(#1) madcat + the shadow to my light

Septembre 2017 Nina essaie, mais tout ce qu’elle dit semble à côté de la plaque, tout ce qu’elle dit semble un peu plus énerver Max. Elle sent de nouveau l’atmosphère qui se tend quand elle finit de poser son nouveau lot de questions. Qu’est-ce qu’il attend d’elle, au juste ? Qu’elle ferme sa gueule et n’essaie plus de comprendre ? Dans ce cas, il n’aurait pas dû commencer à lui parler de ses fabuleuses aventures à travers le portail. Il sait très bien à quel point elle est curieuse : si cette caractéristique n’avait pas fait partie d’elle, ils ne seraient probablement pas là où ils en sont aujourd’hui. Si elle n’avait pas été intriguée par ce gamin revêche qu’elle a trouvé un jour au sommet de cet immeuble de Midtown, et si elle n’avait pas été aussi têtue, elle ne serait jamais revenue, et ils ne se seraient jamais habitués l’un à l’autre. Il a commencé à lui parler d’un truc ? Il assume, et il la blâme pas de poser des questions. Voilà ce que elle, en tous cas, elle attend. « Oui, Nina. Oui, y'avait des gens. Autant qu'ici. Oui, y'avait de la végétation. Plus que j'en ai jamais vu. Les beaux quartiers c'était ... j'sais pas, une merde entre la ville et la forêt. Ces gars ont fait un truc, un mélange entre les deux, j'sais pas. » La forêt. C’est presque une notion oubliée, à Néphède. Particulièrement à Néodam. Bon en tous cas, il n’a pas renoncé à répondre à ses questions - quand bien même Nina a l’impression qu’il les trouve débiles. Elle continue de faire la moue, malgré tout. Parce qu’elle est têtue et qu’il l’a bien mérité.
Elle répond rien à ces nouvelles révélations. Y’a des images dans sa petite tête brune, des images jolies mais irréelles, qui tentent du mieux qu’elles peuvent de coller aux descriptions de Max. Ça ressemble à un film, ça ressemble à de l’animation - pas à la réalité. Bien sûr, les vieux préceptes de ses grands-parents et arrière-grands-parents lui traversent l’esprit, comme un peu plus tôt. Les seuls endroits qui ressemblent à ce que son cerveau visualise, c’est la terre - qui a disparu en même temps que Néphède est née - et le fameux paradis dont on lui rabat les oreilles depuis qu’elle est gamine. Ça fait bien longtemps que Nina a abandonné la religion archaïque qu’on a essayé de lui inculquer lors de ses premières années de vie. Mais malgré elle, elle a un moment de doute. Et s’ils avaient dit vrai ? Et si Max avait visité ce fameux endroits dont ils parlent depuis toujours ? Non. Impossible. Tout ça, ça a été monté de toutes pièces pour donner un but aux gens, quelque chose pour avancer. Ce n’est pas réel. Quant à la terre… La seule possibilité pour que Max l’ait vue… C’est qu’il soit remonté dans le temps. Nina refuse de croire en ça tout autant qu’elle refuse de croire en la religion.
Max finit par se rapprocher et même si elle garde son visage boudeur, Nina se laisse embarquer, curieuse de voir s’il va lui donner de nouvelles réponses. Mais non, il l’emmène dans la chambre juste pour récupérer des pulls. Elle est presque déçue. La chambre est d’ailleurs dans un piteux état - va falloir penser à faire du ménage. Elle s'assoit au bord du lit et attrape le pull qu’il lui lance pour l’enfiler par-dessus celui qu’on lui a mis il y a quelques longues minutes. Nina a l’impression que Max va s’arrêter là, mais sa voix finit de nouveau par s’élever, alors qu’il est toujours le nez dans ses vêtements. « Le vieux, Malik » Nina lâche un peu son air boudeur et joue avec le bout des manches, qui dépasse largement ses mains. « J'ai trouvé le chemin dans un truc qui lui appartenait en fouillant dans l'appart » Donc. Il a trouvé un truc dans l’appart. Qui l’a mené au chemin. Vers cet endroit chelou. Y’a un cheminement, mais le
« Tu veux pas dormir ? J'ai pas l'esprit clair, t'as l'air d'une merde. Vaut mieux dormir. Enfin si tu veux rester. Tu fais ce que tu veux, après tout. » « C’est toi qu’a l’air d’une merde. Et tes cheveux sont gras. » dit-elle sans détours, toujours un peu de mauvaise foi.
Elle quitte la chambre et retourne près du canapé, hésitante. Il n’a pas l’esprit clair, c’est vrai. Et à en juger par ce qu’elle voit dans le reflet du petit miroir dans lequel elle croise son reflet - ouais, elle a vraiment l’air d’une merde. Elle espère que les journalistes ne vont pas sortir des articles débiles sur les cernes et l’anxiété lisible sur son visage depuis quelques jours. Y’a de grandes chances qu’ils ne la laissent pas tranquille. « Tss. » Nina n’a aucune envie de croiser ses parents, ses frères et soeurs, le majordome. Elle n’a pas envie de dire bonjour au gars de l’accueil. Elle n’a pas envie de voir son air fatigué une seconde fois, dans l’ascenseur, pour monter jusqu’au dernier étage des Millenium Towers. Elle n’a pas envie non plus de retourner au Rabbit Hole, où William lui demandera probablement pourquoi elle était si peu joignable ces derniers jours - sans compter les remarques de tous les autres sur son visage un peu sombre. Nan, vaut mieux qu’elle reste là. « Je dors là. » annonce-t-elle en revenant vers la chambre. « Mais tu dors avec moi. Pas envie de mourir d’hypothermie ici. » décrète-t-elle. C’est plus un ordre qu’autre chose. « Et on répare le chauffage demain matin. Et j’veux bruncher. » Elle s’assoit sur le lit et finit par s’y étaler, noyée dans les deux pulls qu’elle a sur le dos.
Elle finit par lui donner un petit kick dans les genoux. « Heureusement que t’es rentré, gros nul. » Elle enfonce sa tête dans l’oreille, ne le regarde pas, mais finit par ajouter : « Ça m’arrange, j’aurai finalement pas à aller jusqu’au confins de l’Enfer pour te chercher. » Leurs regards se croisent, et finalement, elle daigne lui offrir un petit sourire. « Ton pull me gratte. » Et c’est reparti.

La tension ne se calme pas. Le cerveau tourne toujours trop rapidement et Max déteste l'idée de rester ici et de dormir alors qu'il y a l'infini à découvrir et qu'il a trouvé une porte pour y goûter, y toucher. Il ignore les possibilités de se brûler les ailes ou les doigts - de toute manière, il en a déjà perdu la moitié - et n'ose pas encore imaginer ce que la chose peut lui offrir. Il n'en a rien à faire, de toute manière. Qu'importe ce que ce mystère lui offre, Max l'accueille, y plonge, ne regarde pas derrière. Ses yeux ont découvert des couleurs qui ne se trouvaient que sur les vêtements et les fleurs, et il n'envisage pas la possibilité de ne plus y toucher, goûter. Alors non ; la tension ne se calme pas. Qu'importe qu'il ait dit à Nina qu'il voudrait mieux dormir pour ce soir, Max reste à vif, prêt pour le prochain mouvement, peu importe lequel. Mais le confort du pull qu'il a enfilé le réchauffe lentement et son corps ressent de plus en plus la fatigue après s'être gelée pendant de longues minutes. Il n'ose pas croire qu'il a perdu l'habitude du froid de Néodam car la chose est carrément impossible, il ne peut pas oublier ça, mais le corps est un peu sous le choc certainement, tendrement habitué à la chaleur que Cosmopolis lui a offert pendant quelques jours. Il lui semble, déjà, qu'il ne peut plus sentir la chaleur du soleil contre sa peau et que le bleu du ciel est plus terne dans ses souvenirs, comme le vert des feuilles, mais Max préfère ne pas y penser. Il sait déjà qu'il y retournera prochainement, qu'importe ce que Nina pense de la chose. Il imagine qu'elle lui dira de faire attention et qu'elle va le penser fou pour un moment. Peut-être qu'il devrait l'amener avec elle, lui montrer ce qu'il a découvert, mais si une chance existe que la chose soit dangereuse, Max préfère la laisser en dehors de ça pour le moment. Il sait bien qu'elle est forte, peut-être plus que lui à certaines occasions, dans plusieurs domaines, mais il ne peut s'empêcher de vouloir la protéger. Elle pourrait le traiter de misogyne qu'il ne cillerait pas. Il ne l'est pas. Il désire seulement protéger ce qui lui est cher et Nina est certainement son joyau le plus inestimable. Il ne lui dit pas. Elle le sait déjà.
- C’est toi qu’a l’air d’une merde. Et tes cheveux sont gras.
Max hausse d'un sourcil et la dévisage une seconde, dérangé, stoïque, surtout emmerdé. Il finit par la pousser sur l'épaule lorsqu'elle quitte la chambre, un grognement dans la gorge.
- Mes cheveux sont toujours gras ; c'est un fait. Si Max utilise uniquement des produits vegan, il n'a toujours pas trouvé depuis qui va bien avec sa chevelure. Et de toute manière, le chimique venant de la teinture bousille également la chose. Peut-être qu'il devrait arrêter de se les teindre, un jour. Il a oublié à quoi ressemble sa tête blonde, ça fait plus de quinze ans. Mais pour le moment, il se contente de passer de longues journées sans se laver la crinière, laissant le cheveu se nettoyer de lui-même des toxines. À l'une de ses dernières manifs, il a croisé un gars avec une trop grande gueule qui lui racontait qu'il ne se lavait les cheveux qu'une fois par mois depuis qu'il faisait ça.
Passant ses doigts dans la dite crinière sale, Max soupire. Le corps relâche doucement la tension et il sent ses muscles qui tremblent doucement. Il a marché énormément, au cours des derniers jours. Le corps a besoin de repos. Il n'attend pas Nina pour retirer son pantalon, garde son boxer et son pull - qu'importe si la chose est totalement opposée à ses habitudes, car Max est un four la nuit, et qu'il dort nu - avant de bouger les draps pour se glisser dans le lit. Le matelas grince sous son poids, un peu usé, mais Max y est confortable. Elle veut le changer depuis des semaines, des mois peut-être, mais Max refuse encore. Contre sa peau, les couvertures sont froides.
Nina revient dans la pièce.
- Je dors là. Mais tu dors avec moi. Pas envie de mourir d’hypothermie ici. Et on répare le chauffage demain matin. Et j’veux bruncher.
Le ventre de Max gronde déjà pour le repas promis. Il ne sait pas quand il a mangé pour la dernière fois. Il ne le fera pas ce soir, en tous cas. Max préfère dormir que manger. Le corps réclame ce qu'il veut, et le sommeil a déjà gagné le combat.
Même au travers des draps, il sent le coup de Nina contre ses jambes. Le Shark lui adresse un regard noir, peu impressionné, surtout agacé. Elle l'agace toujours, qu'importe s'il s'est ennuyé d'elle. Mais il sait aussi que si elle est aussi pénible, c'est bien car elle s'est ennuyée également de son côté.
- Heureusement que t’es rentré, gros nul.
Un grognement quitte sa gorge et il ne répond pas, enfouit sa tête dans l'oreiller, les yeux déjà fermés.
- Ça m’arrange, j’aurai finalement pas à aller jusqu’aux confins de l’Enfer pour te chercher.
Un maigre sourire sur les lèvres. Le chien fou ouvre les yeux, la regarde même si elle, ne le fait pas. Mais elle lève les yeux au même instant où il le fait, comme si elle l'avait senti, et lui envoie un rictus similaire au sien. Il a pitié pour quiconque s'étant mis sur le chemin de Nina, pendant ses recherches.
-Ton pull me gratte.
Même enfouis sur les draps au chaud, Max prend la peine de sortir sa main pour affronter le froid, lui offre un doigt d'honneur.
- C'est toi qui m'irrite, qu'il gronde, bas, le ton un peu endormi. Dors maintenant.
C'est leur manière de se dire tu m'as manqué.
C'est leur manière de se dire je t'aime.