveau vers son compagnon, qui parait momentanément rassuré.
« Halcyon va venir aujourd’hui. » annonce-t-il de but en blanc, son regard se faisant à présent plus fuyant, tandis qu’il fait mine de nettoyer la table.
Jana stoppe tout mouvement à l’entente de ses propos, les battements de son cœur s’accélérant simultanément. Cette annonce lui fait toujours le même effet ; l’espoir renaît à l’approche de la fin de cette attente interminable. Enfin, après des semaines d’absence, Halcyon revient. Certes, pour quelques minutes, quelques heures peut-être. Elle aurait préféré qu’il retourne auprès d’eux définitivement, mais, en attendant, revoir son visage régulièrement ne pouvait que lui faire le plus grand bien. Jusqu’à ce qu’il reparte et brise un peu plus son petit cœur, bien sûr. Un cercle infini qui la laisse toujours plus petite, recroquevillée dans un coin. Mais dans l’équation, il y a Ollie. Ollie qui est toujours à ses côtés, quoi qu’il arrive. Qui veille sur elle jusque dans ses songes. Qui lui apporte la compagnie qu’elle recherche par-dessus tout. Qui est là et ne partira sans doute jamais, incapable de la laisser livrée à elle-même. Peut-être qu’un jour, elle se rendra compte que celui qui ne l’a jamais abandonnée, c’est lui. Peut-être qu’un jour, elle ouvrira les yeux. Malheureusement, en attendant, elle conserve ses œillères qui l’empêchent d’en vouloir à Halcyon. Comment le pourrait-elle, alors qu’il l’a recueillie et sauvée ?
Sans un mot de plus, il lui tend la fameuse plaque qu’on a dû lui apporter quelques jours plus tôt. A l’aide de celle qu’ils conservent précieusement dans leur petite habitation, elle identifie rapidement le lieu de rendez-vous.
« Tu seras là, cette fois-ci ? » demande-t-elle en lui adressant ce genre de regard doux dont elle seule a le secret.
Il hausse simplement les épaules en faisant mine de se détourner. Vive, elle attrape sa main avant qu’il n’ait pu terminer son mouvement, tirant dessus jusqu’à ce qu’il lui fasse de nouveau face.
« Ollie, sérieusement. Ça doit faire une éternité que vous ne vous êtes pas vus, tous les deux. - J’ai pas envie, il se dégage, certainement trop brusquement. Je préfère vous laisser à deux. »
Il disparait, comme à chaque fois qu’ils ont ce genre de discussion. Il fuit, il la blesse et elle se passe une main sur le front dans un geste de lassitude.
Elle a passé la journée aux côtés de deux rescapés. Rares sont ceux qui acceptent d’aider les nouveaux-venus ; les ressources sont limitées et chaque nouvelle tête peut être susceptible de manger à votre place. Mais Jana, elle passe presque l’intégralité de son temps auprès de ceux-ci, confiante et surtout en recherche constante de contact humain. Un couple, cette fois-ci, mal en point et épuisé. Ils sont arrivés la veille, et peinent à reprendre pleinement conscience. Alors elle leur parle, tente de les nourrir, de les hydrater, de les rassurer. Ils semblent reconnaissants, et c’est tout ce dont elle a besoin ; se sentir utile.
Quelques heures à peine plus tard, la douce jeune femme se bat contre le vent qui ralentit sa marche. Le crâne bien couvert d’un immense chapeau de paille sans doute un peu trop vieillot, elle avance dans le sable, la main en visière pour éviter que des grains malvenus ne viennent se loger sous ses paupières. Elle l’aperçoit déjà, un peu plus loin, installé à l’ombre d’un rocher. Comme toujours, le sourire de Jana ne disparait pas, il ne fait que gagner en intensité. Elle se retient d’ailleurs de terminer sa progression en sautillant, si heureuse de revoir celui qui lui manque un peu plus chaque jour.
Seulement, une fois plantée juste devant lui, elle a un mouvement de recul. Son attention s’est aussitôt portée sur le sang séché au niveau de son nez, avant de remarquer la joue anormalement gonflée. Ce n’est pas la première fois qu’il revient amoché, après tout, il doit certainement s’entraîner, là-bas. Mais c’est rarement son visage qui en pâtit, et la blessure semble étonnement récente.
« Qu’est-ce que tu t’es fait ? » elle demande sans esquisser le moindre mouvement qui l’amènerait à s’asseoir près de lui.
Il ne lui reste désormais plus que le fantôme d’un sourire, désespérément accroché à ses lèvres.
Lights will guide you home Jana Miller ~ Halcyon Ioannis {Jacyon #1} High up above or down below. When you're too in love to let it go... But if you never try you'll never know just what you're worth. Un soupir lui échappe, alors qu'il ferme les yeux une fraction de secondes. Assez pour rappeler ses pensées en divagation, pas assez pour risquer de se faire trucider par un quelconque animal sauvage en chasse. Il fallait rester prudent, lorsqu'on sortait des zones de contrôle. Rien n'était plus dangereux, ici, que de se promener, seul, dans la nature. A son avantage, il fallait toutefois préciser que le désert, en pleine journée, ne regorgeait pas forcément plus de créatures difformes et menaçantes qu'une fois la nuit tombée. Halcyon reste alerte, toutefois, si ce n'était pour ces instants qu'il s'autorisait. Il se retient de passer une main sur son visage, réflexe qu'il a un peu de mal à contrôler, se rappelant la douleur de sa pommette et de son nez abîmés.
Mais bien vite, ces dernières deviennent de simples tiraillements. Il n'y prête déjà plus la moindre attention alors qu'il voit se dessiner la silhouette de Jana, au loin. Il n'a pas besoin de la voir s'approcher pour la reconnaître, son cerveau a mémorisé son apparence, même à plusieurs mètres de là. Ou n'était-ce qu'un pressentiment ? Ou peut-être encore s'agissait-il de la forme du chapeau de paille qui a attiré, inconsciemment, son attention. Il va sans dire que ce n'était pas une tenue adéquate pour une mission d'observation ou une partie de chasse. Le doute est donc gentiment évincé. Mais il préfère croire que c'est de l'instinct, qu'il la distinguerait parmi tant d'autres, quoiqu'il arrive. La jeune femme s'approche, tandis que les yeux d'Hal s'illuminent, presque enfantins. Elle se plante devant lui, soudain immobile, alors que son sourire s'éteint lentement, quand elle lui demande :
« Qu’est-ce que tu t’es fait ? »
Sans prendre le temps de lui répondre, Halcyon tend la main, verrouille entre ses doigts l'avant-bras fragile de la demoiselle, sur lequel il tire, dans un contraste de douceur et de fermeté, sans lui laisser le choix. Il l'accueille contre son torse, accusant le coup d'un léger mouvement de recul afin de ne pas la blesser et il la tient, tout contre lui, comme s'il avait peur qu'elle ne soit qu'une illusion, qu'elle ne s’enfuie sitôt aurait-il relevé les yeux. Son visage enfoui contre son cou, l'odeur de la jeune femme mélangée à celle, plus désagréable, du sang. Mais il repousse cette dernière, ne se concentre que sur Jana, qu'il retrouve enfin.
« Tu m'as manqué. »
La voix est rauque, grave, presque sombre, alors qu'il lui confie le fond de sa pensée sans une once d'hésitation. Oliver avait effectivement mis le doigt dessus. Le pilote avait une façon de penser problématique, égocentrique, même, à n'en pas douter. Il n'était pas du genre à cacher la vérité sur ses sentiments, s'il avait quelque chose sur le cœur, il leur en faisait part. Et c'est avec un naturel quelque peu déboussolant qu'il pouvait lui murmurer ce genre de choses sans que lui-même n'y voie le moindre problème. Il manquait peut-être de maturité, à laisser ainsi ses émotions prendre le contrôle, par moment.
Et, enfin, il défait la pression de ses bras, laisse à la lobsterrienne le loisir de s'éloigner, si elle le souhaite. Le visage d'Hal s'est orné d'un sourire léger, discret, mais présent, malgré tout. Il inspecte Jana, ses iris grises analysant le moindre détail de la jeune femme, comme s'il cherchait à y détecter une incohérence, même à peine perceptible.
« J'ai eu peur qu'Ollie ne te prévienne pas..., souffle-t-il, à peine audible. Il a visiblement un problème avec moi, ces derniers temps... »
Mais comme si ces pensées le gênaient, il secoue doucement la tête pour les chasser. Du revers de la main, il trace un chemin sur la joue de Jana, geste d'attention presque un peu déplacé alors qu'il bride ses pensées, qu'il maintient son esprit sous contrôle, sans qu'il ne soit possible de discerner, dans ses airs, un quelconque changement.
« Comment..., tente-t-il, avant de prendre une bouffée d'inspiration. Comment tu vas, toi ? »
Il orne sa question d'un sourire, plus triste qu'il ne l'aurait voulu. L'avoir en face de lui, c'est comme enfoncer le couteau dans une plaie encore fraîche. Fraîche de presque trois ans, tout de même. Il semblerait qu'elle ne parvienne pas à guérir, qu'importe les efforts qu'il y met. Ou doit-il sa lente cicatrisation au fait qu'il revienne les voir, inlassablement, autant que possible ?
Elle a accès à un Halcyon que peu de gens peuvent se vantent de connaître... pour ne pas dire personne. Avec elle, il est ouvert, attentionné, un peu maladroit. Il est bien moins réservé ou silencieux qu'avec les autres. Il s'autorise simplement à être lui, sans se poser d'autres questions. Sans savoir, même, s'il ne fait pas erreur. Il n'imagine pas pouvoir la blesser, dans le processus.
« Tu m'as l'air un peu pâle. Tu dors correctement ? »
Il se doute de la réponse, il se rappelle parfaitement les cauchemars qui hantaient ses nuits, quelques années auparavant. Elle ne montre rien, la jeune femme, elle s'habille d'un doux sourire, qui fait tout son charme et qui trompe bien son monde, aucun doute là-dessus. Mais Hal la connaît au-delà du sourire qu'il a vu naître, il l'a connue au bord du gouffre, il décèle sans problème le vrai du faux sourire, il a appris, avec les années, à lire ce qui se cachait derrière. Parce que la compassion naît essentiellement d'une grande souffrance et qu'il refuse de voir Jana souffrir s'il peut y faire quoique ce soit pour l'en empêcher.
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