(explicit - sin#3) i'm so glad we're acquainted.

Le violent frisson qui agite tout entier le corps de Jaz l'approche un peu du sien, et le sourire de Sami s'étire un peu plus sur ses lèvres, absolument ravi et légèrement moqueur à la fois, mais pas méchamment. Juste content, peut-être, de lui faire cet effet. “ Yes, baby, I’m sure I will. ” Le surnom le rend un peu curieux, Sami essaie de décider si il aime bien ou pas et conclut que oui, juste pour l'air un peu satisfait de Jaz elle-même, et aussi parce qu'il y a un peu de possessivité là-dessous, il trouve, qu'il apprécie tout particulièrement. Personne ne l'a jamais appelé comme ça avant, réalise-t-il, personne. Et il vient de sortir tout naturellement des lèvres de Jaz. “ I enjoyed you very much Sami. ” Il a pu le sentir, du bout des doigts, et maintenant il comprend mieux pourquoi elle a disparu... il se demande ce qu'elle a bien pu faire après son réveil, dans ses draps, si elle avait encore la sensation de ses doigts en elle et de ses lèvres sur sa peau. Il répond à son baiser en se pressant un peu contre elle, ses mains caressant toujours ses hanches et sa taille avec lenteur, sans oser aller chercher la peau. “ I’m sure you’ll make me cum. ” Le sourire de Sami en coin indique que lui-même n'en doute pas une seule seconde, à peine effacé par le baiser rapide qu'elle plante sur ses lèvres.

Elle prend son visage entre ses mains et Sami la regarde sans pouvoir réprimer son petit sourire, il sait que c'est stupide, qu'ils auraient l'air stupides si ils avaient le moindre spectateur. Mais il ne peut pas s'en empêcher, elle est si jolie et puis elle sourit aussi, il ne peut pas y résister. Il aime la douceur de ses mains sur sa peau et il aime l'aimer et qu'elle l'aime, il aime qu'ils soient dans leur monde à deux, personne ne pourra jamais leur prendre ça, le leur voler ou le savoir. “ You’ll never be alone Sami I promise you this. I’ll always be with you, here in this world from dusk till dawn. ” Elle sourit toujours mais elle est sérieuse, Sami l'entend à sa voix et le voit à ses yeux. Du crépuscule à l'aube, comme presque tous les soirs depuis cinq ans maintenant. Cinq ans à rêver et à apprendre à se connaître et à se construire des bâtiments impossibles et des ciels colorés, cinq ans à s'aimer aussi, comme si c'était évident. Évident qu'ils sont nefisti gwad'enya, évident qu'ils sont soulmates, évident qu'ils rêvent ensemble parce qu'ils étaient faits pour se concentrer et s'aimer. Le sourire tremble sur les lèvres de Sami. “ And after that when we’re finally together in another world I’ll always be by your side. ” Il sourit doucement encore une fois, rassuré. Il veut être avec elle, peu importe le monde, ils trouveront un endroit et ils vivront ensemble et c'est fou, elle était un rêve, elle est réelle, ils mènent deux vies radicalement différentes et pourtant, ça semble évident, juste évident.

Sami aime les évidences, les choses simples à comprendre et à faire. Il aime les objectifs simples, il aime le fait qu'elle soit aussi sûr de lui qu'il l'est d'elle. Il espère qu'elle est sûre de lui parce que lui aussi il l'aime, vraiment, et il veut être avec elle. “ I feel like I carry you with me everyday too, your smile behind my eyelids everytime I blink, your voice whenever I sing harmonizes with mine. You’re always in my heart, I love you. ” Elle lui a déjà dit pour sa voix, et il aime tellement ça, il est avec elle sur Sigan même quand lui est à Neodam, dans sa tête et dans sa voix. Sa musique la rend si seule, l'éloigne de tout le monde, mais lui il est toujours là avec elle. Sami n'a pas le temps de répondre que les doigts de Jaz se posent sur sa peau sous son t-shirt, caressent doucement son torse et font frissonner Sami. “ Tell me my nefisi gwad'enya, tell me how to say I love you in amharic. ” Le frisson qui l'agite tout entier quand il entend la langue de sa mère dans la bouche de Jaz est impossible à réprimer, ses yeux devenant plus noirs que jamais. “ I'll tell you if you tell me what gelbani means. ” Il fronce un peu les sourcils devant l'air confus de Jaz,  et s'éloigne, un peu embarrassé soudainement, peut-être que c'était un mot anglais qu'il ne connaissait pas et que ce n'était pas du tout une autre langue. Il noie sa honte en revenant l'embrasser, faire mourir sa réponse sur ses lèvres. “ Ewedishalehu, Jaz, ” dit-il doucement. “ Ewedihalehu if you want to say it to me. ” Les mains de Sami se glissent à son tour sous le tissu de son haut, les doigts retraçant l'os de ses hanches, glissant jusqu'à la lisière de son sous-vêtement, comme la dernière fois, déjà.

Les lèvres de Sami reviennent trouver sa gorge, s'y appuyer langoureusement, ses doigts se faufilant déjà pour la débarrasser de son sous-vêtement, à quoi bon attendre. “ Next week, Jaz, ” promet-il, sa langue venant effleurer sa peau. “ Next week. Whenever I laugh, I hear you, laughing with me, smiling at me, I remember when you dream me things and skies and flowers and stories. I love your stories. I know we'll be a great one. ” Ses doigts s'arrêtent sur ses cuisses, tenant toujours le tissu, alors qu'il se détache pour la regarder dans les yeux et lui demander permission, toujours embarrassé de son écart avec gelbani.

Jaz aime les frissons qu’elle arrache à Sami en le touchant sur sa peau brûlante sous ses vêtements et surtout celui qui le secoue quand elle tente de parler en amharique. Elle comptait déjà se renseigner à ce sujet, lui poser des questions sur ses origines, apprendre à dire quelques mots dans cette langue qui semble être étonnamment être celle dans laquelle Sami est le plus à l’aise, mais elle s’en empressera d’autant plus désormais qu’elle sait l’effet que ça a sur lui. “ I'll tell you if you tell me what gelbani means. ” Elle fronce les sourcils en même temps que lui, confuse un instant avant de comprendre — trop tard pour qu’il ne s’embarrasse pas déjà ostensiblement — qu’il fait référence au ghalbami susurré presque sans y penser la nuit dernière. Elle va pour lui répondre, un peu embarrassée elle aussi, mais sûre de la traduction et du fait que let pet name est bien trouvé pour Sami, mais il l’interrompt en l’embrassant. “ Ewedishalehu, Jaz, ” La violence du frisson qui agite son corps entier la surprend elle-même. Il lui apprend le mot, mais il semble le lui dire aussi, qu’il l’aime, ce qu’elle est censée savoir, mais qui ne cessera jamais — et en tous cas pas aussi tôt, le lendemain seulement de sa première déclaration — de lui retourner l’estomac et lui réchauffer la poitrine. “ Ewedihalehu if you want to say it to me. ” Elle sourit, répétant déjà le mot avec frénésie dans son esprit pour ne pas l’oublier, même si elle n’a pas le temps de le prononcer à voix haute parce que déjà Sami est occupé à la caresser à même la peau, venant vite flirter avec son unique sous-vêtement, sa bouche trouvant sa place sur sa gorge qui s’allonge pour mieux l’accueillir. Elle tremble un peu quand il la débarrasse de son sous-vêtement, elle a peur de disparaître de nouveau, de se réveiller. Ce n’est même pas la peur d’être fatiguée à cause d’une nuit trop courte — elle l’est quoi qu’il arrive — mais la peur de le quitter trop vite encore, de se réveiller avec le fantôme de son toucher sur sa peau, mais une vraie chaleur dans son bas-ventre, preuve physique que Sami — et son effet sur elle — existe véritablement. “ Next week, Jaz, ” la semaine prochaine, sur Juno Beach, pour le nouvel an, ils se verront pour de vrai, s’embrasseront pour de vrai, se toucheront pour de vrai. La semaine prochaine, elle n’a pas à attendre trop longtemps, plus que six jours, six jours et ils seront ensemble peut-être pour pas beaucoup plus qu’une nuit mais pour de vrai, sans craindre de disparaître des bras l’un de l’autre. La semaine prochaine, la langue de Sami sur sa peau sera réelle, elle ne doute pas que la sensation sera plus enivrante encore, son odeur intoxicante, elle ne doute pas que son corps réagira de façon plus intense encore que c’est déjà le cas, mais elle pourra se laisser faire sans rien retenir de son plaisir. “ Next week. Whenever I laugh, I hear you, laughing with me, smiling at me, I remember when you dream me things and skies and flowers and stories. I love your stories. I know we'll be a great one. ” Son sourire devient un peu timide. Elle aime rêver pour lui, se dire qu’elle est un peu responsable de ses sourires, elle aime lui raconter des histoires aussi, comme leur préférée à tous les deux : la princesse et le tisseur de tapis. Il paraît que des gens écrivent des histoires sur elle, qui tombe amoureuse, ou qui s’entend avec ses cousines, ou qui devient espionne du gouvernement, ou qui vient d’un autre monde. Personne ne peut écrire une histoire plus merveilleuse que la leur, ceci dit.  “ We already are. ”  souffle-t-elle simplement, les prunelles mordues d’un désir incommensurable, mais d’un amour sans fond aussi, quand elle attrape ses doigts des siens pour se presser contre lui jusqu’à inverser leurs positions. Elle ne se fait pas vraiment confiance pour rester endormie, pour s’empêcher de trop aimer les caresses de Sami d’où qu’elles viennent, même si elle en meurt d’envie. Elle a hâte de leur futur, hâte qu'ils puissent vivre ensemble mais leur histoire est déjà pleine de la magie qu'elle adore dans ses vieux contes.

“ Ghalbami…it means 'my heart' in my mother’s ancestral language called Farsi. ”  Explique-t-elle avec douceur en se souvenant de sa gêne — peut-être a-t-il cru qu'il était censé connaître ce mot. Comment pourrait-il connaître le farsi pourtant ? Une langue qui vient de la Terre, planète et monde qu'il ne peut pas connaître lui qui en vient d'un autre…qui a pourtant curieusement la même histoire. Dans d'autres circonstances elle s'arrêterait sur sa curiosité, lui poserait quelques questions, songerait à se renseigner sur Sigan, voir aussi si quelque communauté y parle l'amharique. Dans un moment pareil toutefois, elle n'y songe même pas. “ You’re my heart Sami. ” Il est plus que ça encore, elle n'a pas les mots en farsi pour lui dire tout ce qu'il est pour elle. Elle ne sait même pas dire âme-sœur dans la langue de sa mère. Jaz le débarrasse doucement de son t-shirt, essayant d’oublier le feu pressant qui se répand encore dans ses veines pour prolonger son temps avec lui. “ I want to kiss yours. ” Elle laisse ses lèvres traîner sur son torse, s’attarder là où bat justement son cœur, ses doigts caressant ses côtes constellées de petites traces. Elle avait déjà remarqué ça la première fois qu’ils se sont embrassés pendant la pluie d’étoiles filantes, les fines cicatrices blanches sur sa peau qui lui tordent le cœur alors qu’elle vient les embrasser à leur tour. Elle a tellement de questions à lui poser, tellement de choses qu'elle voudrait savoir sur lui et sa vie, mais elle sait qu'il ne veut pas en parler et préfère encore qu'il vienne à elle avec des informations çà-et-là sur ses parents ou sur Neodam, quand il le voudra, quand il sera à l'aise avec elle et lui fera confiance. “ Ewedihalehu my Sami. ” Murmure-t-elle comment un secret contre sa peau, testant le mot nouveau sur sa langue avec un plaisir un peu timide, ses doigts se glissant sous l’élastique de son caleçon pour le lui ôter après avoir cherché son assentiment d'un regard vers ses yeux noirs. Ses lèvres ne sont pas hésitantes quand elles se déposent sur lui, un petit sourire les déformant avant que sa langue ne s'en échappe pour le caresser.

Sami ne connait pas beaucoup d'histoires, juste celles que Jas lui a raconté. Il en a retenu pas mal, mais pas aussi bien que celle du tisseur de tapis et de la princesse. Ça lui donnait de l'espoir, maintenant il n'en a plus besoin. Jas est un peu une princesse dans sa tour en verre, protégée de tout mais fragilisée par le reste, coincée dans une cage dorée terrible qui la rend malheureuse; et lui est le tisseur de tapis qui la visite le soir et la nuit, lui fait miroiter un autre monde un peu plus clément, lui qui vient de rien mais qui a la liberté de tout, total opposé d'elle. Et ils s'enfuiront sur un tapis volant ensemble, pour ne jamais retourner en arrière... Sami aime bien cette histoire, même si il sait que la réalité est toujours différente, que ce n'est jamais comme ça dans la vraie vie. Mais ça lui fait plaisir tout de même, cette idée qu'ils sont une jolie histoire. Ses parents étaient une jolie histoire, portaient la marque l'un de l'autre à même leurs peaux, se sont trouvés et aimés toutes leurs vies. Sami n'a jamais eu l'espoir de trouver son nefisi gwad'enya, pas dans le contexte de Neodam en tout cas. C'est dans ses rêves qu'elle était depuis le début. “ We already are. ”  Le sourire de Sami répond à celui de Jas, il a l'air véritablement heureux, comme si l'idée qu'ils soient une histoire soit la meilleure chose de tous les temps. Il aime ce qu'il voit dans son regard, ses doigts s'agrippent déjà un peu plus à son sous-vêtement pour complètement l'en débarrasser et venir embrasser la chair révélée mais les mains de Jas trouvent les siennes et il se laisse faire, ne voulant pas la forcer si elle ne veut pas.

Elle se presse contre lui et, le prenant de court, inverse leurs positions et roule sur lui, un petit sourire amusé relevant les lèvres de Sami qui la laisse faire, l'observant avec curiosité et amusement tout à la fois. “ Ghalbami…it means 'my heart' in my mother’s ancestral language called Farsi. ” Les yeux de Sami s'arrondissent, il a toujours un peu honte et il rougit, mais il est content aussi, surtout, qu'elle lui dise. “ Farsi, ” répète-t-il à mi-voix, “  ghalbami, ” pour se souvenir des mots, leurs textures sur sa langue. Difficile de concentrer quand Jas le regarder comme ça, pressée contre lui, et lui dit ça: “ You’re my heart Sami. ” Et qu'il se sent si bien, tout d'un coup, émerveillé qu'elle peut seulement l'aimer un cinquième autant qu'il l'aime. Elle glisse ses mains sous son t-shirt un peu plus haut, l'aide à s'en débarrasser et Sami se laisse faire, frissonnant quand les doigts de Jas reviennent dessiner son torse sans qu'il ne soit plus couvert. “ I want to kiss yours. ” Il est incapable de parler, sa voix est coincée dans sa gorge, surtout quand ses doigts sont remplacés par ses lèvres et qu'elle embrasse doucement sa peau, les laisse redessiner ses petits détails, s'attardent sur sa poitrine où bat son corps à tout rompre. Ses doigts caressent doucement ses cotes, le chatouillent un peu, mais il frissonne plus qu'il n'a envie de rire, sa lèvre inférieure s'invitant dans sa bouche quand les lèvres de Jas commencent à s'aventurer plus bas. “ Ewedihalehu my Sami. ” Il aime l'amharique dans sa voix, et la possessivité du pronom aussi, il aime être à elle, être son Sami. Il n'a jamais cherché à être quoique ce soit d'autre.

Les lèvres de Jas caressent doucement son bas-ventre et ses doigts se glissent sous le dernier vêtement qu'il porte et il ne sait pas ce qu'elle voit dans son regard noir quand elle relève le sien vers lui, mais ce doit être mélange à de l'assentiment parce que son caleçon est vite oublié, ses lèvres puis sa langue venant rapidement y trouver la peau brûlante qui s'y trouve et qui n'attend que ça. La respiration de Sami est définitivement coincée dans sa gorge, un grognement de plaisir s'y formant déjà avant même qu'elle ne le prenne dans sa bouche, les doigts de Sami s'enfonçant dans l'herbe sur laquelle ils sont, s'accrochant aux brins qui ne cèdent pas, fort heureusement, sous son emprise. Il a envie de l'embrasser, il a envie d'elle, de la prendre elle, il a envie qu'elle continue, il a envie qu'ils ne s'arrêtent jamais et ses yeux en sont presque fiévreux, incapables de se concentrer, quand il les baisse sur elle. C'est tellement bon et parfait et il aimerait que ça dure pour toujours et-

L'exclamation meurt dans sa gorge quand il se réveille brutalement, se redresse dans son lit avec violence, le corps recouvert d'une fine couche de transpiration — comme après un cauchemar — et agité d'une chaleur qui torpille douloureusement son bas-ventre. Son coeur bat si fort dans sa poitrine, il est un peu confus et désorienté jusqu'à comprendre, avec un peu d'embarras, qu'il vient de lui arriver la même chose qu'à Jas: qu'il s'est réveillé parce qu'il aimait trop ce qu'ils étaient en train de faire. Ce qu'elle était en train de faire. Il essaie de se rendormir aussitôt mais c'est impossible, il finit par se lever pour prendre une douche, qu'il veut froide au début, mais il n'a pas le courage et l'eau brûlante finit par couler sur sa peau alors qu'avec un peu d'embarras, du bout des doigts, il finit ce que Jas a commencé dans le monde des rêves. Il a vraiment honte mais il serait incapable de se rendormir autrement et puis c'en était presque douloureux de se réveiller comme ça. Il retourne juste après au lit, en vain, sourit légèrement au vide en imaginant ce qu'ils auraient pu faire et ce qu'ils feront, aussi, quand ils seront ensemble, ensemble pour de vrai.

Ils sont plus sages les nuits suivantes. Essaient de l'être, du moins, ils gardent leurs vêtements sur le dos et ils s'embrassent et Sami essaie d'être raisonnable et Jas rend les choses compliquées, ou alors c'est l'inverse, il ne sait pas. Ils rêvent et ils s'embrassent et Sami ne peut pas s'habituer au regard de Jas quand elle l'entend parler farsi, tout comme il n'arrive pas à réprimer le désir qui l'agite immédiatement quand l'amharique se déroule sur sa langue. L'idée est stupide mais Sami lui demande son numéro de téléphone, et quand il essaie le lendemain ça fonctionne, ils peuvent communiquer et s'envoyer des photos et il est tellement curieux, que son rêve soit réel, qu'elle ait une vie et un monde et des occupations auxquelles il n'entend rien. Il aimerait qu'elle lui montre, il a hâte de voir. Il y a son profil Instagram aussi, qui fonctionne et qu'il suit avidement, sans vraiment comprendre de quoi il en retourne, sauvegardant toutes les photos sur son téléphone pour pouvoir les regarder quand il pense à elle. Il pense souvent à elle, il sourit et il est heureux et c'est bizarre, cette assurance, cette sensation de plénitude qui le prend quand le soir du nouvel an, la nuit où ils vont se rencontrer, il prend une voiture, refuse les offres de Scar pour passer la soirée ensemble, et va à Juno Beach pour attendre Jas. Il n'a pas peur, il va la voir et ils vont s'aimer, il n'a rien à craindre et tout à gagner.

Il n'a pas pris sa voiture, rapide et élégante, voiture de course qu'il a amélioré lui-même pour aller vite et être belle. Non, c'est plutôt un gros machin qu'il a sorti cette fois, plus approprié pour la campagne qu'il doit traverser jusqu'à Juno Beach, plus approprié pour la plage et le sable aussi. Il finit par attendre un message de Jas, son téléphone posé en équilibre sur sa cuisse, en ouvrant le coffre et s'asseyant sur le rebord, les jambes dans le vide, buvant du Dragon Cola à la bouteille en surveillant son écran en attendant des nouvelles de Jas. Il lui a envoyé une selfie mais elle n'a pas répondu. C'est difficile pour lui d'envoyer et de recevoir des messages, il dicte au logiciel et lui demande de lire tout ce qu'elle lui envoie, il ne lui a pas dit qu'il ne savait pas... lire ou écrire, n'a même pas répondu quand elle lui a demandé s'il utilisait l'autocorrect, par honte. Il aurait dû demander à Scar de l'aider... mais vue la teneur de certains de leurs messages, peut-être pas. Et puis ils n'auront plus jamais besoin de s'en envoyer, puis qu'ils seront bientôt ensemble.

Alors Sami attend.

Les bruits discrets qui s'échappent de la gorge de Sami arrachent des petits frissons à Jaz qui sourit en le prenant finalement entre ses lèvres en s'appliquant comme elle ne l'a jamais fait pour lui faire autant plaisir que lui l'a fait la nuit dernière. Elle voudrait le glisser entre d'autres lèvres, voudrait pouvoir le sentir en elle, mais elle a trop peur de tout gâcher, de ne pas savoir retenir ses plaisirs, de perdre le contrôle de son corps, de se laisser réveiller.  Alors elle lui montre comme elle le veut, d'une autre façon, satisfaite de ses grognements, avide d'en entendre plus, qu'il gémisse son nom, humant doucement contre lui quand elle le sent se crisper et relève les yeux pour voir ses mains accrochées à l'herbe violette. Mais soudain sa bouche est vide, sa langue s'enroule autour de rien et elle retombe mollement tête la première sur son parterre d'herbe. Apparemment, Sami aussi a trop aimé.

Elle ne sait pas trop s'il faut rire ou pleurer, l'exclamation étranglée qui s'échappe de sa gorge quand elle se retourne sur le dos pour observer le ciel qu'elle a invoqué pour lui est un mélange des deux justement. Le lendemain, elle veut être sage, n'ose pas le caresser, mais a du mal à l'empêcher lui de le faire, les nuits suivantes sont une bataille pour retenir leur désir. C'est stupide, ils vont se voir en vrai dans si peu de temps, ils pourraient simplement rester chastes, se contenter de s'embrasser et de faire…tout ce qu'ils ont fait ces cinq dernières années, rêver ensemble. Mais ils sont intenables, comme si cinq ans à se tourner autour, à se découvrir, à tomber lentement mais passionnément amoureux ont justement été trop, comme si maintenant que les aveux sont faits, maintenant qu'ils ont goûté l'un à l'autre ils ne pouvaient tout simplement plus s'en empêcher. C'est frustrant, mais c'est drôle aussi. Et entre deux baisers ils arrivent à échanger leurs numéros puis à se parler dans la journée aussi. Ce n'est pas grand chose, mais ça rend Jaz si heureuse de pouvoir lui envoyer quelques snaps et plein de cœurs par message. Même s'il n'arrête pas d'orthographier son nom jazz et qu'il a une manière étrange d'écrire, elle aime les selfies qu'il lui envoie et qu'elle sauve automatiquement pour les regarder pendant les trajets même les plus courts et se mettre à réveiller éveillée. Elle a tellement hâte.

31/12/2017 Dernier shoot de l'année. Y a du champagne entre deux retouches maquillages ou coiffure, et tout le monde est plutôt de bonne humeur, Jaz comprise. Personne n'a vraiment compris ça, de son air éteint qui a duré des semaines, mais a toutefois permis l'écriture de nombreuses chansons désormais terminées et proprement mixées, à un sourire qui ne quitte presque plus ses lèvres. Personne ne s'en plaint, mais sa mère et son assistant ont trouvé ça bizarre quand même — l'une vocale à ce sujet : always in your dreams Yasmeen, l'autre plus timidement content de la situation. Elle refuse les coupes et la nourriture offertes. “ I ate already I swear ” Première erreur. Le mensonge est toujours facile, mais quand elle ne sait même plus le détailler, étoffer un peu le tissu de mensonge par des précisions et des petites vérités — I ate yersterday (même si ce n'est qu'un raisin) — c'est la première annonce. Sauf que Yasmeen ne pense pas à ça, au fait qu'elle ne peut pas ajouter de détails rassurants parce qu'elle ne sait plus quand elle a mangé la dernière fois, même un simple morceau de fruit. Elle sait quand elle a pris ses pilules ceci dit, ce matin au réveil comme d'habitude et ça suffit, non ? Ça lui donne tous ses nutriments, non ? Elle n'y pense même pas, elle veut juste que sa robe de ce soir lui aille bien, elle veut juste que Sami la trouve jolie ce soir et puis que le shoot de lingerie se passe bien et puis…et puis ça fait des semaines, depuis même avant sa dernière escapade à Juno Beach qu'elle n'a pas laissé un vrai repas s'installer dans son estomac. Ça devient comme une seconde peau. Et comme elle est heureuse maintenant, grâce à l'homme qui l'aime dans ses rêves, comme elle est heureuse et qu'on la trouve rayonnante “ Simply ravishing my dear! ”, il ne doit rien y avoir de mal à tout ça.

Elle a trouvé une excuse pour sa sortie de ce soir et c'est tout ce qui compte à ses yeux. Sa mère ne peut pas lui dire non parce qu'elle a fait du bon travail ces derniers temps et que son album est déjà prêt. Jaz a tellement, tellement hâte, elle compte les heures jusqu'à la voiture qu'elle a commandé pour l'emmener à Juno Beach. Elle a préparé sa tenue, elle sait comment elle va se maquiller, elle veut plaire à Sami ce soir, elle veut passer la soirée avec lui, commencer l'année suivante dans ses bras. Elle veut lui dire qu'elle a cherché des mots d'amharique sur internet et qu'elle a découvert que cette langue était parlée dans une région de son ancien monde, de la Terre. Leurs ancêtres venaient peut-être du même monde. Leur histoire est peut-être écrite dans les étoiles depuis longtemps. Elle aime cette idée Jaz. Si on la laissait écrire son album aujourd'hui il ne ressemblerait à rien de celui qui attend dans un coffre des studios de son label, il ne serait pas aussi mélancolique et triste, il serait plein d'espoir et extatique. Elle n'a jamais été heureuse comme ça Jaz. Elle a du mal à s'y faire.

Jaz a tellement, tellement hâte, elle l'a même dit à Sami en quelques snaps, elle a l'impression de le bombarder elle espère que ça ne le dérange pas trop, elle n'arrive tout simplement pas à se retenir.

Elle rit encore avec délice quand on lui offre un bouquet de fleurs avant qu’elle ne retourne à sa loge se changer, découvrir quelques cadeaux de fin d’année de son équipe. “ Can’t wish you a happy new year before midnight it’s bad luck but… ” Le sourire de John est léger, mais sincère, et arrache presque une petite larme à Jaz qui le prend dans ses bras.  “ I’ll let you change. ” Et dans une poignée d’heures, Sami. Il faut même qu’elle se dépêche pour arriver chez elle et repartir dans les temps. Elle a la tête un peu légère, depuis de longues minutes, juste l’effet des lumières un peu trop brillantes et chaudes sur elle, et la déshydratation sûrement — elle ne voulait pas être bloated pour le shoot alors elle n’a pas trop bu non plus — et elle avale un bon quart de la bouteille d'eau posée sur sa table de maquillage, ne prend pas le temps de s'asseoir, elle ne veut pas être en retard, même quand des points noirs s'invitent dans son champ de vision et que le décor tremblote. Même quand le sol se rapproche dangereusement.

Le tintement des bracelets de sa mère est la première chose qu'elle entend. “ Can't believe this happened again. What is wrong with her?! — Nothing new Mrs Vane, her affliction is- — Tssk! I know, I know, no need to remind me of your total lack of efficiency! ” Le médecin a l'air sur le point de protester quand la patiente bat des cils et qu'il le remarque, lui offrant un petit sourire contrit. “ We better take this conversation outside. ” Darya semble pondérer la chose, Jaz remarque qu'elle ne lui adresse même pas un regard, comme si elle ne pouvait même pas supporter de la voir. Elle doit lui faire honte.

Ce n'est que quand ils sortent qu'elle remarque que quelqu'un d'autre est là. “ What time is it? ” Question étrange dans un moment pareil sans aucun doute et pourtant John ne réagit qu'à peine, les lèvres pincées alors qu'il s'approche d'elle et lui attrape doucement la main. “ Half past midnight. ” Pas de bonne année pour elle, toutefois. Ni en vœu ni en réalité puisqu'elle l'a déjà si mal commencée, ratant définitivement son rendez-vous avec Sami, le seul souhait qu'elle ait jamais eu. “ I need my phone. ” sa voix est tendue, elle ravale difficilement un sanglot qui lui bloque la gorge. Cette fois les traits de John changent un peu, pas grand chose, un tressautement près des yeux, comme s'il avait remarqué la panique masquée dans la voix de son employeur. Il le sort de sa poche, mais ne le lui donne pas tout de suite. “ I snatched it before your mother came. She…she did ask me to send a text to Lupe to warn her you would not be going to her party tonight. Lupe didn't seem to know you had any plans to come. ” Au tour de Jaz de pincer des lèvres. Elle sait que John s'en fiche de ses mensonges. Surtout de ceux-là. Ses histoires avec ses amis ne le regardent pas. Elle sait qu'il ne dit ça que parce qu'il veut la prévenir que sa mère aussi pourrait se rendre compte qu'elle n'a pas parlé à sa plus ancienne amie depuis un moment et qu'elle n'avait aucune intention d'aller chez elle ce soir. “ A certain Sami called you. ” La voix est trop douce pour être vraiment professionnelle, mais un peu détachée : John masque comme il le peut sa curiosité. Jaz ferme les yeux, ses traits fatigués tirés par l'anxiété qu'elle ressent mêlé à du soulagement : sa mère aurait pu voir tout ça si elle avait chopé son téléphone avant John ou si, comme un bon assistant il le lui avait donné dès qu'ils se sont trouvés à l'hôpital, mais John l'a sauvée. Douleur aussi et surtout qui l'envahit soudain quand elle songe à Sami qui l'a appelée, qui l'a attendue sur la plage comme prévu, comme promis et elle qui a rompu sa promesse. Les larmes qui s'échappent de ses yeux la surprennent presque autant que John qui panique soudain. “ I'll get your mother. — No I need- I need to be alone, I need- I need to sleep. ” Sauf que c'est la dernière chose qu'on la laisse être, toute seule. Elle n'a que le temps de pleurer un peu devant l'écran verrouillé de son téléphone et les appels manqués de Sami qui doit la détester avant de le ranger en vitesse sous son oreiller quand la porte de la chambre s'ouvre de nouveau. “ You were doing so good. ” soupire Darya qui semble osciller entre colère et déception. Un médecin lui dirait que non. Un médecin ou n'importe qui de plus observateur lui dirait que la seule chose que Jaz a bien fait c'est apprendre à mieux faire semblant. “ I'm sorry mamàn ” Murmure Jaz en essuyant ses larmes du plat de la main. Elle est vraiment désolée d'être une épine dans son pied, de ne jamais être suffisante pour elle, jamais assez, que ça finisse toujours ici aussi, ça la fatigue Jaz, elle a essayé cette fois-ci d'aller mieux, elle a fait attention elle a mangé un peu et puis et puis les habitudes sont revenues si vite quand même ses rêves n'étaient plus la pour la faire sourire et qu'elle travaillait jusqu'à l'épuisement, et puis et puis même la meilleure soirée de sa vie, sa première soirée seule avec Sami pour de vrai, elle l'a gâchée. Elle comprend que sa mère soit énervée. Elle-même est furieuse. Elle est tellement nulle, elle ne mérite rien. “ You'll get better this time Yasmeen. ” Elle se laisse tomber sur la chaise près de son lit. “ You have to get better Yasmeen. Enough of those games. Enough. ” C'est un ordre, réaction primaire de Darya. Toujours. “You … ” Elle ne finit pas, mais sa fille devine : you have fans you can't disappoint, you have a career you can't give up, you need to be better than them, you shame me. “ I'm sorry ” elle voudrait qu'elle la prenne dans ses bras, qu'elle lui dise qu'elle l'aime. Elle préfèrerait presque qu'elle s'inquiète mais si c'est le cas Darya le cache magnifiquement bien. Elle lui tapote doucement la main comme pour la faire taire. “ Sleep now. ” Elle est épuisée mais elle n'y parvient pas tout de suite. Elle voudrait que sa mère sorte, la laisse tranquille qu'elle puisse, envoyer un message à Sami, et lui dire qu'elle est tellement désolée. Qu'elle s'en veut tellement. Qu'elle voulait tellement venir. Mais ses paupières tombent sur ses yeux avant que sa mère n'ait quitté son siège.

Le monde des rêves est vide. Désertique même. Pas de champ d'herbe violette, ou de maïs doré pour elle cette fois, ni de fontaine ou de palais créé par Sami, juste une végétation désolée. Un peu de sable, sale sous ses pieds nus. Elle a sa tenue d'hôpital sur le dos, se concentre aussitôt pour se rêver la robe qu'elle voulait porter pour Sami, effort inutile puisqu'il n'est pas là pour l'entendre sangloter, si bien inonder le désert de ses larmes, qu'elle se noie bientôt dans un océan.

Quand elle se réveille, elle est miraculeusement seule. Il est presque quatre heures du matin et elle récupère sans attendre son téléphone sous son oreiller trouvant d'autres appels manqués de Sami. Elle le rappelle avant d'avoir pu y réfléchir, elle ne sait pas combien de temps elle a avant qu'on revienne occuper sa chambre et elle a besoin de lui parler, d'implorer son pardon. “ Sami! ” sanglote-t-elle presque, infiniment soulagée quand il décroche, oubliant de noter que c'est la première fois qu'ils s'appellent. Elle en a même oublié de désactiver la vidéo sur l'appel arrangeant vite la caméra de son téléphone pour ne pas qu'il puisse voir ni la couverture, ni le logo de l'hôpital sur sa robe. Elle a les joues sèches, pour l'instant, mais un coup d'œil au petit rectangle qui lui montre sa tête à elle, suffit à la dégoûter ; elle a l'air malade. Elle est si laide. “ Oh Sami I'm so sorry!! I'm so so so sorry, I'm unforgivable, ” elle est tellement stupide d'avoir fini à l'hôpital, tellement nulle, comment peut-il l'aimer ?  “ I'm so sorry I- ” Les mots restent bloqués dans sa gorge, elle voulait le voir ça ne fait aucun doute, elle pourrait lui expliquer où elle se trouve et pourquoi elle n'est pas venue, il mériterait de savoir, au moins comprendrait-il peut-être qu'elle ne l'a pas fait exprès, mais c'est peut-être justement la seule chose qu'il comprendrait.  “ I wanted to come so badly but I-I just couldn't… ” Un nouveau mensonge menace de dépasser ses lèvres : it's because of my mom, mais alors même que c'en serait presque vrai indirectement, elle le retient et pince plutôt des lèvres pour empêcher sa mâchoire de trembler, ses larmes de couler. Elle ne peut pas lui dire. Il la mépriserait trop. “ I'm so sorry! ”

Sami attend.

Il attend sans s’ennuyer d’abord. Il ne fait rien, il attend juste, ses jambes se balancent un peu alors qu’il grignote son sandwich sans faim, un oeil rivé sur le téléphone toujours en équilibre sur sa cuisse, l’autre explorant la plage étrangement déserte, sans doute qu’il est le seul idiot à se les geler, ce ne serait pas si surprenant. Il a très froid, sa veste en cuir n’est pas assez, mais il n’abandonne pas encore: quand Jas arrivera, ils pourront s’allonger dans le coffre de la voiture qui n’a que deux sièges, et profiter du chauffage du moteur, ils n’auront pas froid. Il faut juste qu’elle arrive et elle ne tardera pas, ils se sont donnés rendez-vous vers minuit, Sami trouve que la symbolique est jolie, commencer cette nouvelle année et cette nouvelle vie avec elle. Il ne s’inquiète pas et attend sans impatience, content d’être là et d’enfin pouvoir rencontrer la femme dans ses rêves, la femme de ses rêves. Il ne s’inquiète pas du tout et puis minuit sonne; au loin, il entend du bruit et il sort du coffre de la voiture pour se dégourdir les jambes, voit qu’au loin, il y a une traînée bleue et rouge dans le ciel, il se demande si la ville la plus proche est si près que ça ou si c’est le reflet d’un autre monde, comme sa rencontre avec Jas. Il est tenté de s’approcher mais il n’en fait rien, retourner s’asseoir après avoir fait le tour de la voiture, s’allume une cigarette et attend.

Au bout de cinq minutes, il appelle Jas mais elle ne répond pas, peut-être qu’elle est un peu en retard. Mais alors même qu’il formule cette pensée dans sa tête, il pense en même temps: et si? Et si elle ne voulait pas venir? Et si elle s’était jouée de lui? Et si elle ne l’aimait pas? Et si elle n’était pas réelle? Et si elle n’était pas réelle? Cette pensée l’obsède et il l’appelle de nouveau, en vain, elle ne répond pas et ça sonne dans le vide. Pour se rassurer, il demande à son téléphone de relire les messages qu’ils se sont envoyés cette dernière semaine, il regarde aussi les photos qu’il a sauvegardées des snaps qu’elle lui a envoyé. Il était tellement content de recevoir ses selfies, elle est si belle Jas. Il l’appelle une troisième fois et après ça il cesse de compter, parce qu’il ne peut pas s’en empêcher, il se trouve pathétique surtout qu’il ne laisse jamais de messages, il aurait trop peur que sa voix tremble.

Il devrait partir, elle ne veut pas le voir. Mais il attend, qu’elle réponde au moins, qu’il comprenne. Il attend, même si il a le coeur coincé dans la gorge et les yeux un peu brûlants, les paupières douloureuses. Il attend et il regarde le sable, il a faim et il a froid mais il ne bouge pas d’un pouce, son téléphone toujours sur le genou en attendant qu’elle l’appelle mais elle ne le fait pas; sans s’en rendre compte, il s’endort, la tempe appuyée sur l’encadrement de la porte du coffre, mais c’est trop superficiel pour qu’il se mette à rêver. Une seconde a passé quand il est tiré de son semi-sommeil par la sonnerie stridente de son smartphone. Il se sent un peu fiévreux, il a attrapé froid sans doute, et sa gorge lui fait mal; il est encore tôt, même si il sent déjà les premières couleurs du soleil se profiler à l’horizon, et il pense que c’est Scar qui l’appelle pour lui souhaiter la joyeuse année. Il était si heureux, Sami, ces derniers jours; maintenant il va être triste comme les pierres, porter avec lui cette honte pendant de longues semaines. Honte d’être là, de s’être fait avoir

Mais ce n’est pas Scar, c’est le smiley qu’il a mis à côté du prénom de Jas qui s’affiche à l’écran alors il décroche sans hésiter, remarquant avec un froncement de sourcils que son visage s’affiche avant de lui montrer celui de Jas. La connexion est mauvaise, il y a de gros carrés pixellisés sur l’écran comme il en a rarement vu, et au début il a du mal à comprendre ce qu’elle dit. “ Oh Sami I'm so sorry!! I'm so so so sorry, I'm unforgivable. ” Sami est tellement triste qu’il ne dit rien. Il ne parle pas souvent, Sami, mais c’est un différent genre de silence, plus pincé, plus buté aussi, soudainement. “ I'm so sorry I- ” Il ne comprend pas, il veut savoir, il veut comprendre, pourquoi il est seul, parce qu’elle n’est pas venue, elle est désolée mais elle n’est pas venue. Peut-être qu’elle ne l’aime pas autant que lui, pense-t-il avec amertume, peut-être qu’il lui a fait peur, peut-être qu’elle aime bien sa vie en fait et ne veut rien à voir avec lui. Il a tout gâché. “ I wanted to come so badly but I-I just couldn't… ” Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas s’amener à le faire, pas pour lui, ni personne. Sami est si triste, son visage est fermé, son regard esquive celui de Jas sur l’écran. Ce dernier la déforme, elle a l’air plus pâle, fatiguée et mince que d’habitude. “ I'm so sorry! — It’s okay, ” dit-il, sauf que ça ne l’est pas vraiment et ça s’entend à sa voix, un peu écorchée et éraillée. Il est blessé et triste et il ne sait pas quoi dire alors il ne peut pas la regarder, de peur qu’elle voit la déception et la douleur dans ses yeux. “ I understand. ” Sauf que non, il ne comprend pas, elle avait l’air de l’attendre autant que lui, cette soirée.

Il se sent bête, Sami, et Jas ne l’a jamais fait se sentir comme ça avant. “ I should probably go home anyway, I’m getting cold, ” marmonne-t-il, il n’a jamais été très loquace en appels de toutes façons. Ou en messages, pour des raisons évidentes; avec Jas, il n’avait même pas besoin de se forcer ceci dit, ça lui venait naturellement, il avait envie de lui parler… et de la voir. Mais pas elle apparement. Il tremble un peu, mais c’est à cause du froid, et il les membres gourds, mais c’est à cause du froid, et ce n’est pas très grave, ils ont leurs téléphones et les rêves pour se voir, il est vraiment trop stupide et égoïste, il comprend qu’elle ne puisse pas tout lâcher pour lui comme il le ferait pour elle, elle a une véritable vie et une famille qui l’aime à sa façon, et des fans, et une vraie carrière. Lui il n’est rien, il n’a rien, il n’a qu’elle, et c’est pathétique, elle doit penser exactement cela en cet instant précis. “ I have to drive home, do you want to dream later? ” propose-t-il simplement, sa voix égale mais tendue, ses yeux esquivant toujours la surface du téléphone où s’affiche le visage de Jas.

Le secret de Jaz l'étouffe, lui donne envie de hurler, de s'arracher la peau (et le gras avec). Ce n'est un secret pour presque personne dans son monde malgré les efforts de Darya, les fans savent ou beaucoup d'entre eux en tous cas, suffisamment pour que Jaz craigne à chaque fois les commentaires de ses posts instagram. Mais personne ne comprend jamais. Personne personne personne. Surtout pas le professionnel à qui elle veut qu'on parle, ou la charmante infirmière qui tant bien que mal essaye de l'accompagner à ses rendez-vous, ou sa meilleure amie qui la regarde avec un air inquiet, ou sa mère qui enrage, ou John qui veut la faire manger, petit morceau par petit morceau, ou son équipe qui détourne le regard. On s'acharne à appeler ça une maladie ou à dire que c'est un caprice, un jeu, une façon d'attirer l'attention. Personne ne comprend et elle ne sait pas ce qui est le pire de ceux qui s'énervent ou de ceux qui s'en foutent. Elle n'a pas envie de découvrir où Sami sera rangé. Elle n'a pas envie qu'il comprenne déjà qu'elle est tordue et pourrie et qu'elle n'est pas belle contrairement à ce qu'il a pu lui dire. Pas naturellement en tous cas. “ It’s okay, ” Sami lui en veut. Jaz a déjà dit suffisamment de it's okay insincères dans sa vie pour le comprendre. Il lui en veut et c'est bien normal, que valent ses excuses sans explication ? S'il est arrivé à l'heure, ça fait bientôt quatre heures qu'il l'attend enfin non, il doit être reparti, elle se déteste tellement tellement quand même. Elle lui a posé un lapin, voilà ce qu'il pense et bien sûr qu'il lui veut et ne le lui pardonnera pas. “ I understand. ” Bien sûr que non il ne comprend pas et s'il comprend quelque chose ça peut pas être la vérité, il doit se dire qu'elle ne voulait pas vraiment venir, qu'elle a regretté leur rendez-vous fait autre chose, oublié. C'est impossible de croire ça quand elle était si ostensiblement impatiente, mais elle sait qu'elle aurait pensé la même chose si la situation était inversée. Elle s'étrangle sur son propre souffle n'arrive pas à parler pour se défendre. “ I should probably go home anyway, I’m getting cold, ” Il est encore là, donc. Il l'a attendu si longtemps. Elle, nulle et stupide et inutile et décevante. Il l'a attendu elle, dont la main qui tient le téléphone tremble un peu malgré les efforts pour se stabiliser, elle sent les larmes monter monter, menacer de déborder, les retient encore comme elle peut. Elle n'arrive pas à croire qu'elle ait réussi à gâcher la seule chose vraiment bien et à elle dans sa vie. Sami ne voudra plus jamais la voir, elle s'en doute. “ I have to drive home, do you want to dream later? ” Ou alors juste en rêve. C'est déjà ça, Jaz sait bien. C'est déjà beaucoup, c'est plus que ce qu'elle a jamais eu avant Sami. Mais sa voix tendue lui fait penser que même ça il ne le veut pas vraiment. Il a enfin du se rendre compte qu'elle ne méritait pas son amour, même pas un tout petit peu.

“ Y-yes b-but-- ” Les larmes se mettent soudain à couler totalement irrépressibles et qu'elle ne peut pas effacer de peur qu'il voit la pince à son doigt. “ Sami p-please you h-have t-to under-stand- ” il ne doit rien du tout, elle est impardonnable et elle ne le sait que trop bien, se mord les lèvres ravale ses sanglots, hoquète honteusement, “ I wouldn't- you must know please you must know I would never do this to you on purpose. I-I wanted to see you, I've thought about it all day, all week, I was looking forward to it I-I had everything ready my outfit laid out on my bed… I was s-smiling all day I was s-so excited I would have given anything to come to you and I'd give anything to just- ” Elle lance un regard désespéré à la poche à sa droite, heureusement pas dans le champ de la caméra, qui la nourrit contre son gré par le biais d'une petit aiguille dans son avant bras. Elle donnerait tout pour l'arracher se mettre debout et courir jusqu'à Juno Beach, payer un jet privé s'il le faut, le rejoindre le prendre dans ses bras, tomber à genou devant lui pour le supplier de lui pardonner. Elle donnerait tout pour ne pas être faible et pour le mériter. Elle se hait tellement. “ I beg of you, Sami, if you must believe one thing and one thing only about me it's that I would never never do that to you and that with all my heart I wanted to come tonight. ” Elle manque de faire tomber le téléphone sur le lit tant elle tremble, essuie sa joue sur sa robe d'hôpital pour ne pas avoir à lui montrer, sa main, son bras, sa faiblesse. Sa voix aussi tremble et est gonflée de sanglots. Comment peut-il croire quoi que ce soit de ce qu'elle raconte maintenant qu'elle l'a trahi ? Comment pourrait-il jamais lui faire confiance ? “ You must be mad and you must hate me so much and you'd be r-right. I'm so sorry Sami you- I love you I really do and there's no place I would rather be right now than Juno Beach it's just- ” Elle pourrait lui dire qu'elle s'est évanouie. Qu'elle est à l'hôpital, il pourrait comprendre ça. Elle lui cacherait les raisons, la maigreur, les problèmes dans sa tête, les rendez-vous sautés avec le psy, la crainte terrible de la balance et du miroir, le fait que tout est de sa faute, toujours. “ I-- — What are you doing? You should be sleeping Miss Vane turn that phone off now! You need to rest the doctor-- ” Jaz n'a pas le temps de lui dire de se taire, sent le peu de couleur qu'elle a encore sur le visage la quitter, elle lance un regard paniqué à l'écran “ I'm sorry I love you ” murmure-t-elle rapidement en l'éteignant avant que l'infirmière n'achève de l'incriminer (à ses yeux du moins) et lui arrache l'appareil des mains. C'est presque un combat pour l'empêcher de le lui confisquer, il finit éteint dans le tiroir de la commode qu'elle éloigne un peu du lit avant de ressortir sur un dernier sermon. Jaz manque de tomber du lit en se tortillant pour le récupérer sans sortir des draps la rallumant en se rongeant les ongles et rappelant aussitôt Sami, les yeux toujours remplis de larmes. L'anxiété se transformant en panique quand il ne décroche pas tout de suite.

Sami ne se souvient pas de quand il a été aussi triste et désespéré pour la dernière fois. C'est les mauvais jours, ça, et ça ne lui arrive pas souvent. Il a tellement honte, aussi, et ce n'est pas une émotion à laquelle il est habitué, plus maintenant. Il ne pensait surtout pas ressentir ça devant Jas, avec qui il a toujours été amusant et amusé, charmant et charmé, parfois bavard mais jamais sur des choses importantes. Il aime tellement Jas et ça fait mal, de se rendre compte qu'on ne peut jamais tout à fait être aimé comme on aime. Ce n'est pas agréable, Sami comprend mieux les gens qui associent l'amour à une blessure ouverte. Avec Jas c'était des feux d'artifices et des histoires parfaites et des statues de fontaine qui jouent; maintenant, Sami se sent juste vide, comme si on avait retiré tout ce qui faisait de lui un homme, et qu'on avait juste laissé l'enveloppe de son corps derrière. “ Y-yes b-but-- ” Mais il l'aime, réalise-t-il difficilement, malgré ça, malgré cette déception dure et amère qui le frappe dans l'estomac comme un coup de poing depuis qu'il a compris qu'elle n'allait pas venir. Il l'aime malgré tout et l'entendre buter sur ses mots, sa voix lourde de quelque chose qu'il ne peut pas voir derrière les pixels mais qu'il peut deviner, ça lui briser le coeur et il tourne presqu'aussitôt les yeux vers elle en approchant l'écran de son visage pour mieux la voir et comprendre, ses sourcils froncés sur son front parlant de sa soudaine inquiétude.

“ Sami p-please you h-have t-to under-stand- ” Sauf qu'il ne comprend pas justement, vraiment pas, et il ne peut que la regarder chercher ses mots sans comprendre, hésitant et inquiet et déchiré tout en même temps. “ I wouldn't- you must know please you must know I would never do this to you on purpose. I-I wanted to see you, I've thought about it all day, all week, I was looking forward to it I-I had everything ready my outfit laid out on my bed… I was s-smiling all day I was s-so excited I would have given anything to come to you and I'd give anything to just- ” Lui aussi... il était si impatient aujourd'hui, surtout qu'il dealait les cartes à la Maison et qu'il ne pouvait pas partir jusqu'à sa relève, qu'il a attendu au supplice jusqu'à la dernière minute. Lui aussi... il a mis une veste en cuir qu'il a acheté cette semaine (avec culpabilité, pour compenser, il a sauté tous les déjeuners du reste de la semaine, la faim synonyme d'économies pour lui), elle est toute propre et elle sent encore beaucoup le cuir, et il a même mis un t-shirt blanc immaculé qu'il aime bien et qu'il a repassé exprès, même si il s'est froissé pendant son attente. Il ne comprend pas pourquoi elle n'est pas venue pendant un instant de plus avant de comprendre qu'elle ne pouvait, littéralement pas. “ I beg of you, Sami, if you must believe one thing and one thing only about me it's that I would never never do that to you and that with all my heart I wanted to come tonight. ” Mais elle ne lui dit pas pourquoi et il ne comprend pas Sami, il a besoin qu'elle lui dise, qu'elle lui explique, qu'elle lui monte, et il y a un défilé d'émotions rapides sur son visage qui s'ouvre et se ferme et se fronce tout en même temps pour montrer: inquiétude et frustration et incompréhension et doute, un océan de doute dans ses yeux noirs.

Il ne comprend pas mais il n'a pas besoin de comprendre pour s'inquiéter, se poser des questions, se faire des scénarios. Est-ce que sa tyran de mère a appris son existence, veut les empêcher de se rencontrer? Ça ne l'étonnerait pas du tout de sa part. Mais pourquoi ne le lui dit-elle pas? “ You must be mad and you must hate me so much and you'd be r-right. I'm so sorry Sami you- I love you I really do and there's no place I would rather be right now than Juno Beach it's just- ” Il secoue la tête, se met à parler avant qu'elle ait fini: “ I don't hate you, I-- — I-- — What are you doing? You should be sleeping Miss Vane turn that phone off now! You need to rest the doctor-- ” Sami a du mal à suivre, la voix est lointaine, mais il comprend le message en l'essence, son visage passe de l'inquiétude au choc le plus total alors que Jas se met à s'agiter et couvre le reste de la phrase de la malvenue de sa voix: “ I'm sorry I love you ” avant d'abruptement couper la communication.

Il l'aime aussi et elle l'aime et Sami ne comprend pas pourquoi c'est si compliqué. Il essaie de la rappeler mais ça ne fonctionne pas — elle a raccroché, se souvient-il avec amertume, sans rien expliquer — et il est sur le point de réessayer quand son téléphone s'éteint, il n'a plus de batterie. La panique est instantanée, il n'y a pas de port pour charger quoique ce soit, pas dans cette maudite voiture, alors Sami a vite fait de lancer son téléphone sur le siège avant, de sortir du coffre et de le fermer derrière lui avant de presque courir sur le siège conducteur pour reprendre la route, rentrer chez lui à Neodam, charger son téléphone et rappeler Jas. Sur la route de la Backcountry, alors que Neodam est encore un peu loin, il essaie de rallumer son téléphone et y parvient; il bascule sur le menu, a le temps de trouver le profil de Jas avant que celle-ci l'appelle, comble de l'improbabilité... siphonnant les derniers pourcentages, Sami a à peine le temps de s'en rendre compte que le téléphone s'éteint de nouveau, la ligne mourant en même temps que son téléphone, elle doit penser qu'il vient de l'éteindre en voyant qu'elle l'appelait. Il accélère d'autant plus pour rejoindre la ville, son coeur battant à tout rompre dans sa poitrine, ses poings blancs autour du volant. Il a un sac d'affaires dans le coffre et il va tellement vite qu'il l'entend valdinguer partout et il a honte, tellement honte d'avoir pu penser que cette soirée finirait autrement.

Il a roulé trop vite et il est trop vite chez lui, il a grillé plein de feux mais il n'y a personne dans les rues à cette heure-là, c'est le moment entre les fins de soirée et les débuts de matinée, moments de rien que Sami apprécie normalement, mais pas ce soir, la nuit lui colle à la peau et l'angoisse et fait couler une sueur glaciale le long de sa colonne. Quand il retrouve la quiétude de son appartement, si froid et si petit et si solitaire, Sami n'a pas dormi depuis des lustres et il a tellement faim sauf qu'il a peur de dépenser de l'argent, il regrette sa veste en cuir qui a coûté trop cher pour rien, tout son corps crie au supplice quand il tombe au sol près de la prise et branche son téléphone. Une minute presque d'attente; et puis l'écran s'allume, Sami n'attend pas qu'il se réveille pour chercher Jas dans ses contacts et l'appeler. Mais elle ne répond pas. Pas du tout, et cette fois, il laisse la sonnerie aller jusqu'au bout, soupirant en laissant son crâne retomber contre le mur derrière lui, rassemblant ses pensées en se demandant ce qu'il va dire. “ Hi, Jas, it's me, I mean, it's Sami, I... I'm so sorry Jas... So sorry. ” Parce qu'il n'a rien d'autre à dire, il est désolé de ne pas être là pour elle, de l'avoir abandonnée comme il avait promis de ne pas le faire, il est désolé aussi d'avoir attend pour rien, désolé pour la veste en cuir, désolé d'avoir faim et froid et d'être seul et désespéré et de la vouloir, la vouloir tellement qu'il l'a rendue réelle, qu'il a pensé qu'elle le voulait tout autant, il est tellement désolé et il ne sait pas quoi dire d'autre. Il pince des lèvres, retient des larmes qui ne coulent plus depuis presque dix ans maintenant. “ My phone died... I hope you're okay, are you okay? Please call me back or send me a text or something... I can't sleep, I want to dream but I can't sleep, I'm so worried. I waited for you, ” sa voix est un peu accusatrice, il se mord la langue, “ but it's okay, it's okay ghalbami, just tell me that you're alright, I love you, Jas, just call me back, I'm so sorry, it's okay, we can wait if you want to, if you need to, just take care but tell me... tell me that we're still... ” C'est stupide. Bien entendu qu'ils sont encore soulmates. Mais ça semble impossible en cet instant précis. “ Call me back, I'm sorry, I love you, ” résume-t-il, avant de couper la communication, laissant le téléphone retomber entre ses jambes, et d'attendre.

Encore.

Ça sonne et Jaz retient un peu son souffle et puis ça s'arrête brusquement en plein milieu de la sonnerie et l'appelle échoue, ça s'arrête comme si…comme si Sami avait raccroché. Les larmes de Jaz redoublent ses sanglots la secouent plus violemment alors qu'elle mord le de sa main pour s'empêcher de faire trop de bruit et alerter de nouveau l'infirmière. Sami ne veut plus lui parler. Il la déteste — il lui a dit que non, l'a même interrompue pour lui dire ça, mais ça, cette tonalité qui disparaît soudain, ça prouve le contraire. Peut-être qu'il n'a pas entendu l'infirmière et s'est lassé du manque d'explication et des excuses sincères — il doit l'avoir vu dans ses larmes, au moins —  mais creuses en l'absence de raisons. Peut-être qu'il a entendu, et qu'il s'en fout, ou l'accuse d'avoir fait exprès, ou considère qu'elle lui a menti en ne lui disant pas qu'elle était malade ou… Jaz ne sait pas, elle pleure toutes les possibilités, accorde consciencieusement un torrent de larmes à chaque scénario, recroquevillée sur elle-même dans son lit d'hôpital sans oser rappeler puisqu'elle sait désormais qu'il ne veut pas lui parler. Il ne veut pas lui parler, c'est évident mais ça lui fait tellement mal, tellement tellement mal et l'envie d'arracher sa perfusion est soudain motivée par une raison différente, plus sombre et malsaine. Elle est malade malade malade. Elle le sait sans se l'avouer. Même à son rêve à qui elle racontait tout elle n'a jamais dit ça, ce déni-là, le plus extrême, la suivant même jusque dans leur monde à eux deux. Il ne veut plus lui parler, ça la brise en mille morceaux, mais elle ne devrait pas être surprise. C'est presque logique en un sens, elle a eu trop de chance jusque-là. Sami la rendait trop heureuse, bien plus qu'elle ne l'a jamais mérité, ce n'était pas possible qu'elle, trouve son âme-sœur et plus encore qu'ils puissent être heureux ensemble. Le Destin n'est pas fou de faire tant de cadeaux à une fille comme elle, il fallait s'y attendre. Jaz n'arrive pas à croire qu'elle a pu finir par y croire à son bonheur, à leur futur et qu'elle n'allait pas tout gâcher comme elle le fait toujours. Ça devait arriver un jour ou l'autre, Sami aurait fini par être déçu d'elle, il l'idéalisait — il faut bien la croire mille fois meilleure qu'elle ne l'est pour être content de l'avoir comme âme sœur. C'était couru d'avance. Peut-être qu'elle a juste pensé que la mascarade durerait plus longtemps. Peut-être qu'elle est tellement naïve qu'elle a fini par se laisser persuader par ses caresses et oublier son inutilité et son insuffisance congénitale. Elle a déçu dès sa naissance, elle décevra toujours. Elle finit par s'endormir avec des sillons salés sur les joues, ce qui n'est pas rare en soi ; la douleur qui lui torpille le cœur quand elle arrive dans le monde des rêves, elle, est plus neuve.

Elle tombe pendant un moment, s'écrase dans un nid de cactus, qui prend feu avant qu'elle ne finisse dans le même océan que dans son dernier cauchemar. Elle a envie de se réveiller, mais ça ne vient jamais comme elle le veut, elle se laisse se noyer, accueille l'eau dans ses poumons presque avec joie parce qu'elle sait que c'est faux — malgré le fait que ce soit faux. Elle se noie et il y a des vagues et du sel dans sa bouche (ses larmes) mais pas de bouée, pas de rive, pas de bateau, rien pour la sauver…jusqu'à Sami. Sami est là brusquement. Son cœur s'emballe avant qu'elle ne se rappelle que ça ne veut rien dire, il ne le fait pas exprès, il a juste dû s'endormir malgré lui. Peut-être qu'il n'avait pas d'opium sous la main pour bloquer ses rêves. Il a passé la nuit réveillé à l'attendre après tout, c'est normal qu'il finisse par sombrer, peut-être qu'elle devrait partir et lui laisser le monde des rêves, fuir à l'autre bout de leur royaume ou se forcer à se réveiller même si elle ne sait pas comment faire. Elle n'a pas cette force là toutefois : “ Sami, I'm sorry ” l'eau s'infiltre dans sa gorge, mais elle peut parler quand même, c'est la magie des rêves, il faut croire. Et puis, l'eau se résorbe, disparaît très vite dans un tourbillon qui l'effleure, mais ne l'aspire pas alors qu'elle nage puis court vers lui, tombant finalement à genoux en pleurant toujours. Elle a sa robe d'hôpital sur les épaules a oublié de se changer dans son rêve, d'invoquer les vêtements choisis pour lui, elle ne s'en rend même pas compte. “ Sami, please yell at me do whatever you'd like but don't ignore me I can't- ” Elle s'étrangle, pleure tellement qu'elle pense que ça doit se ressentir dans la réalité aussi, dans sa chambre où peut-être que sa mère est revenue, si ça se trouve ça aussi ça va la réveiller : pas de raison que ça soit réservé aux seuls plaisirs. Pas d'autre raison que sa torture personnelle. “ I can't live without you. ” C'était déjà vrai quand il n'était qu'un songe, elle ne se voyait plus survivre la journée sans ses rêves avec lui, elle avait besoin de ça, elle vivait pour ça. C'est pire désormais qu'il est vrai, qu'ils sont soulmates — le sont-ils encore ? Bien sûr, un soulmate c'est pour la vie, mais peut-être, peut-être que Sami regrette de lui avoir dit qu'elle était la sienne, peut-être qu'il a parlé trop vite, ne pense plus que c'est le cas, peut-être qu'il ne veut plus la regarder en face, peut-être qu'ils sont soulmates mais que Sami déteste ça maintenant qu'il la connaît mieux qu'il la voit telle qu'elle est vraiment. Malade.  “ I love you…I love you so much, I'm sorry you waited I'm sorry I didn't come I hate myself so much for this I'll never forgive myself so why would you but-- ” Voilà pourquoi les cactus pourquoi la noyade sans fin, pour se punir. Rejeter son soulmate, ça semblait un concept impossible à Jaz, mais ça ne l'étonnerait pas quand c'est elle qu'il s'agit de mettre de côté, d'ignorer. Il aurait raison de se débarrasser d'elle Sami, elle n'est qu'un poids mort. Le reste finit en charabia incompréhensible de sanglots et de hoquets douloureux.

Il y a de l'eau partout dans le monde des rêves; Sami comprend seulement qu'il dort quand il se fait  la réflexion qu'il n'a jamais vu une eau aussi bleue, aussi peu polluée en apparence. Il n'a jamais appris à nager mais il n'a pas peur, il ne fait que couler, il respire et sa bouche se remplit d'eau mais pas ses poumons, un cauchemar, celui de Jas comprend-t-il quand il voit une silhouette floue au loin. Un instant plus tard, l'eau s'est séparée pour le laisser marcher et reprend ses droits sur son corps; si Sami ressent de l'angoisse, il n'en monter rien et s'approche de Jas, le coeur brisé dans la poitrine, se demandant pourquoi elle n'a pas répondu à son message si elle l'a écouté. “ Sami, I'm sorry. ” Il y a de l'eau et pourtant il l'entend parfaitement bien, même si une part de l'esprit de Sami sait que c'est impossible. Rien ne l'est dans le monde des rêves, ceci dit. Il secoue la tête sans comprendre pourquoi elle s'excuse, se demande si ça veut dire qu'elle regrette, ne veut plus de ça, de lui, d'eux. C'est stupide, tous ces doutes alors qu'il se félicitait de n'en ressentir aucun quand c'était juste eux deux sur l'herbe violette de leurs rêves; c'est stupide et il s'en rend compte. Mais c'est plus fort que lui, soudainement, peut-être que c'était une phase, une envie éphémère pour Jas alors que pour lui... c'est véritablement pathétique.

L'eau se résorbe dans un siphon qui les laisse indemne, ils sont de retour sur terre ou à l'envers, il n'y a pas de gravité ou de sens à leur monde. Sami aime bien mais cette fois ça l'agace, ça l'énerve, il aimerait qu'ils se voient dans un monde vrai avec sa physique et ses règles et sa logique. Il aurait aimé qu'ils se voient de nouveau à Juno Beach mais Jas... Elle est malade, il imagine, ou blessée. Elle porte une robe d'hôpital, semble-t-il à Sami qui pourtant n'y a jamais mis les pieds, il en a juste vu à la télé. S'est-elle détruite dans l'espoir de ne pas le voir? Ou est-ce un mensonge pour s'excuser? Non. Jas court vers lui — elle est si loin, se rend-t-il compte — et Sami ne bouge pas, l'observe s'approcher et se met seulement en marche quand elle s'effondre à genoux sur le sable sur lequel ils se tienne. “ Sami, please yell at me do whatever you'd like but don't ignore me I can't- ” Il continue de s'approcher, il se sent complètement détaché, épuisé, ça s'accroche à lui dans le monde des rêves comme dans celui éveillé. Elle pleure. Elle pleure tellement et partout où ses larmes touchent le sol, remarque-t-il en s'approchant, des petites tâches sombres teintent le sol et y restent, pas du tout absorbées par le sable. Étrange. “ I can't live without you. ”

Sami pose un genou en face d'elle, puis un deuxième. Il veut la toucher, lui dire de le regarder, mais il n'ose pas; elle pleure, elle pleure tellement, elle ne doit rien voir à travers ses cils lourds de larmes. “ I love you…I love you so much, I'm sorry you waited I'm sorry I didn't come I hate myself so much for this I'll never forgive myself so why would you but-- ” Elle continue de parler mais elle n'articule pas et sa voix est pleine de larmes alors Sami n'essaie pas d'écouter; quand il se penche, c'est pas pour mieux entendre mais pour passer un bras autour de sa nuque et l'attirer à lui. Elle semble surpris au début, résisterait presque; mais il insiste et il finit par la prendre sur ses genoux, enfouir son nez dans ses cheveux alors qu'elle niche le sien contre son torse. Sami ne sait pas gérer les gens qui pleurent, Sami ne sait pas gérer les femmes désespérées et ça se sent, il est maladroit, tapote son épaule, souffle des “ shhh, shhhhhh, ” dans ses cheveux bruns sans faire grand sens; pourtant, ses bras sont forts et crispés autour d'elle, la serrent avec force. Ils sont soulmates, rien n'y changera jamais. Ça devrait lui faire peur mais ce n'est pas le cas. Il aime bien ça, réalise-t-il. C'est stupide de penser ainsi mais Jas sera toujours dans son équipe et de son côté et il pense savoir que d'une manière ou d'une autre, elle l'aimera toujours. Il espère en tout cas, parce que c'est ce qu'il ressent.

Quand elle se calme un peu, il lui embrasse la tempe, le front, le nez, la pommette, la joue, jusqu'à ce qu'elle le regarde. Il s'est mis à pleuvoir, réalise-t-il, il ne sait pas si c'est à cause des larmes de Jas ou de son humeur maussade à lui. Mais la pluie ne lui fait rien, elle est même chaude — et non gelée, ou brûlante, comme à Neodam —, presqu'agréable même si ses vêtements lui collent à la peau. “ You didn't get my message, ” murmure-t-il contre la peau de sa tempe, au bout d'un moment, quand elle ne tressaute plus de ses sanglots entre ses bras. “ I ran out of battery on my phone. I wasn't ignoring you, I'm sorry... ” Il ne peut cacher qu'il est déçu, frustré, blessé qu'elle ne soit pas venue, ceci dit. “ This is out of your hands, Jas, you were in the hospital were you not? Don't blame yourself. ” Il frotte doucement son nez contre sa joue, essaye de lui arracher un sourire, ça marche généralement. “ We'll meet another day. I love you too. I love you so much, I'm so sorry I was angry, I just... ” Lui non plus ne veut pas vivre sans elle. “ I can't picture my life without you and I thought we'd be... together at last. But it's okay. ” Il retourne embrasser son visage avec douceur et application, pressant ses lèvres aux endroits qui la font rougir de plaisir ou sourire habituellement. “ Are you okay? What happened? ” demande-t-il dans un petit souffle tremblant, véritablement inquiet de son état.

Jaz ne se rend compte que Sami est arrivé à son niveau et s’est agenouillé devant elle que quand il passe un bras autour de sa nuque pour l’amener à lui et ça la surprend tellement qu’elle résiste un peu ; elle ne mérite pas ça aussi, une offre de réconfort de sa part alors que tout est de sa faute et qu’elle l’a trahi, c’est ça qu’il a dû penser en ne la trouvant pas sur la plage, en l’attendant pour rien. Ça lui fait mal de pleurer, mal aux yeux et à la gorge et à la poitrine secoue de sanglots et elle a le nez qui coule avec et elle a honte, tellement honte que ses joues pâles en reprendraient presque quelques couleurs. Il insiste et l’attire à lui et elle se laisse faire, enfouit son nez dans son torse parce que même si elle ne mérite pas ça, elle le veut et l’aime tellement. Et elle en a besoin. Elle a besoin de ces bras qui se resserrent si fort autour d’elle, ça pourrait presque lui faire mal mais ça la rassure un peu, ça lui plaît, c’est exactement ce qu’il lui faut même si ça accroit sa culpabilité et ses larmes au début. Sami est tellement parfait et elle, à côté, elle est tellement nulle, si nulle. Il mériterait une âme-sœur qui soit toujours là pour lui, qui n’est pas faible et cassée comme elle. Il mériterait une fille vraiment belle, pas juste maquillée, il mériterait quelqu’un d’intelligent et de courageux et d’intéressant. Il mérite mieux mais c’est elle qu’il tient dans ses bas jusqu’à étouffer ses sanglots et lui embrasser le visage avec une douceur qui lui tord un peu plus le cœur. Elle sent des gouttes dans ses cheveux, une pluie invoquée par ses larmes certainement, pas pour les remplacer ceci dit vu comme elles sont encore nombreuses à rouler sur ses joues, ses tremblements s’estompent un peu toutefois comme si elle était vidée de toute énergie, ce qui est le cas, elle est tellement fatiguée, drainée. C’est normal, elle l’est toujours quand elle finit à l’hôpital. Elle dort si longtemps, mais ce n’est jamais un vrai sommeil, un sommeil où elle rêve. Elle est encore plus fatiguée cette fois-ci, émotionnellement surtout, mais elle n’échangerait ce sommeil-là, avec Sami, pour rien au monde. “ You didn't get my message, ” Elle se crispe un peu dans ses bras, il lui a envoyé un message ? Après avoir raccroché quand elle l’a appelé ? Ou parle-t-il d’un message au sens figuré ? Du fait qu’il n’a pas envie de la voir, qu’il a besoin de temps pour lui pardonner ? “ I ran out of battery on my phone. I wasn't ignoring you, I'm sorry... ” Elle ferme les yeux et ses cils tous mouillés se collent aussitôt les uns aux autres, lourds sur sa pommette. Elle aimerait que Sami dise vrai, elle aimerait tellement que ce soit vrai et qu’il ne l’ait pas ignoré, elle aimerait tellement qu’il lui pardonne aussi même s’il ne devrait pas, même s’il devrait la haïr. 

“ This is out of your hands, Jas, you were in the hospital were you not? Don't blame yourself. ” Il a compris donc. Jaz en tremble de nouveau. Ça la rend si triste qu’il sache même si elle sait que c’est logique qu’il finisse par tout savoir d’elle, même les pires choses, même l’inexplicable que personne ne peut lui pardonner. S’il ne lui en veut pas c’est juste qu’il ne sait pas encore pourquoi elle était à l’hôpital et Sami n’est pas un monstre, au contraire il est adorable et gentil et généreux : évidemment qu’il ne va pas, sur le principe, lui en vouloir d’avoir été emmenée aux urgences. Il frotte doucement son nez contre sa joue près de son nez à elle, là où ça lui a tiré un sourire chaque soir de la semaine passée, mais ça ne marche pas cette fois. Jaz a l’impression qu’elle ne sait même plus comment sourire. “ We'll meet another day. I love you too. I love you so much, I'm so sorry I was angry, I just... ” Elle secoue la tête, elle ne veut pas qu’il s’excuse, il n’a aucune raison de le faire, il n’a rien fait de mal, rien du tout. Il avait toutes les raisons du monde d’être énervé. “ I can't picture my life without you and I thought we'd be... together at last. But it's okay. ” Elle comprend le sentiment, comprend parfaitement et même si c’est logique qu’il ressente la même chose — ils sont soulmates, le seront toujours, bon gré, mal gré — ça lui fait bizarre de l’entendre lui dire ça. Elle a du mal à y croire, sait surtout qu’elle ne peut pas s’y accrocher parce qu’il ne comprend pas, ne sait pas encore ce qu’il s’est vraiment passé, changera sûrement d’avis quand ce sera le cas. Ça la tue d’y penser, de se dire qu’ils ne seront peut-être jamais ensemble, elle se souvient de tout son bonheur à l’idée de le retrouver ce soir, l’opposé exact de ce qu’elle ressent actuellement, même alors qu’il constelle son visage de petits baisers qui lui arracheraient d’ordinaire des sourires contentés. “ Are you okay? What happened? ” Elle ouvre déjà la bouche pour répondre que oui, elle est okay, mensonge tellement ordinaire qu’il en devient un automatisme. Elle n’a jamais su répondre autre chose à cette question, que oui même quand ce n’est pas vrai, même quand ça ne l’est jamais vraiment. Elle la referme vite toutefois, comme incapable de mentir à Sami, ses doigts venant trouver son t-shirt près de son visage et s’y accrocher, sachant d’avance que ce sont les derniers instants près de lui, qu’elle va pouvoir voler. “ I was unconscious. ” avoue-t-elle finalement, elle-même reconnaissant à peine sa voix tellement brisée par les larmes, elle fait de son mieux pour l’empêcher de trembler toutefois, bégayer le moins possible : “ I was at work..I was about to leave work to go get my stuff from home and c-come meet you. I was so excited and then and then everything went black I fainted, w-woke up in the hospital. It was p-past midnight already, I-I c-cried so hard, they wouldn’t leave me alone so I couldn’t call you or t-try to d-dream or- - I wanted to rip off the needles they put in me to come run to see you... they usually don’t let me get out of the hospital until after two days. Maybe it’ll be more this time. ” Parce que c’est déjà la troisième fois. Parce qu’ils en ont marre, parce que son médecin ne lui a pas encore parlé à elle, mais elle sait qu’il pense ça, qu’il est énervé contre elle, ils le sont tous, sa mère comprise. Ce n’est pas gratuit les frais d’hôpital, ça coût du Temps et ça prend du temps de se soigner, ou de faire semblant d’aller mieux, d’avoir des rémissions si courtes qu’elles en deviennent insignifiantes. Parce que sa mère va a surveiller de plus près cette fois, sûrement. “ I’m so sorry Sami it is my fault. I didn’t want to faint of course but I...they say.. they say I’m starved, though I don’t feel like it, not anymore, not most days. ” La faim s’oublie vite quand on a l’habitude. Elle se demande s'il peut voir ça maintenant, à mesure qu'elle parle, s'il va voir les os, comme certains de ses fans, sur les photos les plus récentes qu'elle a posté. “ They say my body is weak. They say I’m sick. ” Elle l’est. Elle l’est, elle le sait, elle l’est et à cause de ça elle a raté Sami. Elle a gâché la meilleure chose dans sa vie.

Elle ne mérite pas ses bras autour d’elle, sa douceur, ses baisers, elle mérite d’être toute seule. Elle l’a toujours été. “ I don’t remember my last real meal and I haven’t eaten anything in four days. Only pills. To stay up and active, pills that give my body what it needs to work… or so I thought. ” Visiblement elle a eu tort. “ I don’t..I need to be pretty for my job, for my mom.” Pour lui, aussi. Elle ne voulait pas qu'il soit déçu d'elle. “ I need to be more beautiful and talented than Noora and Tamina but it’s too late I’ll never..I’ll never be..I never stood a chance ” même bébé, elle était insuffisante, comment peut-elle rêver se rattraper un jour ? Ses doigts sont tout crispés sur le tissu du t-shirt de Sami parce qu’elle sait qu’il va se détacher, la repousser d’un instant à l’autre. Dégoûté sûrement. “ So maybe I can be skinnier and I can..when I’m awake my whole life is the hand of someone else I don’t control anything that matters, anything at all so..so food is food is what I can control, hide, pretend to eat, look at but never touch. ” Lentement, elle lève un doigt tremblant pour pointer sa tempe. “ They say it’s all in here. ” Dans son cerveau, c’est un problème physique, mais qui vient de la tête. Jaz pense — si elle y pensait — que ça vient plutôt du cœur. “ So you see it is my fault. I wanted to be pretty. ”  Elle baisse les yeux, ses cils s’enlacent de nouveau ses bras deviennent tout mous elle rend les armes. “ I ruined us. ” Elle accepte sa culpabilité et sa punition, surtout, même si vivre sans Sami sera parfaitement insupportable pour elle. Pas une vie, tout simplement. Juste un corps qui se traîne. Une vie de marionnette comme c'était le cas avant qu'elle le rencontre.