collision of hearts (jesse)

Il avait besoin de la douce dans sa vie. D'ailleurs il ne voulait même pas imaginer une vie sans elle, pourtant il l'avait déjà vécu. Avant de la voir débarquer dans son échoppe de fleurs. Mais depuis ce jour c'était difficile pour le fleuriste de voir sa vie sans elle, sans sa joie de vivre et son sourire. Même si ces derniers temps il relevait plus ses commissures, le sourire. Même si la joie de vivre ne tirait plus les traits de son délicat visage. Malgré tout, elle était toujours là près de lui. Et ça lui suffisait, même si il n'aimait pas la situation. Mais il n'aimait pas la situation avant non plus, quand elle était éprise de l'autre. L'autre parce que ça lui brûlait les lèvres de prononcer son prénom. C'était la jalousie qui obscurcissait son cœur, il aimait pas ça. Mais ça l'avait tant contrarié. De voir que lui attendait depuis des années sans rien dire, que lui cachait ses sentiments et que l'autre était arrivé. Qu'il avait prit ce qu'il aimait. Celle qu'il aimait.
Mais maintenant c'était encore pire.
Il était parti. C'était pas de sa faute si il était mort, mais il était venu pour prendre et il lui avait laissé une carcasse vide. Et Adriel était là pour la belle, mais il détestait l'autre pour lui avoir laissé un corps dépourvu de joie et de bonheur.  
Et en plus il lui laissait la lourde tâche de lui annoncer que non. Non il ne pourrait pas la suivre à l'autre bout du monde. A comprendre Sigan. Parce que ouais il l'aimait et il refusait d'en douter et refuser ça ne remettait pas ses sentiments en doute, certainement pas. Mais il ne pouvait pas tout abandonner, par sa famille, pas ses quelques amis et encore moins ses fleurs. C'était peut-être lâche d'abandonner l'aimée pour des fleurs. Mais il était capable de faire que ça Adriel, des bouquets. Il allait faire quoi sur Sigan. Il allait déprimer. Et elle allait finir par la ressentir sa déprime, ça allait pas la rendre plus heureuse si il était dans les parages. 

Il releva la tête vers la jeune femme.
Elle le frappait sur l'épaule. Elle le frappait pas vraiment, disons qu'il sentait ses petits poings contre son épaule mais ça ressemblait plus à une caresse. Mais ça lui posait pas de soucis ça, le problème c'était que les larmes coulaient sur ses joues et il aimait pas ça. Et à nouveau il se surprenait à détester l'autre. Il l'aimait pas, ça non, pour lui avoir volé la jeune femme. Mais il préférerait largement l'avoir vivant. Parce que si il était vivant Jesse serait heureuse, elle méritait d'être heureuse et c'était tout ce qu'il souhaitait pour elle. « Je suis pas à côté de la plaque. » rien de plus, il comptait pas débattre. Il le pensait, qu'il allait lui rappeler sans cesse la présence de l'autre et il ne voulait pas de ça, jamais.
Il avala sa salive avec difficulté aux propos de Jesse. Le cœur tambourinant soudainement rapidement dans sa poitrine. Ouais ça lui faisait du bien d'entendre ce genre de propos. Mais l'ombre continuait de planer au dessus de sa tête. « Mais tu préférais sa présence à la mienne. » il plissa les yeux, il disait les mots simplement sans vouloir la vexer, il parlait simplement pour obtenir des réponses et surtout pour mettre des mots sur ses pensées. Si il était vivant, si elle était repartie sur Sigan avec lui. Est-ce qu'elle lui aurait quand même demandé de les suivre ? « Ne pars pas. Tu manquerais beaucoup trop à ta famille, à tes amis. » petit silence de quelques secondes à peine « et à moi aussi. »

C’est bizarre d’avouer des trucs comme ça. Elle a l’impression de parler à quelqu’un qu’elle aime. Mais elle parle à Adriel. Et Adriel. Enfin, c’est vrai qu’après tout, elle l’aime Adriel. Juste, pas comme ça. Comme un grand frère protecteur. Un jumeau. Quelqu’un qui est impossible de quitter, même pour retrouver sa famille, ou pour retrouver ses amis. Impossible. Alors oui, oui, bien sûr, elle l’aime Adriel, et peut-être qu’elle devrait lui dire un jour. Oui, peut-être. Peut-être que si elle lui disait, il accepterait de l’accompagner ? Parker, elle a vraiment envie de pleurer. Parce que déjà, elle peut pas rester dans cette ville, quand tout, sauf Adriel et son magasin de fleurs lui rappellent Kihyun. Ensuite, parce qu’elle veut retrouver ses parents. Ca fait six ans, qu’elle les a pas vu. Et bien sûr, bien sûr qu’elle aime les Boyle, non de zeus, bien sûr qu’elle les aime beaucoup. Mais ses parents, ils lui manquent. Elle se souvient de comment elle pleurait, à son anniversaire, parce que sa mère devait être triste. Et sa mère, elle doit pleurer souvent, en pensant à elle. Parker en est sûre. Elle les connait ses parents, c’est des pleurnichards quand ils veulent. Et leur fille, leur unique fille a disparu. C’est normal qu’ils pleurent. Parker aime pas quand les gens pleures. Déteste vraiment quand c’est de sa faute. Et alors qu’avant la mort de Kihyun, son égoïsme la faisait rester à Altéa, Kihyun n’est plus. Son égoïsme non plus.
Et pourtant. Pourtant, elle qui rêve de rentrer, elle arrive pas à se faire à l’idée de laisser toutes ses merveilleuses personnes ici. Elle pourrait garder contact, bien sûr. Et pour certains, ce serait suffisant. Pas pour Adriel. Adriel, elle sait, Parker, qu’il lui manquera pas que si elle le voit, vraiment, de visu vu, en vrai. Qu’elle peut le toucher, le prendre dans ses bras, ou l’embrasser sur la joue, comme elle le fait aujourd’hui. Elle a besoin de tout ces petits geste pour se sentir bien.
Elle se prend à vouloir rétorquer que si, si, il est à côté de la plaque. Qu’il est vraiment très beaucoup à côté de la plaque. Que si elle lui demande de venir, enfin, elle sait ce qu’elle veut, après tout. Qu’elle prendrait pas le risque d’amener avec elle ce qu’elle fuit ici, un souvenir. Adriel, il est le seul avec qui elle l’oublie. Et c’est tout. Si il vient avec Sigan, il ramènera pas le souvenir de Kihyun avec lui. Juste lui. Lui et sa gentillesse, et sa personne, c’est suffisant, d’ailleurs. Sa personne.
Elle fronce les sourcils quand il se remet à parler. Elle préférait ? Non. Non, elle préférait pas, c’était juste différent. Incomparable. Il était son prince. Il est son chevalier servant. Ca a rien à voir. Et Parker a d’ailleurs jamais pensé à les comparer. Quelle drôle d’idée. Parker comprend pas non plus pourquoi Adriel se compare à Kihyun, tout d’un coup. Il est bizarre.

Puis Parker lève les yeux, quand il lui demande de pas partir. Parce que c’est pas quelque chose qu’elle avait envisagé, Parker, de pas partir. De rester à Altéa. Peut-être parce que lorsqu’elle l’envisage, c’est de suite beaucoup trop douloureux ? Peut-être parce que les souvenirs de Kihyun la suivent, ici, et qu’elle peut pas rester. Peut-être parce que la simple vision de la femme de Kihyun lui donne ce sentiment de culpabilité qu’elle avait jamais senti avant de la rencontrer. Et qu’elle aurait vraiment préféré ne jamais connaître. Alors Parker sort ses jambes de la couette et les laisse tomber sur le côté du lit, alors qu’elle s’assoit à côté d’Adriel.
Elle manquerait à tout le monde. Et à lui. Elle le sait. Peut-être. Mais elle lui manquerait pas si il venait avec elle. Parce qu’il serait avec elle. Et Parker s’accroche à cette idée parce que c’est la seule qui semble possible, pour elle, au jour d’aujourd’hui. De retourner à Sigan, avec Adriel dans les valises.
Elle se lève de son lit. Elle porte un pyjama rose avec des têtes de chiots jaunes et marrons. Un truc d’hiver, en matière toute douce. Elle fait les cents pas dans la pièce, les sourcils froncés. Elle réfléchit.

Et si. Et si on faisait les deux ? Genre une semaine on vit tous les deux à Altéa, et une semaine tous les deux à Sigan ?? Comme ça, je manquerais à personne. Et toi non plus, t’auras pas à quitter tes fleurs, juste à embaucher quelqu’un pour la semaine, pour les garder ?

Elle se retourne violemment vers Adriel, un énorme sourire aux lèvres. Et wow, ça faisait tellement longtemps qu’elle avait pas sourit comme ça. Elle est pas étonnée que Adriel soit celui qui l’ait fait sourire. Elle court vers lui et s’arrête, ses genoux collés aux siens, son visage à quelques centimètres du sien.

C’est une bonne idée ça, non ?

Adriel il était complètement perdu au milieu de tout ça, complètement démuni. Il voudrait que les choses se passent plus simplement, que les solutions lui soient soufflées au creux de l'oreille mais la conscience n'existait que dans les films, il devait se contenter de réfléchir par lui-même dans la vraie vie parce que personne n'était là pour l'aider à trouver la bonne solution. Celle qui allait régler tous ses problèmes, tous leurs problèmes à tous les deux d'ailleurs, ses problèmes à elle surtout. Parce qu'une fois le sourire revenu sur les lèvres de la jolie rousse il était certain de pouvoir régler ses propres problèmes plus facilement, disons surtout qu'ils seraient tous en partie réglés une fois la joie sur les traits de Jesse. Mais malheureusement pour lui, pour eux, la vie n'était pas aussi simple qu'il le voulait. Il pouvait passer des journées entières à réfléchir, il pouvait même y passer ses nuits à se tourner, à sa retourner, à mordre l'oreiller, il ne trouvait toujours pas de solution.
Il pouvait pas avouer ses sentiments à son amie, hors de question. Parce que ça risquait d'empirer la situation.
Adriel il voulait simplement respirer.
Il voulait pouvoir se coucher une nuit sans être réveillé en plein milieu par une douleur diffuse dans le creux de son cœur en miettes, il voulait pouvoir dormir et ne pas passer la nuit à observer les étoiles disposées sur le drap obscur de la nuit. Peut-être même que son manque de sommeil se lisait sur les traits de son visage. Mais de ça il s'en foutait complètement, il était prêt à les enchaîner les nuits blanches si il avait la certitude d'avoir sa solution au bout. Il en avait marre. Marre de ne plus voir les jolies lèvres s'étirer en un sourire, de plus lire le bonheur dans la lueur de ses yeux.
Marre de voir sa jolie rousse éteinte.  

Et la solution qu'elle avait, elle, ne lui semblait pas en être une à lui. Il pouvait pas simplement quitter altéa sans regarder en arrière parce qu'il avait énormément à perdre en partant, il savait qu'il perdrait sa joie de vivre pour commencer ; mais il voulait pas perdre son amie, celle qu'il aimait. Parce que sans elle. Sans elle il perdrait aussi sa joie de vivre. Il la perdrait aussi sans ses parents et sans ses fleurs. Alors dans tous les cas il était réduit au néant, réduit à ne plus sourire, à ne plus rire et simplement encaisser. 
Un mouvement le tira de ses pensées, il releva la tête vers ce pyjama rose qui se mouvait devant ses yeux. Tiens, elle était sortie de son lit. C'était comme une petite victoire.
Ouais, une petite victoire.
Et Adriel il écoutait attentivement ce qu'elle lui disait, ça ne lui paraissait pas forcément impossible. Un peu compliqué. Parce qu'il risquait d'avoir du mal à se faire à sa vie sur Sigan. Même pour une semaine. Mais peut-être qu'il pouvait faire un compromis. Surtout en voyant le sourire sur les lèvres de la jeune femme Un sourire, enfin. Et lui aussi, ça le faisait sourire. Rire, même. Puis elle se rapprocha, trop près.
Il avait l'impression que quelqu'un tirait le signal d'alarme dans sa tête.

« Trop près. » souffla-t-il peut-être plus pour lui-même mais trop fort pour ne pas être entendu par la belle, il sentait déjà le feu lui brûler ses joues rougies « t'es trop près. » si bien que lorsqu'il croisa son regard il pouvait percevoir les nuances de couleur dans ses iris, il baissa ses yeux vers ses lèvres, avala avec difficulté sa salive avant de remonter les jambes contre son torse pour reculer précipitamment sur le lit, retrouvant une certaine distance. Et l'air, pour respirer. Parce que l'idiot s'était mit instinctivement en apnée. « Ouais, c'est une bonne idée, on peut essayer de faire ça, je pense. »
Histoire de la faire sourire, si ça pouvait lui redonner un peu d'espoir alors il pouvait bien faire un petit effort.
« Mais je vais me perdre. » il y connaissait rien aux autres mondes, pour lui seule altéa existait « alors faudra pas me quitter. »  puis sincèrement, ça l'arrangeait bien.

Elle espère, fort, Parker, qu’il va accepter son compromis. Parce que c’est vraiment un bon compromis qu’elle lui a proposé. Et que même si elle est pas très bien complètement sûre de pourquoi elle a absolument besoin d’être avoir lui, de vivre avec lui, bah c’est le cas. Et elle peut pas exactement aller contre ça. C’est malgré elle. Elle avait ce sentiment avec Kihyun aussi. Le sentiment lui semble différent. Parce qu’elle aimait Kihyun comme une princesse aime son prince. Et qu’elle aime Adriel comme une princesse aime son chevalier servant. C’est pas pareil. Mais cette sensation reste présente dans son cas, comme elle l’était présente avec l’homme de sa vie. Elle veut rester avec Adriel. Le plus possible. Parce que s’il est pas là, elle est pas bien.
Suffit de voir à quel point elle a changé depuis qu’il a débarqué dans sa chambre. Alors qu’elle refuse de parler, de se lever, malgré les heures durant lesquelles Jo a essayer, il lui a pas fallu vingt minutes pour lui faire retrouver le sourire, et la faire courir dans sa chambre. Adriel a ce pouvoir sur elle, et si elle y réfléchit bien, même Kihyun ne l’avait pas. Ou s’il l’avait, il a jamais eu à l’utiliser, de toute façon.
Ce compromis est un bon compromis. Et si Adriel le refuse, Parker va plus trop savoir quoi lui demander. Quoi lui proposer. Parce qu’elle sera à court d’idée. Parce que ça voudra dire que lui veut rester à Altéa, et elle, elle a besoin de ses parents, les vrais, à Sigan. S’ils veulent tous les deux rester dans leur monde respectif éternellement, ils pourront plus se voir. Et ça, Parker, elle peut juste pas le supporter. Ce serait trop pour elle. Elle aurait l’impression de perdre Adriel comme elle a perdu Kihyun. Il serait pas mort, mais loin. A un univers d’elle. Et ça, elle veut pas. Elle veut que la plus grande distance qui existe entre eux deux soit la grandeur d’Altéa ou la grandeur de Sigan, mais certainement pas la distance entre les deux. C’est trop.
Elle humidifie ses lèvres en se reculant, quand Adriel lui dit qu’elle est trop proche de lui. Ses lèvres sont étonnement sèche, aujourd’hui. Plus que d’habitude. Elle prend de la distance avec lui. Parce qu’après tout, sa chambre est pas énorme, la distance, elle peut la supporter, entre eux.
Il s’est reculé, lui aussi. Ils se retrouvent, elle à côté de la porte de sa chambre, lui à côté de la fenêtre, à l’autre coin de sa chambre. Ils pourraient pas être plus loins l’un de l’autre en restant dans cette chambre. Et Parker, ça la dérange pas. Parce que depuis qu’il est arrivé, son parfum de fleur, qui lui est si identitaire a rempli la chambre complètement. Et qu’elle sait que même lorsqu’il sera parti, pendant dix minutes, il lui manquera pas. Elle pourra toujours se souvenir de sa présence par son odeur. Et c’est bien. Adriel a toujours senti très bon.
Lorsqu’il lui dit que c’est une bonne idée, le visage de Parker s’éclaire encore un peu plus. Il trouve que c’est une bonne idée ! Et même si Parker a cette petite voix dans sa tête qui lui dit qu’un truc cloche, que ça fonctionnera pas, que ça marchera jamais, bah elle la fait se taire, et se rassoit sur son lit, les jambes croisées, face à Adriel.

Elle hoche rapidement la tête, trop rapidement, quand elle lui répond. Ses yeux tournent, et elle se dépêche de les fermer et les rouvrir quelques fois pour calmer le monde qui fait des tours entiers dans son esprit.

Oui oui, je te quitterais pas d’une semelle. Jamais jamais je te quitterais.

Et elle se rend pas compte, la petite gentille douce Parker, que ses paroles ont un double sens sérieusement dangereux. Mais au final, si elle le savait, si elle s’en rendait compte, peut-être qu’elle dirait quand même exactement la même chose. Finalement.

Il avait l'impression que son cœur allait s'arracher de sa poitrine. Partagé entre deux sentiments distincts. Complètement opposés. Deux sentiments qui pouvaient juste pas cohabiter dans sa tête et pourtant. Pourtant il ressentait aussi nettement la joie de constater qu'elle voulait l'avoir près d'elle que la peur, l'angoisse de quand même partir une semaine sur deux de son univers. De ses fleurs, de ses parents, de ses amis. Parce qu'une semaine c'était quand même assez long pour une catastrophe. Quelques secondes étaient suffisantes pour une catastrophe. Peut-être que là il était en train de parler à la jolie rousse en même temps que sa boutique était en train de prendre feu. Et il le saurait même pas. En tout cas certainement pas tout de suite. Alors ça serait quoi si il était de l'autre côté, beaucoup trop loin pour réagir rapidement à des nouvelles de ce type. Puis Adriel c'était pas le genre de gars à aimer le changement. Sa petite vie était bien rangée, toujours bien rangée, toujours tout à sa place sans le moindre désordre. Quoiqu'il y en avaient eu des désordres. Le soulmate de sa mère pour commencer avait été un sacré désordre dans sa vie tranquille d'enfant. Mais c'était un mal pour un bien cet homme. Un mal parce que c'était un connard d'après son père, un bien parce que c'était grâce - ou à cause - de lui que Adriel aimait autant les fleurs. Kihyun aussi avait été un sacré bouleversement dans sa vie. Par deux fois, en plus. Une fois lors de son arrivée, la deuxième lors de son départ. Définitif, le départ du coup. Alors Adriel ça lui donnait pas envie d'aimer les changements.
Et il n'y connaissait rien, en plus de ça. Aux autres univers. Oh, il sait bien qu'ils existent c'est pas une théorie farfelue. Non, c'est un fait. Ils existent. Mais ça lui suffisait de savoir ça, qu'ils existent. Mais ensuite c'était chacun sa merde. Adriel il se sentait bien sur altéa, la douce. Il n'avait jamais ressenti l'envie d'aller voir ailleurs. Parce que. Pourquoi ? Pourquoi il serait allé voir ailleurs de toute manière ?
Il triturait un bout du drap, Adriel. Parce que ça l'aidait à évacuer son stress. Et il devait être particulièrement stressé pour triturer quelque chose d'ailleurs. Autre que ses fleurs. Mais il avait pas de fleurs à disposition. Enfin si, celles dans le vase qu'il avait apporté exprès pour lui remonter le moral. Mais elles étaient trop loin. Et ça impliquait de repasser devant Jesse alors qu'il essayait de l'éviter. Non pas de l'éviter mais de garder ses distances. Parce qu'elle était trop près. Même si elle s'était quand même considérablement éloignée. Adriel il était persuadé que c'était encore son souffle qu'il sentait sur sa peau.

Il aimait vraiment pas ça. Les choses qu'il ressentait pour elle. Parce qu'il se sentait complètement idiot. Elle avait une dizaine d'années de moins que lui, et c'était lui qui se comportait comme un gosse timide. Lui qu'il triturait un drap, lui qui rougissait à outrance, lui qui avait besoin de s'éloigner pour briser l'envie de l'embrasser quand son visage était à quelques centimètres du sien.
Sauf qu'il ne pouvait pas l'embrasser.
Parce que ça serait pas normal, parce qu'ils avaient une relation presque fraternelle. Et l'on embrassait pas sa petite sœur sur la bouche. Donc il se retenait et quand la pression était trop forte il reculait. Pour mettre une sorte de barrière. Et il se demandait bien comment il allait maintenir la barrière sur un autre monde. Parce qu'il supposait, peut-être à tord, qu'ils allaient vivre ensemble. Ou peut-être qu'il ne supposait pas, peut-être qu'il espérait.

« Tu m'en fais la promesse ? » histoire d'être complètement sûr et certain quoi. Qu'elle allait pas l'abandonner. Histoire d'être sûr et certain qu'il allait pas se perdre là-bas. Monde hostile, il en était persuadé. Tout était hostile à part altéa. « C'est comment là-bas, ça ressemble à quoi ? » est-ce que ça ressemble à quelque chose au moins.

Parker, elle se rallonge, en l’écoutant parler. Il est bizarre, Adriel, parfois. Parce qu’il demande trois fois la même chose, comme s’il l’avait pas cru les deux premières. Et pourtant, Parker, c’est bien la personne qui ment le moins dans ce monde. Alors il devrait la croire dès la première fois. Parker, elle lance jamais des promesses en l’air non plus. Quand elle lui dit qu’elle le lâchera pas, qu’elle le laissera pas se perdre sur Sigan, c’est qu’elle le pense. Déjà, elle sait, que sur Sigan, y’a des gens pas trop fréquentables. Nikita, par exemple, si elle le considérait pas comme son mentor de la vie de la mort qui tue, elle le considérait évidemment comme une personne pas fréquentable du tout. Après tout, Nikita tue des gens. Parker a toujours été contre ça. Comprend pourquoi il le fait, le pardonne pas pour autant. Elle préférerait qu’il laisse du temps à ces gens là, pour qu’ils puissent reprendre une vie normale. Mais Nikita dit qu’ils retomberaient dans l’excès et qu’ils iraient de nouveau voler la vie d’autres personnes. Parker expire longuement en y pensant. Sigan lui manque. Bon, faudrait-il qu’elle trouve un passage pour y retourner. Avant de prévoir d’y amener Adriel une semaine sur deux. Et elle a peur qu’on la prenne pour une folle, si elle demande à des gens, comme ça, dans la rue.
Alors elle demande pas, continue de chercher par elle-même. Un jour, elle trouvera. Et ce jour là sera une célébration. Parce que même si elle part pas, vraiment, tout de suite, elle saura qu’elle a un moyen réel de rentrer, de retrouver parents, amis et virtualité.
Elle hoche la tête, doucement.

Oui, Adriel, je te le promets. Sur ma vie, que je te laisserais jamais seul. Je pourrais même t’accompagner au petit coin si t’as peur de t’y perdre.

Elle rigole, comme une petite fille, le nez dans son oreiller, qu’elle a posé un peu plus bas que son visage. Parce que c’est drôle, petit coin. Elle se ressaisit et s’assoit sur son lit quand Adriel pose la question d’après. C’est comment, Sigan. Ca ressemble à quoi. Et Parker pourrait dire que c’est l’inverse d’Altéa. Que lorsqu’il fait beau sur Altéa, il pleut à Sigan. Qu’alors qu’Altéa est lumineuse, Sigan est sombre. Que Sigan lui ferait peur, peut-être, à Adriel. Que peut-être qu’il voudrait pas y rester. Parce que les gens sont plus synthétiques, sur Sigan, semblent moins réels. C’est aussi que pour certains, les pauvres, ils sont éphémères. Alors elle hausse les épaules, regarde partout, dans la chambre, sauf dans la direction de son ami.

C’est. Différent. C’est mon monde, j’y ai grandit, alors je l’aime, beaucoup. Mais c’est pas comme Altéa.

Elle reste vague. Se dit qu’il pensera peut-être que c’est un monde joyeux, puisqu’il a fait quelqu’un comme elle. Mais elle, elle sait la vérité, Parker. Que la seule lumière non artificielle, sur Sigan, elle venait de son petit coeur amoureux de la vie et des autres. Et que c’est un monde triste, qui plaira pas à Adriel.
Sauf que pour une fois, Parker veut être égoïste. Que ça lui plaise ou pas, Sigan, à Adriel, elle l’emmènera avec elle. Elle a besoin de lui. Et ça changera pas, ça, quelque soit le monde dans lequel elle se trouve.

Il était peut-être chiant à poser une fois. deux fois. peut-être dix fois la même question mais il avait besoin de savoir, d'avoir une réponse claire et peut-être que d'ici le jour J la question elle sera sortie de sa bouche une centaine de fois, mais même au bout de la centième il sera toujours pas rassuré Adriel. Parce que c'était son monde qui allait s'envoler, sa petite vie rangée.
Il n'arrivait tout simplement pas à le concevoir.
Tout quitter pour les jolies traits d'une fille. Il fallait être vraiment idiot pour ça. Ou amoureux. Et peut-être que le fleuriste était un peu des deux. Il était amoureux de sa soulmate ça il pouvait pas en douter, il le ressentait dans tout son corps. Bon. Peut-être pas dans absolument tout son corps parce qu'il s'en voudrait beaucoup - beaucoup - d'avoir ce genre de pensées envers la jolie rousse mais il le sentait par exemple à travers le rouge qui lui montait aux joues. Mais l'un n'empêchait pas l'autre alors il était quand même idiot de ne pas réussir à dire non. C'était l'amour qui le rendait idiot. Et il faisait ça exclusivement pour elle, c'était son cœur qui disait oui. Parce que sa tête, elle, elle disait tout sauf oui. C'était impensable pour son cerveau de tout plaquer comme ça. Puis il tentait de relativiser. C'était qu'une semaine sur deux.
C'était une semaine de trop. Alors il pouvait bien se permettre de poser plein de fois la même question. Puis ça allait finir par entrer dans sa tête, à force. Un jour, surtout. Et voilà qu'il recommençait à rougir. L'accompagner au petit coin ? Mais quel drôle d'idée, il ne voulait pas lui montrer son petit oiseau. Il retroussa son nez dans une grimace enfantine pendant qu'elle pouffait dans son oreiller.

« Non, je pense que je pourrais me débrouiller au petit coin. Mais pourquoi ? Leurs toilettes ne sont pas comme ici ? Est-ce que ... est-ce qu'ils ont des toilettes un peu bizarres, est-ce qu'elles sont si grandes que tu crois que je peux m'y perdre ? »

Peut-être que Jesse elle plaisantait avec cette histoire de petit coin. Mais ça faisait pas écho de la même manière dans la tête d'Adriel. Lui ça risquait de le faire paniquer par contre de se dire qu'il pouvait se perdre aux toilettes. Si il avait envie de faire pipi disons que ça l'arrangerait de retrouver son chemin ensuite quoi. Il se pinça les lèvres.
Mais qu'elle drôle d'idée de vouloir l'accompagner au petit coin.
Mais sinon à part les toilettes c'était comment Sigan ? Plutôt joli il espérait. Enfin, il espérait ... c'était un bien grand mot, un monde sans fleur c'était pas vraiment joli quand même, impossible. Mais il voulait pas non plus trop critiquer parce que c'était le monde de Jesse, et c'était une chouette fille Jesse alors peut-être que tous les gens de Sigan étaient aussi joyeux qu'elle. Dans sa période vraiment joyeuse. Parce que si ils ressemblaient à la Jesse de maintenant ça risquait d'être très triste.

« Mais c'est comment ? Est-ce que les gens sont gentils comme toi ? Est-ce que ... hé bien, je ne sais pas moi, qu'est-ce que vous mangez là-bas ? Ils ressemblent à quoi les paysages ? Est-ce qu'il fait chaud ou froid, je dois prendre des vêtements spéciaux ? »

Il avait l'impression qu'elle fuyait un peu sa question alors à la place il en posait beaucoup plus, parce que peut-être que sa première question était trop vague alors elle ne parvenait pas à y répondre tout simplement.

Et puis mince, après tout, elle a bien le droit d’être égoïste de temps à autres, Parker. Elle aime pas ça, elle en pleure, parfois, quand elle a l’impression de l’être, égoïste. Bah pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle veut garder Adriel pour elle, et avec elle. Plus avec elle que pour elle, d’ailleurs. Mais comme elle pense que les deux choses sont liées à un moment ou à un autre, finalement, ça revient au même. Elle pense pas vraiment à Adriel, dans ce deal. Elle pense aux fleurs, elle pense à sa famille. Mais la pensée qu’elle pourrait peut-être laisser une amoureuse derrière lui semble inconcevable. Parker est étonnée, d’avoir jamais vraiment vu Adriel avec quelqu’un. Elle a jamais compris pourquoi, d’ailleurs. Il est beau, Adriel, il a un sacré charme, en tout cas. C’est étrange qu’il ait pas des centaines de filles à ses pieds.
Mais Parker a décidé d’être égoïste, aujourd’hui. Même s’il devait laisser des centaines de filles, grand mal leur fasse. Il en trouvera une autre centaine sur Sigan. Et si l’idée même du regard d’Adriel sur une fille la met mal à l’aise, elle y fait pas attention.
Elle rigole franchement à sa réponse, qu’il est bête, Adriel. Personne peut se perdre dans des toilettes. Pas même lui. Y’a un cabinet, une douche, et une porte de sortie. C’est vraiment pas compliqué. Et pour le coup, c’est pareil partout. Ou, well, sur Sigan et Altéa, en tout cas. Elle a pas eu le temps de demander à Nikita si c’était pareil sur la Terre et sur l’autre monde aussi.

Parker, elle est gênée, un peu, d’être égoïste. Parce qu’avec sa proposition, elle oblige un peu Adriel à venir une semaine sur deux sur Sigan. Et n’importe quel Altéen préfèrerait Altéa à Sigan. Surtout quelqu’un qui aime les fleurs et les belles choses. En vérité, c’est la sentimentalité qui ramène Parker à Sigan, pas vraiment l’envie de retrouver ce monde. C’est le personnes qui y sont, plutôt que le monde en lui-même. Et elle lui ment. Ou lui dit pas l’entière vérité.
Elle a peur, en fait, qu’il lui en veuille, une fois qu’ils y seront. Une fois qu’il découvrira les ténèbres et la non naturalité de Sigan.
Mais Parker, aujourd’hui,
a décidé d’être égoïste.

Elle entend les questions arriver les unes après les autres, et elle hésite à répondre. Parce que ce serait dommage, qu’il refuse maintenant, juste parce qu’il aime pas l’idée du monde. Elle veut pas penser à ce que ça impliquerait, qu’il refuse. Elle veut pas vivre sans lui.
Alors elle baisse la tête, et tout, tout, tout doucement, commence à parler.

Et ben, c’est, hm…

Elle se retourne d’un coup lorsqu’elle entend la porte de sa chambre s’ouvrir sans que personne n’ait frappé. C’est Nephtys qu’est là. Elle observe Adriel, le détaille de la tête au pied. Et Parker aimerait lui dire que c’est vraiment mal élevé de faire ça, franchement. Mais finalement, elle lui fait un signe de tête. Et c’est bizarre, mais le regard se tourne vers Parker finalement. Et elle sourit. Parce qu’elle a toujours sourit à Nephtys. La brune lève les yeux au ciel et montre derrière elle de son pouce.

Dîner, maintenant. On attend plus que toi.

Elle referme la porte, enfin, la claque, plutôt. Et Parker pourrait embrasser tous les Boyle pour cette aide précieuse, ce temps précieux qu’ils lui ont offert.
Elle se lève de son lit, s’approche d’Adriel, lui prend la main, et le tire en dehors de sa chambre. Elle descend les escaliers et lui dit au revoir avant de l’embrasser sur la joue, et de fermer la porte derrière lui.
Elle a échappé à l'interrogatoire sur Sigan pour aujourd’hui.
Son égoïsme a vaincu.