there for you -- benjamin

Elle regarde attentivement les nombreux rayons, yeux perdus entre les petites étiquettes au-dessous de chaque rangés. Et parfois, c’est vers l’écran de son téléphone que ses yeux glissent. Pas parce qu’elle accro à son téléphone et qu’elle ne peut pas passer cinq minutes sans en actualiser chaque application ouverte, même si ça avait tout de vrai, mais parce qu’elle y avait aussi une liste de pièces qu’elle était venu chercher dans ce magasin. Elle avait déjà fini son boulot, il ferait d’ailleurs bientôt nuit et malgré la fatigue de cette longue journée, elle a décidé de rester sur sa première idée qui était d’offrir encore un peu de son aide à ce jeune homme qu’elle appréciait tout particulièrement. Elle a déjà trouvé la majorité des pièces qu’elle voulait mais une dernière restait définitivement absente, elle a beau regarder un peu partout, c’est en vain. Le vendeur est à quelques mètres d’elle seulement, près à lui en venir en aide. Mais les vendeurs sont souvent bien trop bavards, il risquerait surement aussi à la pousser à acheter des choses dont elle n’avait pas plus besoin. Sibel se connaissait, parfois il devenait difficile de stopper l’acheteuse compulsive qui sommeillait en elle. Elle se rend toute de même à l’évidence, elle doit demander de l’aide. Plusieurs minutes après, elle est hors du magasin avec deux fois plus de pièces que ce qu’elle était venue pour. La jeune femme soupire doucement, avec l’absolue sensation de s’être fait avoir encore. Bon, si elle pouvait faire plaisir à une personne proche tout en comblant ses envies de shopping maladives, pourquoi pas ?

C’est un chemin parfaitement à l’opposé de sa maison qu’elle prend par la suite, un simple sms envoyé à son père l’informait qu’elle rentrerait plus tard que prévu. Elle sait à quel point l’homme s’inquiète pour elle, surtout ces derniers mois depuis la disparition de son frère. Elle ne veut pas y penser, elle détesterait fondre en larmes au milieu de la rue. Elle n’est pas une fille faible, sauf devant les robots mais ça c’est une toute autre histoire. Elle arrive enfin devant la porte, toque et entre directement quand on lui ouvre, agissant déjà comme si elle était chez elle. « Yo Benji ! » Un rire dans son voix qui chantonne un autre des nombreux petits surnoms qu’elle trouve pour son ami de toujours. « J’ai cru sentir une odeur de café, ça m’a attiré jusqu’ici, et… » Elle s’interrompt, le temps de poser son gros sachet entre les mains du jeune homme. « C’est fou tout ce que les gens jettent à la rue ces temps-ci, juste i n c r o y a b l e. » elle articule chaque petite lettre, de façon exagérée, comme si ça suffirait à le faire croire à sa version de l’histoire.

there for youbenjamin x sibel

Réveillé trop tôt, trop vite, l’amant qu’est le sommeil extirpé des doigts après un moment trop court pour effacer cette fatigue constante qui tire tes traits depuis déjà trop d’années. Des nuits qui défilent en un claquement de doigts avant que tu ne doives retourner vers le monde extérieur travailler dans le but d’allonger ces jours encore plus courts que tes heures de repos. Un sourire qui force son chemin sur tes lèvres à mesure que la journée avance, que tu dois faire semblant de ne pas n’être qu’une enveloppe flétrie qui attend de tomber en morceaux. Tu quittes ton emploi de concierge à la seconde où ton quart s’achève, n’ayant pas l’énergie d’y rester une minute de plus. Ton quotidien ne rime à rien, ne connaît pour but que l’espoir de revoir ses beaux yeux même si tu sais pertinemment que tu devrais l’oublier. Il n’est pas pour toi, une valeur trop grande sur sa personne qui fait en sorte que tu devrais à peine oser le frôler du bout des doigts. Différence trop creusée, il te faut effacer cette envie de vivre un espoir, de toucher un monde qui se colore plutôt que de rester dans le gris d’un ciel couvert.

À peine le confort de ton foyer pitoyable retrouvé que la carcasse métallique de ton chien vient à ta rencontre, manifestant un bonheur considérable au point où elle parvient à te faire sentir que tu es son monde à elle. Zara agite la queue, quêtant une caresse de ta part que tu lui offres et le geste creuse un rare sourire sincère sur ton visage, mais tu ne peux ignorer son cruel besoin de réparation. La pauvre bête ne tient à la vie que par un fil, tout comme toi, mais la différence est que l’un de vous deux rayonnes sous l’épée de Damoclès qui attend un moment précis, définis. Elle t’accompagne jusqu’à la cafetière, bruit de cliquètements n’ayant rien de normal dans sa démarche pendant que tu t’empresses de préparer la source de ton énergie dont tu as besoin pour tenter encore une fois de trouver ce qui cloche chez ton robot. Tu n’as pas les moyens ni les articles nécessaires à son amélioration, mais tu essaies, tu t’acharnes dans une lutte perdue d’avance en voulant te prouver que tu peux mener une chose à bien dans ton existence. Une valorisation inatteignable en dépit de tous tes efforts. On toque à ta porte, attirant ton attention que tu diriges vers celle-ci pour l’ouvrir et la jeune femme entre à la seconde où tu libères moindrement le passage. Bouffée d’air frais, sa simple présence insuffle une vague de vie entre les quatre murs bien ternes. « T’as le nez fin, Sib. » Pas assez dupe pour croire qu’il s’agit de la réelle raison de sa visite, tu termines vite avec un sac entre les doigts et un regard confus. Un rapide coup d’œil à l’intérieur te laisse flotter l’impression que son exagération n’est que mensonge – et il faut dire que tu connais tout de même un peu cette femme trop pétillante. « Sib… » Soudainement inconfortable devant son aide offerte par le biais de dépenses que tu ne mérites pas, tu cherches déjà à lui rendre ce qui ne t’appartient pas. « Je n’ai pas besoin de ta charité. » À vrai dire, si, mais il te reste encore trop de fierté pour l’admettre.