amour pansement | Hael

Le soleil caresse à peine son zénith. Dans la New Brasilia, l'effervescence est pourtant constante. Une porte s'ouvre ici et se referme là. Un nécessaire de toilette bringuebalante est remué en trombe dans une salle de bain blafarde. Quelqu'un gémit, quelqu'un soupir, d'autres somnolent. Et la ronde se répète. La trotteuse suit sa course sur le cadran de verre et une nouvelle valse de résident reprend son cycle.
Pas de temps mort.
Jamais de silence.

Avec le temps et la routine du quotidien on finit par ne plus rien remarquer. On absorbe les sons et les odeurs de jeunes filles en fleurs. Dans les ruelles, postée en sentinelle somnolente devant un épais roman, London se noie dans un mug de café. Quatre ou cinq doses de caféine supplémentaires ne seraient sans doute pas de trop pour que ses paupières de plomb se décollent. Elle a la tête lourde et cotonneuse, le menton dodelinant au rythme ambiant des diverses conversations. L'idée s'attarde un instant, alors qu'elle avale cul sec le breuvage amer, méditant quelques secondes sur la nécessité d'un autre récipient plein à ras-bord. Et puis finalement elle se contente de pivoter vers une nouvelle interstice son sachet de viennoiserie sous son bras, un bout de croissant habilement coincé entre ses dents.

En gravissant l'escalier de service qu'elle n'avait que trop emprunté, la soirée d'hier lui repassait en tête. Cette escapade hors des limites de la ville lui avait fait le plus grand bien, bien plus que la matinée qu'elle avait passée dans les locaux paternel en essayant de suivre les discours financiers sans céder à l'appel de sa gueule de bois carabiné. Si son intégration au sein de la société locale était complète, jonglé avec une supposée image de jeune fille de bonne familles et ses errances perpétuelles devenait de plus en plus délicat. Mais elle n'allait pas s'en plaindre, son train de vie possédait un intérêt certain. Elle retirait d'une main ses chaussures en balayant la pièce du regard, vide, Hael était surement encore au travail.  Avec ses pieds nues rendu douloureux par sa course effrénée, glisser sur le sol impeccable de l'appartement était un vrai plaisir. L'appartement qu'elle partageait avec son petit ami faisait partie des endroits qu'elle préférait: premièrement, il y régnait une tranquillité certaine qu'elle ne trouvait que trop rarement ailleurs, deuxièmement son entourage ne viendrait jamais ici et puis elle en a marre de devoir courir, partout, tout le temps, sans aucun temps mort.  London poussa un soupir et avala sa viennoiserie tout rond. Sans la présence du jeune homme l'endroit perdait pourtant une grande partie de son attrait. Elle se laissa tout de même tomber sur le canapé d'angle en abandonnant le sachet de viennoiserie sur la table basse et appuya sa tête contre son poing, tentant tant bien que de mal de capter les bruits environnant. Si son crâne avait été moins douloureux et ses sens plus alertes, sans doute aurait-elle capté le sourd brouhaha provenant du couloir. Mais de bruyant, elle ne percevait que le battement douloureux de son sang contre ses temps et le tourbillonnement incessant de ses pensés. Et puis, il n'y avait aucun mal à faire une courte pause. S'assoupir un bref instant.
Une innocente seconde de relâchement.

{amour pansement}
crédit/ tumblr ♫ w/london

Encore une journée qui se dissipe telle une trainée de poudre dans l’espace-temps. Minutes s’écoulant sur son avant-bras en écho au rythme de son myocarde. La foule s’amoindrit, les hurlements incessants cessent et le silence retrouve enfin sa place au sein de cette salle. La musique résonne encore dans les coeurs de ses fans restés jusqu’au dernier moment, priant pour le retour surprise de leur idole. Mais Kasey c’est déjà retiré dans sa loge, laissant derrière lui cette soirée presque banale à ses yeux. Maintenant que la star a eu son heure de gloire, l’équipe qui régit son monde s’active. Hael défait les derniers fils, range les dernières caisses qui requièrent de la force avant de se retirer vers les vestiaires. La fatigue déforme ses traits pourtant redevenus si paisibles. Son corps puise dans ses dernières forces pour s’échapper de ce monde de paillettes. Rapide accolade, subtile embrassade avant de retrouver l'ambiance extérieure. D’un geste familier, ses doigts remontent sa capuche sur sa tête, dissimulant tant bien que mal ce visage qu’il souhaite cacher. Cigarette bientôt coincée entre ses lèvres, la nicotine ne met pas longtemps à se répandre dans son organisme, bousillant encore plus ce corps. Le soleil s’unit à une brise légère pour rendre l’atmosphère de la ville bien plus paisible. Alors que le temps semble s’arrêter lorsque les premières notes de musique retentissent, la réalité est tout autre. La vie continue, les heures, les minutes défilent pour permettent aux prochains jours de venir. Mais pour l’ancien voleur, les jours se confondent, se ressemblent et rendent ses journées parfois bien monotones. Les réseaux sociaux ne cessent de retenir son attention depuis que sa relation avec London a été découverte. Les critiques tombent, les jugements positifs comme négatifs souillent les journaux qui ne retenaient pas son attention avec tout cela. Il était passé à autre chose Hael, il avait appris à aimer de nouveau quelqu’un dont la simplicité n’est visible que dans l’intimité. Ses clés s’entrechoquent avec son téléphone dans la poche de sa veste, lui rappelant qu’il n’était plus très loin. Le bonheur de retrouver son chez soi lorsque les journées se font longues n’a pas de prix. Le jeune homme gravit les escaliers jusqu’à l’appartement qu’il partage avec celle qui a conquis son coeur. Sa paume repousse la porte qui claque en se refermant, réveillant son ouïe pourtant si meurtrie par le son des basses. Un soupiré s’échappe de ses lèvres. L’appartement semble le seul auditeur de son soulagement. Sa veste se retrouve rapidement bien loin de lui, la fraîcheur de l’habitat le fait frissonner. Ses pieds le trainent jusqu’au canapé qui laisse les jambes familières de London dépasser. Les lèvres de l’éphèbe s’étirent en un sourire et naturellement il vient se pencher au-dessus de sa belle. « Tu sembles aussi éveillé que moi. » lance-t-il moqueur avant de venir capturer ses lèvres délicates aux senteurs prononcées de caféines. « Je te promets pas des activités palpitantes aujourd’hui. » Son corps se glisse à ses côtés et ses lèvres se perdent naturellement sur sa joue, laissant la tendresse de ses gestes parlaient pour lui.