can't always be about the fun (jari #1)

Jillian sent plus rien. Mais c’est finalement pas plus mal. C’était douloureux, de lutter pour rester éveiller, pour rester consciente. Alors qu’elle avait juste envie de tomber, et de plus jamais se réveiller. C’est pas tant que Liebe. Elle a pas perdu Selene, aujourd’hui. Après tout, elle l’a perdu y’a bien plus longtemps que ça, Selene. Et si elle avait perdu Selene, alors probablement, qu’elle serait dans un état mauvais. Mais pas dans cet état là. Elle a l’impression de se décomposer petit à petit. Plus ils s’éloignent de la maison de Liebe, plus elle a l’impression qu’elle va crever. Et c’est à bout de force qu’elle se laisse tomber en avant. Et ça fait du bien. De plus luter. Elle sent plus rien. Elle sait qu’elle doit, peut-être, un peu saigner, de la chute. Mais dans son inconscient, elle ressent rien. Rien d’autre que le bien-être de ne plus rien ressentir. Elle a l’impression étrange qu’on la porte. Peut-être que c’est vrai. Peut-être qu’on la porte. Elle se sent avoir froid, puis de nouveau chaud. Puis. Puis, plus rien. Parce qu’il lui semble que sa conscience quitte totalement son corps.

Elle rêve de Liebe. Elle revoit tous les moments qu’elles ont passé ensemble. Et ça en fait, des moments. Les moments où elles étaient en couple, lorsque Jelly s’est perdue sur Altéa pour la première fois, pour cette courte période de dix jours. Puis lorsqu’elle est retournée sur Sigan, et qu’elle a eu mal de son absence. Cette époque où leur lien était pas encore totalement développé. Et que leur lien de soulmate était même pas encore existant. Elle la revoit sourire à ses blagues pourries, et elle ressent ses mains sur son corps. Elle se souvient du goût de ses baisers, et de la chaleur de son lit.
Puis le décor change, et elle se revoit, redécouvrant les rues d’Altéa, et se dirigeant comme par automatisme vers l’appartement de Liebe. Et elle se revoit, lui sauter dans les bras, lorsqu’elle la voit. Et pas l’embrasser, pas. Rien. Juste la regarder, et lui sourire. Et lui raconter une blague. Elle se revoit en train de partager le même lit, de nouveau, mais toutes les deux habillées, avec leur pyjama. Et elle revoit, finalement, le lendemain matin, à s’observer dans le miroir plein pied de Liebe, à observer le tatouage mouvant sur sa cheville. Elle se revoit réveiller Liebe avec des guilis pour l’obliger à regarder aussi. Et elle se revoit en train de la serrer dans ses bras si fort, parce qu’au final, elle n’aurait pas pu penser meilleure soulmate pour elle que Liebe.
Puis elle revoit la première dispute, aussi. Forte. Concernant cette folle qu’elle fréquente. Parce qu’elle a essayé de lui balancer des couteaux dessus et de la planter. Et Liebe de lui répondre que c’était pas de sa faute, et que, de toute façon, elle avait vécu des trucs dans son passé qui justifiaient clairement un comportement comme le sien. Et Jillian se revoit lui dire que “non” parce que “rien ne justifie de vouloir planter quelqu’un avec un couteau à beurre”. Et finalement, elle se revoit claquer la porte. Et revenir quelques secondes plus tard pour s’excuser, parce que, après tout, rester fâcher contre la folle, oui, mais contre Liebe, c’était au dessus de ses forces.
Puis le sang. Tout ce sang. Et cette marque qui bouge plus. Et.

Jelly se réveille. En sueur. La lumière est forte. Elle sait pas quelle heure il est. Elle sait pas où elle est, quoique. L’odeur de nourriture. De bonne nourriture, lui donne un indice. Elle tourne la tête sur le côté. Et Ari est là, assis sur une chaise. Et Jillian réussit à sourire, un peu. Elle se relève, doucement, très doucement. La douleur est partiellement passée, mais au moins, elle a plus envie de mourir à chaque fois qu’elle prend un bol d’air frais. “Merci. Ari.” Et elle laisse tomber sa tête en avant, l’enfouie dans ses mains, avant de laisser couler ses larmes. Parce qu’elle a besoin de pleurer. Elle a peut-être pas perdue la femme qu’elle aime, aujourd’hui, mais elle a perdu bien plus.
Tellement plus.