meeting place (nao&nuo)

neven est encore un peu trop attaché au passé. il s'en nourrit tout les jours, s'appuie dessus pour s'élancer un peu plus loin, peut-être. il s'y trouve constamment lié, malgré lui. il refuse d'admettre qu'il aime retourner en arrière, qu'il apprécie de se regarder dans un miroir et de penser à "avant". avant, quand tout n'était pas éclaté en morceaux et qu'il ressentait encore un peu de stabilité dans son crâne pollué. maintenant, c'était dépassé, il n'y avait plus rien de tout ça, et on n'en parlait même pas. on laissait le désordre tel quel, et ça n'était certainement pas quelqu'un comme neo qui allait prendre une seule initiative pour entamer une progression.
le début de soirée devait être un peu différent que les autres. pas aussi terne, pas aussi routinier et fatiguant. neven avait promis à nao de le retrouver au deck, et il allait le faire. pour toutes les fois ou il avait oublié, ou simplement, les fois ou il ne s'était pas senti d'affronter son frère à cause d'une humeur terne et révoltée - en aucun cas son petit frère ne méritait de se prendre tous ses démons dans la figure. le plus âgé n'avait pas à lui faire subir ça. aujourd'hui ça allait, aujourd'hui c'était pas si misérable. il avait juste envoyé un message à nao, quelque chose d'improvisé à la dernière minute, et l'autre s'était contenté de fixer une heure qui l'arrangeait. rapide, efficace. neo n'en demandait pas plus.
il avait conduit, sans faire attention aux minutes. l'environnement était bien trop familier, saisissant son coeur d'une vulgaire nostalgie enfantine. c'était ce passé, auquel il était noué. ces bribes qui traversaient sa mémoire, c'en était regrettable. c'était peut-être pour ça, aussi, qu'il avait autant tardé à revoir nao. même s'il l'aimait d'une force indescriptible, il y avait ces pensées trop lourdes, trop envahissantes, empoisonnant son être. neven devait encore un peu se battre avec lui-même, même lorsque ça concernait son propre, tendre petit frère.
évidence inévitable, nashoba était déjà là. c'était à prévoir. pourtant, neo arbore cet air fier. « tu vois, je suis même pas en retard. t'avais dis treize heure trente-quatre. c'est trente-cinq. t'as rien à redire. » même pas bonjour, ni rien. la fierté d'abord. mais rapidement, son visage se fend dans un sourire affectueux, celui qu'il ne distribuait qu'aux membres de sa famille. il s'assoit à cette table qui semble préservée du l'agitation normale du deck, et se sent bien mieux maintenant qu'il a nao en face de lui. ça donne un goût de confort, un goût de comme à la maison. « ça fait plaisir de te voir. » d'un geste coutumier, il commande deux verres, avant de concentrer toute son attention sur son frère. « tu vas bien? » s’enquit-il naturellement, atteignant finalement un semblant de détente pour la première fois de la semaine.

il soupire un peu, confortablement installé dans les brises du passé. rien ne lui plaît jamais vraiment. neo s'entiche pour des choses qui ne le passionne même pas. ses sourcils se froncent brièvement toutes les quelques dix minutes, une fois à cause du bruit, une fois à cause de sa position, une fois... sans raison. son premier sourire s'était dissipé assez rapidement, pour laisser place à un semblant de paranoïa, rongeant son être depuis plusieurs mois. à l'aise nulle part, avec personne. sauf nashoba. il cherche du confort dans ses yeux, quelque chose qui pourrait se faire passer pour de la chaleur. il en a toujours eu besoin, mais n'a jamais rien dit, parce que la lâcheté s'est toujours saisie de lui avec une violence effarante. « ferme-la deux secondes, non? tu préfères que je fasse la gueule? » crache t-il avec aisance, fusils dans les yeux. ils avaient l'air "comme avant", rien qu'en s'habillant des taquineries habituelles. tout était différent mais rien n'avait changé. l'air mauvais de neven, sans trop de méchanceté - parce que, il n'a jamais été méchant. à part envers lui-même, et parfois seulement froissé contre la terre entière, il n'avait rien de si terrible. c'est juste que le chaos est tellement brutal, parfois. il faisait de son mieux pour s'y retrouver, tout en se laissant absorber sans bouger. paradoxe continuel et volonté invisible de survivre. nuo n'était plus là, la lumière non plus, alors ça ne servait plus à rien de se battre.
neven marmonne un "merci" quand les commandes viennent à eux, sans détacher ses yeux de la silhouette en face de lui. nao était la seule personne en qui sa confiance était encore intacte. il tenait tant à son frère qu'il ne parvenait même pas à l'assumer. c'était plus simple de se cacher derrière une moue lassée et des mots bruts, des masques de marbre. « ça va aussi. » souffle t-il sans même avoir réfléchi à une vraie réponse construite. qu'est-ce qu'on pouvait s'en foutre, de son humeur et de l'état de son esprit. ça n'avait jamais importé, pour lui. toujours plongé dans des troubles ternes, il n'avait pas le temps de se demander comment ça allait, quand il se n'y noyait. ses doigts se referment sur le verre froid qui se tenait devant lui, alors que son regard s'égare dans le vide aux mots de nao. peut-être que sa mère lui manquait, peut-être que l'entendre seulement mentionnée lui faisait quelque chose. neven avait encore des problèmes à se sentir important pour qui que ce soit, surtout, surtout après avoir tout perdu il n'y a, pas si longtemps. « ah bon? » ah bon, elle pense à moi? faussement étonné par l'once de considération qu'on lui offrait, au fond, il était rassuré. c'était de sa faute s'il n'allait pas voir sa mère, s'il n'allait voir personne parce qu'il n'avait pas le coeur, ni l'âme à affronter un autre regard que celui du miroir. c'était ça, de se croire trop fort, et de finir par n'avoir que soi-même à blâmer. « et, elle a dit quoi? » curiosité d'un petit garçon solidement attaché à (presque) chaque membre de sa destructive famille. ses yeux aux profondeurs noires se lèvent vers nao, qu'il craint de décevoir toutes les misérables secondes de sa vie. pourtant, il voulait encore partager des milliers de choses avec lui, ses nouvelles photos, des films, endroits qui lui avaient plu, des bars sur lesquels il était tombé dans ses soirs de misère. à peine s'était-il installé devant lui plus de dix minutes, que neven s'était déjà égaré dans des tsunami de pensées épaisses.