collision of hearts (jesse)

Il avait mit quoi. Vingt peut-être trente minutes à faire ce bouquet. Mais ce n'était pas n'importe quel bouquet et il n'était pas destiné à n'importe quel personne. Il était pour la plus belle fille de l'univers d'après Adriel, celle pour qui il ressentait mille et une choses qu'il ne comprenait pas, qu'il ne s'expliquait même pas, mais ça faisait juste une drôle de sensation dans le creux de son ventre quand son regard rencontrait le sien. Ou même sa chevelure rousse qui ondulait dans son dos. Il ressentait des trucs pour elle c'était clair et net sauf que parfois c'était douloureux. Tellement douloureux que parfois il songeait à abandonner, à baisser les bras. Opter pour la lâcheté. Puis c'était pas un truc qui se faisait pas ça, il savait que ça s'faisait de nier son lien cosmique. Parce que sa mère l'avait fait avec l'autre abruti. Elle s'foutait bien de tout sa mère à l'époque, elle avait vécu son véritable amour sans croire à ses conneries de soulmate comme elle disait. Sauf que la connerie de soulmate elle avait plané au dessus de leur tête. Elle planait toujours d'ailleurs avec son ombre menaçante. Et sa mère elle avait pleuré pour cette ombre menaçante parce que ça lui avait pesé sur le cœur. Et est-ce que adriel voulait pleurer ?
Non.
Mille fois non.
Alors il abandonnait pas, il baissait pas les bras. Puis de toute manière comment il pourrait baisser les bras, hein ? Son avis il changeait dès que son regard se posait sur la silhouette de Jesse. Comme un rappel à l'ordre. Ou même carrément un piqûre de rappel. Elle apparaissait dans son champ de vision et automatiquement il avait plus envie d'abandonner. Parce que franchement elle valait le coup de se battre cette fille. Si elle, elle valait pas l'coup de se battre alors qui le valait ? Il se maudissait ensuite pour avoir eu ce genre de pensées et il recommençait sa petite vie tranquille. Et cette petite vie tranquille elle le menait à faire des bouquets colorés pour la belle. Parce qu'elle aimait la couleur, Jesse. Il le savait. Peut-être même qu'en se concentrant bien il serait pas étonné de voir un reflet arc-en-ciel dans ses iris tant elle semblait aimer les couleurs; Alors dans son bouquet y'avait de tout. du rouge, du bleu, du vert, du orange, du jaune, du violet, du rose, du blanc. Tout pour lui mettre des étoiles dans les yeux.
Des étoiles mais surtout l'arc-en-ciel.
Un long soupir roula sur ses lèvres. Il se trouvait finalement devant chez les Boyle. Parce que du coup il était venu rendre visite à la belle Jesse, forcément. Il se demandait souvent comment elle faisait pour ne rien voir, pour pas voir le rouge qui apparaissait sur ses pommettes dès qu'elle le prenait dans ses bras ou même ne pas remarquer leurs similitudes. Ou peut-être qu'il se faisait des idées lui ? Sa langue claqua contre son palais. Non il fallait pas s'dire des choses pareilles, elle était sa soulmate et il le savait. C'était une évidence. Il n'avait pas de doutes à avoir là-dessus. Il s'mordilla l'intérieur de la joue.
Et toqua à la porte.

C’est dur. Beaucoup trop dur. Parker est allongée sur le ventre, trois couvertures sur elle. Et y’a bien tous les membres des Boyle, femmes ou hommes, qui essayent de la sortir de là, depuis la mort de Kihyun. Personne a réussi. Les seuls moments où elle se lève, c’est pour s’habiller, aller travailler, manger, se laver. C’est tout. Sa vie se résume à ça, désormais. Elle voit plus ses amis, elle voit plus ses frères de coeurs. Elle voit plus Jo, ni Jamie. Elle voit plus Yohan, ni Evan. Elle voit plus personne. Elle voit son oreiller blanc, et c’est très bien comme ça.
La femme de Kihyun est partie de la ville. Elle est partie en emmenant avec elle tout ce qu’elle avait de Kihyun, rien, en fait. Elle est partie en disant que c’était de sa faute à elle. Et peut-être que c’est un peu le cas. Peut-être que c’est vrai, que c’est de sa faute. Peut-être qu’elle aurait jamais dû le rencontrer. Peut-être, non, sûrement, que leur vie aurait été plus heureuse si il l’avait jamais rencontré. La sienne, à lui, l’aurait été en tout cas, ça c’est sûr. Celle de Parker aussi, très probablement. Mais elle refuse d’y penser. Parce que, quelque part, là, au fond de son corps, et sur tout son bras, elle sait que sa vie aurait jamais été complète si elle l’avait pas rencontré.
C’est vrai quoi.
Elle devait le rencontrer. Même si ça c’est fini comme ça c’est fini. Parker, elle sait, que la seule façon qu’elle aurait eu d’être heureuse, ça aurait été avec lui. Et il l’avait compris, lui aussi. Il se préparait au divorce, après tout.
Tout avait été tellement rapide. Assez rapide pour que ça ressemble à un conte de fée. Un vrai beau conte de fée.
Un conte de fée dans lequel, finalement, les méchants avaient gagné. Qui qu’ils aient été. Dans cette voiture. Qu’importe, ils étaient les méchants. Et ils ont ruinés son conte. Ils ont ruiné sa vie.
Parker, elle avait sa vie devant elle, elle avait son prince charmant, elle avait son happy ending sur le bout des doigts. Et maintenant, il lui reste rien.
Une famille d’adoption, des amis qui comprennent rien, et. Adriel. Oui. Elle a encore Adriel. Adriel qu’était là, quand Kihyun est mort. Quand Parker a senti la faille s’ouvrir, tout au fond d’elle, Adriel était là. Adriel, il a toujours été là, après tout. Depuis cinq ans, il est là.

Elle l’a pas beaucoup vu, depuis ce jour. Elle l’évite. Mais comme elle évite tout le monde, pas lui particulièrement. Pas du tout parce que quand il est là, elle se sent un peu moins brisée, et qu’elle devrait pas, se sentir moins brisée. C’est pas pour ça qu’elle l’évite. Elle refuse d’y penser, d’y croire.
Jo vient de passer, pour la dixième fois depuis ce matin. Parker a pas répondu. Elle a entendu le plateau se poser à côté d’elle. Elle se doute que c’est le repas. C’est triste que Parker puisse pas aller manger avec les Boyle. Elle rêve d’y aller en plus, vraiment, manger avec elles. Mais elle veut pas, peut pas. Elle a envie de rien. Juste de rester allonger, et d’attendre miraculeusement. Peut-être qu’une fée se posera sur elle un matin, et lui dira “tiens, ton coeur est réparé, tu peux être qui t’étais avant et continuer à distribuer le sourire à tout le monde comme tu sais si bien le faire”. Cette fée existe pas.
Parker le sait.
La porte s’ouvre de nouveau, c’est Jamie cette fois. Déjà parce que Jo serait pas revenue aussi rapidement, et puis surtout parce que Jamie, elle a une odeur bien particulière, que Parker sait repérer au milieu d’une foule. Elle sait pas pourquoi, elle l’aime juste beaucoup, son odeur.
Nephtys est passée aussi, dans la journée. Et elles ont parlé. De Jean, de Kihyun. Elles ont partagé leur peine, elles ont discuté du temps où elles étaient heureuses. Puis de la mort, qui s'abat toujours sur ceux qui le mérite le moins.

“Y’a quelqu’un pour toi ici, chouchou.”

Alors Parker se retourne sur le dos, les couvertures la couvrant jusqu’au dessus du nez. Seuls ses yeux, son front et sa touffe de cheveux roux sortant de sous tout le froufrous rose bonbon. Elle regarde la porte, et sous les couvertures, elle sourit. Mais faut que personne le voit, alors elle arrête de sourire. Elle devrait pas sourire. L’homme qui lui était destiné est mort, après tout. Alors à la place, elle baisse les yeux, et mouve son pied en rythme d’une chanson que Kihyun lui a fait connaître. Ou. Peut-être qu’elle calle la chanson sur son pied, rien de sûr.
Elle tourne la tête, à l’opposé de la porte.
Adriel est venu la voir. Il est gentil, Adriel.
Il lui a apporté des fleurs. Elle aime les fleurs.
Et elles sont belles, elles ont de belles couleurs.

Alors Parker sort le bout de ses doigts des couvertures, et les agite, qu’Adriel lui donne le bouquet, qu’elle puisse les sentir, imaginer leur goût. Les fleurs, ça a un goût, c’est sûr.
Peut-être qu’après ça, elle ira un peu mieux.
Les fleurs, ça a toujours eu le don de l’apaiser.
Et les fleurs accompagnées d’Adriel, encore un peu plus.
Bien que loin d’elle l’idée de l’assumer.

C'était pas Jesse sur le pas de la porte, de l'autre côté de la porte mais ça il s'en était douté après tout. Il savait pas trop où elle se trouvait présentement mais il pouvait distinctement ressentir sa peine. Peut-être qu'il devait se forcer à sourire lui, peut-être que si il respirait assez fort la joie de vivre bah peut-être qu'il pourrait en transmettre un peu à la jolie rousse ? Peut-être, parce qu'en fait il y connaissait rien dans les liens cosmiques et compagnie. Ses parents étaient pas franchement les mieux placés pou l'aider là-dessus d'ailleurs. Entre un père sans soulmate et une mère qui avait renié le sien bah c'était clairement pas auprès d'eux qu'il pouvait obtenir des réponses. Alors ses réponses il essayait de les obtenir tout seul. Et ça cogitait dans son cerveau. Peut-être même que ça cogitait un peu trop souvent. Un peu trop tout le temps, ça cogitait quand il était dans sa boutique de fleurs. Et ça cogitait même quand il conseillait des clients, quand il faisait les bouquets, ça cogitait quand il se préparait à manger et ça cogitait quand il allait se coucher. Surtout quand il allait se coucher parce que la nuit il pouvait pas s'occupr l'esprit autrement qu'en fixant le plafond de sa chambre. Et les anciens ils avaient tord. Compter les moutons ça servait à rien, à rien du tout, ça marchait pas. Il avait essayé combien de fois de les compter les moutons ? Il avait même arrête de compter combien de fois il avait essayé parce qu'il avait beau tourner le problème dans tous les sens, ça ne marchait pas. Non ça marchait pas parce qu'il finissait toujours par matérialiser l'image de Jesse dans son esprit.
Bref, quelqu'un venait d'ouvrir la porte et ce n'était pas sa rousse.
Petit sourire poli au coin des lèvres alors qu'il se faisait emmener vers la chambre de la demoiselle. Il en fallait pas plus pour le faire paniquer d'ailleurs même si il le cachait plutôt bien. Il avait l'habitude depuis cinq ans de la croiser, de lui parler. Mais dans sa chambre ? terrain inconnu. Mais il pouvait pas faire demi-tour, il voulait apporter un peu de réconfort à la belle alors il allait pas se défiler. Puis c'était son rôle en tant que soulmate. Si lui ne pouvait pas lui donner du réconfort alors qui allait le faire à sa place ? Ses amis et sa famille forcément, mais il voulait être celui qui réussirait là où les autres allaient échouer. C'était pas une compétition ni rien du genre. Juste qu'il voulait lui faire comprendre que son vrai soulmate était sous ses yeux depuis cinq ans. Bon ok l'autre aussi l'avait été mais. Mais rien en fait, il voulait simplement lui montrer les choses.
Alors il s'avança dans la pièce, posant son regard rieur sur la silhouette de la jeune femme. La silhouette non, sur l'amas de couverture dans lequel était emmitouflée la jeune femme. Il ne voyait pas grand chose d'elle en réalité, peut-être juste sa chevelure rousse et quelques doigts pour lui faire signe. Et comme elle lui faisait signe il s'approcha pour glisser le bouquet entre ses doigts.
Et il s'installa sur le lit à côté d'elle. Ou plutôt à ses pieds. C'était largement suffisant pour le faire rougir en tout cas. « J'espère qu'elles te plaisent. » les fleurs aux multiples couleurs.
En fait il se sentait inutile. Inutile c'était le mot, il savait pas comment s'y prendre pour lui redonner le sourire. Puis il avait l'impression d'avoir une brèche béante dans la poitrine simplement à la voir aussi mal, aussi triste. Et comment il pouvait lui donner de la joie alors qu'il souffrait aussi. Personne ne le considérait comme courageux de toute manière, il le montrait une nouvelle fois.
« Est-ce que tu vas bien ? Enfin, je veux dire... je vois bien que ça va pas bien mais est-ce que ça va un peu mieux, même juste un tout petit peu mieux ? »

Elles sont magnifiques, les fleurs. Mais les fleurs qui viennent de chez Adriel, elles sont toujours magnifiques. Elles sentent toujours trop bons. Elles ont toujours des couleurs qui mettent du brillant dans les yeux de Parker. Depuis le jour où elle l’a rencontré, elle a jamais été déçue par un seul de ses bouquets. Pas un seul. Il est vraiment doué dans ce qu’il fait. Et il a une manière de parler des fleurs qui donne envie à Parker de rester éveiller toute la nuit, à l’écouter. Il a une façon de les prendre dans ses mains et de les assembler, qui donne envie à Parker de le regarder faire toute la journée, assise sur le comptoir. Elle en a passé, des journées, à le regarder travailler. Les rares jours qui sont libres pour elle. Les rares jours où elle devait pas bosser, ni à la librairie, ni au magasin de bonbon, ni à la supérette. Elle allait là-bas, elle allait regarder Adriel travailler. Il a de belles mains Adriel, de si belles mains.
Les mains de Kihyun ont toujours eu un attrait particulier pour Parker, mais comparées à celles d’Adriel… Kihyun aurait paru presque potelé si elle les avait comparé. Elle a jamais pensé à les comparer, bien sûr. C’est une idée ridicule, et inutile, de les comparer.
Elle peut pas vraiment dire qu’elle est contente qu’il soit là, Adriel. Mais elle peut pas dénier le fait qu’elle a pas envie qu’il reparte. Elle aimerait qu’il reste là, pour toujours si possible. Sa présence est apaisante. Il dégage une aura calme, et aimante. Parker pense que tout le monde ressent ça, en le voyant. C’est juste ce qu’il est, après tout. Un homme aimant, calme, apaisant. Un grand frère à qui on peut se confier. Il est pas comme ça qu’avec elle, c’est ça qu’elle se dit, Parker.
C’est pour ça, peut-être que, quand elle quitte la chambre, Jamie a un sourire aux lèvres. Peut-être que c’est parce qu’elle le ressent aussi, ce calme, cet apaisement.
Et la famille Boyle, c’est vraiment une famille qu’a besoin d’être apaisée depuis la mort de Jean. Parker aussi, encore plus depuis l’accident de Kihyun.
Sa cousine ferme la porte et les laisse tous les deux, seuls. Parker pourrait trouver ça inconvenant, d’être seule, dans sa chambre, avec un garçon. Mais ça l’est pas. Parce que c’est pas un garçon. Pas à ses yeux. C’est Adriel. Adriel, l’ange qui plâne au dessus d’elle, qui la regarde de ses yeux couvreurs et qui la protège. Adriel qui lui glisse le bouquet entre les doigts.
Et elle sent d’ici, les différentes odeurs. Les tiges ont été dépourvues de toutes les épines, et elle sort son autre main pour toucher les pétales. Pour les caresser doucement, légèrement.
Elles sont douces.
Elles sont belles.
Elles sentent bons.
Adriel la connaît si bien.

Elle hoche doucement la tête, toujours la couette qui lui couvre jusqu’au dessus du nez. Elles sont magnifiques, elles sentent bons, elles sont douces, bien sûr qu’elles lui plaisent. Elles ont tout pour plaire. Manquerait plus qu’elles soient comestibles. Mais Parker a déjà essayé, et les fleurs, parfois, c’est pas bon. Et puis, elle a pas envie de ça, aujourd’hui. Aujourd’hui, elle a juste envie de les regarder, de les observer. Aujourd’hui, elle a juste envie de profiter de leurs belles couleurs, de leur belles couleurs.
Elle lève la main, et les rend à Adriel. Il trouvera le vase sur la table de la chambre, et il y a déjà de l’eau dedans. Il y a toujours de l’eau, dans ce vase. C’est au cas où. La chambre de Parker, c’est rare, quand elle est pas fleurie.
Elle le sent s’asseoir sur le lit, elle sent son poids faire bouger ses pieds. Et Parker sourit. Mais il est loin d’elle. Et Parker aime pas cette distance.
Alors elle se redresse, et s’avance vers lui, s’assoit à côté de lui, pose sa tête sur son épaule. La couette couvre encore tout son corps, jusqu’à son cou, elle l’a embarqué avec elle.
Elle fixe le mur face à elle. Il est rose, le mur. Comme deux autres murs de cette chambre. L’autre est bleu. Clair, bleu. Comme le ciel quand il fait beau.

Non, ça va pas mieux. Adriel ? Dis. Est-ce que tu penses que j’ai pas le droit à un conte de fée parce que je suis pas assez bien ?

Elle rajuste sa tête sur l’épaule de son ami, laisse tomber ses cheveux sur le dos d’Adriel et lève une de ses mains à son visage, essuie le reste d’une larme de ce matin qu’avait séché, qui grattait.
C’est vrai quoi ? Pourquoi le monde, il l’a pas autorisé à avoir son happy ending ? Elle avait tout fait pour l’avoir. Et elle y était presque. Pourquoi le monde, il est méchant avec elle ?

Elle était compliquée la situation. Tellement compliquée qu'il savait même pas où se mettre. Alors il se contentait d'être là, pour elle. Parce qu'il devait bien la soutenir dans cette épreuve. Puis c'était douloureux pour elle, il s'en doutait. Non pas qu'il s'en doutait, il le sentait. Comme une brèche dans le fond de sa poitrine, une plaie sur son organe saignant. Parce que bah ouais elle souffrait et lui il le ressentait et du coup ça lui faisait une double peine. Il avait mal parce qu'il la voyait souffrir déjà. Et il détestait ça, la voir souffrir. Et il avait l'impression d'être complètement impuissant à ne pas savoir quoi faire de ses dix doigts pour la faire sourire. Et puis c'était douloureux aussi parce qu'il ressentait sa peine et que du coup il était aussi peiné, triste et toute la compagnie. C'était peut-être le plus terrible dans cette histoire. De souffrir pour de la mort d'un homme qu'il ne connaissait pas. Ou juste par les mots de la belle, un homme qui avait prit sa place. Sa place aux côtés de Jesse, il souffrait à cause de son rival en fait comme si ça pouvait le réjouir, comme si c'était pas assez douloureux d'être considéré comme le grand frère et pas comme un petit peu, un tout petit peu plus que ça.
Mais c'était pas une raison pour tourner le dos à la jolie rousse.
Elle avait besoin de lui.
Alors il était là.

Avec son bouquet de fleurs dans l'espoir de lui remonter le moral. Ce qui semblait marcher d'après lui.
Alors il récupéra le bouquet pour aller le loger dans un vase rempli d'eau. Elle semblait pas vouloir sortir de ses couettes et ça le chagrinait. Parce qu'il avait l'impression de ne plus voir du tout sa joie de vivre habituelle. Juste une enveloppe corporelle. Et il aimait pas ça du tout, Adriel. Il voulait la voir sourire, il voulait entendre son rire se répercuter contres les murs de sa chambre. Il voulait pas voir une forme humaine se mouver sous ses couvertures.  Mais il ne voulait pas la contrarier encore plus qu'elle ne l'était déjà parce qu'il tenait à elle. Et que son but c'était de lui donner un peu de sa joie de vivre. Ou plutôt de l'aider à la récupérer. Et certainement pas lui plomber le moral encore plus. Elle méritait la joie, Jesse. Elle méritait tout plein de choses positives. Pas d'être dans cet état.
Il se laissa timidement tomber sur le matelas. Au pied du lit pour garder une certaine distance. Il aimait bien la tenir dans ses bras, Jesse. Mais là ils étaient dans sa chambre, et c'était juste étrange. Le lieu ça changeait beaucoup de choses. C'était totalement différent de se retrouver avec une femme au restaurant ou dans une boutique, comme c'était différent de se retrouver au cinéma ou devant un film à la maison. Ouais le lieu c'était important, on faisait pas la même chose dans la chambre d'une fille que ce que l'on faisait dans une cimetière. Sauf que là il était dans la chambre d'une fille. Et la fille elle se rapprochait pour plaquer sa tête contre son épaule. Et lui il agrandissait les yeux, sentait le rouge lui brûler les joues. Et ses mots comme des lames tranchantes. « Hein ? Qu'est-ce que tu dis ? » des bêtises, voilà ce qu'elle disait selon lui. Il releva le bras pour poser ses doigts dans sa chevelure rousse. « Pourquoi tu dis ça, t'es la meilleure personne que je connaisse. » 
Et il disait pas ça seulement à cause des sentiments qu'il éprouvait à son égard, il le pensait vraiment. Elle méritait tout le bonheur du monde. Il aurait aimé être celui qui pouvait le lui offrir. Mais elle en avait choisit un autre. Et il savait pas si maintenant il avait une chance. Sauf qu'il se détestait d'avoir ce genre de pensées, elle souffrait à cause de la mort de son soulmate. Et lui elle espérait la voir ouvrir les yeux sur leur relation. « Tu veux pas sortir de sous ta couette ? » 

Elle pensait plus trop à rentrer sur Sigan, après sa rencontre avec Kihyun. Il était la raison qu’il lui manquait pour faire son choix. Rester, ou partir. Rester ou retourner auprès de sa famille. Mais, en si peu de temps, Kihyun était devenu sa famille. Celui avec qui elle se sentait prête à en fonder une, en tout cas, de famille. Pas tout de suite, pas maintenant. Elle était trop jeune. Et ils étaient qu’au stade du premier baiser. Merveilleux premier baiser. Qui l’avait laissé rêveuse et amoureuse. Qui lui avait coupé l'appétit, dans le meilleur sens du symptôme. Elle avait décidé de rester. Parce qu’il était là. Elle avait décidé d’arrêter totalement les recherches. Recherches, faut l’avouer, pas très fructueuses déjà, depuis sa rencontre avec les Boyle. Là, elle avait juste abandonné l’idée. Non. Pas abandonné. Elle avait juste trouvé mieux, ici, sur Altéa. Elle avait trouvé le Prince charmant. Ce Prince qu’on trouve qu’une fois dans sa vie. Elle l’avait trouvé ici. Et elle avait plus aucune intention de le laisser et de s’en aller. Elle allait rester sur Altéa. Et faire sa vie avec lui. Il était en train de divorcer. Et une fois que ce serait finalisé, ils allaient s’installer ensemble, se marier, faire des beaux enfants bridés roux, et vivre heureux. Et ça aurait été parfait. Elle aurait appelé ses parents, sur Sigan, pour qu’ils assistent au moins au bruits du mariage, au “je le veux” de leur fille. Et ils auraient accepté son bonheur, lui auraient conseillé de rester avec l’homme de sa vie, son mari.
C’était comme ça, que ça allait se passer.

Maintenant, elle veut retourner sur Sigan. Le plus vite possible. Et plus jamais entendre parler d’Altéa. Les Boyle lui manqueront. Yohan, Evan, et tous ses autres amis aussi. Adriel lui manquera surement plus que tout le monde, parce que c’est son frère, et qu’un frère, rien que le remplacer, pas même cinquante bons amis. Mais elle peut pas rester. Elle pleure tout le temps. Chaque voiture lui rappelle l’accident, chaque bouquins lui rappellent leur première nuit ensemble, chaque bonbon, leur première rencontre. Chaque smoothie leur premier baiser. Et c’est insupportable. Elle peut pas vivre avec ce fantôme de Kihyun qui lui plane au dessus de la tête à chaque mouvement qu’elle fait. Parker est faible. Elle le supportera pas. Elle peut pas le supporter.
Et tout le monde peut bien l’aider, tant qu’ils veulent. Rien n’y fera. Parce que c’est comme ça. Que personne peut soigner un coeur éclaté en milles morceaux. Personne. Pas même la colle la plus extra forte. Les consolations font du bien. Parker les comparent à du baume contre les brûlures. Mais sur un coeur en cendre, est-ce que, vraiment, c’est utile ?
Parker recommencera à chercher des portails vers Sigan. Dès qu’elle réussira à trouver un moyen d’arrêter de pleurer toutes les deux minutes. Dès qu’elle réussira à se concentrer plus de deux minutes sur autre chose que ses trois différents jobs.
Ils ont tous demandé à ce qu’elle prenne des jours de congés. Tous. Elle a refusé. Ils sont gentils ses patrons, ils l’aiment bien. Mais, elle, elle peut pas. Elle peut pas se dire qu’en plus d’avoir perdu la seule personne avec qui elle aurait pu être heureuse, elle perd ce qui lui donne encore un peu de bonheur tous les jours. Voir les gens vivre.
Heureux ou malheureux.
Sourire ou pleurer.
Ils sont là, ils font leur truc. Et Parker s'imprègne de leurs émotions, essaye de les vivre à travers eux. Essaye, pendant quelques minutes de contact humain, d’oublier la peine de la perte de Kihyun.

La question qu’elle pose à Adriel, elle est réelle. C’est vraiment un questionnement. Parce que, pourquoi ça lui arrive à elle, si c’est pas le destin qui l’a décidé ? Si c’est pas le monde, alors qui ? Forcément, quelqu’un choisit pour eux qui sera heureux ou malheureux. Ca peut pas être que du hasard. Et si cette personne, cette chose a choisi qu’elle aille mal, c’est qu’elle a fait quelque chose de pas bien, non ?
Peut-être que cette personne, ou cette chose, aimait bien le couple marié que formaient Kihyun et sa femme, et qu’il a voulu se venger. Oui, c’est probablement ça.
Parker, la briseuse de ménage.
Parker, il faut se venger d’elle et de sa chevelure tentatrice.
Hm. Ce serait logique.
La réponse que lui donne Adriel, elle est surprenante. La meilleure personne ? Alors Adriel doit vraiment pas connaître beaucoup de monde. Les gens piquent pas les maris des autres, en général.

Elle secoue la tête sûre d’elle, quand il lui demande de sortir de sous la couette. Sous la couette, il fait chaud. Le monde extérieur est froid. Froid glacial.

Tu peux continuer à me caresser les cheveux ? Ca me fait du bien.

Beaucoup de bien. Adriel, c’est le meilleur des baumes apaisants contre les brûlures.

Un soupir roula sur les lèvres de l'asiatique. Il ferma les yeux quelques instants peut-être pour se recentrer. Parce que dans sa tête c'était une multitude de sentiments, d'émotions qui déferlaient et il ne parvenait tout simplement plus à faire le tri. Et franchement ça en devenait pénible lui il voulait juste se poser deux minutes. Souffler deux minutes, pouvoir respirer deux minutes. Il voulait juste se vider la tête en fait, penser à autre chose. Arrêter de souffrir. Faire disparaître cette peine qui noircissait son cœur, cette impression de sentir distinctement son organe saignant se déchirer en deux dans sa poitrine. Il pensait beaucoup trop en ce moment Adriel, pourtant d'habitude il se laissait juste bercer par le doux train de sa vie quotidienne. Il faisait toujours la même chose Adriel ; il s'levait le matin, il mangeait, il s'habillait, il souriait, ensuite il recoiffait ses cheveux noirs, il souriait encore, il prenait la clé de sa voiture toujours posée sur le buffet à l'entrée, il entrait dans sa voiture qu'il démarrait avec le sourire aux lèvres puis il ouvrait son échoppe de fleurs pour recevoir les premiers clients en souriant. Et il souriait. Sa vie était presque réglée au millimètre près, rien ne changeait jamais dans sa routine. Et il souriait. souriait. souriait.
Et là il avait l'impression que son prochain véritable sourire allait être douloureux.
Peut-être parce qu'il perdait l'habitude, peut-être parce que le faux étirait pas assez ses lèvres ou creusait pas assez ses joues, peut-être qu'avec le faux ses yeux étaient pas assez plissés. Peut-être autre chose mais il avait l'impression que ça allait faire mal. Il se souvenait plus du moment où il avait commencé à tout le temps sourire Adriel, ça devait certainement remonter à son enfance et ça c'était imposé à lui comme. comme une carapace, une protection contre (les méchants). Ou plutôt un méchant mais quand ça pleurait et que ça criait à la maison il fallait bien quelqu'un pour remonter le moral, pour être le rayon de soleil le jour de pluie. Il s'était contenté de prendre le rôle de manière logique parce que c'était lui l'enfant, parce qu'il comprenait rien et parce qu'il savait amuser la galerie. Puis il avait finit par comprendre mais n'avait pas cessé de sourire. Jusqu'à maintenant en tout cas, il essayait bien de sourire pour remonter le moral de la belle rousse mais ça le détruisait.
Parce que si il ressentait autant sa douleur, sa peine. Pourquoi elle pouvait pas ressentir sa joie ? C'était peut-être normal il connaissait rien des soulmate que le peu que ses parents avaient bien voulu dire - à savoir que c'était un lot de d'ennuis à se coltiner donc rien ne pouvant l'aider dans cette situation. Mais peut-être que c'était aussi pas normal du tout, peut-être qu'il se trompait depuis le début en fait. Il s'était peut-être imaginé des trucs invraisemblables. Il était naïvement tombé amoureux de jesse et il s'était retrouvé là. à imaginer plein de scénarios dont celui de soulmate et bam. il se retrouvait comme un con à s'être persuadé d'un truc qui n'était même pas réel, peut-être que c'était ça.

Il secoua la tête pour se sortir de ses pensées.
Parce que franchement déprimer c'était pas la bonne solution pour remonter le moral de sa belle. Mais alors pas du tout.
Puis elle avait besoin de lui, c'était pas le moment de se poser des questions ou de tout remettre en doute ou même de vouloir révolutionner le monde. Il hocha la tête de bas en haut à sa demande, si ça lui apportait un peu de réconfort alors il allait forcément se plier à sa demande. Parce qu'il voulait la rendre heureuse et guérir son cœur malade.
Il releva sa main pour la glisser dans la chevelure rousse de jesse, appuyant légèrement sur sa tête pour la laisser contre son épaule. Il commençait déjà à sentir la gêne monter à ses joues rosées. Mais c'était pas le moment de se défiler. « Comme ça ? » y'avait pas mille manières de caresser une chevelure cela dit mais il avait besoin de s'en assurer.  « Alors tu veux pas aller prendre l'air, même pas avec moi ? »

Être avec Adriel, c’est toujours agréable. Même lorsque le monde est gris, que les gens semblent méchants, que la justice s’abonne absente, ou que le Prince Charmant se fait renversé par une voiture. Adriel, c’est toujours la même sensation de chaleur, de douceur, de cocon protecteur. Et c’est probablement pour ça qu’il est le seul qu’elle laisse dans sa bulle de tristesse, en ce moment. C’est probablement pour ça qu’il était le seul à qui elle parlait après le viol de Jean et Nephtys, et le suicide de Jean. Lui et les Boyle. Parce que les Boyle avaient besoin d’elle et de sa joie de vivre à l’époque. Elle leur donnait. Puis allait pleurer dans les bras d’Adriel.
Aujourd’hui, c’est différent. Aujourd’hui, c’est elle avant tout. Les Boyle ont pas besoin de sa joie de vivre. Elle serait probablement capable de leur donner, mais ce serait douloureux, d’avoir à sourire, alors qu’elle en a pas envie. C’est déjà douloureux de pas avoir envie de sourire. Ses muscles commencent à pas comprendre ce qu’il se passe. Elle qui sourit tout le temps. Dans peu de temps, elle commencera à avoir des crampes, à coup sûr. Mais sourire, même si c’est faisable, c’est un peu plus fort qu’elle. Elle veut pas sourire, parce qu’elle trouve pas de raisons pour sourire. Il est mort, Kihyun. Il est mort, l’homme avec qui elle devait faire sa vie. Alors sa vie, maintenant, ça veut dire qu’elle est censée la terminer seule ? Comme une âme solitaire ? Une veuve qu’a jamais été mariée ?
Elle veut pas finir seule. La solitude, c’est déprimant. La solitude, c’est triste. La solitude, c’est la cachette de ceux qu’ont peur d’aimer. Et peut-être qu’elle aurait du avoir peur d’aimer, cette fois ci. Elle aurait pas souffert. Ceux qui disent : c’est mieux d’avoir aimé puis perdu, que pas aimé du tout, ils mentent. Ils savent pas de quoi ils parlent. Ils ont probablement jamais aimé, et aimeraient juste savoir ce que ça fait.
Parker peut leur dire. C’est beau, c’est jolie, un peu parfait. Puis ça disparaît, et ça fait mal. Et alors, on aimerait que ça ait jamais existé.
Oui.
Non. Non, c’est des mensonges. Elle imagine pas avoir jamais aimé Kihyun, elle imagine pas ce qu’aurait été ses derniers mois sans lui. Elle imagine pas n’avoir jamais rempli son coeur avec cet amour qu’il ressentait pour elle, qu’elle ressentait pour lui. Elle imagine pas. Refuse d’imaginer, ce qu’aurait été cette année sans lui. Elle refuse d’imaginer. C’est impossible.
Ils ont raisons ces gens. Mais ça fait tellement mal.

Ses mains dans ses cheveux, ça lui fait tellement de bien, à Parker. Adriel sait exactement quoi faire, et comment le faire pour qu’elle soit calme, apaisée, un peu heureuse au moins, dans ce malheur et cette tristesse ambiante. Ca la surplombe depuis qu’il est mort, et c’est à croire que ça s’arrêtera jamais. Elle a l’impression que maintenant, c’est ça, sa vie. De la tristesse, des pleurs, pas de sourire. Et Adriel, la bouée, le baume, le sauveur, celui qu’elle entraîne dans les ténèbres, mais qui y amène son sourire et son soleil. Et ça fait tellement de bien, c’est tellement rassurant.
Elle hoche la tête quand il lui demande si ce qu’il fait c’est bien ce qu’elle avait demandé. Et un peu que c’est ça, qu’elle lui avait demandé. Ses mains sont tellement douces, et elles sont parfaites dans sa chevelures. C’est comme si c’est là qu’elles avaient toujours été censé être.
Il insiste sur le fait qu’ils sortent. Mais Parker veut pas sortir. Elle veut pas être dehors. Chaque coin de rue lui rappelle Kihyun, chaque endroit, chaque bruit. Chaque sensation, lui rappelle cet amour qu’ils partageaient. Et c’est déjà assez compliqué de sortir quand elle va bosser, elle veut pas s’affliger ça quand elle est en jour de repos.
Ils sont tellement rares.
Pourtant, elle réfléchit, boue sérieuse. C’est peut-être pas une mauvaise idée. Elle relève la tête vers lui, ses lèvres juste à côté de son oreille, à Adriel. Elle parle doucement, pour pas lui casser les tympans.

Si on sort, tu m’aideras à trouver un moyen de retourner chez moi ? Sur Sigan ? Hein dis, Adriel ? Une pause, longue pause, puis finalement. Et tu viendras avec moi ? Sur Sigan ? T’es celui que je veux surtout pas laisser ici. Ni Jo, ni Yohan, mais eux, c’est différent. Toi, je veux que tu restes avec moi. Mais sur Sigan, tu sais ? Y’a pas de fleurs.

Elle sourit tristement, et elle pleure. Parce qu’Adriel l’accompagnera jamais sur Sigan, même si elle trouve un moyen d’y retourner. Adriel devrait jamais vivre sans ses fleurs, jamais jamais.
Jamais.

C'était vraiment insupportable. Et douloureux. Et peut-être même un tas d'autres adjectifs dont il n'avait pas idée mais ils étaient tous péjoratifs, tous en rapport avec la blessure. Celle qui s'agrandissait au creux de son organisme. Juste là, dans son corps. Sûrement au niveau de son cœur d'ailleurs comme une plaie béante qui pouvait pas se refermer. Ses fleurs, ses amis ou même sa famille eux ils servaient de pansement. Ils servaient de pansement parce qu'en leur présence il retrouvait peut-être un peu de son sourire, un tout petit peu. Mais ça le guérissait pas. Bah non puisqu'une fois seul il recommençait à souffrir, à serrer les poings, à marmonner. Donc ils étaient des pansements. Un petit truc qui recouvrait une plaie infectée mais qui la soignait pas.
Mais il pensait pas ça méchamment parce qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour lui. Et peut-être qu'ils s'en doutaient pas. Il parlait pas de toute manière, il disait rien. Rien sur ce qu'il ressentait, rien sur la douleur pourtant si perceptible. Il disait rien, il se contentait de sourire. Mais des sourires faux, ça semblait être convaincant. Et c'était très bien comme ça parce qu'il avait pas envie de parler de toute façon. Pour entendre quoi de toute façon ? Il les entendaient depuis là les discours. - Que des emmerdes lui dirait sa mère assez fière d'elle - je t'avais prévenu mon fils qu'avoir une soulmate c'était que des emmerdes et il voulait pas entendre ça. Lui il voulait entendre que tout allait finir par s'arranger. Peut-être que ça serait totalement faux, peut-être que rien n'allait finir par s'arranger mais il avait besoin d'entendre ça. Pas autre chose. - Il y a bien des autres filles qui peuvent te plaire, mon fils. ça, ça serait plutôt son père. L'air désinvolte et complètement détaché. Parce qu'il n'avait jamais eu de soulmate il savait pas ce que ça faisait. Puis si sa femme l'avait choisit lui alors son fils pouvait bien choisir une nana lambda, c'était pareil. Mais ça non plus il voulait pas l'entendre.
Alors c'était pas la peine de parler. La discussion il pouvait la faire tout seul dans sa tête. C'était peut-être un peu bizarre mais ça lui économisait un temps considérable. Il voulait pas de pitié en plus, la chose la plus horrible sur terre. Croiser le regard de l'un de ses proches et y voir de la pitié. Non, il se sentirait beaucoup trop minable, encore plus qu'il l'était vraiment. Et surtout. surtout il voulait pas qu'on lui préconise d'oublier Jesse, de tirer un trait sur elle. Jamais.
Ouais il avait mal, il souffrait mais là il était bien avec elle. Pas vraiment bien, mais ça allait un petit peu mieux quand même. Puis il voulait pas la perdre parce qu'il avait besoin d'elle. Et dans sa tête il se disait qu'ils allaient surmonter cette épreuve ensemble, tous les deux. Et que ça allait forcément les rapprocher et peut-être qu'elle allait finir par se rendre compte que l'homme de sa vie était devant son nez depuis le début. Non c'était pas peut-être, c'était même certain. Parce qu'il le voulait ardemment. Et quand on souhaitait très fort, mais vraiment très fort, quelque chose on finissait toujours par l'obtenir, non ? Et lui il le souhaitait pas juste très fort, il le souhaitait encore plus que ça.
Bah non.
Non, ça se passait comme ça seulement dans les films.
Parce que là elle était en train de lui avouer qu'elle voulait partir. Et il ferma les yeux pour mieux assimiler la révélation, c'était pas censé se passer comme ça, pas du tout. Et il aimait pas du tout cette situation, il aimait pas l'entendre lui proposer de la suivre. Parce qu'il pouvait pas tout abandonner, même pour elle. Il aurait aimé pourtant, mais il pouvait pas. « J'peux t'aider à trouver un moyen pour partir, si c'est ce que tu veux vraiment. Mais je veux que tu me promettes de bien y réfléchir. Que tu sois sûre de tout ce que tu perd, ici. Je veux pas que tu le regrettes une fois là-bas. » parce qu'elle risquait d'avoir le cœur bien vide une fois là-bas, parce qu'elle souffrait peut-être ici mais ici elle était entourée. Là-bas elle serait toute seule. Il se pinça la lèvre « mais j'pourrais pas t'accompagner parce que j'pense que si tu veux partir c'est pour oublier, et je veux pas être celui qui te rappelle sans cesse son existence. »

Il devrait pourtant. Parce que sans Adriel, Parker serait perdue. Sans Adriel, qu’est-ce que c’est le monde, sans Adriel. Elle vivait très bien avant de le rencontrer, mais depuis qu’il est dans sa vie, elle semble pas pouvoir passer plus d’une semaine sans le voir. Même si, vraiment, elle a jamais essayé aussi longtemps, elle allait dans son magasin de fleur au moins une fois par jour. Au moins. Alors une semaine. C’est pas envisageable, c’est même pas imaginable, pour Parker. Retourner à Sigan sans lui ? C’est impossible. Elle pensait pas, qu’il impacterait autant sa vie. Parce qu’elle le voyait pas sous cet angle là, jusqu’à maintenant. Jusqu’à après qu’il soit mort, Kihyun. Avant, y’avait Kihyun, et puis y’avait tous les autres. Et y’avait Sigan, et elle allait y retourner, avec Kihyun, probablement. Kihyun là, Adriel avait l’air moins important. Ou peut-être qu’il l’était tout autant, mais qu’elle avait son esprit (son coeur) ailleurs, qu’elle le voyait pas. Qu’elle le voyait moins. Maintenant, c’est différent. Maintenant, tout a changé. Maintenant, Adriel, il est le seul à qui elle veut parler, il est le seul avec qui elle veut rester. Jo, elle l’aime. Elle l’aime tellement. Elle aime Jamie, Nephtys, elle aime ses “parents”, ses “oncles, ses tantes”. Elle aime Yohan, plus que tout, et Evan. Elle aime ses amis de l’OpenPrice, même si c’est pas forcément tous des amis. Elle les aime. Et veut pas vraiment les quitter. Mais si c’est pour retrouver ce qu’elle avait, avant. Si c’est pour avoir une chance de passer à autre chose, et de pas passer sa vie à pleurer. Parce que pleurer. Pleurer, c’est pas bien.
C’est pas digne de Parker, l’heureuse et drôle, et souriante, joyeuse Parker. Cette Parker là, elle devrait jamais pleurer.
Adriel, elle peut pas le quitter, lui. Il est pas comme les autres. Même si elle arrive pas vraiment non plus à comprendre en quoi il est différent. Elle le connaît depuis plus longtemps qu’Evan, même. Il est la première personne qu’elle ait vu, sur Altéa. C’est probablement ça, la raison. Et puis, toutes les après-midi qu’elle a passé, où elle avait pas de travail, assise sur le comptoir de son magasin, à le regarder faire des bouquets. Parker s’est jamais laissé, se lassera jamais, de regarder Adriel faire des bouquets. Peut-être parce que les bouquets, ça existe pas, sur Sigan, les vrais, bouquets.
Peut-être aussi parce qu’Adriel, il existe pas sur Sigan.
Elle lui propose sans y croire. Adriel sans ses fleurs, c’est plus Adriel. Et puis, même si Parker, elle l’aimerait autant sans ses fleurs, elle sait que lui, choisirait ses fleurs avant tout, tout le temps. Et c’est raisonnable. Après tout, Adriel et fleurs, c’est deux mots qui sont indissociables dans l’esprit de Parker, quoiqu’elle dise. Quoiqu’elle souhaite.
Quand il lui répond, Parker baisse la tête, ferme les yeux. Elle aime pas sa réponse. Elle l’attendait, mais telle une enfant gâtée, l’aime pas. La première partie est raisonnable. Parce qu’il faut qu’elle réfléchisse, il a raison, après tout. Il faut qu’elle soit sûre, de perdre personne. De manquer à personne, et que personne lui manque. Tout le monde lui manquera, c’est sûr. C’est pas une bonne idée de se poser cette question.
Mais la deuxième partie de la réponse, Parker relève la tête et tourne ses yeux ouverts comme des soucoupes vers lui. C’est pour ça ? Qu’il refuserait de la suivre ? Pas à cause des fleurs ?

Mais n’importe quoi, tu dis n’importe quoi, t’es à côté de la plaque !

Et sans savoir pourquoi, Parker lève les poings et tape (tapote vraiment plutôt) sur l’épaule d’Adriel. Elle pleure, aussi, mais s’en rend pas vraiment vraiment compte.

Si tu pars pas avec moi,c’est à cause des fleurs, c’est tout. C’est la seule raison que j’accepterais. Parce que tu vois...

Elle renifle, telle une gamine qui pleure après avoir perdu son nounours préféré.

T’es le seul qui me fait l’oublier, au moins un petit peu, parce que t’es là. C’est pour ça que je veux pas te quitter, jamais. Et si tu viens, je pars, si tu restes, je reste. Parce que je pars pas sans toi. Je veux pas. Jamais. Te perdre.

Et elle baisse les yeux, reprend ses poings pour elle, et ramène ses genoux contre son torse, s’arrête de pleurer un moment, réfléchit. A ce qu’elle vient de dire. Et se rend compte qu’aucun mot n’est à côté de ce qu’elle pense. Que tout ce qu’elle a dit, elle le pense, à cent pour cent.