Leo, elle dérange. Leo, elle perturbe. Elle arrache plus de grimaces que de sourires. Plus de haut-le-cœur que de palpitations. Dissèque plus de cœurs qu’elle ne s’en éprend, a vu la mort plus près que n’importe qui encore en vie. Leo, elle trouble. Mais elle le sait et elle s’en amuse toujours. Parfois modérément mais parfois pas. Et c’est souvent l’excès qui prend le dessus. Elle fait pas dans la dentelle Leo, elle est d’une brutale honnêteté, ne mâche jamais ses mots parce qu’elle sait que la vie est trop courte pour regretter. Alors avec Sami, elle étale son jeu sur la table en piètre menteuse qu’elle est, dévoile ses cartes sans penser qu’elle risque de tout perdre et de repartir les poches aussi vides qu’elle les avait en arrivant. Mais tant pis, elle tourne la roulette sans sourciller de ce qui lui arrivera.
Mais Leo, des regrets, elle en aura au moins un. Particulier et glauque, morbide même. Le corps humain, elle en connait les moindres cellules, les moindres artères et vaisseaux sanguins qui y circulent alors celui-ci ou un autre, tout se ressemble. Mais pas pour elle. Chaque cadavre est unique, a son lot de particularité mais elle ne saura jamais ce que renferme le sien. Elle pourrait anesthésier une partie de son corps et s’ouvrir comme l’avait fait l’un des premiers chirurgiens de l’époque de ses ancêtres. II s’était opéré lui-même de l’appendicite et Leo, quand elle avait lu ça, elle avait trouvé ça incroyable. Ado précoce qu’elle était, elle avait toujours espéré naïvement qu’elle pourrait reproduire la même chose. D’un point de vue légal, elle se doute qu’on lui retirerait son diplôme et son droit d’exercer mais même sans, ça l’empêcherait probablement pas de le faire si l’envie la prenait. Mais des cicatrices, elle se dit qu’elle en a déjà assez pour son âge. Distraitement, quand elle évoque entre les lignes la mort de Gorge et la balle qui l’a atteinte, ses doigts viennent retracer à travers le tissu fin de sa chemise, les contours rosés et boursouflés de cette balafre, souvenir triste perceptible sur sa peau porcelaine. Quand elle sent les yeux de Sami sur elle, Leo s’arrête, laisse son bras retomber contre elle avant de lui servir un sourire qu’elle saura incompréhensible. Mais elle est comme ça Leo, personne ne la comprend vraiment. Pas même son frère, ni même ses parents qui pourtant espéraient le contraire. Leo est un grand mystère, imprévisible et explosif, prête à semer des désastres sur son chemin.
Leo, elle dérange. Leo, elle embrouille. Et c’est ce qu’elle essaie de faire avec Sami. Elle force, insiste pour faire céder la première couche de son armure et quand la corde est usée, elle s’adapte, change de tactique mais Sami est un bon joueur, probablement de sa catégorie mais ça rend le défi encore plus excitant. Elle les sent dans le creux de son bide, les petites décharges d’adrénaline qui remonte son sourire encore plus haut sur son joli visage délicat. « – Sans doute que ce seront mes types qui la trouveraient. – Hm j’en doute. T’es pas le seul à avoir tes petites combines ». Et elle sourit Leo, aime taquiner (si ce n’est même être arrogante) mais si c’est pour arriver à ses fins, pourquoi s’en priver ? « Tu peux reposer ça, s'il te plaît? ». Elle regarde l’objet métallique entre ses doigts, elle se rappelle même plus du moment où elle s’en est emparé. « T’as peur que j’le casse ? Ça m’parait pourtant solide non ? » mais elle sait Leo, que c’est pas pour ça. Elle est pareil Leo, supporte pas qu’on dérange ses affaires, maniaque qu’elle est. Dans son labo, elle sait toujours si quelqu’un y est venu durant son absence, elle le sent dans ses entrailles, comme un truc qui dérange. Supporte encore moins qu’on trifouille ses outils, précieux et fragiles. Alors elle sait Leo. Mais elle écoute pas pour autant. « – Tu joues un peu avec le feu, Leo, tu le sais ça? – Je préfère flirter avec la mort » qu’elle rétorque en reposant enfin l’objet, une lueur taquine dans ses prunelles océaniques.
Et Sami soupire, abdique même et elle retient à peine la victoire de se lire sur son visage. « – Qu'est-ce que tu veux que je fasse exactement à cette prothèse? – Je veux que tu la retires du corps. Et qu’ensuite, tu me montres comment t’as fait pour l’installer et la programmer. Je veux tout savoir. Et peut-être que si t’es efficace, on pourra faire un deal toi et moi. Tu m’aideras avec les prothèses plutôt que ces crétins du gouvernement et en échange, je te filerai le bébé et t’en feras ce que tu veux ! De toute façon, mort pour mort, c’est pas trop ça qui va leur manquer non ? ». Finalement, elle peut bien lui faire cadeau de deux trois trucs qu’elle a au labo sans que personne ne s’en rende compte. Les débiles en blouse blanche comme elle les surnomme font toujours un travail de boucher sur les corps et ça, elle le supporte Leo, refuse qu’on abîme les morts alors qu’elle leur prodigue toujours un soin minutieux. Et puis comme une tornade, elle ajoute : « Tu veux aller manger un truc ? J’ai grave la dalle. Ou boire un verre si t’es plus dans la boisson ? T’en fais pas, j’te sauterai pas dessus » qu’elle ponctue d’un clin d’œil.
Sami se dit distinctement qu’il devrait faire quelque chose et résister avec un peu plus d’ardeur que la mollesse avec laquelle il lui demande de répéter ce qu’elle veut qu’il fasse exactement. Il se dit ça distinctement et pourtant il perd la face, parce que Leo a l’air du genre chiante — enfin, elle est chiante mais elle a l’air d’être capable de l’être encore plus si besoin — et qu’il n’a pas la patience de jouer une seconde de plus avec elle, surtout si c’est pour qu’elle lui parle comme à un idiot. Il ne pense pas qu’elle fasse partie d’un gang, il la trouve bien courageuse de venir ici et de poser ses règles comme si de rien n’était. Le courage manque souvent aux habitants de Neodam alors Sami peut respecter ça, c’est déjà ça. « Je veux que tu la retires du corps. » Sami hausse les sourcils en l’entendant. Il veut bien le faire, même si il se doute que pénétrer dans une morgue sans les autorisations adéquates ne sera pas facile, mais il ne comprend pas vraiment ce qu’il a à y gagner à moins qu’elle ne lui offre que la tranquillité de ne pas avoir à souffrir sa présence plus longtemps. C’est déjà pas mal ceci dit. « Et qu’ensuite, tu me montres comment t’as fait pour l’installer et la programmer. Je veux tout savoir. Et peut-être que si t’es efficace, on pourra faire un deal toi et moi. Tu m’aideras avec les prothèses plutôt que ces crétins du gouvernement et en échange, je te filerai le bébé et t’en feras ce que tu veux ! De toute façon, mort pour mort, c’est pas trop ça qui va leur manquer non ? » Il est bien d’accord mais elle ne semblait pas penser ça il y a quelques secondes, ce qui force Sami à plisser les yeux en imaginant ce à quoi elle est en train de penser pour changer aussi abruptement d’avis.
« Tu veux aller manger un truc ? » La question a le mérite de le prendre complètement par surprise. « J’ai grave la dalle. Ou boire un verre si t’es plus dans la boisson ? T’en fais pas, j’te sauterai pas dessus. » Elle lui fait un clin d’oeil et Sami, qui a normalement un peu de nerfs dans de telles circonstances et qui a déjà plusieurs conquêtes à son actif, ainsi que l’affront de vouloir séduire tout ce qui bouge quand il est dans une boîte de nuit, rougit. Juste un peu, mais rougit tout de même. “ J’espère bien, ” grommelle-t-il, il fait pas trop dans les siphonnées, Sami, il aime bien les filles avec les pieds sur terre. “ C’est pas moi qui ait tout programmé pour le bras, mais c’est moi qui l'ai construit. Je ne l’ai pas installé, ceci dit, mais je saurais le retirer. ” Il pourrait l’avoir installé lui-même à vrai dire, mais il n’a pas un estomac très robuste et il reste convaincu que les prothèses et implants bioniques maudissent les gens. Si il est obligé de construire les prothèses, on ne le trouvera pas à les poser lui-même et activement participer à la perte d’autrui, il n’est pas comme ça. “ Est-ce que c’est un deal d’une fois ou…? ” Il plisse des yeux, il ne sait pas trop ce qu’il pourrait en tirer, ou même les Sharks. Finalement, il dodeline de la tête sans expliquer pourquoi et va récupérer sa veste en cuir qu’il enfile en se dirigeant vers la porte. Il faut qu’il prenne une pause, il travaille non-stop depuis ce matin et son estomac crie famine. Ce n’est pas très raisonnable d’aller manger dehors, ça fait dépenser de l’argent et Sami n’aime pas dépenser de l’argent. “ Tu payes? ” propose-t-il au cas où, parce que c’est vrai qu’il a faim et qu’il en a un peu marre de manger du porridge à tous les repas.
Dans sa jolie petite tête blonde, Leo jubile. Même s’il jouait les durs et les carapaces blindés, Sami avait cédé. Comme les autres. C’est pas lui qui est faible, c’est juste que Leo est habile à ce jeu et qu’elle finit souvent par gagner. Sami fait juste partie de ceux dont la réponse finale se muait en un « oui » à moitié avoué. Alors c’est avec un rictus tordu sur les lèvres qu’elle savoure quelques secondes sa victoire avant de lui expliquer une nouvelle fois ce qu’elle attend de lui. C’est pas bien compliqué et pour le reste, Leo s’en occupe. Leo c’est pas le genre de fille à qui on pose des questions et même si avec sa grande gueule et ses habitues étranges, elle détonne dans le paysage, pour les autres, c’est juste la gamine de la morgue. Et puis ce sera facile de faire passer Sami pour un proche venu reconnaître un cadavre. Le cerveau de Leo, il carbure vite, parfois trop mais ça lui permet de toujours avoir un plan de secours. Même si l’instinct prime souvent que sa liste d’échappatoires lui devient vite inutile.
Alors Sami, c’était juste une question de temps avant qu’il accepte. Si ça c’était pas fait aujourd’hui, elle aurait quand même fini par l’avoir à l’usure. Elle est pas bien méchante Leo, juste bornée et quand elle a une idée dans le crâne, elle a pas ailleurs. Elle s’accroche jusqu’à ce qu’elle puisse l’appliquer et le pauvre garçon n’y avait pas échappé. Elle a eu Sami et maintenant, elle allait plus le lâcher. Elle est comme ça Leo, elle s’infiltre dans les vies, on la trouve gênante puis on finit par s’y faire. Et quand elle disparait, ça fait bizarre, ça laisse un vide inexplicable. Parce que Leo, c’est un électron libre. Tantôt ici, tantôt ailleurs, imprévisible Leo. Et Sami, il devait certainement pas s’attendre à ce qu’elle lui propose d’aller casser la croûte avec elle. Et elle le sait Leo, elle le voit dans la teinte rosée dont se parent ses joues. Ajoutant même, sauvageonne dans l’âme, qu’elle ne tentera absolument rien. Elle chasse pas la journée Leo, préférant les nuits d’ivresse et d’insouciance, les histoires incertaines qui se terminent avec le lever du jour.
« – C’est pas moi qui ait tout programmé pour le bras, mais c’est moi qui l'ai construit. Je ne l’ai pas installé, ceci dit, mais je saurais le retirer. – Perf’ c’est tout ce que je demande ! Les autres détails, on verra ça plus tard ! – Est-ce que c’est un deal d’une fois ou…? – D’habitude j’suis pas dû genre à faire dans les plusieurs fois mais je pourrai faire une exception pour toi » qu’elle dit en ricanant de ses allusions, sa bouche courbée dans une risette habituelle. « Ok sérieusement, j’sais pas. Il se peut que j’ai besoin de faire appel à toi plus tard. Tu sais, la mort m’passe pas un coup de fil chaque fois qu’elle prévoie de prendre un gars avec une prothèse. Donc j’sais pas, peut-être que ça sera un deal de plus d’une fois » qu’elle ajoute simplement d’un haussement d’épaule. Elle scrute son visage, enregistre ses réactions tout en attendant sa réponse. Mais au lieu de ça, le jeune homme prend sa veste avant de se diriger vers elle. « - Tu payes ? » qu’il lui demande, ce à quoi, les sourcils froncés, elle rétorque : « Tu crois que ça rapporte toi, de découper des cadavres ? Mais ok » qu’elle abdique sans plus de résistance. C’est pas un restau qui lui fera voir rouge.
Elle récupère ses affaires, son sac sur l’épaule alors qu’elle se dirige vers sa voiture. « En route Simone ! ». Le bip du véhicule invite Sami à monter à l’intérieur mais elle remarque qu’il bouge pas d’un poil. « Quoi ? T’as peur que j’t’emmène dans ma planque pour te découper en morceaux ? Tu peux vérifier, j’ai pas de bâche et crois-moi, le sang, c’est putain de dur à retirer. Et ma voiture est propre alors vraiment, tu risques rien. Alors, tu grimpes ? ».
« D’habitude j’suis pas dû genre à faire dans les plusieurs fois mais je pourrai faire une exception pour toi. » Elle a l'air fière d'elle en plus. En temps normal, Sami n'hésiterait pas: moi je peux te faire plusieurs fois en une nuit et tu t'en souviendras. Mais aucun mot n'échappe à ses lèvres closes et son expression légèrement réprobatrice. « Ok sérieusement, j’sais pas. Il se peut que j’ai besoin de faire appel à toi plus tard. Tu sais, la mort m’passe pas un coup de fil chaque fois qu’elle prévoie de prendre un gars avec une prothèse. Donc j’sais pas, peut-être que ça sera un deal de plus d’une fois. » Ça lui suffit, il préfère même ça à autre chose: si elle était venue avec un plan en tête, ça l'aurait presque plus inquiété. Maintenant, il ne s'inquiète plus que d'un chose: son estomac qui se réveille doucement et la perspective de se voir offrir un truc à bouffer. « Tu crois que ça rapporte toi, de découper des cadavres ? Mais ok. » Il en sait rien de ce que ça rapporte, de découper les cadavres: malgré lui, il arrive souvent que ce soit lui qui transforme les gens en cadavres.
Il repousse ces pensées avec malaise. « En route Simone ! » Sami fronce les sourcils en la suivant dehors, verrouillant la boutique derrière lui. “ Mon nom est Sami, ” dit-il un peu naïvement, pensant qu'elle n'a pas entendu ou qu'elle n'a pas retenu son prénom. Il grimace en voyant la voiture de Leo (il aimerait bien que ce ne soit pas la sienne mais elle s'éclaire légèrement quand elle appuie sur le bouton de ses clefs). « Quoi ? T’as peur que j’t’emmène dans ma planque pour te découper en morceaux ? Tu peux vérifier, j’ai pas de bâche et crois-moi, le sang, c’est putain de dur à retirer. Et ma voiture est propre alors vraiment, tu risques rien. Alors, tu grimpes ? » Il roule des yeux en l'entendant. “ Non mais ta voiture est merdique, ” dit-il sans états-d'âmes. “ Si t'as du fric un jour passe par la boutique, je t'améliorerai ça. T'as eu un accroc récemment? ” demande-t-il en éprouvant un très léger heurt sur le côté de la voiture avec un froncement de sourcils. “ T'es sûre que tes pieds atteignent les pédales? ” demande-t-il, l'air impavide, en relevant les yeux vers elle.
Il n'est pas très drôle, Sami. Pas du tout même, ses rares traits d'humour restent généralement ignorés ou on se contente de lever les yeux au ciel en reniflant. Leo n'a pas trop l'air de ui en vouloir et ils grimpent dans la voiture d'un même mouvement, Sami observant chaque détail de la voiture avec avidité. Il n'a pas très peur d'elle, ou de là où elle veut l'emmener, il pense qu'il pourrait tout de même se défendre de la crevette qu'elle est. Semble être. Sami a du mal à se rappeler que les apparences sont parfois trompeuses. “ Tu me rassures, tu ne manges pas de la chair humaine ou nécrosée hein? ” Le mot est difficilement épelé dans la bouche de Sami, inconfortable, même si il a l'air d'être fier d'avoir pu le caler dans la conversation. Ça s'entend à son accent et sa manière de parler, l'anglais n'est pas sa première langue et si son vocabulaire est particulier, il n'est pas aussi étendu qu'il pourrait l'être. Devrait l'être pense-t-il avec beaucoup d'embarras. “ Je connais un endroit sympa dans le coin qui fait des super gaufres. ” Sami aime beaucoup les gaufres. Beaucoup trop peut-être comme l'indique le léger gras de ses cuisses. Il se refuse ce petit plaisir souvent parce que ça coûte de l'argent. Mais si Leo invite... “ Avec du chocolat et tout. ” Son autre démon de la tentation.
Elle est pas comme tout le monde Leo. Elle est comme personne. Mais c’est pas la première chose qu’on remarque chez elle ; on aperçoit d’abord ses boucles dorés, rayons de soleil autour de son visage puis ses yeux océans, ses iris ciel. On l’imagine petite poupée fragile, gracile. Et puis quand elle ouvre la bouche, le charme s’interrompt. Elle rigole fort, trop fort parfois, elle se tord dans tous les sens, tape sur la table. Elle vit à pleins poumons, fait tout en démesure et abuse de tout, des bonnes comme des mauvaises choses. Bref, elle vit Leo, à pleine vitesse sans se soucier de l’arrivée. Alors elle dénote avec sa grande gueule, inquiète de rien, insouciante de tout.
« Mon nom est Sami ». Elle s’arrête dans sa course, le regarde d’un air crédule en se demandant si une fois de plus, le mythe de la blonde écervelée a encore frappé. « Bah je sais, tu me l’as dit tout à l’heure ». Leo le regarde, penche la tête sur le côté comme le ferait un chiot avant de laisser un grand « aaaah » s’échapper de sa jolie bouche rosée. « Non ok ... c’était une expression tu sais ? ». Mais le jeune homme n’en démord pas, continue de la fixer comme si elle venait d’ailleurs. Mais Leo elle vient d’ailleurs comme elle vient de nulle part. Elle oublie parfois que tout le monde n’a pas eu un père comme le sien, à parler avec des idiomes oubliées, vieilles des décennies passées. « Oh god, I’m just like my father » qu’elle réalise soudainement, une claque s'abattant sur son front. « Bref, ça veut dire bouge ton cul ! ». Et sans se faire prier plus longtemps, il la suit jusqu’à sa voiture sans s’empêcher de grimacer devant le véhicule. C’est là qu’il lui balance que sa voiture est merdique et ouais, elle le prend pour elle parce que c’est sa voiture, la première qu’elle s’est achetée après avoir économisé tous ses petits boulots après les cours et pendant les vacances alors personne n’a le droit d’insulter son bébé, aussi miséreux soit-il !
« Non j’ai pas de frics justement mais si tu veux m’le faire gratos, je dirai pas non ». Elle est pas aveugle Leo, sa voiture est pas vraiment le genre à faire rêver, pas même les voleurs du quartier d’à côté mais elle y tient quand même. « Ouais un connard m’est rentré dedans alors que le feu était rouge. J’l’ai menacé de le dépecer s’il payait pas les réparations mais j’ai pas encore eu le temps d’aller la faire bichonner ». C’est pas vraiment le temps qui lui manque, c’est plutôt qu’elle oublie et qu’elle passe ses soirées à penser à autre chose qu’à sa carrosserie. Et les petites pilules aident pas non plus faut dire. Nouveau sourire en direction du jeune homme jusqu’à ce qu’il lui balance sa réflexion. « Si c’est une façon de dire que j’suis petite, c’est pas cool ». Les lèvres retroussées et les sourcils froncés, elle met le contact sans lui adresser le moindre regard. C’est pas de sa faute, c’est son frère qui lui a bouffé ses centimètres, elle en est convaincue même si Timon est plus vieux et que c’est clairement impossible. Alors elle en voudra pas longtemps à Sami, elle veut juste lui faire croire que si. Et justement, il lui sert sur un plateau d’argent de quoi engrainer sa folie. « Si et ce que je préfère, c’est la chair bien fraîche, qui vient d’un cadavre encore tout chaud. Franchement, relevé avec du vin blanc, c’est un dé-lice ! ». Et soudain, elle freine à l’entrée du garage, peut-être brutalement car ses freins crissent à l’agonie. « Sérieusement, pour ce genre de conneries, t’es un poil en retard ! On me l’a faite quand j’avais six ans alors va falloir te recycler papy ! » qu’elle dit tout sourire même si au fond, la gamine qu’elle est, n’est pas insensible. Elle a l’habitude de rire de tout, surtout d’elle-même mais y’a des plaies d’enfant qui ne se referment jamais vraiment. Elle en a souffert Leo, des brimades et des regards en coin.
« Je connais un endroit sympa dans le coin qui fait des super gaufres. Avec du chocolat et tout ». Et alors qu’elle reprend la route, son rire résonne dans l’habitacle, surprise du contraste entre la carrure du beau brun et de sa soudaine envie sucrée. « Ok, donne moi l'adresse » qu’elle lui dit, une air léger planant sur son visage. Le trajet se fait d’un silence inhabituel pour Leo, qui seule, ne serait pas privée de mettre le son à fond pour couvrir sa voix de crécelle. « J’ai jamais mangé de chair humaine ou de … truc dans le genre. Je respecte vraiment trop le corps humain pour faire ce genre de chose et même, ça me dégoûte. C’est pas parce que je vois des entrailles toute la journée que j’ai envie de croquer dedans » qu’elle ajoute, comme pour être certaine que Sami ne la prenne pas pour la psychopathe cannibale qu’elle n’est pas. « Mon truc, c’est plus les pizzas avec pleins de pepperoni dessus. Oh et double ration de fromage ! Ça je mords dedans à pleines dents ! ». Elle rit une nouvelle fois, un sourire haut perché sur ses lèvres et elle demande : « Et toi, ton truc c’est les gaufres noyées dans le chocolat et la chantilly avec les perles de sucres colorées ? ».
Elle est sympa Leo, même si Sami sait pas trop si elle rigole quand elle lui dit qu'elle dirait pas non à des améliorations gratos pour sa bagnole; Sami la regarde avec un air désapprobateur, il est un entrepreneur, il ne fait pas de cadeau. Mais c'est vrai qu'elle est sympa, et sa seule manière de parler lui arracher parfois un petit sourire en coin (qui disparaît bien vite sous une moue sérieuse), son côté énergique et infatiguable et "j'ai toujours un truc à dire" lui rappelle beaucoup Scar, même si Sami pense que mettre les deux dans la même pièce serait très fatiguant pour tout le monde. Elle est drôle mais son sens de l'humour est au moins aussi bancal que le sien: « Si et ce que je préfère, c’est la chair bien fraîche, qui vient d’un cadavre encore tout chaud. Franchement, relevé avec du vin blanc, c’est un dé-lice ! » Enfin, Sami espère que c'est de l'humour, il la regarde d'un air abasourdi alors qu'elle freine très douloureusement (elle ne sait apparemment pas conduire, mais au moins a-t-il l'assurance que ses pieds touchent bien les pédales). « Sérieusement, pour ce genre de conneries, t’es un poil en retard ! On me l’a faite quand j’avais six ans alors va falloir te recycler papy ! » Il lève les yeux en l'air (il n'est pas si vieux que ça), mais soupire un peu de soulagement, comme si il la soupçonnait véritablement d'être cannibale. Elle a l'air d'être enthousiasme pour les gaufres, ceci étant dit, donc Sami se retrouve un peu plus rassuré qu'elle aime la nourriture normale. « Ok, donne moi l'adresse. » Les gens aiment bien les gaufres, mais les gens aiment bien aussi se foutre de l'obsession de Sami pour les gaufres: c'est son plat (il appelle ça un plat) préféré. Il est content que Leo ne se fiche pas de lui, elle n'a pas l'air d'être du genre à faire ça ceci dit, et il obéit diligemment.
Le silence dans la voiture ne le dérange pas, il ne s'inquiète même pas de voir si elle va à l'adresse qu'il lui a indiqué: elle pourrait tout aussi bien le conduire à sa propre mort qu'il ne serait pas plus détendu. C'est trop un clown pour lui faire du mal, du moins pense-t-il. « J’ai jamais mangé de chair humaine ou de … truc dans le genre. Je respecte vraiment trop le corps humain pour faire ce genre de chose et même, ça me dégoûte. C’est pas parce que je vois des entrailles toute la journée que j’ai envie de croquer dedans. » Sami lui adresse un regard en coin, il note bien le fait qu'elle en parle pour le rassurer, mais elle en parle beaucoup donc peut-être qu'elle essaie de cacher son obsession pour les entrailles bien juteuses, comme lui essaie parfois de cacher son obsession pour les gaufres quand ses amis veulent aller acheter quelque chose à manger. « Mon truc, c’est plus les pizzas avec pleins de pepperoni dessus. Oh et double ration de fromage ! Ça je mords dedans à pleines dents ! » Elle rit et Sami sourit un peu en l'entendant, il connaît quelqu'un qui aime beaucoup les pizzas avec des pepperoni et le souvenir l'attendrit. « Et toi, ton truc c’est les gaufres noyées dans le chocolat et la chantilly avec les perles de sucres colorées ? » Il fronce machinalement le nez. “ Non, avec des pépites de chocolat, ” la reprend-t-il avec un air complètement dégoûté, comme si l'idée de ne pas avoir tout le chocolat possible sur la gaufre lui semblait impossible. “ Oui j'aime bien les gaufres. ” Sous-estimation du siècle. “ J'aimerais bien qu'ils fassent des gaufres salées. Enfin, ils font des gaufres salées. Mais elles ne sont pas très bonnes. J'aimerais bien qu'ils fassent des gaufres salées très bonnes. Avec du jambon, et du fromage, et des oeufs. Même des feuilles d'épinard. J'aime bien ça, le jambon, le fromage, les oeufs, les feuilles d'épinard, ensemble, à la poêle, alors je me dis que sur une gaufre salée, ça pourrait être pas mal. Non? ” Sami aime beaucoup parler gaufres. C'est même l'une des choses avec laquelle il est le plus à l'aise pour parler, et qui le déride facilement; même si en cet instant précis, il a les sourcils un peu froncés, comme si il était en train de sérieusement réfléchir à la question (il l'est).
Ils arrivent rapidement à l'adresse recommandée par Sami et il en salive presque littéralement, sautant de la voiture avec hâte pour entrer à l'intérieur sans attendre Leo. Il est déjà en train de commander (quasiment tous les employés les connaissent, lui et sa commande, mais ils font toujours mine de l'écouter attentivement pour lui faire plaisir). Il ne sait pas déchiffrer les petits panneaux d'affichage, mais il fait toujours comme si pour ne pas avouer qu'il ne sait pas lire, les yeux rivés sur les mots écrits sur les écrans, se référençant plutôt aux images qui clignotent. “ Non, on va payer ensemble, ” fait-il avec un sourire plein de dents au caissier, en se tournant vers Leo avec impatience. “ Et elle va s'en occuper. Hein, Leo, ma nouvelle meilleure amie? ” en roucoulerait-il presque en battant des cils.
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Leo, elle dérange. Leo, elle perturbe. Elle arrache plus de grimaces que de sourires. Plus de haut-le-cœur que de palpitations. Dissèque plus de cœurs qu’elle ne s’en éprend, a vu la mort plus près que n’importe qui encore en vie. Leo, elle trouble. Mais elle le sait et elle s’en amuse toujours. Parfois modérément mais parfois pas. Et c’est souvent l’excès qui prend le dessus. Elle fait pas dans la dentelle Leo, elle est d’une brutale honnêteté, ne mâche jamais ses mots parce qu’elle sait que la vie est trop courte pour regretter. Alors avec Sami, elle étale son jeu sur la table en piètre menteuse qu’elle est, dévoile ses cartes sans penser qu’elle risque de tout perdre et de repartir les poches aussi vides qu’elle les avait en arrivant. Mais tant pis, elle tourne la roulette sans sourciller de ce qui lui arrivera. 
LITTLE WOLF.