(#1) yosaiah + secrets and lies

Yohan se réveille en sursaut.
Il y a deux minutes, il était en train de mener un match dans ses rêves. À croire que le Small Science Tournament lui manque vraiment beaucoup. Heureusement que la reprise est dans quelques jours : les congés commencent à devenir beaucoup trop longs pour lui. Il a besoin de s’occuper, il a besoin d’avoir des choses à faire pour ne pas trop penser. Trop de choses lui prennent la tête.
Il se redresse un peu et retrouve ses repères. Il s’est endormi sur le canapé en attendant les autres, encore. Aedhan est visiblement rentré entre temps, puisque ses chaussures sont dans l’entrée et ses clés accrochées juste à côté de la porte. Il ne l’a même pas réveillé. Sydney est probablement toujours en train de bosser - ça arrive de plus en plus, qu’il passe ses nuits au boulot. Ça lui plait pas franchement, à Yohan. Il a peur que son cousin s’épuise et que les angoisses le bouffent - il se pose toujours tellement de questions, Syd. Il a mal choisi son boulot : y’a rien de plus stressant que d’être directeur général de l’une des plus grosses boîtes de la ville. Il est fier, bien sûr, mais y’a des jours où il se dit qu’il aurait préféré que Syd choisisse une carrière un peu plus sympa avec ses nerfs.
Ce qui est étrange, en revanche, c’est qu’Isaiah ne soit pas là.
Il n’y a pas ses clés, son manteau n’est pas là. Yohan passe une main sur son visage et jette un coup d’oeil à l’heure. 2:03 La nuit est bien entamée. Étrange. Il va quand même vérifier dans la chambre d’Isa, juste au cas où l’aîné de la bande se serait juste étalé sur son lit en rentrant - mais il ne la trouve que désespérément vide. Une petite pointe d’inquiétude commence à lui serrer l’estomac. Il sait bien, qu’Isaiah est un grand garçon, et que s’il n’est pas là, c’est probablement parce qu’il avait mieux à faire. Qui sait, peut-être dort-il chez quelqu’un ? Yohan le souhaiterait presque. Ça lui ferait pas de mal, un peu d’amour, à l’aîné des Stilinski. À tous les Stilinski, d’ailleurs, qu’il peut pas s’empêcher de penser, Yohan, avec un sourire en coin. Il referme la porte. Il faut pas qu’il s’inquiète.
Une demi-heure plus tard, pourtant, il n’arrive pas à trouver le sommeil. Quelque chose le garde éveillé, il sait pas trop quoi. Il essaie de ne pas trop analyser, essaie de ne pas arriver à la conclusion que quelque chose ne va pas et que c’est son lien à Isa qui le garde éveillé… Mais c’est peine perdu : Yohan est un flippé de la vie. Alors il finit par se lever, conscient qu’il n’est pas prêt de trouver le sommeil. Il va juste falloir qu’il attende : soit qu’Isaiah rentre, soit d’être crevé au point de ne pas pouvoir rester debout. Il trouve une vieille série à regarder. 2:45

Quand il rouvre les yeux - après s’être visiblement endormi de nouveau, finalement, la télé indique 5:36. C’est la clé dans la porte qui a brisé le silence de l’appartement et qui a rompu son sommeil beaucoup trop léger. Isa? Yohan se lève pour voir son coloc rentrer, et se débarrasser de sa veste. Bordel mais t’étais où ? Tu m’as trop fait flipper. Il se rapproche de l’entrée, allume la lumière. T’aurais pu envoyer un message, prévenir, je sais pas, n’importe quoi! C’est le manque de sommeil et l’inquiétude qui le font parler aussi durement, parce que c’est pas vraiment son genre, de tomber sur les gens comme ça.

Il fait les cents pas. Il se sent pas super bien Isaiah, une boule dans le ventre et la gorge nouée. Il commence à se dire que son boulot devient trop dur, que sa double vie est dangereuse. Que c'était pas une bonne idée. De mêler gouvernement et corbeaux. Que c'est pas correct de jouer à l'agent double, qu'il risque de s'en mordre les doigts.
Mais il le fait quand même, l'idiot. Peut-être par culpabilité. Mais cette culpabilité elle se retourne contre lui dans ces moments-là. Il se mord la lèvre inférieure pour ne pas crier de rage. Il la déteste, sa soulmate. Il sait pourtant qu'il est lié à elle maintenant, qu'il doit la supporter, cautionner leur lien et peut-être, oui, peut-être lui venir en aide. Il l'a pas aidé la première fois et c'est pour ça qu'il est dans cette situation maintenant. Qu'il doit supporter ses crises, sa peine et sa douleur. Et qu'il a mal, lui aussi. Il préfère juste s'éclipser quand ça arrive parce qu'il parle de ça à personne. Il assume pas sa lâcheté, d'avoir abandonné sa soulmate pas plus que ne pas l'aimer. Et elle est pas la seule dans ses pensées, y'a cette fille aussi. Nephtys. Elle connaît ses amis, elle connaît son frère et ça lui bouffe les pensées. Parce qu'il sait pas quoi faire, il sait pas si il doit en parler ou garder ça pour lui. Mais bordel, elle veut mourir.
Il recommence à marcher dans la nuit, légère brise sur son visage pour apaiser ses tumultueuses pensées, ses idées sombres. Il sait pas vraiment l'heure qu'il est, une heure avancée de la nuit probablement. Il veut juste se vider la tête. C'est peine perdue pourtant, il le sait. C'est toujours mieux que fuir les regards de ses colocataires, leurs questions. Personne l'embête en pleine rue, il peut réfléchir en paix. Il peut souffler. Mais au bout d'un certain temps la fatigue vient picoter ses yeux, le rappelle à l'ordre en le faisant bailler. Il lâche un grognement, passe sa main sur son visage et daigne enfin regarder l'heure. 5:17. Ils dorment tous à cette heure là normalement. Il peut rentrer tranquillement sans croiser personne, qu'il se dit. Alors il décide de rentrer, le crâne encore bourré de pensées néfastes. Marcher n'aura servi à rien.

Il passe la clé dans la serrure, tourne la poignée. Et se mord la lèvre, lâche un soupir. Pas qu'il soit pas content de voir Yohan mais il a l'impression que son plan de rentrer en douce pour échapper aux questions vient de tomber à l'eau. Complètement. Il se débarrasse de sa veste, laisse un silence planer et en profite pour préparer ses réponses. Il glisse sa main derrière sa nuque, ferme les yeux quelques secondes à peine. J'avais des trucs à finir pour le boulot, pas de quoi s'inquiéter. il sait, pourtant, qu'il peut se confier sans crainte à son ami mais les mots franchissent pas ses lèvres. En tout cas même si il voit qu'il est inquiet il aime pas qu'il lui parle de cette manière. Il fronce les sourcils, lève les yeux au ciel. J'ai passé l'âge pour qu'on s'inquiète pour moi, Yohan. Et toi tu devrais être en train de dormir au lieu de me sermonner.

Isaiah est tendu. Yohan n’a pas besoin de l’observer pour le savoir. Quand ils sont physiquement proches, c’est comme si leur lien était plus fort : qu’ils étaient encore plus à même de ressentir ce que l’autre ressent. Yohan a toujours du mal à appréhender tout ça, même après toutes ces années, mais ça lui sert bien, de pouvoir s’insérer dans les émotions de son coloc et ami. C’est peut-être un peu intrusif, oui, mais ce n’est pas comme s’il pouvait y faire quoi que ce soit. Il y a une époque où ils ont cherché un moyen de se couper un peu les uns des autres, histoire de ne pas polluer le quotidien des autres avec des émotions fortes - positives ou négatives, mais ça a été un véritable échec. Pour Yohan plus que les autres : il a toujours été un livre ouvert (à part avec Eliott. Eliott a toujours été l’exception à tout), alors tenter de masquer ses émotions était peine perdue.
J'avais des trucs à finir pour le boulot, pas de quoi s'inquiéter. finit par dire l’aîné, une fois son manteau posé dans l’entrée. Mais Yohan n’est pas fan du silence qu’il a laissé planer pendant quelques secondes. J'ai passé l'âge pour qu'on s'inquiète pour moi, Yohan. Et toi tu devrais être en train de dormir au lieu de me sermonner. Yohan hausse les épaules. J’arrivais pas à dormir. se défend-t-il. Et je te sermonne si je veux. J’ai beau être le plus jeune, je suis le plus responsable, dans cette maison ! fait-il en espérant détendre un peu l’atmosphère. Il reste des pâtes, si tu veux. finit-il par dire, s’apprêtant à remonter dans sa chambre pour finir sa nuit - en espérant réussir à trouver le sommeil avant que son réveil sonne et qu’il soit obligé de partir à l’entraînement.

Mais alors qu’il monte les premières marches de l’escalier, il se ravise, et suit Isaiah, qui va dans la cuisine. Parce que de toute manière, cette nuit est étrange, il décide de se servir une assiette de pâtes. Parce que pourquoi pas. Il n’a pas l’impression qu’il va dormir de toute manière. La tension d’Isaiah l’empêche d’être parfaitement serein. Autant cuisiner son coloc. Tu veux en parler ? demande-t-il de but en blanc. Il est trop tard (ou trop tôt) pour tourner autour du pot. J’voulais pas t’embêter mais… Je sais pas, je te sens pas, depuis quelques temps. J’ai l’impression qu’il se passe un truc. Techniquement, il aurait pu aller vérifier lui même : ça aurait été simple, de déclencher un échange de corps, et d’aller checker ce qui se passait aux moments où il sentait Isaiah dans de drôles d’état. Mais partager des émotions est déjà assez intime, il était hors de question qu’il viole son jardin secret. S’il doit savoir des choses, il veut que ce soit parce qu’ils ont parlé. J’veux pas m'immiscer dans ta vie, mais… Il hausse les épaules. J’aime pas te savoir comme ça. Il pince les lèvres et s’assoit sur l’une des chaises du petit bar. C’est le boulot ? C’est des histoires de coeur ? Il sourit légèrement. Il se doute que ce ne sont pas des histoires de coeur - en tous cas, ça le surprendrait qu’Isaiah soit aussi tendu pour des choses comme ça. Mais qui sait ? Il s’attend tout de même à quelque chose de plus sérieux. C’est quand même extrêmement frustrant, de partager ses émotions, sans savoir ce qui les cause.