don't leave (clilea#1)

juillet 2017


antoni a le rire fort qui traverse la pièce en entier, qu'importe la musique qui hurle fort, dans les enceintes, et les diverses conversations qui ont lieu dans la demeure. cliff jete un regard par dessus son épaule, un sourire un peu trop grand, dévoilant son niveau d'alcoolimie dans les veines, tandis qu'il dévisage son meilleur ami écouter le récit d'un autre joueur de leur équipe. l'hispanique est affaissé contre le dossier du canapé déjà beaucoup trop encombré et cliff hésite, une seconde, à traverser la pièce pour rejoindre son meilleur ami et écouter le reste de l'histoire avec lui. sauf que azalea est quelque part dans la maison, et cliff ne l'a pas vu depuis plusieurs minutes, peut-être une heure, et il lui semble que peut-être, ils se sont disputés au début de la soirée sur un sujet qu'il a complètement oublié. il ne sait jamais. il ne sait jamais comment s'est terminé leur dernière rencontre, car les disputes sont trop communes et il lui arrive souvent d'arriver les sourcils froncés sans réellement savoir pourquoi, déjà braqué pour ce qui pourrait arriver ou pour ce qui est déjà arrivé. mais l'alcool s'est glissé dans sa gorge et son ventre, ce soir, et antoni lui a refilé un peu trop de shooter, certainement, car cliff a ce sourire qu'il déteste sur les lippes qui ne cesse de fleurir et il a, aussi, l'absence de la tension toujours présente dans sa carcasse. il lui semble marcher sur un nuage, à chaque pas. il lui semble que le sol le fait rebondir à chaque pas et qu'il tangue un peu, parfois, mais la chose se fait avec un rire au creux de sa gorge et il ricane, se glisse dans les conversations qu'on hurle son prénom et s'arrête quelque minute avant de lever les yeux et de, une nouvelle fois, chercher sa petite amie de nouveau. il lui semble qu'il est venu en sa compagnie. il essaie d'être le plus souvent possible avec elle, entre ses entrainements et les cours, et jad, et elle trouve le moyen de se plaindre encore. cliff pince les lèvres et garde des soupirs en réserve, finit par lui hurler au visage à chaque fois. dans sa poche, son téléphone vibre, porte un message de jad. peut-être est-ce pour cela qu'il ne trouve pas l'asiatique. peut-être que jad lui a envoyé un message et que azalea lui a encore fait une crise pour un rien, parce qu'elle s'imagine des choses, parce que cliff a osé lui dire un jour qu'il avait été amoureux de sa meilleure amie pendant son adolescence et que forcément, la brune ne l'oublie absolument pas. il a beau lui dire je t'aime un nombre allucinant de fois et la serrer dans ses bras plus fort qu'il ne le désire réellement, elle garde cette fureur dans les yeux et elle hurle lorsqu'elle le peut, car elle possède un feu en elle que cliff ne peut contrôler.
il n'est pas doué, de toute manière, pour contrôler le feu.
il ne le sera certainement jamais.
il cligne des yeux, cliff, en sortant de ses pensées. son regard est toujours collé sur le visage d'antoni, et le brun l'a remarqué. son coéquipier lui adresse un clin d'oeil et désigne un gars proche de lui, fait un signe que cliff préfère ignorer, ainsi qu'un autre clin d'oeil. mais il est dur de retenir le rire qui lui traverse la gorge, et le sourire qui nait contre ses lippes. il secoue sa tête de gauche à droit avant de finalement reprendre sa route et chercher réellement sa fleur.
il lui faut quelques minutes pour parvenir à une énième chambre dont il ouvre la porte pour y trouver un groupe de gens plus ou moins connus via l'université, dont azalea au milieu de la foulée. cliff pince ses lèvres, par réflexion, à ne pas savoir dans quelle situation ils se trouvent. les disputes sont trop nombreuses et les jours encore plus, comme les heures. il ne serait dire qu'ils se sont réconciliés pour la dernière colère ou si colère il y a eu, depuis le début de la soirée. peut-être. il capte son regard le temps d'une seconde, essaie d'y lire quelque chose mais préfère écrire que lire,puis le laisse vagabonder sur les diverses personnes présentes et sur ce qui se passe.
- j'me suis jamais cachée dans les chiottes pour me masturber après une relation sexuelle médiocre.
quelques rires, quelques regards en coin. certains lèvent leur verre et prennent leur shooter, et cliff tourne les yeux vers azalea la voir faire de même ; elle le fixe dans les yeux, il lui semble. il serre des dents, le poète, et expire brusquement par les narines avant de les rejoindre. quelques saluations sont envoyés dans sa direction et cliff se fait une place dans le cercle, prend un verre et, après un milliard de dilemme dans sa tête, boit le shooter directement.
- ah bah les gars, sympa votre relation.
- la ferme, bradley ; la voix gronde et cliff le pousse du coude, le regard fuyant vers azalea comme s'en enfuyant. il a envie de la sortir de la pièce, d'aller marcher avec elle peut-être, mais il a forcément envie de la laisser là et de partir seul. peut-être d'aller rejoindre jad au bar, d'avoir le regard qui tourne vers scar à l'occasion, et nier la chose évidemment, car il est bon pour ce genre de mensonges. mais il reste assis. il reste assis et attend de voir de quel côté le vent de la tempête va le frapper.

Lila est la reine des comédiennes. Quand on leur a ouvert la porte, elle a troqué son froncement de sourcils et son air énervé pour un sourire enthousiaste, en une demi-seconde. Histoire de faire illusion. C’est pas son genre, pourtant, à Lila, de faire comme si. Elle est connue pour être franche, pour ne pas mentir sur ses sentiments et sur ses opinions. En général, quand elle est en colère, tout le monde le sait, même ceux qui ne sont pas impliqués. Tout le monde le paie, même, quand elle est de mauvaise humeur. Elle n’a pas hérité de son surnom, kang bitch pour rien.
Mais quand il s’agit de Cliff, elle trouve la force de faire comme si. Plus par orgueil que par envie d’améliorer les choses, à vrai dire. Elle aime pas que les autres pensent que quelque chose ne va pas dans son couple - c’est humiliant. Ils sont déjà nombreux à se demander ce que Cliff fout avec elle, à répéter qu’il est fou de rester avec cette meuf qui doit le caster à longueur de temps... Et puis ils ont déjà eu assez de disputes ou de coups de sang en public pour qu’ils en rajoutent et continuent d’alimenter les rumeurs.
Elle le fuit dés qu’ils ont été accueillis, le lâche, sans un regard en arrière, pour aller trouver ses copines, trouver mieux à faire, trouver un autre os à ronger. Y’a des moments comme ça, où elle a juste même pas envie de voir son visage. Et dans ces moments-là, vaut mieux qu’elle s’éloigne, ça vaut mieux pour eux deux. Parfois, ça dure une heure et ça va mieux. Parfois, ça peut durer trois ou quatre jours. Cliff ne peut jamais savoir combien de temps ça va durer - y’a pas de pattern, ça dépend jamais de la gravité de leur dispute : les colères de Lila dépassent toute raison, toute logique. Elle peut couper les ponts pendant une semaine parce qu’il ne l’a pas attendue pour manger en rentrant des cours. Tout comme elle peut revenir après une heure même s’ils se sont disputés pour une chose bien plus grave. Elle est difficile à suivre, et à vrai dire, elle-même a du mal à se suivre, même si elle ne l’avouerait jamais à voix haute. C’est juste comme ça. Cliff a ce don de la frustrer et de la rendre furieuse au point qu’elle fasse des choses débiles et bien trop cruelles, aussi, parfois. Elle l’explique pas. Elle a lu dans des bouquins que c’était ça, les amours passionnels, alors elle s’en accommode. C’est probablement parce qu’ils s’aiment trop. De toute façon, qu’est-ce qu’elle en sait ? Elle n’a même pas de point de comparaison, Cliff est le seul mec qu’elle n’a pas jeté au bout de quelques jours, et le seul à la supporter suffisamment pour rester. Ça veut probablement dire quelque chose d’important.

J’ai déjà pensé à tromper quelqu’un. Elle sait pas trop depuis combien de temps elle est là, à jouer à ce jeu débile, mais elle est déjà à plusieurs verres, ça c’est sûr. Y’a peu de chose pour lesquelles elle peut s’abstenir de boire. C’est pas qu’elle a tout vu et tout vécu, mais elle a des années de gros n’importe quoi derrière elle, et une réputation qui fait qu’elle ne peut pas vraiment mentir. Y’a toujours quelqu’un autour d’elle pour lui dire eh, remember this time? you have to drink!. Du coup, elle passe son temps à lever les yeux au ciel et à enchaîner les gorgées. Mais là, cette fois, non. Ses yeux s’écarquillent quand elle voit le nombre de ses potes qui lèvent leur verre. Vous êtes sérieux? Elle ne contrôle même pas la moue dégoûtée qui s’affiche sur son visage. Son amie Kenya hausse les épaules, et boit le reste du contenu de son verre. Tsk. Bande de salauds. En attendant que la prochaine question tombe, elle se ressert un verre. Elle a bien eu envie de quitter Cliff mille fois, elle a eu envie de le frapper aussi, faut le dire, mais le tromper? Nan. Elle le ferait pas - aussi surprenant que ça puisse paraître aux yeux des autres. Elle est en train de penser qu’elle a peut-être envie de le retrouver, finalement, quand - comme appelé par ses pensées - il ouvre la porte et les observe. Et rien que le voir lui rappelle qu’elle était en colère, alors à la questions suivante, qui ne fait que lui rappeler POURQUOI elle est en colère constamment, elle lève forcément son verre, et boit le shooter en le fixant, histoire de lui faire sentir qu’il est pas sorti de l’auberge. Mais quand il s’assoit et boit aussi cul-sec, elle hausse les sourcils, profondément offensée. ah bah les gars, sympa votre relation Lila serre les dents et envoie un regard assassin à Bradley. la ferme, bradley ouais, la ferme, monsieur-je-tromperais-bien-ma-meuf Elle soupire, déjà saoulée.

Avant qu’une autre question tombe sur le groupe, elle se lève, remet sa veste, et se dirige vers la porte de la chambre. Quand elle comprend qu’il n’y a aucun mouvement derrière elle, elle se retourne, ses cheveux bruns accompagnant son geste brusque. Tu viens? lance-t-elle à Cliff, comme si ça semblait évident qu’il était censé la suivre. Elle attend, le poing légèrement serré, prête à envoyer des éclairs s’ils ne décide pas de la suivre.

il y a quelque chose, dans l'air. c'est toujours présent, et ce, depuis le début de leur relation. c'est lourd de tension, plein d'avertissement, mais cliff garde les yeux ailleurs et ne prête pas attention, la plupart du temps, aux alertes et aux avertissements. il n'en a rien à faire du ciel gris, du grognement lointain, de l'orage qui peut éclater, n'importe quand, et des éclairs qui peuvent les frapper. c'est le principe de leur relation. l'orage est toujours présent ; loin ou au dessus de leur tête, qu'importe. la tempête est toujours à quelques pas ; peut-être se perdent-ils parfois au coeur du cyclone, pour un moment de calme. assez pour croire, assez pour se laisser berner que, peut-être, ça vaut la peine. qu'ils sont biens, ensemble. mais l'orage revient, fort, et ils s'accrochent l'un à l'autre, autant avec les mains qu'avec les crocs. cliff l'observe parfois, comme présentement, sans réellement savoir ce qu'il désire, venant d'elle. il sent sa colère autant qu'il sent la sienne qu'importe s'il ignore la raison. il la fixe avec la machoire serrée et une rancoeur si lourde au coeur qu'il ne saurait dire, au final, si c'est contre elle ou contre le monde entier. car il déteste l'univers, si souvent. il déteste l'univers et peut-être aussi fort qu'elle, il ne sait pas, et c'est peut-être ça, leur point en commun, qui fait en sorte qu'ils se détruisent mais que, parfois, ils parlent de détruire le monde aussi, et de se battre contre l'univers. contre eux-même également. il ne sait réellement.
il la fixe, là, au milieu des gens qui ne sont pas ses amis, au milieu d'une maison dont il en a rien à foutre, à avoir envie d'aller ailleurs, nulle part mais ailleurs, aussi, et il ne sait pas. il ne sait pas s'il l'aime, il ne sait pas s'il s'aime, il ne sait pas s'il peut aimer. il sait qu'il peut détester, par contre. il le sait et ça le dévore, de l'intérieur, mais il sait que crier pour des vérités, il n'a jamais su faire, alors cliff fronce des sourcils et reste là, silencieux, avec une tempête dans les trippes qui, certainement, ne vient de nulle part. le feu de forêt sont nombreux, dans ses trippes. ils viennent de nulle part et brulent tout sur leur passage. et il se tournent vers la brune, comme les siens se tournent vers lui, et peut-être qu'ils trouvent un confort à se prendre la tête pour rien avant de s'embrasser et de se pardonner, de s'en vouloir et forcément, de recommencer. ils sont incapable de faire autrement.
il arrive certains soirs qu'il se demande s'il ne serait pas mieux de la laisser. ou alors s'essayer d'être un bon petit ami. il ne trouve jamais la réponse ou alors, l'ignore, et préfère continuer leur relation, car c'est sa première, l'unique en fait, et qu'il ne sait pas réellement comment faire, mais qu'ils créent quelque chose, quelque part, et il suppose que c'est acceptable, peut-être.
elle se lève. un verre entre les mains, le joueur d'exy la dévisage, ennuyé, énervé. en tempête, peut-être. il attend de voir si elle tourne les yeux vers lui. elle le fait. cliff pince ses lèvres ; elle l'attend, et ça lui fait du bien. les colères ont beau être fortes, azalea l'attend toujours. elle revient toujours. c'est peut-être pour ça qu'il est encore avec elle, au final. il ne saurait dire. il ne trouve pas les réponses, car il ne se pose pas les questions.
il est lourd le soupir qui quitte ses lèvres. cliff lève les yeux au ciel sans le cacher, avant de prendre son verre, de le remplir, le vider, le remplir, le vider une nouvelle fois. il attire quelques rires. il attire une tempête, encore, toujours, dans les yeux de la coréenne. les lippes se tordent brièvement et il se redresse pour la rejoindre d'un pas lent, sans grand ballant. l'alcool est déjà bien présent, dans ses veines. peut-être a-t-il trop bu. mais il se sent mieux, à boire. plus humain, moins dommagé, peut-être, et il pose ses lèvres contre les siennes plus facilement, comme ses mains autour de sa famille. il la laisse le toucher plus facilement, également. il oublie ce qu'il ne peut oublier, quand l'esprit est aiguisé. fais pas la gueule, az' qu'il souffle, à poser un bref baiser au coin de ses lèvres. ses doigts s'emparent des siens et, un signe de main derrière, il quitte la pièce. il entend, au travers de la porte qui se ferme, la voix de bradley. 20 stellars qu'ils vont finir ça dans les chiottes qu'il essaie d'ignorer, sans la regarder. il ne sait toujours pas pourquoi ils sont en colère, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils vont faire. il la mène vers le jardin arrière, par précaution.

Elle attend, les sourcils relevés - mais est beaucoup moins assurée, dans sa tête, que ce que son visage laisse paraître. Lila flippe un peu que Cliff décide devant tout le monde de ne pas la suivre, donne encore du grain à moudre aux autres sur l’état de leur relation. Au moins, si elle fait ça, elle aura une raison de plus d’être en colère - ou plutôt une raison précise à lui donner s’il lui demande pourquoi elle fait la gueule. Après ses quelques verres, et ses discussions avec des connaissances insignifiantes à la soirée, elle a un peu de mal à se souvenir pourquoi, exactement, ils s’en voulaient, à la base, en arrivant ici. Y’a tellement de raisons probables. Peut-être que c’est quelque chose de précis. Peut-être que c’est une accumulation de choses. Elle sait plus. Mais elle sait qu’elle est en colère, et qu’elle pourrait l’être encore plus s’il joue au plus intelligent des deux devant toute la clique qui les observe.
Lila tente de masquer son soulagement quand il soupire enfin et lève les yeux au ciel, annonçant son intention de se lever. Ça lui plait pas, cette attitude, mais mieux vaut ça qu’être laissée comme une pauvre débile sur le pas de la porte. Il se sert des verres, amusant la galerie qui doit de nouveau se dire qu’il doit en avoir besoin, d’alcool, pour réussir à gérer la connasse qui lui sert de copine. Elle bouge pas d’un poil, tente de montrer qu’elle a toujours l’ascendant sur la situation alors que c’est loin d’être le cas. Elle reste la tête haute, fière, comme si tout ça était normal, comme si malgré la scène à laquelle les autres viennent d’assister, elle ne doutait de rien.

fais pas la gueule, az' Elle s’apprête à réplique que non, elle fait pas du tout la gueule, c’est pas vrai, mais il l’interrompt avec un baiser au coin des lèvres, et elle baisse les yeux vers le sol. Il prend sa main, l’entraîne loin des yeux curieux des autres - tant mieux. Elle ne dit rien, sur le chemin, les dents serrées, cherchant à rassembler ses idées et les mots adéquats. Mais rien n’est clair comme de l’eau de roche dans son esprit, alors quand ils sont dans le jardin, quasi seuls - il y a bien un couple au fond du jardin, mais leurs langues et leurs corps sont entremêlés, Lila doute qu’ils remarquent quoi que ce soit - elle ne sait toujours pas quoi dire.

Et puis elle finit par trouver quelque chose à articuler. t’étais obligé de t’asseoir et de le boire, ce shooter? Elle ne le regarde pas dans les yeux, a lâché sa main un peu brusquement pour croiser les bras devant sa poitrine. Alors oui, techniquement, c’est elle qui a commencé. Elle aurait pas dû le fixer en buvant son verre. Mais il l’avait mérité. Et il aurait dû tenter de calmer le jeu au lieu de rendre les choses encore plus tendues. et t’aurais pu t’abstenir de t’enfiler tous ces verres avant de te lever, putain. ils vont se dire quoi, hein? Elle souffle avec exaspération. je passe encore pour la connasse de service. Elle pense déjà au moment où sa soeur va débarquer chez elle en lui rapportant qu’elle a encore entendu des trucs sur elle, et ça la fatigue d’avance. et après, tu oses me demander pourquoi on se dispute tout le temps? Elle lève les yeux au ciel. tu sais quoi, on aurait mieux fait de pas venir, en fait. Il leur est arrivé de louper des soirées parce qu’ils s’étaient pris la tête - ou au contraire, parce qu’ils étaient trop bien tous les deux pour vouloir partager leur espace avec d’autres. Mais que ce soit l’un ou l’autre, c’est rare. Cliff et Lila sont de toutes les soirées, en général. j’ai même pas envie d’y retourner. Elle ne laisse pas leurs yeux se croiser, son regard tourné vers les grandes baies vitrées derrière lesquelles les autres sont en train de boire, chanter et discuter.

Elle aimerait qu’ils soient comme les autres, parfois. C’est pas qu’elle envie d’autres couples pour qui tout semble facile… Mais… Si. En fait, elle les envie. Mais elle est incapable d’être calme, d’être rationnelle, d’être une bonne petite amie. À chaque fois qu’elle prend de bonnes résolutions, il faut toujours moins de vingt-quatre heures pour que tout s’écroule.
C’est épuisant.

le bruit faiblit autour d'eux, au contraire des pensées dans sa tête. cliff essaie de trouver quoi dire. c'est quelque chose qu'il fait souvent. trop souvent, peut-être. il cherche des longues minutes les bons mots à dire, assez pour qu'elle s'impatiente, assez pour qu'il perd le peu d'idées et de mots qu'il trouve et que, brusquement, les mots s'enfilent trop rapidement et que les discutes prennent place. cliff reste silencieux, cette fois. il envisage un pardon pour une chose qu'il n'est pas certain d'avoir fait, encore, et même de demander conseil à jad, peut-être. mais le téléphone reste dans sa poche, avec les messages non lus, car il ne veut pas mettre azalea en colère. qu'importe si les disputes sont fréquentes depuis le début de leur relation et qu'ils ont peut-être rompu plusieurs fois, cliff n'a pas envie d'être en colère contre elle, ou qu'elle le soit, contre lui. il l'aime. ou du moins, s'il ne connait pas réellement ce qu'est l'amour, il pense l'aimer. et il ose lui dire, à certaines occasions, lorsqu'ils s'offrent des sourires et des bons moments, en compagnie l'un de l'autre.
il croit avoir trouver des mots. certainement pas les mots. il lui faut des heures pour les trouver, normalement. mais des mots. alors cliff ouvre la bouche, pour parler, mais les doigts de la coréenne quitte les siens et elle croise les bras contre sa poitrine, le regard loin du sien. il aimerait croiser son regard. il en a besoin. t’étais obligé de t’asseoir et de le boire, ce shooter? il pince ses lèvres, fort, ouvre la bouche pour lui dire une excuse mais finit par gronder. tu l'as bu en premier, aza. les paroles sont basses et peut-être qu'elle ne les entend pas. cliff l'espère. il grimace à peine, soupire un peu plus, malgré lui. et elle, elle continue. et t’aurais pu t’abstenir de t’enfiler tous ces verres avant de te lever, putain. ils vont se dire quoi, hein? je passe encore pour la connasse de service. la grimace prend un peu plus de place, entre ses lippes. la bouche se tord et cliff détourne le regard malgré lui, zieute vers l'intérieur de la demeure et hésite, une seconde, à la laisser là, à faire sa crise, et revenir plus tard. certes, azalea l'a amené ici, mais peut-être que antoni le ramènera. ou alors, qu'elle aura le temps de se calmer. il ne sait pas. le poète soupire et la regarde de nouveau, les mains dans les poches, cette fois. et après, tu oses me demander pourquoi on se dispute tout le temps? il baisse les yeux, cette fois-ci. les envies vont et viennent. il a envie de partir et de rester. il a envie d'hurler et de susurrer. il a juste envie d'exister. de respirer. j’ai même pas envie d’y retourner. et azalea, elle, n'a pas envie d'y retourner. cliff jette un autre regard par la fenêtre, une longue seconde, puis, soupire une énième fois. j'suis désolé, ok ? il finit par céder, qu'importe la colère, qu'importe la rage qu'il ressent. car elle a commencé, non ? elle est partie après les sms, elle a hurlé d'abord, elle a pris le premier shooter. mais cliff s'excuse. le match m'a mis les nerfs. désolé. c'est complètement faux. les matchs le détendent. c'est l'unique endroit où il se permet de laisser sa colère éclater de manière physique. mais cliff essaie de capter le regard de sa copine et lui dit cela, pourtant. il s'approche même d'un pas, hésite et, les doigts un peu tremblants, non pas par gêne mais à cause du contact, s'empare de son menton pour essayer de capter son regard. c'était con. les doigts dévient vers la crinière et caressent quelques mèches de cheuveux encadrant son visage. tu veux partir ? on peut partir. j'paie la bière et on va dans mon dortoir. antoni va surement dormir ici ou chez une fille ou un gars ou un alien. un pale sourire.

j'suis désolé, ok ? Elle est tellement de mauvaise foi qu’elle lui en veut presque de s’excuser. Elle a sa part de responsabilité dans l’histoire, elle ne le sait que trop bien même si elle est trop fière pour le dire à haute voix. Alors pourquoi il s’excuse, au lieu de lui dire ce qu’elle a fait de mal, elle aussi ? Pourquoi il ne fait que s’excuser, alors qu’il pourrait se défendre ? Ça l’énerve parfois - souvent - cette capacité qu’il a à s’écraser. Elle se demande si c’est de la faiblesse ou juste une capitulation dans l’espoir que les choses s’arrangent. Ce serait louable, de chercher à apaiser les choses, mais au fond, ça ne règle pas leur problème, alors il ferait mieux de s’exprimer, non ? le match m'a mis les nerfs. désolé. Ah, oui. Ça y est, elle commence à se souvenir de leur dispute d’un peu plus tôt, après le match. Elle se souvient qu’il lui a répondu un peu sèchement quand elle a parlé… Elle sait même plus de quoi elle parlait. Mais il a dû ne pas l’écouter, ou lui demander de se taire et de parler plus tard, et ça doit être ça, qui a tout fait commencer, aujourd’hui. Classique. C’est peut-être le match qui l’a mis sur les nerfs, oui. Mais Lila ne peut s’empêcher de penser que peut-être, la seule chose qui l’a mis sur les nerfs, c’est elle, et ça, ça l’énerve encore plus. Ça pourrait être un geste élégant, de mettre son énervement sur le dos du match plutôt que sur son dos à elle - mais Azalea n’y voit qu’un mécanisme de fuite, un refus de communiquer ses véritables impressions, et elle n’aime pas ça. Azalea voit toujours tout en noir, quand il s’agit de Cliff. Elle saute sur les mauvaises conclusions, trouve la moindre explication pour le rendre coupable. Elle ne le contrôle même pas. C’est irraisonné en plus d’être épuisant.
Elle boude, comme une enfant, sa bouche tordue dans une moue mécontente. Mais Cliff continue de tenter d’apaiser les choses, pour une raison qui lui échappe. Il lui attrape le menton, tente de lui faire tourner les yeux vers lui. Mais Lila continue de regarder à sa gauche, bornée, têtue, idiote. c'était con. dit-il. mmmh. qu’elle répond toujours sans le regarder. Oui, c’était con. Ce que tu fais là est con aussi - qu’elle pense. tu veux partir ? on peut partir. j'paie la bière et on va dans mon dortoir. antoni va surement dormir ici ou chez une fille ou un gars ou un alien. finit-il par proposer. Elle soupire, lève les yeux au ciel, et se décide enfin à le regarder. probablement un alien. répond-t-elle avec un ton toujours un peu dur - mais au moins, elle fait l’effort de changer le sujet, de ne pas ramener la dispute sur le tapis. Elle le toise, pendant un long moment, observe son visage, la forme de ses yeux, son nez, sa bouche bien dessinée. Puis elle soupire. oui, j’veux partir. décide-t-elle. j’veux manger des waffles. et du bacon. et des oeufs. qu’elle liste, comme une princesse. et je veux un pull, j’ai froid. ajoute-t-elle finalement. Elle a toujours les bras croisés devant sa poitrine, gardant une certaine distance. Mais elle a un peu changé de visage, arborant une petite moue mignonne dans l’espoir qu’il accède à toutes ses demandes. Il voulait apaiser les choses et jouer les chevaliers élégants, ben qu’il le fasse. Elle ne lui laisse pas vraiment le choix, égoïste, ne cherchant pas à savoir si lui veut rester. Tant pis, il verra ses potes plus tard. je vais chercher nos manteaux, on se retrouve dans le hall d’entrée dans 5mn. Elle ne lui offre même pas un baiser sur la joue, et fonce à l’intérieur telle une fusée. Elle ne regarde pas vraiment les autres, se sentant soudain incapable d’être sociable et de faire des efforts pour les autres. Elle veut juste se barrer, manger et se débarrasser des autres qui, elle en a l’impression, ne font qu’exacerber toutes les choses négatives entre Cliff et elle. Elle déteste leur regard, elle déteste le jugement qu’elle y lit. Elle déteste leurs piques et l’air exaspéré qu’il y a sur leur visage, parfois. Elle déteste savoir qu’ils font semblant de les supporter. Alors mieux vaut être mal à deux qu’être mal au milieu des autres. ça va, lila? demande gentiment l’une des ses copines. ouais, cliff et moi on rentre. Elle voit un peu de déception dans les yeux de la brune. Mais tant pis. Elle continue sa route, va chercher les manteaux, s’enfile un verre de vin laissé sur la table avant de sortir, et attend son copain de pied ferme.
Au bout de 10 minutes, il n’est toujours pas là.
Quand il passe la porte, au bout de 15 longues minutes d’attente, Lila est assise sur les marches, son téléphone dans les mains, à jouer à un jeu pourri. je t’ai grave attendu, tu faisais quoi? Son ton n’est pas accusateur, mais Cliff sentira sans mal qu’il ne doit pas répondre n’importe quoi pour ne pas de nouveau que les choses prennent feu. j’ai faaaaaim.

Azalea a une moue boudeuse sur les lèvres. C'est con, peut-être, mais Cliff la trouve mignonne, sa moue. On dirait une gamine. Et Aza, elle l'est pas totalement, gamine. Elle est trop cruelle trop souvent pour l'être, gamine. Mais ça le dérange pas, parce que Cliff, il connait un peu son histoire pour l'avoir entendu quelques fois, par des rumeurs surtout, plutôt que par elle-même, et il sait qu'une enfance, elle en a pas trop eu. Il pourrait faire parti de ces rêveurs qui osent dire qu'il va la sauver et faire des merdes pour elle, pour la rendre heureuse et des conneries du genre, mais le poète se perd pas dans des rêves cons parce que les rêves, c'est surtout pour ceux qui sont différents. Pas pour les gens comme lui, comme eux. Eux, ils portent des plaies contre la chair et contre l'âme aussi, ils y ont mis des pansements bons marchés et ils continuent d'avancer. Ils traversent la merde à s'en blesser la peau mais continuent, malgré tout. Ils utilisent l'alcool des party et la drogue pour oublier un peu et se permettre à l'occasion d'être heureux. Cliff aime les effets ; quand il est ailleurs, son cerveau et son corps lui utilise à poser les doigts contre le corps de sa copine sans se tendre tout entier lorsqu'elle fait de même. Il aimerait se débarrasser de la chose et il sait que boire n'aide certainement pas, mais au moins il oublie, à l'occasion. Il n'a pas assez bu, encore. Il le sait ; ses doigts jouent les capricieux, contre la peau d'Azalea. Pourtant, ses doigts sont souvent en contact avec elle ; ne serait-ce que pour tenir sa main ou passer un bras contre sa taille ou ses épaules, Cliff la touche souvent par défaut. Le corps ne s'y fait pas, certains jours. Plus souvent que rarement. Ses fantômes n'aiment pas se perdre dans l'ombre. Ils restent trop souvent présents, à lui effleurer la chair pour qu'il soit conscient de leur présence.
Le pale sourire grandit un peu, quand elle porte son choix sur un alien. La voix de sa copine n'est pas délicate mais au moins, elle fait un effort. Cliff ose croire qu'elle va accepter le changement de sujet et que la dispute sera rapidement oublié. Il reste en colère, certes, mais il n'a pas envie d'hurler. Il n'a pas envie de se prendre la tête avec elle, ce soir, comme ils le font généralement. Il aimerait juste d'amuser comme les autres, un peu. Se berner à moitié le temps d'une soirée et croire qu'ils n'ont rien de compliquer. Ça reste un mensonge mais c'est plaisant de s'y perdre, à l'occasion.
Le joueur d'exy retient difficilement son soupir de soulagement quand elle accepte leur départ. Un peu moins la grimace contre ses lippes lorsqu'elle se met à lui faire une liste capricieuse qu'il entend à peine, déjà un peu plus énervé par sa manière d'être. Il aimerait qu'elle soit simple, facile. Mais encore, ça reste une chose égoiste à demander ; il ne l'est pas non plus, de son côté. Loin de là. Peut-être que des deux, il est le plus difficile. merde tu fais chier qu'il avoue, avec un rire exaspéré dans la voix. ouais comme tu veux, c'est bon. Azalea lui dicte déjà des ordres, et Cliff serre les dents, à l'écouter à demi. Il se contente de lui faire un signe de la main pour lui dire qu'il a compris même si, en vérité, il a compris uniquement la moitié de ses mots avant de la regarder foutre le camp. heil azalea. qu'il marmonne, à accompagner les paroles d'un salut fanatique appris par Marcus avant de sortir son téléphone de ses poches. Quelques messages s'y trouvent, donc plusieurs venant de Jad, et il en profite pour y répondre, maintenant que Azalea n'est pas présente pour lui faire une énième crise. Une photo se trouve dans le lot. Le visage de Jad est sublime, comme toujours, et celui de Scar est présent, dans arrière plan. Il sait parfaitement pourquoi ; il ferme l'écran et enfouit le téléphone dans sa poche, décidant d'aller rejoindre son coloc pour lui annoncer que, préférablement, il vaut mieux qu'il ne revienne pas au dortoir ce soir. De toute manière, Antoni n'aime pas vraiment Azalea. Le simple fait de savoir qu'elle s'y trouvera va suffir à le convaindre.
Quand il trouve Antoni, il est accompagné d'un mec et d'une fille, à croire qu'il n'a toujours pas fait son choix. Et il n'apprécie pas forcément le choix de Cliff d'être en couple avec Lila, ou encore de la ramener au dortoir, ce soir. Quand il réussit à se défaire de la conversation - après une proposition qui le fait fortement rougir - trop de minutes se sont déjà écoulés. Il a oublié le temps proposé - exigé par Lila - mais il sait qu'il l'a fortement dépassé et, quand il parvient dehors, elle est là, et les mots ne tardent pas à gronder. Cliff passe ses doigts dans sa tignasse, trop grande, et soupire fortement. 'solé je - j'matais dans le frigo pour des eggos, pour toi. Elle se plaint qu'elle a faim, forcément. Il aurait du regarder dans le frigo pour de vrai. tu veux arrêter dans un resto ? y'a surement un truc 24h avec des brunch ou j'sais pas quoi dans l'coin. Il n'a même pas faim. De toute manière, Cliff n'apprécie pas réellement les choses que elle, elle désire manger. Il préfère les ramens. Mais à chaque fois qu'il en mange ou qu'il le fait en matant un anime, elle lui sort une merde comme quoi il est obsédé avec l'asie. Il se souvient d'une dispute idiote où elle lui a sortie de nulle part qu'il sortait avec elle uniquement pour ses yeux bridés. Antoni a mal retenu son rire, Lila a foutu le camp en claquant la porte, cette fois-là. Elle ne lui a pas parlé pendant deux jours. Depuis, Cliff garde les animes et les ramens pour quand elle n'est pas présente. t'es ok pour conduire ? j'peux l'faire, sinon. C'est la voiture de Lila, de toute manière. Peut-être qu'il pourrait prendre un café, au resto. Il finit par enfouir ses mains dans les poches de son gilet avant de s'asseoir à côté d'elle, dans les escaliers. Son épaule effleure la sienne, et Cliff lui sourit, légèrement. j'te paie le repas que tu veux. pour te remercier d'être v'nue au match Il observe son visage, ses traits. Il l'aime, quand même. Ça fait quoi, un an ? Ils sont quand même bien ensemble, à certains moments. Quand ils sont dans leur bulle, à l'abri du monde. Le sourire grandit un peu, et Cliff ose tendre les doigts pour glisser une mèche de cheveux derrière son oreille, doucement. hé c'est quoi le nom du resto où on était allé, dans nos premiers rendez-vous ? celui avec les crêpes bretons, là C'était bien, ce rendez-vous là. Il avait aimé le son de rire. Il l'aime encore, bien qu'il l'entend bien moins souvent, maintenant. Ils hurlent plus qu'ils ne rient, maintenant. Ils n'ont pas appris à faire autrement, avec leur enfance. Trop brisés pour s'aimer correctement. Cliff a envie d'essayer, Lila aussi, surement. C'est pour ça qu'ils sont encore ensemble, à se briser lentement. Un cri à la fois.

'solé je - j'matais dans le frigo pour des eggos, pour toi. Lila fourre son téléphone dans sa poche, arrêtant son jeu en cours de route. Elle n’est pas franchement sûre de le croire, alors elle plisse un peu les yeux avant de laisser couler.  tu veux arrêter dans un resto ? y'a surement un truc 24h avec des brunch ou j'sais pas quoi dans l'coin. Elle acquiesce - elle rêve déjà des gaufres et du bacon et des oeufs brouillés. L’idée même lui ferait presque oublier qu’il y a vingt minutes, elle était encore en train de s’engueuler avec Cliff dans le jardin. t'es ok pour conduire ? j'peux l'faire, sinon. bien sûr que je conduis. répond-t-elle sans hésiter une seconde. C’est sa voiture, et elle ne laisse pas franchement l’occasion aux autres de la conduire. Sa soeur jumelle l’a fait, une ou deux fois, parce que la situation ne laissait pas le choix. La seule personne à qui elle laisse le volant sans que la situation l’oblige expressément, c’est Cliff, maintenant qu’elle y pense. Mais pas ce soir. Ce soir, elle a envie de contrôler la situation, et elle est presque sûre que Cliff prendrait son temps : avec elle, la route sera faite plus vite, parce que Lila n’a absolument aucun respect du code de la route, surtout en pleine nuit.

Lila s’apprête à se lever et à partir à la recherche de sa voiture, mais Cliff s'assoit à côté d’elle. Mais… Elle a faim ! Il faut qu’ils y aillent ! j'te paie le repas que tu veux. pour te remercier d'être v'nue au match L’expression de la jeune étudiante change du tout au tout : le froncement entre ses sourcils disparaît et ses yeux se font tout de suite plus doux, alors qu’elle penche légèrement la tête sur le côté pour regarder son copain. Voilà pourquoi elle préfère quand ils sont tous les deux. Peut-être que le problème, au final, ce sont les autres ? Qu’ils ont une mauvaise influence sur leur relation ? Elle aimerait y croire. Elle tente de s’en persuader. Que c’est pas entre eux qu’il y a un problème : que tout fonctionnerait très bien s’il n’y avait pas de monde extérieur. Cliff replace une mèche de ses cheveux. hé c'est quoi le nom du resto où on était allé, dans nos premiers rendez-vous ? celui avec les crêpes bretons, là Elle attrape la main du jeune homme au vol alors qu’elle quitte ses cheveux, et commence à jouer avec ses doigts. franchement, j’aimerais m’en souvenir, fait-elle avec une moue un peu triste. mais il était imprononçable, le nom de ce restaurant, non ? Elle se rappelle qu’ils ont passé bien dix minutes la première fois, avant d’entrer, à faire un concours de celui qui prononcerait le mieux - et qu’elle est allée demander à l’un des serveurs, parce qu’elle voulait absolument avoir raison, comme d’habitude. Sauf que Cliff avait raison. Elle aurait pu bouder, mais au lieu de ça, elle a ri : c’est l’une des petites choses qui lui ont fait comprendre que, peut-être, ça pourrait marcher. il faudrait qu’on y retourne, un jour. et qu’on reprenne les mêmes plats, s’ils existent toujours. Ça fait un an, maintenant, elle a un peu de mal à y croire. Il y a des jours où elle a l’impression que Cliff est dans sa vie depuis très longtemps, et d’autres où elle a l’impression que leur relation est toute jeune. Ce n’est jamais pareil, d’un jour à l’autre.

Elle arrête de caresser sa paume et entremêle leurs doigts. t’as pas besoin de me remercier de venir aux matchs. commence-t-elle. c’est normal. Elle hausse les épaules. Avant de mieux connaître Cliff, elle regardait l’Exy de loin. Maintenant, elle est pleinement investie dans ce sport, connait les règles sur le bout des doigts, le nom des joueurs des principales équipes… Si on lui avait dit ça, il y a deux ans, elle n’y aurait pas cru. mais je dis jamais non à manger gratuitement. Elle lui lance un regard malicieux. de toute façon, c’est un peu ton devoir de boyfriend, de m’inviter au restaurant… Lila adore les vieilles règles des relations amoureuses, quand elles vont dans son sens. Elle lâche un long soupir en levant les yeux vers le ciel noir, profondément noir, sans étoiles. Comme toujours à Néphède. Allez viens. Elle se relève, le tire par la main, et l’emmène à sa suite jusqu’à l’endroit où ils ont garé la voiture. Elle aurait aimé rester sur les marches, ils étaient bien. Mais elle n’avait aucune envie qu’ils soient dérangés, à un moment ou un autre, par des invités qui auraient soudainement décidé de prendre l’air devant la maison. Elle ouvre la portière à Cliff, d’humeur chevaleresque tout à coup, détonnant avec le comportement qu’elle avait il y a un quart d’heure à peine. Mais elle est comme ça, Azalea : elle change d’humeur à chaque nouveau coup de vent. Cliff n’en sera pas surpris : il est habitué… Après tout, ça fait déjà un an qu’il la supporte.

Il n’y a personne sur les routes, étrangement, et le trajet se fait avec la voix d’Azalea, qui suit le rythme des chansons qui passent à la radio. Quand ils arrivent dans un diner qu’elle adore, elle choisit bien évidemment les banquettes les plus moelleuses et force Cliff à s’asseoir à côté d’elle, et pas en face. Ils sont tous seuls dans l’établissement, à l’exception de deux serveurs. C’est parfait. Tu prends quelque chose, aussi ? Me laisse pas manger toute seule. fait-elle avec une petite moue. Faut que tu reprennes des forces, après le match d’aujourd’hui. Elle enroule ses deux bras autour du sien et se colle contre son épaule. On est pas bien, là, tous les deux ? Le sous-entendu est clair : est-ce qu’on devrait pas rester tout le temps tous les deux, au lieu de se mêler aux autres ? Plus le temps passe, et plus Azalea est possessive. Alors maintenant qu’ils se sont débarrassés des autres, elle a vraiment retrouvé son sourire et sa bonne humeur.

C'est eux contre le monde entier, que Azalea aime dire. Et Cliff, il se contente de gronder quelques choses la plupart du temps, sans réellement lui répondre. Il a jamais fait parti d'une équipe en dehors du sport et même pour l'exy, il s'occupe uniquement du goal, il se perd pas sur le terrain avec les autres. Il sait pas trop c'est quoi, en vrai, d'être deux. Il est contre le monde entier et même quand elle se fond dans ses bras, y'a un truc entre eux, les non dits surtout, et Cliff les garde sous silence, malgré les mois qui s'accumulent à leur amour. Y'a des jours, Cliff la regarde en compagnie des gars et il se demande pourquoi il se trouve encore avec elle. Il compose des messages, parfois, qu'il ne lui envoie pas, pour lui dire que c'est fini. Et d'autres où, chaque minute sans elle l'étouffe et il a besoin de la voir, de sentir sa présence au moins, pour ne pas être bouffer de l'intérieur par la solitude qu'il ressent, continuellement. Parce que au final, Azalea, c'est son réconfort. Une petite douceur contre sa chair, contre son coeur quand il le permet, pour ne pas se sentir trop vide, de l'intérieur. Il y a des jours où Cliff n'est pas certain d'en avoir un, de coeur. Il se demande s'il l'aime vraiment, s'il fait pas juste comme les autres. Et puis elle le met en colère, si fort et si violemment que Cliff, il peut pas réellement ignoré ses sentiments. C'est ce qu'elle lui fait, au fond. Que ce soit bon ou mauvais, elle l'aide à se sentir vivant. Plus proche de ses émotions. Et il la déteste le plus souvent pour cela, mais certains soirs, pas comme celui ci, mais peut-être un peu, Cliff l'aime.
Il se souvient s'être dit qu'il l'aimait peut-être, cette fameuse soirée, avec ce restaurant à la con. Ça le fait sourire un peu, et ça lui donne l'impression que ça fait cent ans, de toute ça. Il se souvient de la moue qu'avec Jad en sachant avec qui il avait un rencard. Peut-être qu'il l'aimait encore un peu, Jad, à l'époque. Peut-être qu'il avait envie de la voir réagir mais qu'elle a rien dit, comme il a rien dit, et que les premiers rendez-vous ont été le signe prouvant la fin de leur amour. Il ne sait pas réellement. Il se demande encore s'il a cesser de l'aimer. Ça semble compliquer, arrêter d'être amoureux. C'est pas réellement un truc qui se contrôle, et Jad ne change pas. Les points qui lui rendent les genoux mous sont toujours présents.
Mais il ne faut pas penser à Jad. Ou à Scar.
Azalea tient sa main dans la sienne, maintenant. Cliff essaie de ne pas être tendu. Il porte attention à ses paroles et calme les battements de son coeur. Il se sent con, encore aujourd'hui, d'avoir ces réflexes à la con pour le corps et pour les contacts. Mais il parvient, depuis le temps, à lui laisser accès à quelques petits touchés sans se tendre continuellement. Elle a ce droit. Il lui fait confiance, qu'importe ce que son corps aimerait hurler. Et l'alcool aide, parfois. Et peut-être que oui, peut-être que Cliff doit trop souvent pour la prendre dans ses bras et dans ses draps, mais il n'en a rien à faire. Au moins comme ça, il est normal. Au moins, il parvient à l'aimer comme les gens s'aiment, normalement.
Un soupir léger plane sur ses lèvres, tandis qu'il l'écoute. Il ne dit rien. Se contente d'un grognement par ci par là, pour approuver ses mots, ou encore lever les yeux au ciel, à l'occasion. Aza a l'habitude, de toute manière. Cliff n'a jamais vraiment eu beaucoup de conversation, sauf pour hurler. Alors, il se tait. Cliff écoute. Et quand elle leur dit qu'il faut partir, il se lève et la suit. Embarque dans la voiture et la laisse conduire, même s'il juge sa conduite, et ne fait aucun commentaire quand elle essaie de capter son attention, à lui ouvrir dignement la porte. Peut-être qu'il est chiant. Peut-être qu'elle mérite mieux. Cliff ne sait pas réellement. Ils sont ensemble, voilà tout.
Il l'aime et il ne l'aime pas. Ça dépend des jours, des heures et des minutes. Et puis des secondes aussi parfois. Hier il l'observait comme si elle était une merveille, et ce soir il regarde l'écran de son téléphone sans porter attention au son de sa voix, tandis qu'elle chante. Sans grande volonté, un peu certain de s'être sorti de son impasse, Cliff quitte le véhicule sans un mot, encore, et jete des regards à son téléphone. Il ne gronde pas quand elle le tire sur la banquette et lève les yeux qu'une fois qu'elle lui parle de nouveau. hm ? quoi ? Il dévisage les menus posés sur la table avant de tourner les yeux vers elle, quand elle s'accroche à son bras. Cette fois, il ne contrôle pas la manière dont son corps se tend malgré lui, mais se garde de l'éloigner. Cliff lui adresse un sourire crispé, plutôt. eh. ouais. ouais t'as raison. bouffer. Il regarde son téléphone une dernière fois - Jad lui envoie sans cesse des messages - avant de le déposer sur la table, du côté opposé de sa copine, pour ensuite s'emparer du menu. hmhm Il n'accorde aucune réponse, n'est même pas certain d'avoir correctement entendu sa question. Cliff lui jette un regard crispé, encore, et fait mine de regarder le menu. et eh. tu prends quoi ? Il a déjà oubllié pour les waflles, les oeufs et le bacon. j'ai envie d'viandes. tu peux pas une pizza ou j'sais pas ? avec des frites ça s'rait bien. Il tourne les yeux vers elle, un sourcil haussé, attend sa réponse. Contre la table, son téléphone vibre. Il garde toujours une main contre le menu et, sans demander permission - il n'en a pas de besoin - retire son bras de l'emprise d'Azalea pour regarder le message. C'est Jad, encore. on meurt de chaud ici non ? qu'il dit, en répondant au message, sans la regarder. Cliff se décolle un peu, pour respirer.

hm ? quoi ? Azalea fronce les sourcils. Il ne l’écoutait pas ou quoi ? Alors qu’ils sont enfin tous les deux, tranquilles, débarrassés des autres, et qu’il n’a donc rien pour le distraire ? Elle aime pas, quand il est dans ses pensées, comme ça. Elle a toujours l’impression qu’il pense à des choses qui l’éloignent d’elle. Qu’il a envie d’être ailleurs alors qu’il devrait être là, avec elle. Est-ce qu’il était en train de penser à quelqu’un d’autre ? La pensée seule suffit à la mettre un peu en colère. Peut-être que, si elle était de très, très bonne humeur, elle aurait mis son absence sur le dos de la fatigue après le match. Mais là, elle ne peut s’empêcher de se faire plein de scénarios négatifs. Pourquoi il ne peut pas être là, avec elle, pour de vrai ? Elle ne demande pas grand-chose : c’est une chose normale. Ça devrait même pas être une option : ils sont tous les deux, Cliff devrait être heureux comme elle. Cliff devrait avoir envie de discuter, de partager quelque chose. Au lieu de ça il y a ses yeux qui fuient, et il ne fait que marmonner. eh. ouais. ouais t'as raison. bouffer. Azalea fait la moue. Elle le regarde jeter un coup d’œil à son téléphone, voit à travers ses paupières plissées qu’il a des notifications à la pelle. Elle voit rouge. Il pose finalement son téléphone, regarde le menu, mais la brune n’est pas dupe. Elle tente de lui faire dire qu’ils sont bien, quand même, là, mais ne réussit à lui arracher qu’un et eh. tu prends quoi ? qui finit de la mettre en rogne. La bonne humeur illusoire qu’elle pensait ressentir jusqu’à maintenant s’est complètement évaporée. j'ai envie d'viandes. tu peux pas une pizza ou j'sais pas ? avec des frites ça s'rait bien.   Elle hausse les sourcils, clairement offensée, tandis que le téléphone continue à vibrer. on meurt de chaud ici non ? Il répond au message, devant ses yeux.
T’aurais peut-être moins chaud si t’arrêtais de répondre aux sextos de la personne qui te harcèle. répond-t-elle, amère. Elle n’a aucune idée de qui lui envoie des messages : elle n’a pas d’assez bons yeux pour lire sur son écran. Tu sais quoi, tu peux y aller, c’est pas grave. Va manger ton steak avec ton plan cul. Elle dit n’importe quoi, mais comme d’habitude quand il l’a mise en colère. Tu t’en fous d’être là, de toute manière. Furieuse, elle se lève, le laissant sur la banquette pour filer au comptoir de l’endroit où ils se sont posés. Il y a un mec plutôt mignon, derrière, en tablier, qui lui offre un joli sourire quand elle arrive pour commander. Elle lui fait la liste de tout ce qu’elle veut, tout sourire, rit à une remarque qu’il fait sur les œufs brouillés, juste dans l’espoir que ça fasse chier Cliff. Elle retourne rapidement à la table, mais s’assoit cette fois en face de son copain plutôt qu’à côté de lui. Bah alors, t’attends quoi ? dit-elle, changeant complètement de visage une fois le dos tourné au comptoir. C’est qui ? Une meuf, un mec ? Il est conscient que t’as une copine, ou alors tu lui racontes des salades, à lui aussi ? Elle s’adosse au siège, un air mauvais sur le visage, les dents serrées. Putain, ils allaient bien, y’a dix minutes, nan ? Elle a l’impression que leurs quelques minutes sous le porche de la maison étaient il y a plusieurs semaines, vu le changement d’atmosphère.
Elle regarde ses ongles, fait mine d’en avoir rien à foutre, prend son air de bitch. Celui que les autres connaissent bien, celui qui lui a valu son surnom au lycée, puis à l’université. Si tu voulais pas venir, t’avais qu’à le dire, tu sais ? Au lieu de me faire des coups comme ça. Elle sait qu’elle serait mieux à déguster son brunch nocturne toute seule. Sans Cliff, elle se poserait moins de questions, profiterait de l’instant. Elle regarderait probablement des vidéos drôles sur son téléphone, s’amuserait des posts sur les réseaux sociaux de quelques-uns de ses camarades, regarderait l’Instagram de sa sœur jumelle en grimaçant… Ce serait fun. Beaucoup plus fun. Elle aurait beaucoup plus de liberté et arrêterait de se pourrir la vie avec le comportement ambigu de celui qui est censé être à ses côtés sans faille. Ils devraient se séparer. Ça fait longtemps qu’ils auraient dû se séparer. Elle sait même pas pourquoi ils sont toujours ensemble, là tout de suite. C’est complètement débile. Quand elle a envie d’être là, il a envie d’être ailleurs. Quand il est heureux d’être avec elle, elle a envie de s’enfuir. Elle lui fait confiance sans lui faire confiance, ne sait jamais sur quel pied danser. Et pourtant, elle reste. Elle se comprend pas elle-même.
Elle devrait se lever, le laisser se barrer, et basta. Mais non, elle a été incapable de rester au comptoir : il a fallu qu’elle revienne à la table et qu’elle continue à l’agresser, parce qu’elle peut pas se permettre de le laisser partir comme ça. Elle refuse de le laisser partir comme ça : elle veut qu’il lui donne une bonne raison, qu’il s’excuse, aussi. Ce serait trop facile, qu’il aille faire sa vie – ça pourrait lui donner envie de la quitter pour de bon. Sauf qu’il peut pas la quitter, pas vrai ? Il l’aime trop pour ça, pas vrai ? C’est pour ça que c’est si difficile : parce qu’ils s’aiment trop et qu’ils s’aiment mal. Azalea continue de s’en persuader, comme une gamine.