between the lips (50cm) -- nikita

Il est caractérisé par ses nombreux excès. Candide veut tout, tout de suite, autant qu’il peut en avoir. Peut-être là un rappel de son enfance, quand ses parents ne voulaient jamais tout lui donner même s’ils en avaient les moyens, toujours guidés par cette foutue peur qu’on les remarque. Aujourd’hui, ils ne sont plus là pour dicter ses faits et gestes, et il travaille assez durement pour se permettre tout ce qu’il veut. Comme un vide qu’il remplit à travers ses nombreux achats, même s’il est conscient que son insouciance d’enfant ne lui reviendra jamais. Il se perd souvent entre les beaux vêtements et l’alcool. Il est pourtant encore assez alerte après ses deux verres de vin pour remarquer le regard de Nikita. Il sait que l’homme n’aime pas ça. Les deux bouteilles au bord du jacuzzi, Candide en finira sur une entièrement puis la moitié de l’autre quand Nikita en sera encore à quelques gorgées. Il feint malgré tout de ne pas le remarquer, il sait que Nikita n’aime pas ça et cela crée déjà assez de disputes entre eux. Il sait aussi que c’est guidé par son inquiétude, par amour pour lui, il désire le préserver et c’est normal. Alors, parfois, Candide préfère juste se sentir heureux d’avoir quelqu’un qui s’inquiète tant de son bien-être, ça lui donnerait presque envie d’arrêter totalement de boire et de fumer, même s’il voudrait continuer un peu plus à profiter de ces plaisirs. Mais si un jour Nikita lui posait un réel ultimatum, alors oui, à ce moment-là, il cessera tout.

Il se distrait des nombreuses bulles et écoute. C’était destiné, c’était son rôle à lui de faire le premier pas entre, c’est juste comme ça. Parce que Nikita a trop la trouille, parce qu’il se pose beaucoup trop de questions, fait attention à trop de choses. Alors que Candide, son seul souci ça a toujours été de savoir comment parvenir à avoir ce qu’il veut. Et Nikita a été une de ces pièces, objet de son désir qu’il se devait d’acquérir. Et c’est ce qu’il a fait, dans un cadre quasi identique, cinq ans avant. Il a glissé entre les bras de Nikita, ses griffes se sont enfoncées dans sa chair pour ne plus jamais le laisser fuir. Nikita pourra avoir peur, il pourra remettre en question leur relation, penser encore et encore à leur différence d’âge, le tromper (putain, ça, ça a fait vraiment mal, il y survivrait pas une nouvelle fois), mais il le laissera jamais. Le charme ne sera jamais rompu parce que Candide sait qu’il le possède entièrement.
De toute façon, il ne veut pas imaginer un monde où Nikita n’aurait pas été sien. C’est un monde qui ne l’attire pas, dont il ne veut pas. Il crache sur ce monde-là.
Alors ouais, heureusement qu’il a été assez courageux pour deux.
Heureusement qu’il n’accepte jamais la défaite.
Il glisse vers lui, aime sentir les mains de Nikita contre son dos qui le rapproche, puis ses lèvres, ses lèvres qui le rendent totalement fou. Il entoure sa taille de ses jambes, pense seulement à annihiler la moindre distance entre leurs deux corps. Nikita l’embrasse encore, et c’est toujours la même euphorie à chaque fois. « Je sais. » qu’il murmure contre ses lèvres, souffle chaud, avant de se les approprier presque sauvagement. Avec fougue.

« Et moi aussi je t’aime. Surement beaucoup trop. Surement plus qu’il ne faut. Parce que des fois, ça fait tellement mal d’autant t’aimer. » Mais c’est une belle douleur, quelque chose à laquelle il continuera de s’accrocher. Une douleur qui le fait se sentir vivant.

Il l’aime au point de s’inquiéter à chaque seconde passée sans lui, il est toujours jaloux quand quelqu’un l’approche, il voit rouge quand Nikita sourit à quelqu’un d’autre, porte un intérêt même amical à quelqu’un. Il s’étouffe de cet amour qu’il ressent pour lui. Mais c’était prévisible. Candide ne sait rien faire à moitié, même son cœur est en surplus de sentiments. Il l’embrasse encore, ses doigts s’agrippent aux courtes mèches noires. Il l’embrasse encore et le fera jusqu’à son dernier souffle, puis entrouvrent légèrement les yeux. Il ne le regarde pas dans les yeux, son regard est fixé sur la surface d’eau et son attention sur son cœur qu’il sent battre, un vrai tambour.

Il y a une chose qu’il a remarqué, Nikita, avec son ex-femme. C’est qu’au début, tout va bien, au début, c’est heureux, et ça s’aime. Au début, tout l’monde aime, et c’est cette phase, un peu lune de miel. Puis y’a eu le mariage, la vraie, lune de miel, qui au final, était un peu moins heureuse que le début. Puis ça s’est brisé, petit à petit. L’amour s’est perdu. Et ça a mis quoi, trois ans, pour que finalement, ils ne s’aiment plus autant. Ils sont restés ensemble pour les enfants, et puis, parce qu’il y avait personne d’autre, aussi.
Puis y’a eu Candide, finalement. Et sa femme aussi, elle a retrouvé quelqu’un, y’a un an environ.
Mais ce qu’est important, dans tout ça, c’est que Candide, ça fait cinq ans.
Cinq ans de relation. Cinq ans de lune de miel.
Y’a eu des disputes, y’a eu des prises de tête. Y’a eu des coups, violents. Y’a eu tromperie, y’a eu vengeance (y’a, toujours, vengeance). Y’a eu tellement de choses, s’est passé tellement de trucs entre eux, en cinq ans. Y’a l’temps, en cinq ans. Et pourtant, il est là, à l’aimer tout autant qu’au premier jour. Après une situation de mari où il a arrêté au bout de quoi, trois ans, d’aimer sa femme. Il pensait pas que l’amour était réellement un truc durable. Que c’était des conneries, l’amour pour toujours. Mais il est là, Candide est là. Et ça fait cinq ans. Et il reste pas parce qu’il a des obligations, non. Non, s’il suivaient les obligations, finalement, il partirait. Non, il reste parce qu’après cinq ans, il l’aime toujours autant. Et que ça lui fait peur, cette impression qu’il arrêtera jamais vraiment de l’aimer.

Alors non, peut-être que Nikita a jamais été le plus courageux des hommes quand ça concerne autre chose que le Wristle et les dons de temps à Casma. Peut-être que Nikita, parfois même, est un lâche, en ce qui concerne les domaines de l’amour. Et non, il aurait jamais fait le pas pour plusieurs raisons qu’il en a marre de lister, tant elles sont nombreuses, tant il les connait par coeur. Mais ça lui donne ce désavantage, ce petit moins envers Candide. Parce que Candide a fait le premier pas, a prouvé, déjà qu’il l’aimait, comme ça. Puis a organisé cette soirée, prouver une nouvelle fois. Et il lui a prouvé son amour tellement de fois pendant ses cinq ans. Nikita, il a pas vraiment le souvenir de l’avoir fait. Oh, il se l’est joué au sugar daddy, à lui offrir des bijoux, des fringues, un appart, bien sûr. Du temps, souvent, aussi. Mais c’est pas pareil, c’est moins personnel.
Il avait oublié, que c’était leur cinq ans, aujourd’hui. Il l’avait oublié. Candide lui, s’en souvenait. Et rien que pour ça, Nikita se sent nul.

Alors il lui dit, qu’il l’aime. Parce qu’il sait pas vraiment comment lui montrer. Alors il lui dit. Et la réponse de Candide se fait pas attendre. Il le sait, il le sait. Bien sûr qu’il le sait. Nikita a l’impression d’être un vinyl rayé en sa présence, à toujours répéter qu’il l’aime. Evidemment, qu’il le sait, Candide. Mais Nikita a pas peur qu’il le sache pas, il a peur qu’il le croit pas. Il a peur que ses mots restent juste ça, des mots. Parce que Nikita a toujours été très mauvais pour les actes. Et Candide l’embrasse, à son tour. Et c’est juste des baisers, et des je t’aime, et Nikita s’y complait bien, finalement. Passer la soirée à l’embrasser, à lui dire ce qu’il ressent, faute de lui prouver, oui. C’est bien, comme programme. Cucul, mais bien. Très comme eux, finalement.

Et Candide se remet à parler, et ça étonne Nikita, ce qu’il dit. Il se laisse embrasser, après, mais réfléchit à sa phrase, elle tourne dans sa tête. Et finalement, il lui caresse les joues, le recule un peu de lui, un doux sourire sur le visage. Il se lèche les lèvres, parce que le goût est trop particulier pour qu’il le laisse s’en aller.

Je veux pas que ça te fasse du mal, Candide, de m’aimer. Je veux pas te faire du mal. J’ai jamais voulu, te faire du mal.

Il pense à ce jour, où il l’a trompé, entre autre. Et à toutes ses autres fois, où ils se sont battues à main nu, finissant blessés autant physiquement que psychologiquement. Il veut pas le blesser, Candide. Mais il est face à cette chose, à laquelle il pense parfois. Ils s’aiment d’autant plus quand ils se blessent, au final.

Ils sont tellement différents, quand on y pense, deux profils aux antipodes malgré certaines similitudes. Ce n’est pas juste la différence d’âge, c’est tellement d’autres choses, le caractère de Candide, ses sautes d’humeur, ses addictions que Nikita ne partagent pas. Lui et lui. Il y’a eu tant de choses entre eux, tant d’obstacles et de raisons pour ne pas continuer. Candide aurait peut-être été mieux avec quelqu’un de son âge, c’est ce qu’on dira, quelqu’un qu’il pourrait simplement présenter à sa famille, enlacer dans la rue sans que le moindre regard ne pose sur lui, sans qu’on se demande ce qu’ils font ensemble. Mais Candide n’a aucune famille, il a une sœur c’est tout et elle n’a jamais rien voulu de plus que son bonheur. Il n’a plus de parents de s’opposer à tout ça, et ses tantes ou ses oncles sont des personnes dont il n’a jamais eu connaissances tant ses géniteurs s’étaient renfermés sur eux-mêmes. Pour le reste, Nikita et lui ne sortent pas souvent ensemble et quand c’est le cas c’est dans des endroits assez privés que leurs privilèges leur permettent de côtoyer. Candide a commencé peu à peu à se créer son propre réseau depuis qu’il anime son émission de cuisine, et parfois ça aide. Bien sûr, il aimerait plus d’effusions publiques de tendresse et d’affection, plus qu’un caprice c’est un réel besoin parce que souvent il doute. Il sait à quel point Nikita est loin d’assumer leur amour. Mais il a beau demander, encore et encore, user ses tympans de tous ses cris, le plus vieux a toujours été formel ; leur relation ne sera jamais connu de personnes autre que ce qu’ils considèrent comme plus proche famille. Candide n’a jamais parlé à ses amis de Nikita, même ceux que ce dernier ne connaissait pas et ne saurait donc jamais qu’ils sont au courant. Il a promis de garder le secret, et le fait, même si ça lui déplait. Il est juste gêné les fois où ses amis essayent de lui organiser quelques rendez-vous avec leurs connaissances, le pensant célibataire depuis toujours. A force, il commence à manquer d’arguments qui expliquent qu’il rejette toutes les filles, et parfois garçons, qu’ils lui présentent.

Il jette un regard vers Nikita, si proche de lui, si aimant et protecteur envers lui. C’est naturellement qu’il lui quémande un énième baiser, appréciateur de leur proximité et de l’eau qui réchauffe son corps, même si c’est une chose que Nikita réussit bien souvent à faire tout seul. Il sourit, l’embrasse encore parce qu’il ne s’en lasse pas et guide ses mains vers le bas de son dos. Il ferme doucement les yeux à la caresse sur ses joues. Il aime les petites caresses ou quand Nikita passe ses doigts dans ses cheveux, repose sa main contre son épaule quand Candide a la tête sur ses genoux et qu’ils regardent la télé le soir. Nikita lui a appris à apprécier des choses simples de la vie. C’était indéniable.

« Je pense pas que ça puisse être autrement. Y’a des choses qui disparaissent pas. » souffle-t-il contre son visage. Il ne parle pas seulement de cette unique fois où il l’a trompé, même si elle reste la plus douloureuse pour l’avoir fait se remettre en question pendant des semaines. Il parle aussi des disputes, quand le ton hausse et que des mots meurtriers quittent les lèvres. Ils se réconcilient violement après, mais les mots restent, creusent peu à peu l’âme. « Même quand tu veux pas, ça finit par arriver. De faire mal. Et moi aussi, je te rends pas les choses faciles, je sais. Mais t’es toujours là, tu m’as jamais abandonné. Je suis pas triste. » Pourtant il a conscience qu’il resterait malgré tout, même s’il est triste ou qu’il a mal, il continuera à rester. C’est au-delà de l’amour, c’est une obsession cruelle qui lui colle à la peau. Nikita coule dans ses veines et son sang, sans lui, il étouffera.

Nikita a toujours été colérique. C’est passé un peu quand il a eu ses enfants. C’est revenu quand il a rencontré Candide. Quand ils se sont mis en couple. Et depuis ce jour, ça s’en va et ça revient. C’est fatiguant, à vivre. Parce que maintenant, Nikita sait ce que c’est, que d’être calme, de garder le sang froid et d’écouter, d’accepter, et de répondre calmement à une attaque, quelqu’elle soit. Et c’est agréable, c’est cette impression, quelque part, d’avoir le contrôle. Au moins sur ce qu’on donne. Pas forcément sur ce qu’on ressent, mais au moins sur ce qu’on projette sur les autres. L’image de quelqu’un de sûr, de calme, de mature qui peut garder ses sentiments.
Mais parfois, Nikita perd le contrôle. Parfois, Nikita arrive plus à contrôler l’image qu’il envoie. Essaye, même pas. Pense pas à l’image, pense juste à extérioriser, à blesser, à frapper, à griffer. Y’a deux déclencheurs, à cette colère qu’il avait enfant, adolescent, qu’il a perdu quand Ilya est né. Candide. L’alcool.
Et les deux, à fortes doses, seulement.
C’est inexplicable pour lui, qu’en tant que couple, ils arrivent à passer des moments comme celui qu’ils passent actuellement, calmes, amoureux, doux et tactiles. Et que parfois, la plupart du temps peut-être même, les moments qu’ils passent ensemble sont. Différents. A l’exact opposé. Ils sont violents, teigneux, sanguins. Et tout autant tactiles, c’est juste une différente façon de se toucher. Plus brutale, plus rapide, plus sanglante. Plus bruyante.
Et l’alcool, enfin. L’alcool à répétition, l’alcool qu’on boit que lorsqu’on a vraiment envie de finir bourré, à lécher le parquet en récitant une poésie qu’on a apprise à l’école. Nikita est pas comme ça. Quand il est bourré, il s’énerve. Contre quiconque face à lui. Il boit jamais quand il y a risque qu’il se retrouve face à Ilya, Lidiya, ni Candide. Après tout, les deux premiers l’ont jamais vraiment vu dans cet état, et il veut pas leur faire peur. Il est leur père, il se doit d’être responsable. Et Candide. Et bien, Candide, Nikita pense que ce serait trop dangereux. De mélanger la colère alcoolique et la colère qui le lie à Candide. Il sait pas si cette situation lui ferait dépasser un seuil de violence qu’il a pas encore dépassé. Mais en tout sincérité, il a aucune envie d’essayer.

Ils s’aiment, tous les deux. Violemment, d’un amour qui cri et qui frappe. Mais ils s’aiment, c’est une évidence pour quiconque les verrait ensemble. C’est pour ça, que Nikita prend toujours toutes les précautions du monde, à ce que personne les voit jamais ensemble. Parce qu’il a peur de cette évidence. Et même si ça ne devait pas être si évident que ça, c’qui est sûr, c’est que le regard de Nikita quand il observe Candide, l’est, lui, évident. Le désir, la flamme, l’amour. C’est des choses qui se voient, qui se devinent. Et Nikita est probablement un des meilleurs joueurs de poker de ce monde. Pas pour ça, pas pour l’amour qu’il ressent envers le jeune homme face à lui.
Ils s’embrassent, se touchent, se caressent. Mais rien de sexuel. Parce que, pas aujourd’hui, pas maintenant. Ils sont peut-être pas assez énervés pour ça. Ou peut-être juste qu’ils ont envie de profiter de ce moment particulier de doux touchés. De doux baisers.
De douces paroles, blessantes, paroles.
Lorsque Candide lui répond, Nikita peut pas s’en empêcher, la mâchoire se serre. Il a jamais voulu lui faire du mal, à Candide, pas à ce point là. Il sait combien il a souffert le jour où Nikita lui a avoué, qu’il l’avait trompé. Et ça le tue, de l’savoir, de le comprendre, de le ressentir.
Candide se gêne pas pour le lui faire payer, depuis ce jour là. Rancunier.
Et alors que Nikita sentirait une pointe de colère monter dans son bide, les paroles qui viennent le calment instantanément.
Parce qu’il est pas triste. Et qu’évidemment, Nikita le laissera jamais. Il l’abandonnera jamais. Nikita a jamais abandonné personne. C’est certainement pas avec Candide qu’il commencera.

Et je t’abandonnerai jamais. Depuis que t’es là, j’arrive pas à m’imaginer fonctionner sans toi, sans nous.

Il sourit, rit aussi, un peu. Se moque de lui-même.

Tu me rends tellement niais.

Et il balance sa tête en arrière, expire un peu. Se redresse, et vole un baiser rapide sur les lèvres de Candide.
They taste like home.