RÉPARER LES VIVANTS // REYN

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Ils sont assis. Au fond de leurs yeux, un peu de caramel, quelque chose de doux, d'éphémère. Néfer aime regarder le calme avant l'orage dans les prunelles de Reyn. Les lueurs empoisonnées des cigarettes se confondent dans ses iris, laissent une trace indélébile, comme un feu qui brûle avant de s'éteindre. Le vent est frais et leurs corps endoloris, leurs mains sont sales, ne s'étreignent pas. Néfer se demande pourquoi eux, pourquoi ici. Pourquoi broyer du noir dans un monde où il y a tout à faire.
Comment construire une vie si on en a plus l'envie ?
Où vont leurs cris qui se perdent lorsqu'ils sont colère ? Sont-ils un hymne à la douceur ou une cacophonie ? Le fond de leurs yeux est teinté de noirceurs, laisse des questions en l'air, des parenthèses ouvertes. Il faudrait les refermer, dire c'est terminé. Tirer un trait sur une vie déjà gâchée. Néfer se dit qu'il faudrait un bouton, un reset, comme jadis. Une façon de recommencer ce que l'on a bousillé. Pourtant il le sait bien, que ça ne marche pas comme ça. Que pour recommencer, il faut mieux réparer, qu'il ne faut pas pleurer. Là, dans l'éternelle nuit, celle de leur vie, chante un oiseau, gaiement. Ses mélodies ont un goût amer, un goût d'antan (c'est à la fois si bon et si malheureux de penser à hier). Néfer laisse une larme tomber, une de plus à son grand océan, et elle vient s'écraser,
lentement
tout
doucement
sur la main de Reyn.
Ça brille, un petit point, comme une étoile, sur le dos d'une main. Comme s'ils avaient cueilli les astres de ce soir pour les incruster dans leur paume, là où résiderait (avec espoir) un peu de bonheur, de tendresse, de beau. Et puis la larme sèche, disparaît. La vision idyllique de la goutte d'eau s'évapore et Néfer comprend bien que ces histoires là n'ont pas lieu sur Altéa.
Reyn, j'ai froid...
Il n'a pas (vraiment) froid, ou si, au coeur. Il dit ça pour qu'il le serre dans ses bras (il sait qu'il ne le fera pas, mais il veut y croire, il le veut), ne lui dise pas viens on rentre juste comme ça. Il veut encore verser des larmes pour toutes les évacuer, penser paillettes et bon mots en regardant les doigts de Reyn. Il veut rester sous ce ciel sans se faire poignarder par les comètes, faire des vœux en écrasant de vieux mégots.
Il se dit aussi que, dans les bras de quelqu'un ce soir, il aura plus de courage pour panser ses blessures. Plus de courage pour réparer les vivants.

Date d'inscription : 12/01/2018

☽ ft. Néfer Carmichael

Réparer les vivants C’est le néant dans sa poitrine qu’il sent pourtant battre. Apathique, un état général le rendant presque sympathique. Parce qu’il a tout évacué Reyn avant d’essayer de remplir l’énorme trou dans son palpitant. Mais les cris, les objets brisés ou l’alcool bas budget qu’il s’est envoyé n’ont réussi qu’à l’épuiser. Il a le regard perdu dans le vague, l’esprit hanté par le passé et pratiquement pas d’espoir concernant l’avenir. Sa seule certitude c’est de ne pas mériter d’être là et ça tourne en boucle, ça l’étouffe. Cette foutue culpabilité qui lui souffle que sa place a été volée, qu’il aurait dû y passer.

Il a plus de larmes à verser l’Alestra, il préfère les garder au fond de lui jusqu’à ce qu’elles lui brûlent la gorge. Pourtant, y en a une qui vient s’écraser sur sa main, lui rappelant qu’il est pas seul, du moins pas complètement. Néfer il pleure pour deux et Reyn encaisse parce qu’il sait pas faire mieux. Et le silence se prolonge, l’atmosphère lourde de non-dits, de tout ce qu’ils ont sur le cœur mais qu’ils gardent jalousement pour eux. « Reyn, j’ai froid… » Le Siganais lui jette un regard vaguement intéressé, l’air de dire « qu’est-ce que tu veux que ça me fasse » avant de lui passer sa vieille veste trouée comme si de rien était.

« Tiens, j’ai chaud d’façon. » C’est tout ce qu’il a de gentil à lui offrir, tout ce qu’il est capable d’articuler avec sa clope au bec. Mais ça veut aussi dire beaucoup, signe qu’il s’en fou pas complètement, qu’il est même presque content d’avoir un compagnon avec qui broyer du noir. Quelqu’un dont le regard est pas lourd de reproches ou de moqueries. Quelqu’un dont il a pas complètement détruit la vie. Quelqu’un qui n’attend pas des excuses qu’il se sentirait jamais prêt à faire. Avec Néfer c’est facile, y a pas de passif, de sales coups ou de grosses colères sur lesquelles passer l’éponge.

Alors Reyn il en venait à se demander si c’était lui la source de tous ses problèmes. Et la pensée l’effleure à peine avant de s’envoler. Est-ce qu’un changement de comportement améliorerait quoi que ce soit ? Parce que ce serait forcément éphémère, un mensonge de plus dont il se convaincrait avant tout lui-même, auquel personne ne croirait parce qu’ils savaient très bien qu’il était trop bousillé pour y arriver. Tout ce qu’il savait faire s’était se détruire un peu plus, se foutre les gens à dos ou les quitter sans un mot. « Pourquoi tu restes avec moi Néfer ? » Il demande, juste comme ça, pour voir s’il restait un espoir quelque part. Quelque chose auquel s’accrocher, quelqu’un qui lui dirait que ça irait, qu’il parviendrait un jour à se réparer.

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Les doigts de Néfer doivent lutter pour ne pas s'accrocher à ceux de Reyn, pour ne pas attraper un peu de chaleur dans ce monde froid, ni tomber d'une falaise trop haute à remonter. Ils prennent comme un cadeau du ciel le paletot usé qu'on leur tend, ce manteau aux odeurs de fuite, d'alcool, de drogues, de désordre. Un morceau de chaos sur le dos d'un condamné. Un par-dessus qui sent Reyn et aussi la pluie, les envies de revanche, ce qu'ils cherchent tous les deux. Il leur faudrait plusieurs milliers d'années pour arroser leurs jours fanés.
Alors, Néfer passe sur ses épaules le tissu plein de trous et d'aventures. Ses boucles viennent rencontrer le vêtement infortuné comme si elles l'avaient cherché depuis si longtemps. Lui, ce qu'il cherchait, c'était des instants, des petits fragments heureux, tel que celui-ci. Revêtant ce trésor de prince des rues, Néfer se sent roi ((un peu)). En l'enfilant, c'est vrai qu'il fait moins froid (c'est un peu de Reyn qui le ccouvre après tout). Ça lui suffit.
Pour l'instant.
Reyn est comme une mauvaise herbe, c'est un peu de vie là où il n'aurait pas dû y en avoir et pourtant, la mauvaise herbe a réussi à fleurir, à s'accommoder de la fausse hygiène d'un endroit effondré par un bitume clinquant. Ce n'était écrit nul part, que des mauvaises herbes sauraient s'épanouir dans ces villes de peine. Néfer préfère les fleurs inattendues. Pe rsonne n'avait pu prédire non plus qu'on allait savoir écraser, casser les intruses. Abîmer de belles personnes.
Pourquoi tu restes avec moi Néfer ? ~~parce que je t'aime, que tu es rare~~
Le coeur du faux pharaon s'arrête un instant,
p o u r q u o i ?
Son regard fuit, cherche un autre horizon, une autre étoile, moins brillante. Mais il a beau chercher, le ciel ne possède pas d'astre plus beau, ni moins. Ses joues rosissent sans crier gare, traduisent quelques non-dits, quelques secrets fugaces. Les mains de Néfer arrachent l'herbe et les pâquerettes, sans répondre à la question. Pourquoi ?
Les mots se chahutent dans sa gorge, cherchent à sortir tous en même temps. C'est comme une tempête dans son coeur, des cataclysmes qui s'enchaînent, imprévus à l'instar des mauvaises herbes. Ça s'enflamme, doucement, d'un autre feu qu'il ne peut pas contrôler. Puis, les lèvres de Néfer voguent vers la joue de Reyn, au risque de casser plus. Leurs yeux se croisent et des larmes coulent (encore) sur celles de l'égyptien, coulent toujours mais
il sourit.
Il se sent heureux.

Date d'inscription : 12/01/2018

☽ ft. Néfer Carmichael

Réparer les vivants Peut-être qu’il mérite pas de réponse à sa question Reyn. C’est sûrement ce que Néfer essaie de lui faire comprendre en évitant son regard et en se murant dans le silence. Mais il attend quand même quelque chose, n’importe quoi, un soupir, un sourire ou même une claque derrière la tête. Un geste qui lui ferait comprendre que ce qu’il demande c’est n’importe quoi. Que des preuves comme ça, ça s’exige pas.
Le visage du gamin prend une teinte qui rappelle un peu celle de ses cheveux dans la pénombre, le tout s’accorde dans le désordre de cette nuit faite d’un calme illusoire. Et il arrache la verdure qui l’entoure, comme pour chasser ce qui le ronge, peut-être pour y trouver un semblant de réponse. Mais Reyn il y voit une métaphore pour tout ce qui leur a été enlevé. Il se dit que la terre c’est un peu comme son coeur. Pas tout à fait aride, plus vraiment fertile.

C’est ce moment-là que choisit Néfer pour venir cueillir sa peau de ses lèvres, laissant un peu de sa chaleur sur la joue glaciale de l’Alestra. Ca ne dure qu’un instant et pourtant ça le déstabilise suffisamment pour que ses onyx rencontrent les prunelles de l’autre dans un froncement de sourcils. Y a d’autres pourquoi qui se bousculent dans sa tête tandis que tout son corps se tend. Parce qu’il est jamais très à l’aise avec la proximité ou les effusions qui viennent si naturellement aux autres mais pour lesquelles il doit se forcer, qu’il préfère carrément éviter. Sauf avec Shade, avec elle c’est comme une nécessité, un moyen de s’assurer qu’elle est bel et bien en vie, de lui témoigner ce qu’il est pas foutu de dire comme il le devrait.

Et l’autre sourit comme si y avait pas de malaise, lui rappelant Bebe qui aurait surement réagit pareil. Alors il réalise Reyn, que c’est pas si grave que ça, que sa réponse il l’a obtenue, même s’il aurait préféré des mots lancés dans le vent plutôt qu’un baiser déstabilisant. « Refais plus jamais ça. » Il laisse les menaces de côté mais ça les empêche pas de planer entre eux. Le charlatan se fend d’un rictus qu’il cache derrière le goulot de sa bouteille de rhum, conscient de ne pas avoir été totalement insensible à la tendresse qui lui avait été témoignée mais préférant crever plutôt que de l’avouer. « Bois ça au lieu de faire des conneries. » C’est pas cassant, juste un peu distant, comme un grand-frère qui remettrait le cadet à sa place avant de lui fourrer un jouet dans les mains pour l’occuper.

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néfer cueille le jour sur l'étoile qu'est reyn. mille s'allument et un tourbillon stellaire naît dans son être, et il laisse échapper un rire, puis il rit franchement. son rire clair sonne dans l'ambiance vespérale qui règne entre eux. les menaces de sa comète ne l'effraient plus. il le regarde, derrière ses boucles et le rose de ses joues n'a pas tout à fait disparu, n'arrive pas à s'effacer. les bouts de ses doigts rencontrent ceux de reyn en attrapant le goulot de la bouteille et il boit trois gorgées sans s'arrêter. il se demande ce qui est le plus grave entre donner un baiser sur la joue et boire d'un coup du rhum.
ils taisent tous les deux des mots trop forts pour eux. ils ne disent rien par peur de s'abandonner ou de courir sur un sentier qui n'est pas le droit chemin. un silence s'installe, mais c'est un silence pur, un silence qui sent l'été, qui a le goût d'échappée dans une nouvelle dimension. sûrement un monde où quelque chose aurait pu naître entre eux, autre chose qu'un baiser volé après une question envolée. une amitié sur un fil tendu, un lien solide qui n'aurait pas peur d'être coupé, ni de tomber de trop haut. qui saurait s'expliquer sans détour, ni regards fugitifs. un silence où leurs mains qui se tiendraient pour mieux se hisser ensuite existerait. ils iraient chercher des étoiles dans les détours de la ville, sous les pavés, sur les fenêtres. ils iraient déclamer des poèmes ou bien ruminer de vieilles chansons, pleureraient de joie ou de nostalgie, se demanderaient ce que c'est qu'une vie ratée.
mais ils vivent sur altéa et quelque chose ne tourne pas rond. c'est comme ça, ils n'y peuvent rien. leurs sanglots s'oublieront avant leur mort et on les oubliera un jour, car ils n'étaient pas importants. ils auront beau redessiner quelques lignes de leur vie morcelée, remodeler quelques pans de jours, personne n'aura conservé leurs rêves.
personne n'aura conservé ce soir-là plus qu'un autre.

et toi, reyn, pourquoi tu restes avec moi ?
d'autres soirs auraient pu trouver d'autres compagnies, d'autres soirs auraient pu être ternis ou pailletés par d'autres présences. aussi parce que néfer est un petit rien du tout, quelque chose qu'on prend et qu'on oublie le lendemain, une fleur qui se fane après avoir été embrassée. néfer est un détail dans un paysage trop grand et bien plus beau que n'importe quel visage, il est une poussière invisible qui a passé des heures à contempler la nuit toute seule. il est l'éphémère, l'imprévu, il pose des baisers tordus sur des joues sales qui en valent que trop la peine, aime les astres merveilleux tels que reyn.
il enlace des corps célestes pour s'envoler avec eux.
sourit, avec eux.
s'abîme, avec eux.

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