It's hard to be sincerely honest with you | Shua

Soho n'était plus plombée de trop de soleil. La place était battue par le vent, secouée de rafales et léchée par des langues de brume légère. Les toits d'ardoises luisaient d'humidité et le grondement furieux de la foule se refermait sur Lua comme un cocon monstrueux.

Elle arpentait le bitume, enlacée dans ses propres bras, menton levé vers les cieux, et se disait que ça pouvait être drôlement terne, les places vénézienne, sans les éclats de rire et l'odeur du soleil.

Lua était parti cueillir les plaisirs de la ville de ses pas éreinté, la mine consternée et le nez pointé vers l'horizon. Parce que ce matin là, elle avait eut les pensées chafouines de ces douleurs trop vive que même la skam ne parvenait plus à enfouir. Et parlons-en, de complication.
Sentiment, c'est le nom que prennent les problèmes lorsqu'ils veulent sourire et vous séduire, et vous écorcher, pour finir par vous sourire une nouvelle fois. Les sentiments se résumaient, après tout, à tout ce que l'on détestait: des choses abjectes qui recevaient une attentions qu'ils ne méritaient pas et qu'il n'étaient même pas foutu de rendre. Les coeurs étaient des créatures absurdes. Des égoïstes, des purs et durs comme on en faisait plus. C'était, tout du moins, ce que l'idée populaire qu'elle se plaisait à affirmer. Alors oui, il semblait légitime de dédaigner jusqu'aux prémisses des premiers frissons, face à l'indolence de ses indignations. Mais Lua, elle, avait voulut croire qu'il y avait bien plus à découvrir que ça. Que chaque action avait une origine tout autant qu'une conséquence.
Que le destin, dans le fond, n'était pas qu'une simple superstition.

Parce qu'il y avait cette voix qui murmurait constamment à ses oreilles. Parce qu'il y avait ce que tous relevaient comme une évidence. Les trompe l’œil du quotidien comme les jeux du destin. Parce qu'il y a eut un Lua et Eridan. Un Eridan et Lua aux allures de Toi et Moi. Avec des heures égrenés loin du monde, loin si loin de leurs sarcasmes de convenances et de leurs sourires qui tombent; Il y avait eut des étreintes et des regards presque tendre, des caresses et des baisers, un "je ne sais trop quoi" d'échanger. Et son regard qui peu à peu s'était habitué à voir au delà des "on dit". Qui essayait de le voir lui. Juste lui. Parce qu'elle avait eut l'impression que Eridan le salopard était un peu plus qu'un bon coupable. A tord ou à raison, surement. Et c'est peut être là le nœud du problème - cette amer impression de perpétuer les mêmes erreurs qu’autrui. Elle hait la simple idée que le jeune homme puisse être un autre elle, une petite version édulcorée des enfants sans attaches, une version masculine qui pourrait avoir eu moins de chance, avoir été jugé trop tôt, trop vite et sans aucune forme de procès. Parce que chaque sourire qu'on lui arrache est une occasion perdue. Parce que, parce que. Parce que.
Parce qu'elle avait été une autre conne, une statistique noyer dans un millier d'autres, tout simplement.

▬ J'espère que t'es motivée parce qu'on est pas prête de rentrée !

Chaleur ou pas, les doigts de Lua étaient devenus un peu gourds. Elle enfouit sa main dans la poches de Shade, le sourire un rien moqueur alors qu'elle la baladait dieu seul sait où pour faire dieu seul sait quoi. Ça la distrayait, en un sens. D'un trop plein de questions et d'incessantes interrogations. Et si par la même occasion elle avait l'opportunité de passer une soirée brûlante en compagnie de la seule représentante du sexe féminin qu'elle parvenait à sincèrement appréciée, elle n'en serait que plus heureuse. Shade, elle était une part inamovible de son unité, une certitude contre laquelle elle ne s'était jamais reposée tout en été persuadée qu'un jour, si elle le souhaitait, elle pourrait pleinement s'y raccrocher.

▬ Enfin, sauf si t'es trop fatiguée pour suivre gamine;

Lua, elle l'embêtait, déambulant de sa démarche chaloupée tout en souriant. Ah Shade - elle y était à présent habituée, à cette insolence personnifié.

Le corps brûlant, le cœur battant, la gamine prend vie contre ce corps endormi. Poussée par ses envies, par ces vices enfouis, elle l'autorise à la bercer de ses baisers, picotements incessants, caresses charmantes. Et la poupée se redresse pour mieux le regarder; cet éphèbe qu'elle connait tant et apprend à regarder sous tous les angles. Un soupir alarmant, ses opales sombres s'ouvrent pour la scruter avant de laisser se dessiner sur ses lèvres un sourire à peine caché. Leurs corps nus sous les draps, elle laisse leurs jambes s'entrelacer avant de s'allonger sur son torse parfumé et d'y laisser traîner sa bouche aventureuse. Plaisir coupable. Le téléphone sonne, une fois, deux fois, synonyme d'une possible urgence, l'obligeant à s'arracher de ses bras sécurisants. Le prénom d'une précieuse s'affiche, ses sourcils se froncent et la curiosité bouffante se mélange à l'inquiétude dévastatrice. Shade répond au troisième appel et comprend qu'elle l'attend ce soir, qu'elle veut la voir. Les deux jeunes femmes s'échangent des mots rapidement, pour s'entendre sur le lieu de rendez-vous et elle raccroche, balançant l'objet sur sa table de chevet avant de laisser son dos heurter le matelas à nouveau. Elle est bien l'impétueuse, enfermée dans une sphère où chaleur corporelle et tendresses violacées se rencontrent. Mais elle ne peut rester plus longtemps et s'extirpe du lit défait pour se préparer à combattre la noirceur d'une nuit étoilée. Elle s'excuse, promet de le rappeler et abandonne Kassian dans son appartement où vit leur nouveau secret. Ses chaussures, mal mises, lui échappent des pieds et elle s'arrête, jurant, pour les enfiler correctement. Prise de court par cette invitation impromptue, l'Alestra se débat avec ses vêtements pour avoir une présentation décente, à l'abri de toute suspicion. Sa veste cache les morsures imprimées dans sa peau crémée, évidence d'un amour trop violent, trop puissant. Un détail qui n'échapperait pas à Lua si elle venait à témoigner de ces marques anormales. Les pas de la nymphe l'emmènent jusqu'au métro pour atteindre le lieu de rencontre et, bien vite, son regard rencontre celui de la divine. Enfant insolente, femme désolante. Ses poumons se libèrent de cet air qui la comprime, soulagée de constater que la blonde n'est pas en détresse. D'apparence. Sans attendre, Shade s'avance un peu plus, entre dans son champ de vision et la gracie d'un sourire presque angélique. Peut-être est-ce à cause de ses joues rebondies, de son regard doué d'innocence, de sa bouche rosie. Une poupée de cire qui fond petit à petit sous le poids des espérances et la désillusion des déceptions. Motivée, elle l'est, les membres et les sens encore secoués par les déboires d'une nuit enlacée écourtée. Shade est là, mais son esprit est ailleurs, terré dans le cou du nouvel amant clandestin. Et avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, la lionne rugit à nouveau, l'accable d'une taquinerie qui fait rouler ses yeux dans leur orbite. Provocatrice, armée de ce même sourire endiablé, Lua rit d'elle et de sa bouille d'enfant. Elle n'est pas comme elle c'est vrai, mais l'absence de skam dans ses veines ne l'empêche de connaître l'euphorie de la nuit. ▬ Si je suis venue c'est certainement pas pour rester dix minutes et repartir. constat sérieux, d'un ton qui laisse l'information paraître comme une évidence. La carcasse traînée par la siganaise dans les rues presque désertes, elle se laisse faire la gamine, portée par le vent, portée par la vie. Elles marchent, l'une dans les pas de l'autre, jusqu'à ce que la curiosité reprenne possession de ses sens et que sa main attrape la sienne, freinant leur course contre le temps ▬ Les gars étaient pas là ce soir ? T'es sortie toute seule ? sourcil haussé, incompréhension du moment. Parce que Lua, elle sait qu'elle peut compter sur Clyde, Reyn et Kassian pour retourner leur appartement en même temps que de s'arracher la tête à coup de vapeur toxique; mais elle est seule ce soir, perdue dans la nuit, la voix appelant cette présence féminine qui lui manque tant. Et elle sait Shade, elle sait que la féroce peut être imprévisible, mais elle veut s'assurer que ce soir n'est qu'une soirée à perdre de plus, pour oublier leur jeunesse déchirée, et non une vie esseulée.

Agapé
C'est froid.
Comme une lame de rasoir qui érafle la chaire. Comme une vague à l'âme qui vous transperce. Lua, elle balance entre rire et déni. Elle s'affole et elle surnage. Elle s'accroche à Shade aussi. Elle s'en imbibe de sa morne volonté, pauvre conne rachitique qui lutte contre l'inévitable. Agapé. Elle l'avait vu sourire. Elle l'avait vu s'illuminer sous les flots, alors qu'elle se laissait engloutir par les eaux. Par eux, par les maux d'amours qui lui avaient arrachés la peau. Agapé ne craignait pas la solitude sans l'appeler à grand cri. Et Lua, elle avait presque eut envi de se laisser engloutir, elle aussi. Découvrir si c'était mieux là bas. En bas. Eternellement enlacée à son souvenir. Une chaste étreinte qui n'en finirait jamais. Qui dans une dernière expiration, mettrait fin à tous le reste. La douleur, la peur, l'attente, l'amour perdu, l'amour déçu. Mais elle ne pouvait pas Lua. Parce qu'il y avait les autres, parce qu'il y avait la bande et leur bordel permanent, leurs appartement désordonnés, leurs insultes hurlés au futur comme au passé. Peut être aussi, mais c'était moins sûr, qu'elle était trop lâche pour ça. Qu'elle n'avait pas le nerfs pour abandonner la vie, pour se contenter de survivre à ne rien exprimer ni ressentir.  

Lua.
Ça glisse brûlant sur sa langue, alors qu'elle secoues ses boucles blondes. Ca remue sous son crâne sous le rythme de la houle, ça tournique et ça bourrique alors qu'elle tend une oreille vers sa gamine. Parce qu'elle n'en pouvait plus de les entendre, les maux d'amours. Parce qu'elles en étaient venues à vivre aux airs d'Agapé. Agapé qui jusqu'à maintenant avait toujours été l'un des nombreux secrets de son existence. Son âme soeur des toits altéen. Son mirage numérique aux messages acides qui la laissait toujours balancer tout ce qu'elle avait à dire, présence perpétuelle mais fantomatique. Son Agapé. Qui l'avait conjuguée au passé, comme une erreur, comme une ratée. A transformer en cauchemar cette nuit de malheur, à lui renvoyer tous ses échecs en pleine gueule.

▬ Dunno? Je n'ai pas regardé s'ils étaient là en partant.

La vérité est que ceci a déclenché chez elle le paradoxe suprême. L'ironie la plus fourbe que l'on ne peut imaginer. La vérité est qu'elle a rejeté cela avec trop de force. La vérité est qu'elle n'a pas supporté que la seule chose solide et inébranlable de sa vie sans intérêt disparaisse soudainement. Elle détestait l'idée même que l'autre moitié d'elle même puisse la dédaigner jusqu'à l'oublier. Alors elle avait fuit les autres Lua. Elle leur avait fuit leur présence masculine, ces regards qui ne la connaissaient que trop bien, ces gestes tendres que chacun avait quotidiennement à son égard. Elle avait fuit leur sollicitude maladroite, les soirées, l'alcool, la skam. Elle avait fuit avec Shade pour les rires féminins et leurs plaisirs certains, pour ce léger flottement, ce reste d'innocence. Une seconde où sa vision tangue et se distant jusque dans ses rétines. Un battement de cils où elle a l'impression que le monde change de nuancier, une agitation de son palpitant éprouvé. Un frisson. Un soupire. Et elle l'oublierait presque Lua, à sa  première fois dédaignée. A l'horreur d'un beau malheur.

▬ Et puis, ça fait longtemps qu'on est pas sortit. A se saouler au vin, à juste rire entre nous.

A juste se croiser entre deux engueulades, entre deux soirées. Parce que le conflit entre Reyn et Shade, parfois, ça engloutissait tous le reste. Parce qu'à certain moment, elle ne savait auprès de qui danser lorsque les deux pôles de son univers semblaient déterminés à s'écharper. Conflit étranger dont elle ne pouvait embrasser un parti sans trahir sa seconde moitié. Alors Lua, elle fermait les yeux face au vide qui emplissait sa poitrine, parce que la souffrance de Reyn, la bouleversait comme s'il s'agissait de la sienne. Parce que les larmes de Shade venait inévitablement chercher l'écho des siennes, celles qui ne coulaient jamais. Celles qu'on destinait à quelqu'un qui vous aimait.

▬ Anyway, comme ça tu pourras me dire si ta vie sexuel et/ou sentiment reste désertique ou si tu as redécouvert le schéma d'un pénis.

Parce que le sexe était une bonne alternative aux conversations trop sérieuses qui éclataient sous son crâne. Parce que le sexe, avait générer leurs plus beaux fou rires et les plus mémorables de leurs engueulade. Parce qu'il l'éloignait de l'amour et Lua, c'est tout ce qu'elle recherchait alors qu'elle poussait la porte du bar. L'oubli des rires, l'ivresse des sourires.