LIGHTNING AND THE THUNDER (bbz)

☆ ☆ ☆

Thought I found a way
Thought I found a way out
But you never go away
So I guess I gotta stay now

Il connaît par cœur le pincement au ventre qui précède la solitude.
Le garage est désert et un moteur en panne fait un bruit agaçant, il a les mains dedans depuis dix bonnes minutes, efface la sueur qui perle sur son front d'un geste rageur de bras, laisse une trace noire qu'il ne remarquera pas. Un long soupir, puis un léger coup de pied dans la bécane, pas assez pour la faire tomber, assez pour qu'elle vacille. «  Quel bourbier. » Mais le silence seulement lui répond. C'est un jour gris. Les blancs sont pour l'espoir, l'argent ramassé et les sourires collectés, et les noirs pour tout le reste. Il a interdiction de fouiller quand il est seul, pourtant il marche lentement jusqu'au mini frigo bien caché en dessous d'un établi, en sort une bière fraîche qu'il décapsule à même les dents. C'est peut être pour ça qu'il les a un peu tordues, à force d'en faire n'importe quoi. La moitié se vide dans sa gorge quand il porte le goulot à ses lèvres, goût âcre et bon marché trop familier comme tous les moments où il se retrouve dans les ombres du garage. Nonchalamment, il lève le bras, et de l'autre continue à siroter. La clé à molette se dissipe en poussière, se reforme, tantôt pliée, droite, plus grande ou minuscule. Il se demande si avec un peu de force il serait capable de miniaturiser le garage entier.
Le terrain de courses,
et toute la ville avec.
Peut être qu'il se sentirait moins petit.
Les bières s'enchaîne et il en boit deux, ou trois. Pas assez pour que sa tête ne tourne, mais assez pour se sentir plus roi du monde encore que d'habitude. Il cache ses pouvoirs à tout le monde, surtout à sa mère. Parfois il frime devant les plus grands, pour avoir l'impression que sa place est méritée et pas pistonner. Il sait qu'il mérite d'être au sommet. De toute façon. Ses mains qui se tendent devant lui, la bière presque vide qui finit abandonnée sur le sol. Il fronce les sourcils, se concentre, tremble un peu. Au sommet. Au sommet. La voiture devant lui se soulève, les roues décollent du sol. Regardez-moi, regardez ce que je peux faire. Il est seul mais il n'a besoin de personne pour mettre en scène un spectacle. Regardez-moi, regardez-moi.
Regardez-moi, je suis grand
gigantesque,
immense,
et petit à la fois.

Il y a un peu de cernes sous les yeux de l'ange et un peu de panique dans le coeur, peut-être, aussi. Bebe a les deux mains sur le volant du camion. Il n'a jamais deux mains sur le volant. Mais ce soir, elles sont là, précisément posées à trois et neuf heures, et il avance dans la nuit qui tombe et il fredonne ce qui passe à la radio, beaucoup trop fort, pour ne pas penser à ce qui hurle un peu trop bas dans sa tête depuis quelque temps. C'est que, là-dedans, c'est plutôt un grand bordel. Becan est perpétuellement à la recherche de quelque chose - plusieurs choses - sans en avoir le nom précis, ni si ces choses existent. Mais il cherche, un peu trop fort, un peu trop partout, peut-être, et il y a comme un noeud qui croît dans ses entrailles, avec la panique, lorsque son coeur et son corps restent trop longtemps sans mouvements. Il y a ses lèvres qui se pincent un peu plus fort et les doutes qui se glissent et qui pleuvent, contre sa peau, non pas à cause des autres mais à cause de lui-même. Bebe aime fort, beaucoup trop, mais peut-être qu'il devrait garder un peu de cet amour pour lui-même. Bebe n'est pas grand, il n'est pas petit, il est minuscule. Il n'est pas intelligent, il n'est pas débile, il est léger, c'est bien plus compliqué. Bebe est son pire ennemi comme son meilleur ami. Bebe se déteste aussi fort qu'il peut aimer n'importe qui, et à rester trop longtemps en compagnie des gens qu'il aime trop fort - surtout Dakota, dernièrement, depuis ce baiser et les milliers d'autres qui ont suivis, et les autres choses, aussi, comme les mots, les caresses, les murmures les sourires et puis les soupirs, Bebe pince de plus en plus ses lèvres et doute, beaucoup, beaucoup trop peut-être, et fuit malgré lui Dakota car c'est lui-même qu'il fuit. C'est lui en compagnie de Dakota, lui tout nu, sans aucune façade, assez à nu pour que l'autre ne voit plus l'excédent sur sa peau et ne voit que le vrai qui n'est pas aussi laiteux que sa peau. C'est qu'elle est belle, sa peau, très belle même, mais le blanc, aussi pur qu'il peut être, tire facilement au rouge dès que le soleil y pose ses rayons. Bebe est à vif. Bebe se brûle, comme il a brûlé ses ailes, et c'est pour cela qu'il n'est jamais dans les airs à voler. On a beau le trouver joli, le bel oiseau, mais ça ne change rien que ses plumes, qu'importe les couleurs, ne peuvent pas fendre l'air et se perdre au travers des nuages.. Il a les pieds dans la boue et le ciel lui fait un doigt d'honneur.
Les doigts se crispent un peu plus fort sur le volant, le camion rouge s'arrête et les lumières s'éteignent. La musique gronde toujours, forte, presque trop agressive pour l'ange. Il l'écoute quelques secondes de plus, le blond, avant de soupirer et de retirer les clés du contact, avant de sortir du véhicule et de laisser le vent, fort, très fort, claquer la porte derrière lui. Le bruit lui arrache une tension certaine dans les épaules et il se glisse dans le garage, sans réellement savoir pourquoi il est ici, ce soir. Depuis combien de jours Becan n'y a pas travaillé ? Ils sont de moins en moins nombreux. Bebe fuit son père comme la peste, surtout depuis qu'il sait la vérité, sur Bobby. Il n'en a jamais parlé à Will. Il pourrait. Mais Bebe se dit que, qu'importe le sang, Will est son père comme Bobby peut l'être. Chacun a eu son rôle dans sa vie. Il ne va pas renoncer à l'un pour avoir l'autre. De toute manière, il n'a aucun des deux complètement.
Les pensées biffurquent vers d'autres personnes que ses pères, et Bebe fronce des sourcils, frotte ses yeux de ses poings, tout en avançant, pense aux boissons énergisantes qui l'attendent dans l'un des nombreux frigos du garage et pousse une porte pour, justement, s'enfoncer dans la partie garage du magasin. Les doigts quittent les yeux rougis - par la fatigue et la beuh - et le pas se cesse, face à la voiture lifter dans les airs, mais sans équipement. Bebe tilte sa tête sur le côté, le regard innocent, peu surpris, un peu émerveillé. Puis, l'oeil bleu glisse sur l'ancien amoureux. Zoe, qu'il souffle, bas, le coeur un peu léger, soudain. Les yeux pétillent un peu plus fort, mais avec une retenue certaine. C'est que, depuis la rupture, beaucoup de choses ont changés. Zoe a pris un pas de recul et Bebe fait de son mieux pour ne pas en faire un et avancer. Tu crois que si je mange quelque chose qui contient beaucoup de fer comme des épinards, genre des jus d'épinard pendant un mois, tu serais capable de me faire léviter comme tu l'fais avec la voiture ? ça serait vraiment super, la voix est douce et Bebe passe sous la voiture sans porter attention à la chose, sans douter un instant de Zoe, en lui faisant innocemment confiance. Il traverse la pièce de quelques pas légers et le rejoint de l'autre côté, sans réellement s'approcher, et ouvre le frigo caché pour se prendre une boisson énergisante. je connais un récif sur le bord de la mer, il est si haut, quand tu en sautes, t'as l'impression de voler pendant quelques secondes. ou une éternité, si tu fermes les yeux forts et que tu te laisses emporter. je rêve souvent que je vole, tu sais ? mais souvent, ça finit en cauchemar. mes ailes se brisent, ou se blessent, et je finis par chuter vers le sol. je me réveille toujours avant de l'atteindre. Il ouvre la canette, en prend une gorgée. tu répares la voiture ? Et change rapidement de sujet, comme toujours, pour ne pas changer, une curiosité qui fait briller le bleu de ses yeux, la fatigue un peu en dessous, et les fesses posées sur l'établi, bien que son père lui a dit milles fois de ne pas faire cela.