(#1) sydsyn + so much to lose, i'm losing my mind

Elle reste silencieuse, quand il lui explique son rapport à l’alcool d’il y a quelques temps. Il ne lui en avait pas parlé - il ne l’avait même pas mentionné. Il est resté avec ces questions, resté avec ce malaise dans son coin, sans lui en parler. Tamsyn baisse les yeux vers le verre qu’elle a entre les mains. Elle sait que… Elle devrait pas s’en faire. Il est un grand garçon, il arrive à gérer ces choses-là tout seul. La preuve, il est passé à autre chose, et il lui en parle aujourd’hui. Mais Tamsyn s’en veut. Encore plus qu’un peu plus tôt. Ils devraient passer suffisamment de temps ensemble pour qu’ils parlent de ces choses-là quand elles arrivent. Elle veut qu’ils passent suffisamment de temps ensemble pour pouvoir s’aider, tout le temps. Au lieu de ça, il traverse des périodes de doute sans même qu’elle le remarque. Ça lui fait peur, cette distance entre eux, tout à coup - alors qu’avant, ça le rendait juste triste. Et s’il avait eu besoin d’elle, mais qu’il n’avait rien dit, de peur de… la déranger ? Tamsyn veut pas penser que ça puisse arriver. Ça lui fait un peu mal au coeur.
Y’a-t-il d’autres choses qui lui ont complètement échappé ?
Elle prend la bouteille, hésite presque à se servir un verre. Mais elle le fait quand même, pour l’accompagner. Parce que c’est de mise. Ils sont censés célébrer le fait qu’ils se retrouvent enfin. Il faut qu’elle se concentre sur ça, oui. Mais alors qu’elle a rempli son verre de moitié, elle lève quand même la tête pour dire, doucement. Prends soin de toi, d’accord? Et puis elle finit de remplir son verre, passant rapidement à un autre sujet, pour s’empêcher de déverser plein de mots qui trahiraient son inquiétude pour lui. Ça la met mal à l’aise, de lui montrer qu’elle s’inquiète pour lui comme ça, alors que… C’est normal, right ? Ils sont amis. Meilleurs amis, c’est normal qu’elle s’inquiète pour lui. Mais le dire à voix haute ? C’est bizarre. Alors qu’il a peut-être envie de l’entendre. Elle se sent débile.

C’est plus facile de parler de sa mère et du fait que, oui, elle mérite de trouver quelqu’un qui la rende heureuse, après toutes ces années. Bon, Tamsyn espère toujours quand même que ce sera Tobias, mais elle est prête à accueillir n’importe qui dans la famille, à partir du moment où sa mère retrouve innocence et joie dans les bras de quelqu’un. On pourrait se faire des vacances à quatre, non ? Toi, moi, ta mère et la mienne. Je suis sûr que ça leur ferait plaisir, et ce serait peut-être moins triste s’il y a ma mère aussi Tamsyn hausse les sourcils. Elle n’y avait pas vraiment pensé, mais honnêtement, pourquoi pas ? Ce serait doublement gagnant : elle passerait enfin du temps avec sa mère, mais pourrait aussi passer du temps avec Sydney, hors du boulot, déconnectés de toutes leurs responsabilités. Elle n’est pas non plus contre partir en vacances avec Iseul - ça fait un moment qu’elles ne se sont pas vraiment croisées. Et puis à défaut de devenir femmes, elles pourraient au moins devenir amies, avec sa mère à elle. Ce serait plutôt une bonne chose, étant donné que leurs enfants ont construit quelque chose d’aussi énorme qu’un empire de l’entertainment ensemble. Je suis vraiment pas sûr que ça marcherait, et puis, Pas faux. Leurs mères partagent le même côté badass, mais sont tout de même très différentes. Tamsyn approche ses lèvres de son verre pour enfin prendre une gorgée de whisky, pensive. y’a déjà un mariage Pearson-Huggins non? On a même fait un bébé avec High Hopes, je pense que ça suffit, tu crois pas ? What. Le whisky passe de travers, et Tamsyn pose son verre. Elle tousse un peu - le plus discrètement possible, sauf qu’ils sont tous seuls sur ce toit alors Sydney ne peut définitivement pas le manquer. Elle n’y avait jamais pensé comme ça, mais c’est sacrément adéquat, cette comparaison. Après tout, c’est faire un sacré voeu l’un envers l’autre, de s’allier pour monter une entreprise. Un truc qui lie pour la vie, un peu comme… Elle essuie du bout de sa manche les gouttes de whisky qui se sont faufilées sur son menton à cause de la surprise. Elle se sent encore plus débile. Elle devrait même pas être gênée. Il l’est pas, lui. Alors elle devrait pas. Elle se ressert un peu de whisky dans son verre. S’il continue comme ça, elle va jamais pouvoir finir un verre. Pas faux. se contente-t-elle finalement de répondre, le plus naturellement possible - ce qui rend bien sûr un truc pas naturel du tout. Pourquoi est-elle si awkward? Elle commence à se demander si Arizona n’a pas mis un truc dans son dernier green juice de la journée.

Elle écoute Sydney parler de sa mère, sourit un peu. Elle est sacrément bornée. Mais je l’admire aussi pour ça. Elle lâche un peu son verre - il ne passe pas vraiment de toute manière depuis qu’elle a avalé de travers, et s’allonge par terre, le visage face aux étoiles. C’est paisible, ici. Ils devraient venir ici plus souvent.
Syd se met à chantonner quelque chose - qu’elle ne connaît pas, et elle ferme les yeux. Ce n’est pas quelque chose que l’un de leurs artiste a sorti, ou une chanson qu’il a proposé à l’un d’eux. Elle ne l’interrompt pas, dans un premier temps, se laissant porter par les sons étrangers qui sonnent pourtant si familiers, avec sa voix à lui. Elle ne rouvre les yeux qu’après quelques vers, observant le profil de Syd dans la nuit éclairée. Il a l’air heureux. Elle aime bien cette chanson, elle lui donne bonne mine. C’est joli. dit-elle doucement, quand la mélodie s’arrête. Elle ne lui demande pas si c’est lui qui a écrit ça - c’est une évidence. C’est nouveau? Elle se redresse un peu, sur un de ses coudes. J’aime bien quand t’écris en coréen. Enfin, j’aime bien quand t’écris en anglais aussi mais… Ça a un charme différent. On dirait toujours que c’est plus… profond, plus viscéral, quand tu chantes pas en anglais. Je sais pas si ça fait du sens, ce que je dis. Elle hausse les épaules. Bref. Ça parle de quoi ?

Syd ne peut s’empêcher de remarquer la réaction de Tamsyn à ses paroles. C’était une soirée quelque peu étrange. Même si ça ne devrait pas l’être. Ils se connaissent depuis tant de temps. Leurs vies se sont tellement entremêlées, destins croisés, ça ferait sans doute rêver ceux qui croient à ces histoires d’âmes soeurs car s’il y a bien des personnes que la vie a cherché à réunir, c’est eux. Depuis leur jeunesse brisée jusqu’au toit d’un building à Arcadia. Syd fait tourner le liquide ambre dans son gobelet en plastique, repensant à tout ce qu’ils avaient fait depuis leur rencontre et même simplement depuis ce début de soirée.
J’aime bien quand t’écris en coréen. Enfin, j’aime bien quand t’écris en anglais aussi mais… Ça a un charme différent. On dirait toujours que c’est plus… profond, plus viscéral, quand tu chantes pas en anglais. Je sais pas si ça fait du sens, ce que je dis.
Les compliments lui font chaud au coeur et il ne peut s’empêcher de sourire. Le lien qu’il a avec la langue de ses ancêtres est bien souvent bafoué. L’anglais ayant été adopté comme langue universelle, beaucoup de personnes ne comprennent pas vraiment son envie de parler et d’écrire coréen. Peu de personnes le comprennent, les gens s’en fichent et des chansons en coréen rapportent moins que celles en anglais, pour toutes ces raisons. Pourtant pour lui le coréen a toujours été important. Le coréen est nostalgique, le coréen lui rappelle les moments particuliers passés avec sa mère, l’enfance bercée aux sons de cette langue. Le coréen rassure et apaise, les sonorités douces et fluides. Le coréen n’est que positif, même si certains penseraient que la nostalgie n’est pas une bonne chose, elle l’est pour lui. Le coréen fait remonter des souvenirs de journées chaudes et chaleureuses. Le coréen est aussi la langue de l’amour, même si Syd n’est pas sur de vouloir y croire, sa soulmark est bel et bien présente, ancrée dans sa peau pour toujours, et elle l’est dans la langue coréenne. C’est sans doute pour ça que toutes les chansons qu’il écrit en coréen sont celles qui sont les plus personnelles, qui le rendent le plus vulnérable. Sa mère a toujours dit que son don était plus intense quand il chantait en coréen, c’était sans doute un signe, une preuve de l’importance de tout cela pour lui.
Oui, je comprends. C’est … différent pour moi, peut-être que c’est justement parce que la plupart des gens ne le comprennent pas. C’est plus facile d’être honnête, j’imagine, quand on est protégé par la barrière de la langue.
C’est peut-être pour ça aussi que la question de Tamsyn est si compliqué. Comment lui faire part de ce que cette chanson signifie sans rendre les choses bizarres ? Syd lui-même ne saurait vraiment expliquer pourquoi c’est ce qui lui est venu à l’esprit à cet instant précis, et encore moins pourquoi il ne peut s’empêcher de voir son visage lorsqu’il y pense. Et en toute honnêteté, il n’a pas vraiment envie d’y penser trop longtemps, l’anxiété le guette, dissimulée dans un recoin de son esprit et n’attendant qu’une chose, en sortir. Il s’éclaircit la gorge avant de lui répondre.
Hum… c’est difficile à expliquer pour quelqu’un qui parle pas coréen. Faux. Il y a beaucoup de jeux de mots et de chose comme ça. Mais … c’est une chanson sur les gens et l’amour, j’imagine. Il se sent si stupide de le dire comme ça, mais c’est tellement difficile à expliquer, surtout à quelqu’un comme Tammy.
Sur comment on passe de personne à amoureux et le lien entre vivre et aimer. Tu sais, live love, c’est similaire et en coréen les mots pour personne et pour amour sont aussi très similaires. Et il y a aussi l’idée de partenaire de vie, pas forcément comme on l’entend, pas forcément quelqu’un avec qui tu es en couple et avec qui tu as des relations hum, physiques mais juste quelqu’un qui est avec toi, tout le temps. J’imagine que c’est un peu comme les soulmates au final, ça peut être un amant ou non mais ça reste une personne importante. Sauf que là c’est pas choisi arbitrairement par on ne sait qui, c’est juste … comme ça. C’est sans doute moi qui ne fait pas sens maintenant, finit-il avec un rire penaud. Expliquer le sens des mots est facile mais expliquer tout ce qu’il ressent est une autre affaire, surtout lorsqu’il n’est pas vraiment sur de comment l’interpréter. Parfois Syd écrit, c’est tout, sans préméditation, sans savoir où cela va aller et ce sont souvent les chansons les plus pertinentes et personnelles qui en ressortent, lorsqu’il est capable de fermer les yeux et de se laisser emporter par ses émotions sans penser aux conséquences et à l’impact qu’elles pourraient avoir. Sans s’avouer à lui-même des choses qui restent secrètes, sans s’avouer que malgré son désaccord avec le concept des âmes soeurs, il sait qu’il resterait heureux de trouver la sienne. Juste parce qu’elle existe, et parce que toute sa vie on lui a répéter que c’était ce qui faisait que les gens se levaient le matin, l’idée que peut-être ce jour serait le jour où ils trouveraient celui ou celle qui avait été créé spécialement pour eux, celui ou celle qui comblerait le vide que tout le monde ressentait qu’ils le veuillent ou non. Syd avait vu les effets destructeurs de la perte d’une âme soeur, il ne voulait pas y prendre part, il avait peur de ne jamais la trouver mais il avait sans doute plus peur encore de la trouver et de ce qu’il se passerait si ça n’était comme tout le monde le disait, si ça n’était pas aussi parfait et aussi évident que cela devait l’être. Ce n’était pas le moment opportun pour tomber dans ce genre de considérations et Syd pouvait sentir la pression des émotions dans sa poitrine et de l’humidité qui menaçait ses yeux. Il s’éclaircit la gorge à nouveau, avant de finir son gobelet d’un geste vif, la brulure de l’alcool remplaçant aussi celle qui séjournait dans ses entrailles.

Bref, c’est sans doute pas une chanson qui sortira un jour, donc tu fais partie des privilégiés qui auront pu l’écouter, dit-il en souriant.
D’ailleurs, j’ai peut-être trouvé un nouvel artiste, faudra que je te fasse écouter.
Ils avaient prévus de ne pas parler du boulot, mais Syd était prêt à faire une exception lorsqu’il s’agissait de changer de sujet.

Elle voit que ça lui fait plaisir, ce qu’elle vient de dire. Alors ça la fait sourire aussi, de le voir sourire et de regarder le sol, un peu gêné. Elle a envie de lui demander de continuer à chanter, parce qu’elle a vraiment bien aimé la bulle chaleureuse que sa voix a créé, pendant quelques instants. Elle aurait presque pu se laisser bercer et s’endormir. C’est … différent pour moi, peut-être que c’est justement parce que la plupart des gens ne le comprennent pas. C’est plus facile d’être honnête, j’imagine, quand on est protégé par la barrière de la langue. Tamsyn se rallonge, le dos contre le toit, les yeux rivés sur le ciel. Elle comprend ce qu’il veut dire. Pendant ses premières années, c’est son père qui l’a élevée, avant de partir. Avec lui, elle a appris un peu le français, et naturellement, pendant son enfance puis son adolescence, c’est dans cette langue qu’elle arrivait le mieux à faire partager sa colère ou sa tristesse. Elle a cessé de parler la langue de son père depuis des années maintenant, et a l’impression d’avoir un peu perdu. Ce n’est pas grave - se persuade-t-elle. Ce n’est pas comme si elle avait l’occasion de parler français dans la vie de tous les jours, de toute manière. Cette langue si familière est presque devenue une langue qu’elle méprise, parce qu’elle lui rappelle cet homme qui a préféré reconstruire une famille sans elle. Et pourtant, à l’intérieur de sa cuisse, c’est bel et bien en français que sa soulmark est gravée. Comme si cette langue ne pouvait pas mentir, était profondément ancrée en elle.
Elle balaie les souvenirs en fermant les yeux, et se reconcentre sur la voix de Sydney, qui tente de lui expliquer de quoi parle sa chanson - visiblement avec difficulté. Il parle de gens, il parle d’amour. Il parle de jeux de mots. Il parle d’âmes soeurs. Il parle de personnes qui marquent. Il parle de personnes qui se choisissent, un peu. C’est confus. C’est sans doute moi qui ne fait pas sens maintenant, Non, non, je comprends. tente-t-elle de le rassurer. Mais la vérité, c’est qu’elle n’est pas sûre d’avoir vraiment envie de comprendre. Parce que ce sont des sujets profondément personnels, et dont ils parlent peu, malgré leurs années d’amitié. C’est le jardin secret de Sydney, celui où elle ne pénètre pas. Jamais. Elle se doute que Sydney a écrit cette chanson avec quelqu’un en tête. L’un de ses exs, probablement. Peut-être cette nana, qui l’a quitté quand ils étaient jeunes. Peut-être les deux autres, que Tamsyn n’a jamais rencontrés. Elle n’a jamais cherché à les rencontrer. Même quand il n’y avait pas l’entreprise, même quand ils étaient juste amis, et pas encore associés, ils séparaient déjà leur relation de leurs vies amoureuses respectives. Tamsyn ne sait pas trop bien pourquoi, ça s’est fait naturellement. Comme séparer le travail de la vie personnelle. C’était peut-être mieux comme ça, de toute manière. Vu son peu d’expérience en relations amoureuse, Tamsyn n’aurait pas vraiment pu se placer en conseillère ou… quoi que ce soit.
Mais ça l’attriste un peu, qu’il pense toujours à tout ça. Ça fait un petit moment qu’il est célibataire, maintenant. L’idée que ces relations l’aient marqué au point qu’il continue à écrire sur elles… Tamsyn n’aime pas ça. Elle veut pas qu’il en souffre toujours. Mais cette chanson n’est pas une chanson triste pense-t-elle. Du moins c’est ce qu’elle a cru comprendre quand il lui a expliqué le sens de la chanson. Peut-être qu’il ne souffre pas. Peut-être qu’il est juste toujours amoureux d’une de ces personnes. Peut-être qu’il a rencontré quelqu’un depuis et qu’elle n’en sait rien. En dehors d’High Hopes, ils mènent leurs vies comme ils l’entendent. Sydney sort, probablement. Il rencontre peut-être du monde de son côté, quand il est avec ses colocs, quand il voit ses amis. Elle ne l’a jamais questionné dessus, alors elle ne peut pas le blâmer de ne pas lui en avoir parlé, s’il voit quelqu’un. Ce serait cool pour lui. Enfin, elle est contente, s’il est heureux.
Elle ne sait pas vraiment ce que c’est, de souffrir par amour.
Elle sait encore moins ce que c’est, d’être heureux en amour.
Elle connaît rien de tout ça. La seule chose qu’elle ait pu observer, c’est le divorce de ses parents, et la relation compliquée que sa mère a avec son âme soeur. Sa connaissance des relations amoureuses s’arrête là, et à ce qu’elle a vu dans les films et lu dans les livres. Peut-être qu’elle est juste incapable d’aimer quelqu’un. Ou de se laisser aimer quelqu’un. Elle envie Sydney. Peut-être qu’elle est un peu jalouse qu’il ait eu ce privilège qu’elle n’a jamais eu. Oui, c’est probablement ça, le truc qui lui fait un peu mal au ventre et la rend un peu morose, soudainement.
Bref, c’est sans doute pas une chanson qui sortira un jour, donc tu fais partie des privilégiés qui auront pu l’écouter, Il sourit, elle esquisse un sourire aussi, mais il n’atteint pas vraiment ses yeux. « Je suis honorée. » dit-elle d’une petite voix, toujours allongée par terre. D’ailleurs, j’ai peut-être trouvé un nouvel artiste, faudra que je te fasse écouter. Elle hausse les sourcils, se redresse, accueillant à bras ouverts le changement de sujet. Elle préfère parler boulot que de laisser les pensées continuer à nourrir des sentiments négatifs qui pourraient gâcher la première soirée sympa qu’elle a depuis des semaines. « Oui, fais-moi écouter ! »

04h45 Tamsyn ouvre les yeux, et met quelques longues secondes à comprendre où elle est. Il fait diablement froid, et le plaid qui la recouvre n’est certainement pas suffisant pour les températures de la nuit. Elle n’a même pas son portable, et n’a aucune idée de l’heure qu’il est. Elle se rappelle de la soirée : les verres de whisky, l’espèce de karaoké qu’ils ont finit par faire sur le toit. Leurs discussions sur leurs artistes. Ils ont un peu bitché. Ils ont parlé des autres entreprises, ont parlé de faire des poupées vaudou de leurs détracteurs. Ils ont parlé de leurs premiers concerts, ont parlé de leurs après-midi à monter l’entreprise dans l’appartement des Huggins. Ils ont parlé des amis de sa mère qui passaient les aider avec la paperasse, aux débuts du projet. Ils ont parlé de leurs familles, un peu. Ils ont fait des bucket lists. C’était fun.
Mais là, il fait froid, et c’est beaucoup moins fun.
Sydney dort comme un bébé, ses longues jambes repliées sous la couverture qu’ils partagent. Ça lui crève presque le coeur de le réveiller. Mais il faut qu’ils rentrent. Déjà, là, Tamsyn n’est pas sûre qu’ils échappent à la crève. Elle pose une main sur son épaule. tente de le secouer un peu. Mais il dort, profondément. S’il ne faisait pas aussi froid, vraiment, elle l’aurait laissé dormir. « hey. » Ses doigts glacés trouvent sa joue, qu’elle poke avec un sourire pour le réveiller. Ses paupières bougent un peu, et il ouvre un oeil. Elle murmure, alors qu’il n’y a personne autour : « Viens à l’intérieur. On va tomber malades. » Il gémit un peu, mais semble prendre conscience de la situation et en venir à la même conclusion qu’elle. Ils se redressent un peu, et ils embarquent la couverture. Tamsyn le prend par la main et ils laissent leur salon improvisé pour la chaleur du dernier étage. Il fait noir partout, mais ils n’ont pas de mal à se diriger, et finissent dans le bureau/studio de Syd, où le canapé ferait presque pleurer de joie Tamsyn qui a un peu trop mal au dos après plusieurs heures allongée sur le toit.
Ils sont dans une drôle de bulle, moitié éveillés, moitié endormis. De vrais petits zombies. Tamsyn ferme à clé la porte derrière eux - elle a pas envie que les assistants les trouvent avec des têtes de déterrés, le lendemain matin. Puis elle s’allonge sur le canapé, avec un soupir. Sydney commence à organiser les couvertures par terre. « C’est bon, tu vas pas dormir par terre. » Il hésite. « Fais pas l’idiot. » S’il était parfaitement éveillé, il aurait probablement insisté. Mais Sydney endormi est moins difficile à convaincre, et elle lui fait de la place sur le canapé. Ils sont un peu serrés, mais tant pis.
C’est marrant. Ça fait longtemps qu’ils se sont pas réveillés ensemble. Ça lui rappelle des bons souvenirs, à Tamsyn. Ça lui rappelle leurs débuts, quand ils ne se quittaient pas d’une semelle. Elle aimait bien cette époque. Elle avait l’impression d’être plus elle-même que maintenant. « Rendors-toi. »

10h23 C’est beaucoup trop confortable. Ça devrait pas l’être, mais c’est vraiment, beaucoup trop confortable. Tamsyn refuse de bouger. Elle veut rester là, au chaud sous la couverture, son bras encore plus au chaud dans la poche du sweat de Sydney, bercée par le rythme de sa respiration. Elle veut se rendormir, tout de suite.
Mais elle fait l’erreur d’ouvrir les yeux.
Et ses yeux font l’erreur de trouver l’horloge au mur.
Les chiffres se font plus précis quand elle plisse les yeux.
« Fuck. » L’exclamation réveille Syd. « Merde, merde, merde, merde, merde. » Elle se redresse brutalement, enjambe le corps toujours un peu endormi de Sydney, et file dans les toilettes pour constater l’horreur dans le miroir. « Merde. » Elle ressemble à un épouvantail. Et elle a raté son rendez-vous de 9h. Et celui de 9h45. Il ne faut pas qu’elle rate celui de 10h30.
Elle a envie de pleurer. Elle veut juste retourner s’allonger et continuer à dormir. (Avec Syd.)
Mais au lieu de ça, elle arrange ses cheveux et lisse ses vêtements dans l’espoir de faire illusion. Merde. Une fois qu’elle a l’impression que ce n’est pas trop horrible, elle sort, traverse le studio et file vers la porte. Elle a un moment d’hésitation, quand sa main trouve la poignée. Elle tourne les yeux vers Syd, assis sur le canapé, tentant visiblement de se réveiller. « On… On se voit plus tard, ok ? » Elle sait même pas pourquoi elle est gênée, ou pourquoi ses joues rougissent quand elle sort du studio.
Elle veut pas que les gens se fassent de fausses idées.
Elle file dans l’ascenseur, colle ses mains à ses joues pour essayer de faire descendre la température. « Merdeeeeeuh. » Quand les portes s’ouvrent sur son étage, elle trouve Arizona à son bureau, qui la regarde avec des yeux surpris, mais un petit sourire amusé aux lèvres. « Je ne veux. Aucun. Commentaire. » « Bien. Bien. » « Et je t’attends dans mon bureau dans 7 minutes. Trouve moi du mascara. » Il continue de sourire. « Ok. » « Aucun commentaire, j’ai dit. » Il baisse les yeux sur son ordinateur. « Aucun. Promis, boss. »