cool kids don't die ((mikkel))

KILL MY VIBES


il y a quelqu'un sur son banc. ce n'est pas vraiment son banc, mais il s'y est habitué, il y vient une fois par semaine, à la même heure et il n'a jamais croisé personne d'autre ; il s'est imaginé qu'à la fin ça pourrait bien être le sien. il pourrait même l'acheter, le réserver, le posséder. le banc comme tout autre chose le king préfère avoir l'exclusivité sur ses propriétés. il y a quelqu'un et il n'a pas envie de changer de banc car c'est le seul qui fait face à la fontaine et qu'à cette heure de l'après midi, le soleil qui tape dans son dos traverse les gouttes et crée de petits arc-en-ciels. jay y vient pour le paysage et parce que c'est à deux pas de chez lui. souvent après le repas le dimanche, au lieu de retourner travailler il s'égare au milieu des passants et se retrouver à nourrir les pigeons avec les restes qu'il ne finira jamais. il doit dégager quelque chose qui avertit les autres que c'est une mauvaise idée de venir à coté  - parce qu'il n'a pas envie de faire la conversation quand il vient. il a acheté le journal pour se donner l'air d'avoir une bonne raison d'être là mais il  juste vient pour apprécier la chaleur du printemps qui arrive, la fin de l'hiver, le ciel bleu et le chant des oiseaux. il y ferme les yeux quelques instants et c'est parfois ici qu'il fait ses meilleures nuits. elles ne durent que quelques minutes mais il a l'impression de rattraper petit à petit la fatigue des dernières années.

well, pas pour aujourd'hui donc. le journal est toujours plié sous le bras avec son gros titre qui annonce un énième scandale - et un article sur les méchants nulls qui l'a fait sourire. il reste debout planté un peu comme un abruti ou un arbre, sans se décider. entre l'envie de laisser les choses telles qu'elles sont et rentrer chez lui ou virer l'intrus en lui faisant peur. du genre, pointer un flingue sur sa tempe ou lui promettre de brûler sa famille s'il bouge pas de suite. les roulent dans leurs orbites. putain. il aurait l'air con avec son beau costume et son flingue en train de menacer un jeune homme juste parce qu'il est assit sur un banc. le gosse en question est en train de lire un livre qu'il a lui même lu une bonne centaines de fois. c'est peut-être le seul livre que le king a vraiment lu. il l'avait piqué à son père, dans sa grande bibliothèque poussiéreuse. de toute façon, il serait toujours mieux avec lui qu'abandonné sur un meuble qu'on oubliait de regarder à force de le croiser tous les jours. il l'a lu souvent, jusqu'à ce qu'effectivement le paternel le retrouve et lui foute une branlée monumentale avec. deux ans après. ce qui veut dire que pendant deux ans, il n'avait pas remarqué le trou dans la troisième étagère, à droite. ajay s'est moqué de lui. ça lui a valu une deuxième claque mais il en a toujours été fier. d'être plus intelligent que lui.
depuis jay n'est pas spécialement amoureux des livres, ça lui rappelle de mauvais souvenirs.
il se penche par dessus le bouquin et repère le numéro de la page avant de gâcher la journée du type qui vient de lui gâcher la sienne. gâcher un grand mot. ne sachant même pas s'il connaît déjà la fin ou s'il s'en inquiète vraiment. ça pourrait une lecture de plaisance comme un bouquin qu'on oblige à gober pour les cours. il y en avait des tonnes comme ça à paracelse, qu'il a laissé dans son sac, sans jamais y toucher. peut-être que s'il avait essayé, il aurait eu un avenir différent. lui aussi à fait le mauvais choix, il n'a pas eu le happy ending.
tu sais. patrocle meurt à la fin. achille aussi.
ça l'avait marqué, attristé. et quand il en avait parlé à son frère il s'était moqué de lui. il lui avait même demandé qui était patrocle.
jay n'a pas insisté.  ça lui a apprit une chose importante. les meilleurs personnes se font oublier rapidement. si on veut rentrer dans l'histoire, mieux vaut faire exploser une bombe que donner son argent pour la charité. ça lui a apprit à ne pas s'en vouloir d'être un connard. dans le monde il y a les méchants, et les gentils. et lui, n'avait pas envie d'être le gentil. il n'a pas l'habitude d'oublier les visages depuis. les bonnes comme les mauvaises personnes.
dis t'as pas des courses à faire ? le king prend place à ses cotés, au centre du banc occupant l'espace plus qu'il ne le devrait. histoire que le message soit plus clair. une petite soeur à occuper  ?

cool kids don't die
https://www.youtube.com/watch?v=JtV-G17GKbE

se meurent les amants légendaires et sonnent les tambours de la guerre. les lignes s'enchaînent, s'enfilent comme un collier de perles réalisé par une motivée gamine - il en pince sa lèvre inférieure, mikkel. lui qui dans son grand calme trouve dans les livres comme une manière d'appréhender le monde, comme une autre rêverie, loin des horreurs, loin des minables soucis. pourtant qu'ils sont angoissants, pourtant qu'ils sont grands avec leurs belles paroles, leurs personnages connus et reconnus, dont les rires hantent encore les échos de couloirs fermés. inspiration profonde, les jambes ramenées sous sa carcasse courbée, le soleil tape délicatement sur ses tempes, laisse entrevoir comme un soupçon d'ailleurs qui donne dans ses pensées un véritable néant salutaire. puis ça dérange, puis ça bouge, puis ça vient s'assoir à côté, il en sort de cette torpeur, quelques secondes à peine pour accorder une oeillade discrète.

il replonge - il retombe. cherche dans les pas d'ulysse une sagesse, dans la folie d'achille une raison et dans les choeurs une morale qu'il n'écoutera jamais. jusqu'à la parole, non pas divine, mais tellement mortelle qu'elle plante un couteau dans sa chair - tentative mauvaise de le faire chuter de la passerelle. il se retient mikkel, il se retient parce que la surprise il la surjoue en haussant des sourcils, en feignant que ses globes sautent hors de leurs emplacements. il en rajoute une couche - et là, là, la tête se redresse, se met à détailler, s'attarder sur le voisin posé aux deux cornes qui poussent sur son front.
elles sont d'un rouge flamboyant.
- oh wow. ses doigts se serrent un peu plus sur le bouquin, le rire sec se glisse hors de ses lèvres roses. bonjour pour commencer. puisque la politesse est de mise, mettant en avant un caractère plus burlesque, plus pittoresque à la rencontre fortuite et malencontreuse - il s'en mord la langue. et vous êtes un sacré trou du cul. vous m'excus'rez hein. presque tenté de lui balancer à la figure son ouvrage, pour que se mette à couler sur son visage l'encre de la tristesse de ces tragédies grecques. soupir, il corne la page pour s'en rappeler là où l'arrêt s'est fait - lui donne toute son attention, bien que sujette à des étourdissements, à se perdre sur des évènements anodins. comme cette feuille qui se décroche, tombe, épouse le sol pour rejoindre ses soeurs.

- alors non, et non. curiosité mal placée - c'est que souvent ces êtres ridés oublient que derrière les jeunes allures se cachent d'infectes créatures qu'il ne faudrait infantiliser plus qu'elles ne le sont déjà. sur le crâne de l'ancien trônent encore cheveux sombres, les yeux ne semblent pas vitreux - même si des pattes joliment creusées donnent à son regard une once de lassitude. rien de quoi paniquer - ni même de le pointer du doigt en le traitant de vieillard complètement siphonné.
pourtant -
pourtant -
- et vous alors ? vous avez perdu votre groupe de marche ? b'soin d'une pause avant d'rentrer s'aligner son feuilleton ? petite vengeance à échelle miniature - qui ne joue qu'entre ces deux. combat de titans qui s'annonce, l'excitation d'un défi que de compter les secondes avant qu'il ne se fasse traiter d'horrible adolescent, de chiard condescendant.

il attend - et il sourit.

KILL MY VIBES


il a rien de mieux à faire que d'effrayer les gosses, même si parfois il voudrait plutôt être capable de dire quelque chose d'intelligent et de réconfortant. être capable de partager un peu d'espoir, le même qui l'envahit quand il regarde gali droit dans les yeux ou qu'il rigole avec bobby, quand il pense à max. plus jeune, il y avait des vieux qui le faisaient flipper parce qu'ils avaient l'air sévère et qu'ils parlaient toujours de la vie comme-ci elle était très dure, très mauvaise et qu'à la fin on en sortait jamais vraiment vivant, quand bien même on était pas encore mort. juste un pied dans la tombe. l'ado qu'il état levait les yeux au ciel et retournait dealer son shit, sa manière à lui de participer à la société de donner un sens à sa vie, alors qu'il venait déjà de tout rater. ajay s'est longtemps accroché. jusqu'à mettre le pied dedans sans faire attention, la tombe. ça avait l'air plutôt chaud dedans et rassurant. mais il savait qu'il ne pouvait pas y rester, ni abandonner.  il à la sensation d'avoir déjà assez abandonné dans sa vie et dans elles qu'il a déjà vécu, ailleurs.
il ricane, sourire en coin qui illumine le visage comme un rayon de soleil qui transperce les nuages. il s'étend comme une ombre, bienvenue dans la chaleur du printemps qui renaît.   ça va, tu es resté soft je trouve. . jay a l'habitude des insultes. elles ne lui font plus rien. un connard, un enculé, un ange, un démon, dans tous les cas, ça ne l'empêche pas de recommencer. la seule personne capable de le faire culpabiliser d'être un diablotin n'est plus sur terre.
quand on ne croit en rien d'autre qu'en soit, ça n'a pas d'importance d'être une ordure. certains déchets ont la peau dure et mettent des millénaires avant de disparaître. c'est presque un compliment. on ne recycle pas les bons gens.

par contre. il n'aime pas être traité de vieux. il aime croire que sa crème anti-ride - inexistante - fait effet. et qu'il n'a pas l'air si attaqué que ça par le temps. c'est le seul moment où s'accorde d'être un peu vexé. mieux vaut crever qu'être un vieux légume. il n'a pas allumé la télévision depuis une éternité. il lit les infos. ça suffit amplement. parfois, il fait les infos. non, je les ai tous tués et j'ai caché les corps sous ce banc. le sourire carnassier est sincère et fait son effet. puisque le jeunot - qui qu'il soit - aime les histoires, jay en connaît de très nombreuses où il est le héros tragique. une seule finit bien. et celle là, il la garde pour lui, ses rêves, ses nuits d'hiver.
il hausse les épaules.
pourquoi il fait ça ?
ce bouquin est bien. comme t'as de bons goûts je vais te laisser la vie sauve. il s'entraîne. il s'imagine max à la place. plus jeune. il aurait aimé avoir un enfant, un vrai. qui soit à lui. max ne lui appartient pas vraiment et il a sa vie. il y aura toujours l'ombre du jumeau. il essaye. surtout, ajay rate. la seule chose qu'il ne rate jamais, c'est sa cible.
ça t'arrives souvent d'être tout seul sur un banc comme ça ?  t'as pas d'amis ? à son age, il faisait déjà les 400 coups, il rencontrait nameha. il signait le pacte avec le diable qui lui a valu sa couronne d'épines. il avait laissé les livres derrières, les promesses de grandeurs et les belles paroles.
il garderait ça pour plus tard.
indécent, il sort une cigarette et grille devant le gosse sans lui en proposer.