(mahan) look at the stars instead of the dark

Il fait tâche, au milieu du propre et du beau. Qu'importe où il se trouve sur Altea, Max fait tâche. Trop sombre, trop sale, qu'importe le nombre de fois qu'il se lave. A-t-il beau passer des heures sous l'eau chaud, frottant au point d'en avoir la peau irritée et une rougeur permanente sur le corps tout entier, le chien fou a la sensation d'être sale. Il a cette impression de sentir la cendre, la pluie et le renfermer. Il a l'impression de se prendre le mépris des gens qu'importe au combien il marche droit et fait attention à ses pas. Il fronce des sourcils, alors. Il fronce des sourcils et regarde le sol pendant de longues minutes ou alors les dévisage violemment, au choix. Le tout dépend surtout de son état d'esprit du moment, au final. Il aimerait leur hurler qu'il n'est pas comme eux et qu'il voudrait bien l'être, mais les mots lui hurlent la gorge et l'orgueil la serre douloureusement. Il aimerait avoir une peau qui accepte le soleil mais Nephède est une terre sombre et brumeuse et froide, et le soleil est rare. Sa peau est blanche, alors ; presque translucide. Le soleil qui la cogne ne laisse que des traces rouges qui le brûlent pendant des jours, ensuite. Elles prennent surtout place sur ses joues, car le reste de son corps est couvert. Le froid de Nephède est encore dans ses os et qu'importe la chaleur d'Altea, le Shark garde le moins de ses vêtements. C'est peut-être pour cela qu'il a cette impression de sentir mauvais ; il sent réellement mauvais.
Perdu dans le noir de son hoodie et de ses jeans, un bonnet sur la tête et du rouge sur les joues. Étrange personnage.
Max semble rougir en permanence, gêné d'exister, gêné de faire tâche.
Il déteste cela. Ça lui donne envie de tout frapper. De tout casser.
On dirait qu'il attire encore plus le regard des gens. Peut-être ne le regardent-ils pas, en réalité. Peut-être est-il fou, un peu.
La chose lui semble encore plus fréquente, ici. Les visages des passants sont nombreux et les étudiants semblent le narguer. Ils ne le font certainement pas, mais Max a toujours ce feeling depuis qu'il a cessé les cours il y a plusieurs années. Alors ils le narguent, forcément, tandis que le chien errant reste là les bras croisés sur un banc, un café noir et froid à ses pieds, le regard fixé sur les passants. Il les dévisage autant qu'il croit être dévisager. Il cherche, surtout.
Il cherche un visage familier tandis que le soleil semble se coucher et que les heures s'écoulent et que la nuit se pointe et que lui, trop têtu, trop con ou autre encore, se retrouve là à attendre une personne qu'il n'a vu qu'une fois et qu'il espère voir maintenant. Pas que cette personne lui manque ou l'ait marqué ; Max a besoin de quelque chose, et espère pouvoir se le procurer via l'individu en question.
Il est là depuis 18h, maintenant, et 20h vient de passer. Le café est froid, pas forcément de son goût de toute manière, la journée a été longue, Ajay est un con et ses yeux se ferment un peu plus à chaque minute. Brillante idée, donc.
Lorsqu'il les ouvre pour une énième fois, son cou est douloureux, râle le début d'un torticolis. Max y passe la main et masse légèrement, avant de porter ses doigts à ses iris ; il frotte un moment, avant de se redresser légèrement. Il s'est affaissé sur le banc sans remarquer. Il s'est certainement endormi sans remarquer ; le ciel porte des étoiles qui n'y trouvaient pas, il y a quelques instants.
- N'importe quoi ; il gronde bas, jure contre lui-même, ensuite. Si le regard s'arrête une dernière fois aux environs dans l'espoir de voir le coréen, il n'a pas espoir.
Et forcément, il ne le voit pas. Du moins, pas avant quelques secondes.
La clochette venant de la porte du café titille légèrement son oreille, et Max prend une seconde avant de tourner les yeux. Il croise, brièvement, une chevelure. Elle ne capte pas son attention ; Mad Dog a-t-il beau avoir une teinture, il n'en a rien à foutre, des crinières d'autruis. Mais le bracelet, lui, capte son regard endormi.
-  Hé, qu'il dit, d'abord bas, avant de recommencer plus fort. HÉ ! S'il se lève brusquement, Max ne fait pas attention à ce qui l'entoure. Le café froid s'écroule sur le bitume et le liquide épouse le sol sans tarder. D'une main, il s'empare de son sac avant de suivre le garçon ayant sorti du café, une minute plus tôt. Hé, Ian ! Ian !
L'autre ne se retourne pas, forcément. Les sourcils se froncent et avance un peu plus vite, pour le rejoindre. Il prend la peine de courir, bien qu'il n'aime pas forcément, et que certains le dévisagent encore plus.
- Fuck, Ian ! La voix gronde, le bras bionique agrippe celui du coréen, le force à lui faire face. Sourcils froncés, Max gronde encore plus fort. T'es sourd ou quoi, tu reconnais pas ton prénom même quand on hurle ?
Le froid artificiel de la main quitte la peau bouillante. Un peu de rouge y reste, par la pression exercer. Max ne s'excuse, mais pince les lèvres, légèrement. Il dévisage brièvement l'autre, ce coréen. À peine quelques jours depuis leur rencontre, mais Max n'a pas oublié. Son visage non plus ; sur ses traits pâles, un ecchymose reste ; souvenir d'un faiblard furieux suite au vol de son portefeuille, bien motivé à regagner ses biens. La mâchoire de Max n'est plus douloureuse, mais reste colorée. Il espère que l'autre aussi garde des marques de la brève bagarre.

C’est devenu une habitude, une très mauvaise habitude. Après avoir que l’entraînement soit terminé, après qu’il ait pris sa douche et dit au revoir à ses coéquipiers, Yohan prend le mauvais chemin. Il devrait prendre le métro, vraiment, il devrait partir en direction d’Oriel pour retrouver le confort de son appartement, la présence chaleureuse de ses colocataires et se goinfrer de céréales, enfoncé dans son lit comme une énorme larve. Il devrait. Au lieu de ça, il commence à marcher sous le ciel de fin d’après-midi, son sac sur l’épaule, en essayant d’éviter de penser à ce qu’il est en train de faire. Il traverse Soho, tranquillement, à mesure que le ciel perd ses couleurs chaudes pour laisser place au bleu sombre et aux étoiles. La plupart du temps, il arrive à Cosmopolis avant que la lumière du jour ait complètement disparu. Le café Médian n’est pas loin de la frontière entre les deux districts de Central City.
Le café est bondé, la plupart du temps. Une fois sur quatre, il n’entre même pas. Il se contente de passer à côté, de rester derrière la porte, d’observer quelques minutes l’intérieur, cherchant la silhouette si familière, les cheveux châtains, le sourire. Eliott. Il veut pas le stalker, pas vraiment. Yohan cherche juste à s’assurer qu’il est toujours là. C’est con, peut-être, mais depuis qu’il est sorti du coma, Eli est si instable que Yohan a l’impression qu’il peut lui échapper d’un jour à l’autre. Une personne extérieure le prendrait probablement pour un dingue, à venir tous les jours observer d’un oeil inquiet son ami d’enfance. Peut-être qu’il l’est, dingue. Dingue de lui, surtout. Voir Eliott derrière le comptoir, ou en train de déposer des boissons sur une table pour des clients, ça suffit à calmer ses inquiétudes, et ça lui permet de rentrer à la maison avec le coeur un peu plus léger. Ça lui donne l’espoir que peut-être, il va mieux.
Trois fois sur quatre, il entre pour commander quelque chose, prétextant une addiction (inventée de toutes pièces) à la caféine. Ça lui permet de dire bonjour, d’obtenir un sourire, quelques mots. Yohan essaie de se persuader que c’est normal d’aller passer le bon jour quasi quotidiennement à l’un de ses meilleurs amis. Mais au fond, il se sent plus comme un mec débile qui essaie de draguer un serveur en venant tous les jours sans pour autant oser demander son numéro. Pathétique.
Aujourd’hui, comme la plupart du temps, il entre. Le pire, c’est qu’aujourd’hui, il a vraiment envie d’un café. « C’est plus l’heure du boire du café. » lui dit comme souvent Eli, en lui servant pourtant ce qu’il demande. Eliott trouve ça bizarre, qu’il boive autant de café : il l’a toujours connu plus fan du chocolat chaud et de la chantilly. « C’est toujours l’heure de boire du café. » Haussement de sourcils. « Pas quand on est un sportif qui doit dormir. » Leur échange est court, direct, y’a pas beaucoup de sourires parce qu’Eliott est un peu dans le jus, mais c’est pas grave. Yohan rentrera chez lui avec sa dose pour la journée. Il reste vingt bonnes minutes dans le café, à remplir un formulaire administratif (c’est pas plus mal, s’il était rentré directement, il n’est pas sûr qu’il aurait eu le courage de le faire), et finit par se dire qu’il est temps qu’il rentre (son corps lui rappelle qu’il est temps, de toute manière). Il envoie un signe de la main à Eli et sort du café, s’engouffrant dans la nuit tiède de Central City.
Il ne fait pas franchement attention à ce qu’il se passe autour de lui. Doucement, il démêle ses écouteurs - un vieux modèle qu’il préfère aux nouveaux, sans fils (qu’il perd tout le temps). Il va probablement marcher jusqu’à Oriel. C’est un long périple, et son corps n’est pas en état… Mais Yohan n’aime pas les transports en commun. Il les évite quand il peut, même ça signifie qu’il doit faire de l’effort en plus. Il s’apprête à mettre un écouteur dans son oreille droite quand quelqu’un l’agrippe avec une force qui le fait sursauter. « Fuck, Ian ! » Yohan croit d’abord que le mec est là pour l’agresser, mais il baisse les yeux sur le bras étrange qui vient de l’attraper, et ça fait comme un flashback dans sa tête. « T'es sourd ou quoi, tu reconnais pas ton prénom même quand on hurle ? » Yohan ouvre de grands yeux furieux en récupérant son poignet, qu’il frotte de son autre main. Le bras bionique a failli lui broyer les yeux. « Peut-être parce que c’est pas mon prénom??? » s’offusque-t-il, jurant entre ses dents. « Tsss. » Il se souvient très bien de ce mec, ou plutôt, ses côtes s’en souviennent encore, et son bras gauche aussi. Leur altercation remonte à quelques jours maintenant, et Yohan pensait ne jamais revoir la gueule de ce gars. « T’as failli me casser le bras, t’es dingue ! » continue-t-il de pester. Il est sportif bordel de merde, il ferait quoi, sans son bras ? S’il avait endommagé même le moindre nerf, Yohan n’aurait pas hésité à le balancer contre un mur, lui qui pourtant ne ferait pas de mal à une mouche en temps normal. « Comment tu m’as trouvé ? Est-ce que tu m’as cherché ? » Il espère que ce n’est qu’une coïncidence. « Qu’est-ce que tu veux ? » Il est un peu sur la défensive, pas sûr à cent pour cent que le mec mérite sa gentillesse, et encore moins sa confiance.

C'est étrange de remarquer qu'on est seul au monde. On l'est toujours, plus souvent qu'autrement, quand on est solitaire. Max l'est, solitaire. Certes, Nina est dans sa vie depuis plusieurs années maintenant, et les Sharks sont marqués à même sa chair, mais il reste loin des autres. Il ne s'en rend pas particulièrement compte. Max a cette manie de s'éloigner des gens, tout bonnement. Il s'éloigne de lui même car il ne trouve jamais les mots à dire et qu'il n'est pas capable de parler du bon et du mauvais temps. Les conversations sans fond l'emmerdent. Écouter les problèmes des autres le met mal à l'aise, et il finit plus souvent par les brusquer qu'autre chose avec des conseils un peu violents. Il n'est pas fait pour être amical. Il n'a jamais réellement été présentable. Il lui arrive encore aujourd'hui, malgré les années, de se dire que Nina va foutre le camp un jour et ne pas revenir, ayant marre de son caractère. C'est tout con, mais il s'y attend presque. La chose ne le surprendrait pas. Il s'attache difficilement, après tout. Il ne sourit pas, ne dit pas merci, encore moins s'il vous plait, et dévisage un peu trop. Il crache ses mots sans les maquiller avec de la douceur et reste trop franc pour plusieurs gens. Il n'aime pas l'attention, encore moins ceux qui sont trop bruyants, toujours en mouvement, et qui l'épuise simplement à exister. Il insulte facilement et cogne avant de poser des questions, pense un pardon mais le dit que rarement. Il est maladroit, peut-être. La chose reste la même ; Max n'a pas grand gens, autour de lui. Il ne cherche pas non plus à les augmenter. Sur Nephède, il les compte sur les doigts d'une main, ceux qui captent réellement leur attention, ceux avec lesquels il essaie de garder les mots violents pour lui même et trouver d'autres plus doux.
Sur Altea ?
Sur Altea, il ne croit pas en connaître, encore. Ajay - ou qu'importe son prénom, franchement - est ce qui ressemble le plus à un ami et encore, Max n'ose pas s'approcher totalement. Ni lui demander quelque chose comme un hébergement. Il est parvenu, les autres fois, à utiliser son peu d'argents pour se payer une chambre dans un motel minable et y passer la nuit. Voler des portes feuilles, aussi, lorsque les poches étaient trop vides. Il se débrouille avec ce qu'il peut, mais ce soir, il ne peut pas.
Aujourd'hui, ses poches sont vides, ses côtes sont un peu douloureuses, il n'a pas envie de prendre un portail pour retrouver le sombre de Néodam et encore moins de voler. Il est épuisé, peut-être. Las, qui sait. Max ne trouve pas le juste mot, et qu'importe de toute manière ; qu'il sache le mot ou non pour identifier l'émotion, elle reste présente toute de même. Alors, il ressent un truc, ce truc, pas trop agréable dans ses tripes, un peu lourd sur son corps, et il a juste envie de se poser quelque part et de dormir.
De fermer les yeux sans avoir peur qu'un connard vienne lui faire les poches car il dort dans la rue.
Pourquoi il a pensé au coréen ? Aucune idée. La première rencontre n'a pas été agréable, après tout. Mais avec Max, aucune rencontre n'est agréable, de toute manière. Il a pensé à lui, pourtant. Il ne se rappelle pas réellement de leur conversation - Max et la mémoire - mais sait qu'il est un bon gars. Alors, il l'a attendu ici avec un espoir un peu con.
Un espoir carrément con, qu'il se dit, tandis qu'il lâche son bras et qu'il serre les dents, fort, pendant que le gars peste contre lui. Il y est habitué ; c'est rare qu'on le complimente, Max. Et généralement lorsqu'on le fait, c'est surtout pour des trucs qui ne devraient pas se prendre de compliments.
Il pince ses lèvres un peu fort et les dents aussi, expire brusquement par le nez tandis que l'autre continue de parler - putain, pire qu'une fille, pire que Nina - pour garder son calme et surtout, ne pas foutre le camp. Il est déjà persuadé que c'est une mauvaise idée, qu'il va se prendre une claque, un mur, et qu'il va finir par dormir dans la rue, alors à quoi bon rester et prendre la peine de lui demander ?
Mais Max est têtu, un peu idiot peut-être, alors il reste là et le regard un peu détourné à regarder la foule, il prend sur lui.
- Calme toi, merde! désolé pour ton bras, okay ? , qu'il dit sur un ton presque agressif, un peu doux aussi, comme si c'était lui qui avait mis son bras entre ses doigts et que ce n'était surtout pas de sa faute. Il serre la mâchoire quelque seconde avant de, forcément, entendre la voix de Nina dans sa tête. Le Shark soupire, avant de passer ses doigts dans sa crinière et de le regarder. Il continue sur un ton qui semble réellement désolé, cette fois : J'voulais pas serrer comme ça. C'est pas le meilleur des modèles, ça chie un peu niveau force parfois.
Il renifle, encore - son rhume est toujours là, après tout, et ses voyages entre Néphède et Altéa n'arrangent rien à la chose.
- J'te cherchais pas, qu'il gronde, un peu amer avant de continuer sur un ton presque embarrassé : J’espérais juste que tu repasses par le café. Le regard se détourne du à la gêne et il gratte sa joue, brièvement, avant de remonter la ganse de son sac sur son épaule. Il est presque vide, contient plus de feuilles, de notes et de carnets que de vêtements. Écoute j'ai besoin d'ton aide Ia - Il s'arrête, une seconde, les sourcils un peu froncés, cherchant quelque chose, peut-être. Puis, le dévisageant brièvement, une grimace sur la gueule face à son inconfort, il dit : C'est quoi ton prénom, si c'est pas Ian ?
Peut-être, qu'il se dit, qu'il aurait du commencer par cette question là.

« Calme toi, merde!  désolé pour ton bras, okay ? » Ce mec n’a vraiment aucune honte. Il lui ordonne presque de se calmer après la frayeur qu’il vient de lui faire ? Pour qui il se prend ? Yohan expire entre ses dents serrées, en continuant à masser son poignet encore un peu douloureux. Il regarde le jeune homme, pas sûr de la sauce à laquelle il va être mangé. On peut pas dire qu’il le connaisse suffisamment, Max, et leur première entrevue n’a pas été qu’une partie de plaisir, alors il reste méfiant. Et puis… Ça le fait flipper, l’idée même que le mec ait pu le chercher et aussi le retrouver. Si ce gars random en est capable, ça veut dire que n’importe qui peut le faire, et ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour le sportif, qui vit avec deux membres de gangs et pourrait aisément être pris à parti dans leurs… affaires. « J'voulais pas serrer comme ça. C'est pas le meilleur des modèles, ça chie un peu niveau force parfois. » Yohan laisse son regard glisser sur l’automail. Ils sont extrêmement rares, sur Altea. Les seules fois où il a pu observer de pareils outils, il était sur Néphède, et voyait à travers les yeux de Malia ou Milena. Il se souvient en avoir vu un sur Sigan, aussi, une fois. Ça le fascine un peu. Il veut pas fixer, mais il fixe quand même malgré lui. Comment ce mec a-t-il perdu son bras ? Peut-être qu’il vaut mieux ne pas savoir.
Un reniflement peu glamour l’informe que le brun est probablement un peu malade. Yohan saute naturellement à la conclusion qu’il est venu essayer de gratter des médicaments. Ou alors… Oui, il a les yeux bien rouges, quand même. Il a vraiment pas l’air bien. Est-ce qu’il cherche de la drogue ? Yohan est déjà saoulé à l’idée seule. Il n’aurait pas de mal à en trouver, bien sûr - il vit à Oriel et est littéralement noyé dans le monde de la drogue - même si lui-même y touche rarement. Mais il n’est pas un dealer, et encore moins pour quelqu’un qu’il ne connaît pas, et encore, encore moins pour quelqu’un qui a failli mettre des parties de son corps - son gagne-pain - en morceau deux fois.
« J'te cherchais pas » C’est léger, mais Yohan ressent quand même un certain soulagement. Il a quand même du mal à croire qu’ils se soient retrouvés pour une seconde fois sur le chemin l’un de l’autre par le plus grand des hasards, mais il est prêt à accepter l’idée. Avec un peu de chance, ça n’arrivera pas une troisième fois. « J’espérais juste que tu repasses par le café. » Donc, il le cherchait. Yohan soupire et lève les yeux au ciel. Retour à la case départ. Ça lui plaît vraiment pas, tout ça. « Écoute j'ai besoin d'ton aide Ia - » Le sportif croise les bras sur son torse, un peu saoulé, quand le mec se trompe encore de prénom. « C'est quoi ton prénom, si c'est pas Ian ? » Nouveau soupir. Il devrait peut-être lui mentir pour le semer et éviter qu’il ne le retrouve une troisième fois ? Il lui a déjà dit la première fois, et il a oublié, il oubliera peut-être de nouveau. « Yohan. T’y étais presque. » Il peut au moins lui reconnaître ça. Bel effort. « Qu’est-ce que tu veux ? » dit-il un peu sèchement malgré tout, toujours méfiant et un peu flippé. « De l’argent ? De la drogue ? » C’est peut-être un peu cliché, de demander ça. Un peu sec et insensible aussi. Mais ce sont les hypothèses les plus plausibles, et Yohan est toujours un peu sur les nerfs. Pour qu’un mec qu’il ait vu une fois essaie de le retrouver, il faut bien une raison aussi urgente et problématique qu’une addiction ou un manque d’argent, pas vrai ? Max l’a clairement pas attendu pour qu’ils deviennent amis, ou qu’ils aillent boire un verre. Yohan aimerait qu’il soit là pour s’excuser une seconde fois des coups donnés lors de leur première… interaction, mais il doute que ce soit le genre à chercher quelqu’un pour faire des excuses. « Comment ça se fait que de toutes les personnes, tu sois venu me voir moi ? Tu dois vraiment être désespéré. » suppose le jeune Pearson. Il ne dit pas ça pour mettre le mec mal à l’aise. Il pense tout haut, en fait. « Ou alors… Tu connais personne à part moi ? » Hypothèse tout à fait plausible aussi.

Il fronce des sourcils drastiquement, sans excuse, agacé de ne pas connaître son prénom, agacé de ne pas avoir eu le temps de poser sa question encore et surtout, énerver que l'autre est si chiant et que toute cette merde lui demande autant de temps. Max aimerait bien lui faire un doigt d'honneur et finalement continuer son chemin. Peut-être pourrait-il retourner sur Néphède pour la nuit ou encore, s'infiltrer dans une demeure vide pour quelques heures de sommeil. Les soupirs que lui accorde ce gars ne lui donnent pas envie de rester. Ils l'énervent plus qu'autre chose. Forcément, venant de Max, l'énervement prend place sans aucune raison particulière. L'Impatience aussi. Car même si le monde tourne à la même vitesse, les choses ne vont pas assez vite à son goût et du même fait, il devient impatient et commence à être énervé. Nina lui a souvent dit qu'il devrait respirer, faire du yoga ou une connerie du genre pour calmer son impatience. Tout ce qu'il a trouvé pour lui répondre, c'est un long regard désintéressé. Elle continue de suggérer la chose depuis des années comme si, un jour, AH, le Shark allait l'écouter. Lui avouer le contraire serait comme lui dire que le Père Noel n'existe pas alors forcément, Max continue de la dévisager tandis qu'elle attend encore la fée des dents et des conneries du genre pour qu'ils viennent faire du yoga avec lui.
Et forcément, FORCÉMENT, plus il regarde ce Ian - non, Yohan, mais sérieusement, c'est la même chose - Max se dit qu'il est tombé sur un autre cas du genre. Ou pire. Surement pire, vu sa chance. Il lui accorde, sans aucune différence, le même regard qu'il lance à Nina lorsqu'elle demande pour le Yoga, lorsqu'il demande s'il veut de l'argent ou de la drogue. L'énervement croît dans ses veines, face à la connerie qu'il peut lui dire. Le chien fou serre les dents et se retient fortement de lui faire un doigt d'honneur. La chose n'aiderait pas, après tout, à ce qu'il se trouve un lit pour la nuit. Il opte plutôt pour un sourire crispé qui ressemble plus à une grimace qu'autre chose alors que ses yeux, indépendants, lui adressent un regard noir.
L'expression sympathique est à revoir.
Qu'importe, il a fait l'effort. Nina serait fière.
De toute manière, il n'a pas totalement le choix. Sauf Yohan devant lui, il ne peut penser à une autre personne pour se trouver un toit, ce soir. La chose est presque pitoyable. C'est là qu'il se dit que oui, il devrait peut-être écouter Nina un peu plus souvent. Sourire pour des conneries et être faussement gentil. Mais Max déteste être faux. N'aime pas porter des fourrures qui ne lui vont pas. Il préfère être un Shark et un chien fou, qu'importe si la chose n'est pas réellement appréciée par les autres ; au moins, s'il empeste, c'est qu'il empeste la vérité.
- Comment ça se fait que de toutes les personnes, tu sois venu me voir moi ? Tu dois vraiment être désespéré. Ou alors… Tu connais personne à part moi ?
Il serre les dents et renifle lourdement, lui adresse une nouvelle fois un regard noir, relève le menton - ce qui peut paraître un peu con, vu qu'il est plus petit - et s'approche d'un pas. Il n'aime pas son ton. Il n'aime pas la vérité qui est dans ses paroles, aussi.
- C'est ça ouais, lance toi des fleurs, mon gars, qu'il gronde bas, haineux comme bien souvent. Tu crois vraiment que j't'aurais attendu ici si j'avais une autre option ?
Il gronde encore en affrontant son regard pendant quelques secondes, avant de soupirer. Faire la brute ne va pas aider à sa situation. Lui faire des gros yeux non plus n'aidera pas à ce que Yohan accepte de l'héberger pour la nuit. Alors Max soupire et passe ses doigts dans ses cheveux un peu gras, pince ses lèvres et le regarde de nouveau, après quelques secondes. Il lui adresse un rictus léger, bref, mais plus ou moins vrai et presque sympathique.
Presque.
- J'veux pas d'fric. J'veux pas d'drogue. J'veux juste un lit, un canapé, n'importe quoi pour la nuit. J'fous le camp dès l'levé du soleil, promis ; qu'il lui propose finalement. Il grimace une seconde, avant d'offrir une merde qui pourrait faire pencher sa décision en sa faveur : On peut même causer comme des gamines à propos de nos soulmark brisés si tu veux. J'veux juste un putain de lit. J'suis épuisé.
D'un mouvement de la main, il gratte brièvement sa machoire, grimace légèrement lorsque ses doigts touchent ce qui reste de leur bagarre contre sa peau. La marque est encore douloureuse, un peu.

La simple réalisation que ce qu’il vient de dire à haute voix puisse être la réalité lui donne immédiatement des remords. Yohan a envie de croire qu’il y a peu de chances qu’il ait raison - après tout ce n’est pas la première fois que Max est sur Altea - mais il a quand même un moment de doute. Si Max n’a en effet que lui, alors ça veut dire que la seule personne qui peut l’aider vient de lui gueuler dessus, et franchement, Yohan n’en est pas fier, tout à coup. Il s’en veut un peu d’avoir réagi au quart de tour, d’avoir été un peu dur, un peu méchant presque avec ses dernières questions. Peut-être que Max est dans une merde internationale, peut-être qu’il lui est arrivé un truc horrible ! Et voilà qu’en plus, Yohan en rajoute en étant désagréable. Doucement, il essaie de rendre son visage plus aimable. Sa mère lui disait toujours, quand il était petit, qu’il faut toujours bien se comporter avec les autres, parce qu’on ne sait pas de quoi est faite leur vie. Yohan ferait bien de se rappeler plus souvent des mots sages de celle qui l’a mis au monde. Pour rajouter un peu à ses remords, il voit bien que Max essayer de lui vendre un sourire (pas spécialement réussi, mais il essaie). Bien sûr, peut-être que le brun fait tout ça pour l’amadouer, tout simplement, et pas parce qu’il est en détresse. Yohan conclut malgré tout immédiatement que c’est parce qu’il est en détresse, parce qu’il n’arrive pas à se faire à l’idée que les gens puissent être profondément mauvais, quand bien même la vie lui a prouvé le contraire, quand bien même il vit avec deux criminels.
« C'est ça ouais, lance toi des fleurs, mon gars » le ton n’est pas particulièrement agréable, mais Yohan essaie de ne pas le prendre mal. J’ignore ce qui se passe, il a peut-être ses raisons pour être comme ça. se force-t-il à penser. « Tu crois vraiment que j't'aurais attendu ici si j'avais une autre option ? » Yohan entrouvre la bouche, un peu surpris. Ça a le mérite de confirmer ses craintes : Max est tout seul, mais ça confirme aussi que le brun n’a absolument aucun tact et que ses manières sont clairement restées derrière lui - s’il en a. Yohan pince les lèvres - il sait pas trop quoi dire. Il a pas envie de lui donner l’impression qu’il a pitié de lui, et n’a pas non plus envie de jouer le gars hostile et méfiant. Max soupire, et son visage qui se détend un peu rassure le sportif. Bon, il a pas l’air de lui en vouloir. « J'veux pas d'fric. J'veux pas d'drogue. J'veux juste un lit, un canapé, n'importe quoi pour la nuit. J'fous le camp dès l'levé du soleil, promis. » Yohan hausse les sourcils. Y’a une part de lui qui a envie de lui dire que ce serait complètement fou, d’accepter de le ramener chez lui, alors qu’au fond, ils se connaissent pas vraiment. Après tout, même si leur discussion a été honnête et profonde quand ils se sont rencontrés… Y’a plein de choses que Yohan ignore sur Max. Peut-être qu’il est un serial killer qui invente n’importe quoi pour entrer dans la vie de ses victimes, et qui a échafaudé tout un plan pour le tuer ? Stop. Faut vraiment qu’il arrête de se faire des scénarios catastrophe, comme ça. Il a beaucoup, beaucoup trop d’imagination. « On peut même causer comme des gamines à propos de nos soulmark brisés si tu veux. J'veux juste un putain de lit. J'suis épuisé. » Étrangement, ça le fait sourire. Y’a pas beaucoup de gens avec qui il peut échanger là-dessus, et surtout, y’a peu de gens qui en parlent comme ça, avec autant de… désinvolture - même si la fatigue doit jouer. Yohan jette un coup d’oeil à sa montre, et réfléchit, le regard tourné vers le café médian. Eliott est toujours derrière le comptoir, à servir un sourire vide aux clients pour accompagner leur café. Il y a la même détresse dans ses yeux que dans ceux de Max. « Tss. » fait-il d’abord, toujours un peu hésitant. Isaiah et Aedhan sont probablement dehors, ils rentrent pas toutes les nuits. « Quelque chose me dit que je vais peut-être le regretter… » Il jauge Max du regard quelques secondes, mais finit par lâcher, beaucoup trop facilement amadoué : « Mais…. ok. » Il grimace pourtant, signe qu’il n’est pas sûr de ce qu’il est en train de dire. « Je te jure, si tu fais le moindre truc louche… » dit-il quand même. « Et mes colocs sont pas des mecs sympas. T’es prévenu. S’ils t’aiment pas… Bref, fais en sorte qu’ils t’aiment bien. Sinon pas sûr que tu revoies Néphède. » Ce n’est même pas une blague. Isaiah et Aedhan sont loin d’être tendres, surtout Aedhan. « Et va falloir marcher, j’prends pas le métro. » Il l’évite comme la peste, même. Il commence à se mettre en marche, les mains rangées dans ses poches.
Il aurait probablement pas dû accepter aussi facilement.
Bordel qu’il est facilement manipulable. Faut pas le prendre par les émotions, aussi, tss.
« Bon, qu’est-ce que tu fous toujours dans les parages ? »

Un silence tombe, mais pas vraiment. Max ne peut rien faire d'autre qu'attendre, maintenant. Qu'attendre la décision d'une autre personne que lui-même. Il n'en a pas réellement l'habitude. Il déteste dépendre des autres, qu'importe la situation, qu'importe la raison. Mais la nuit commence à être froide sur Altea, pas si froide que sur Néphède, mais assez pour qu'il le sente, en plus de son rhume qui lui massacre la vie depuis plusieurs semaines, déjà. Et il est trop fatigué ce soir pour dormir dans la rue. Il n'a pas envie de perdre du temps pour voler les poches de quelqu'un, même si c'est son plan d'urgence, si Yohan refuse de l'héberger pour la nuit. Il pourrait aussi bien défoncer le restaurant d'Andrea - ou Jay, ou qu'importe - pour y dormir, mais il n'a pas parlé au gars depuis des jours et il ne sait rien de lui. Que des mystères qui l'énervent plus qu'autre chose. Rentrer sur Neodam ne lui tente pas. Il n'y a rien qui l'attend à la cabane, cette nuit. Nina est occupée dans une soirée ou une mission, Naora travaille - et dieu qu'il déteste y penser - et les autres, il ne sait pas. Il n'a pas envie de se creuser l'esprit pour trouver une solution. Il y en a une, là, devant lui, à l'instant. Un coréen un peu furieux qui porte une mine désolée, à l'instant. Max aimerait bien lui faire ravaler le regard qu'il lui offre, car il n'a pas besoin de sa pitié. Ne pas avoir d'endroit pour dormir pour la nuit n'est pas une détresse, à ses yeux. C'est une liberté. Mais les gens ne comprennent pas souvent comment Max voit les choses. Personne ne comprend, chez les Shark, pourquoi il dort dans une cabane dont le chauffage rend l'âme trop souvent, plutôt que dans l'appartement du vieux qu'il possède encore, quelques étages plus bas, ou encore dans le logement de Paul, directement positionné entre les deux.
Max enfouit ses mains dans ses poches. L'autre idiot regarde à l'intérieur du café. Le chien fou jette un regard par dessus son épaule, ne voit que des loques qui commandent du café, et sent l'odeur qui plane jusqu'à ses narines. Il fronce des sourcils et du nez, détourne l'oeil, dégoûté. Max ne comprend pas pourquoi les gens aiment le café. Il espère que si Yohan accepte, il a du thé chez lui. Pour lui réchauffer les os.
-Tss. Quelque chose me dit que je vais peut-être le regretter…
La bête hausse d'un sourcil, agacé, impatient et ouvre la gueule pour lui dire qu'il peut se démerder, si ça le fait trop chier. Mais le coréen continue déjà, car il aime parler, forcément, ou entendre le son de sa propre voix, ou alors un mélange des deux.
- Mais…. ok. Je te jure, si tu fais le moindre truc louche…
Le froncement s'accentue sur son front, mais Max est soulagé de le voir accepter. Pour garder les chances de son côté, il se contente d'hocher de la tête pour dire qu'il a compris. Il s'imagine que Yohan est assez naïf, bête ou généreux pour ne pas voir qu'il est lui-même louche et que par conséquence, la plupart de ses actes le sont pour les autres. Et si Max se dit qu'il jouera le jeu une fois chez lui, il sait parfaitement qu'il serait simplement fidèle à lui-même car il n'aime pas mentir sur la personne qu'il est. Le chien fou s'apprécie comme il est. Il ne porte pas de masque pour accommoder les autres. Qu'ils apprécient, ou qu'ils partent. Il n'en a rien à faire. Avec de la chance, Yohan le laissera dormir quelques heures avant de se décider à le foutre à la porte. Dans le pire des cas, si le gars vit dans un immeuble d'appartement, le Shark dormira dans l'entrée ou les couloirs. Il se trouvera une tanière.
- Et mes colocs sont pas des mecs sympas. T’es prévenu. S’ils t’aiment pas… Bref, fais en sorte qu’ils t’aiment bien. Sinon pas sûr que tu revoies Néphède.
Le Shark hausse d'un sourcil, plus amusé qu'impressionné. Ce n'est pas les premières menaces qu'on lui fait, ni qu'il entend. Mais Yohan l'amuse légèrement, au travers de l'agacement. Il garde pour lui le fait qu'il est presque impossible que ses colocataires l'apprécient, car ceux qui apprécient Max ont souvent quelques cases en moins dans la tête. Mais si ça se trouve, ils ne sont pas forcément brillants. S'ils vivent avec Yohan, c'est peut-être le cas. Après tout, le gars est assez barge pour inviter Max chez lui. Ou si ça se trouve, il a trop bon coeur. Surprenant qu'il soit toujours vivant.
- i'm lovely ; les lèvres s'étirent en un sourire un peu plus grand, menteur et prédateur. Le chien fou le dévisage une seconde, l'amusement dans les yeux, la fatigue en dessous, avant de s'approcher d'un pas. Il commence à le suivre lorsque l'autre lui parle du métro, enfouit un peu plus sa tête dans la chaleur de son écharpe, ne lui disant rien. Ce n'est pas son problème, de toute manière. Et puis, il n'a pas forcément l'argent pour prendre le métro. Si la curiosité est présente, la fatigue l'est encore plus.
Et puis, un putain de silence lui ferait vachement du bien.
Sauf que, voilà.
Son nouveau meilleur ami parle autant qu'une vieille chipie de soixante-sept ans qui va au café à chaque matin avec ses copines pour parler du dernier épisode de plus belle la vie.
- Bon, qu’est-ce que tu fous toujours dans les parages ?
Dans sa gorge, le grondement reste. Max envisage de ne pas lui répondre pendant quelques secondes, se contentant de suivre son pas, avant de soupirer. Forcément, garder le silence risque de seulement lui donner d'autres raisons pour parler encore plus et ses oreilles bourdonnent déjà. Pour autant, il ne répond pas à sa question. Max se méfie des gens. Peut-être que Yohan devait apprendre à faire la même chose, pour sa sécurité.
- t'aimes pas l'métro ? pourquoi ? peur d'être en cage ? quoique l'idée d'une cage pourrait être utile, à l'instant, en présence de la bête. Max le regarde du coin de l'oeil, un rictus au bord des lippes, presque menaçant. y'a plus de resto végé ici qu'chez moi, qu'il se contente de lui offrir, tout au moins, pour sa question. La vérité reste secrète, bien que les restaurants végétariens de Cosmopolis sont assez charmeurs. Sauf que Néodam est une merde pourrie qui empeste la mort et que les légumes, même si on en trouve, ne sont pas forcément les meilleurs. Depuis qu'il a goûté ceux de ce monde, le chien fou a l'impression que ceux venant de chez lui goûtent simplement la cendre et le charbon.
Autour d'eux, la nuit - ou du moins, le soleil - est tombée. Les gens marchent tranquillement, de moins en moins présents. Max les dévisage une seconde, renifle et tousse quelques fois, apprécie le silence, avant de, suprenant, ouvrir la bouche.
- ça va ? qu'il aboie presque, la voix dénudée d'inquiétude, contraste avec les paroles. d'puis la dernière fois ? t'avais l'air d'une sacrée merde, au sol. ça arrive souvent, ces saletés là ? à cause d'ta marque ? Max tourne un regard intrigué vers lui, curieux malgré lui. Il lui arrive depuis quelques années d'avoir droit à quelques problèmes depuis qu'il a perdu son bras. Il n'en a jamais parlé à quique ce soit. À ce qu'il sache, il n'a jamais dit directement à Yohan ce qu'il lui arrivait. j'pensais que j'avais droit à une sacrée merde, avec ma vision qui déconne parfois à virer au noir complet pendant quelques minutes, mais ça a l'air pénible, ton truc.
Le Shark sort ses doigts de ses poches un moment, assez pour sortir un briquet et une clope qu'il allume en marchant pour essayer de réchauffer un peu ses poumons et sa gorge enrouée.
- j'ai l'droit à un canapé ou à un lit ? t'es un vrai, en tous cas
Sourire de requin ; c'est presque un merci qu'il lui dit.

C’est pour ça que les gens le traitent de fragile depuis toujours. Il prend des décisions avec le coeur, pas forcément avec la tête, et quelques fois, ça lui retombe dessus. Yohan s’estime quand même chanceux : dans l’ensemble, ses choix ont des fins heureuses. C’est peut-être pour ça qu’il fait partie de la rare caste des gens qui croient encore en l’humanité, qui restent positives même dans les situations les plus désespérées. Sa mère lui dirait qu’il a tort de croire qu’il est chanceux : elle passait son temps à répéter que le positif attire le positif, et que les hommes sont les artisans de leurs propres destins. Yohan aime cette philosophie, mais doit quand même reconnaître que c’est vrai dans une certaine mesure seulement. Au cours de sa vie, il a vu des esprits positifs moins bien aidés par la vie que lui, il y a de quoi penser que la vie est injuste, parfois. Pour l’instant, il s’en sort pas trop mal, en tous cas, et quand son instinct lui dicte de faire quelque chose, il l’écoute sans trop tergiverser. Il espère que le choix de ramener Max chez lui ce soir est le bon, et qu’encore une fois, sa bonne étoile lui a soufflé la bonne décision.
Pendant un moment, il se demande si Max va lui répondre. Alors quoi, maintenant qu’il a gagné et eu ce qu’il voulait, il va arrêter les efforts et se fermer complètement ? Yohan ne serait même pas surpris. Max est un comme un animal sauvage - en tous cas c’est ainsi qu’il le voit depuis qu’ils se sont rencontrés. Rien dans ses manières, sa façon de parler ou son attitude ne respecte les codes de communication établis. Et puis, finalement : « t'aimes pas l'métro ? pourquoi ? peur d'être en cage ? » Yohan évite son regard en coin et lève les yeux au ciel. Ils se sont parlés de beaucoup de choses, la dernière fois, et il pourrait donc avouer les raisons personnelles qui l’empêchent de prendre les transports en commun… Mais non. Le contexte de la fois dernière était bien particulier, et Yohan ne sait pas trop si les conditions sont toujours réunies pour les confidences. Et puis, merde, il sait même pas s’il peut vraiment faire confiance à Max, au final ! Il penche suffisamment vers le oui pour accepter de le recevoir chez lui, mais il doit rester un peu sur ses gardes, quand même. Ce ne serait pas judicieux de mettre toutes ses faiblesses dans les mains d’un inconnu - qui dit qu’il ne finirait pas par les retourner contre lui ? Il est déjà au courant de beaucoup trop de choses. « y'a plus de resto végé ici qu'chez moi » L’excuse est clairement débile, alors un air peu convaincu s’installe sur les traits du sportif. C’est clair qu’Altea est la planète des restaurants vegan, par contre. Il attend que Max poursuive, finisse par lui donner la vraie raison… Mais non. Visiblement, lui aussi souhaite garder des choses pour lui. Yohan ne peut pas le blâmer, mais sa curiosité est un peu frustrée.
« ça va ? » Les mots surprennent presque - il ne les attendait pas dans la bouche de Max, surtout pas après ce silence. « d'puis la dernière fois ? t'avais l'air d'une sacrée merde, au sol. ça arrive souvent, ces saletés là ? à cause d'ta marque ? » Par réflexe, Yohan baisse les yeux sur son poignet, où la marque est toujours cachée par l’un de ses bracelets. Comme si ça allait changer quelque chose. Au moins Max ne tourne pas autour du pot, c’est presque rafraîchissant. Parfois, ça le rend plus triste qu’autre chose de voir Isaiah essayer de tout tourner à la rigolade pour dédramatiser. Finalement, c’est pas plus mal d’avoir quelqu’un qui en parle sans détours. « j'pensais que j'avais droit à une sacrée merde, avec ma vision qui déconne parfois à virer au noir complet pendant quelques minutes, mais ça a l'air pénible, ton truc. » L’altéan fronce les sourcils et tourne son regard vers Max, en continuant à marcher. Sa vision qui déconne ? Est-ce qu’il parle d’une simple maladie, est-ce que c’est la manifestation de sa soulmark ? Yohan n’a pas vraiment d’explications, ou alors il ne se souvient pas que Max ait mentionné tout ça lors de leur dernière conversation.
« j'ai l'droit à un canapé ou à un lit ? t'es un vrai, en tous cas » « t’as de la chance que je sois un peu débile, surtout. » dit-il avec un sourire en coin. « et normalement, c’est un lit… mais j’hésite encore. te mettre sur le canapé permettrait de garder un oeil sur toi.. on verra. » Il va forcément lui filer le lit, dans la chambre d’amis, même si ce serait en effet plus raisonnable de pouvoir garder un oeil sur lui. Yohan peut pas lui proposer leur sofa alors qu’il y a une chambre vide à côté de la sienne, ce serait contre-nature, un scandale. « c’est quoi cette histoire de vision qui déconne ? C’est lié à ta soulmark ? » Il n’hésite pas à demander, puisque Max en parle de lui-même et n’hésite pas non plus à poser des questions personnelles. Il fait quelques pas avant de se rappeler de l’autre question. « et.. ouais… c’est pénible. » Techniquement, c’est un euphémisme. Pénible. Le mot lui donne presque envie de rire - il finit par sourire. Il aimerait que ce soit juste pénible, très franchement. Ce serait bien que ce soit pénible. L’idée qu’il peut mourir lui traverserait pas l’esprit, au moins.

La cigarette est coincée entre ses lèvres, intoxique ses poumons et surement l'air. Max dévisage brièvement les passants, ne leur porte pas réellement attention. Il n'en a rien à foutre de leur présence ou de leur existence. Le chien fou n'est pas curieux face aux autres. S'il pose des questions à Ian - Non, Yohan - c'est uniquement pour maintenir un semblant de conversation et avoir son attention. Il n'aime pas forcément parler pour rien dire et Nina lui dit souvent qu'il ne sait pas tenir la conversation. Les mots de Max la coupe plus souvent qu'autre chose, la conversation, car il n'a pas envie de faire du social ou d'apprendre à connaître les autres ou encore d'être gentil ou une connerie du genre. Mais s'il a pris la peine d'ouvrir la gueule et trouver des mots pour converser, il a tout au moins choisi un sujet qui peut plus ou moins l'intéresser. Il n'a jamais vraiment prêter attention à cette histoire de soulmate, même quand son bras était complet. Il a accepté les répercussions quand elles sont arrivées sans se plaindre et il n'a pas cherché à expliquer le pourquoi du comment. Max a accepté la chose, en sachant qu'il ne pouvait rien y changer, sans être bouleversé. Il s'est fait à la situation sans tomber, en tanguant sur quelques pas. Des merdes lui arrivent encore de temps en temps, mais c'est son quotidien maintenant ; il a oublié ce qu'était l'avant. C'est trop loin devant, et il va pas envie de perdre son temps dans le vent, de toute façon.
Sauf que Yohan existe et qu'ils se connaissent maintenant et que, malgré lui, Max hausse d'un sourcil face à la situation. Voir le cas sur quelqu'un d'autre que lui. Ce n'est pas qu'il est curieux ou qu'il veut tout savoir, qu'il a envie de parler à coeur ouvert ou simplement partager ses peines, c'est plutôt que Max s'intéresse aux faits s'ils sont disponibles. Il ne lui dira pas désolé, il ne fera pas une moue triste et ne pleurera pas pour lui. Il haussera des épaules, dans le pire des cas, en lui disant que c'est nul, avant de lui offrir une bière.
Max sort son portable et regarde ses messages. Deux l'attendent ; ils viennent de Scar, alors il ne répond pas. Il est déjà sur le bord des nerfs, descend doucement de sa rage, préfère ne pas pousser la chance et éclater devant un gars assez sympa pour lui offrir un toit. Et puis, Scar fait chier la plupart du temps.
-t’as de la chance que je sois un peu débile, surtout. et normalement, c’est un lit… mais j’hésite encore. te mettre sur le canapé permettrait de garder un oeil sur toi.. on verra.
Le regard quitte le portable et Max le tourne vers lui, fronce des sourcils.
- c'quoi tu m'fais pas confiance ? j'suis un bon gars, pourtant ; le rictus au coin des lèvres hurle le contraire.
- c’est quoi cette histoire de vision qui déconne ? C’est lié à ta soulmark ?
La grimace se transforme en sourire vorace. Max ne répond pas, expulse la fumée de ses poumons et tourne son regard vers la rue.
- t'es curieux on dirait, qu'il s'amuse et dit, dans la boucane, avant de se bousiller les poumons encore plus fort. C'est presque ironique pour un gars qui se bat pour les animaux. À croire qu'il est un contraste ambulant. Mais les clopes, il a jamais réussi à s'en débarrasser. Ça calme la bête, à l'intérieur de lui. Les quelques fois où il n'a pas fumé pendant quelques heures, jours, il s'est vu trop violent et un peu moins penseur. Il s'est remis à fumer en voyant le rouge trop présent sur ses doigts. Il s'est mis à boire un peu plus régulièrement, également. La bête reste assez endormie pour ne pas tout détruire.
- et.. ouais… c’est pénible.
Un aboiement ; un rire de hyène. Max lui donne un coup dans les côtes peut-être un peu trop violet.
- pénible ? p'tain t'fous pas d'ma gueule. j'essayais d'être gentil. c'est carrément d'la merde. j'vais t'dire, t'as l'air plutôt faible mais t'endures cette merde alors c'p'être plutôt le contraire.
Un compliment venant du Shark. Une insulte dans les oreilles qui l'entendent, certainement. Max ne s'attarde pas sur la chose. Il n'est pas délicat. Il est honnête. C'est mieux que toutes les merdes qui soient. Au pire Yohan chialera.
- j'sais pas pour mes yeux. ça doit être lié à la soulmark, ouais. p'être que l'autre a un truc lié aux yeux ou j'sais pas. j'ai jamais cherché à savoir. ça arrive une fois de temps en temps. surtout quand j'ai mal au bras, en fait. les jours de pluie, de froid, des conneries du genre, tu vois ? comme les vieux gars.
Max hausse des épaules, balance sa clope au sol et l'écrase de sa botte, avant de tourner son regard vers Yohan.
- j'ai pas à m'plaindre. j'suis le cas qui a massacré tout ça. l'autre doit vivre des merdes par ma faute, nan ? 'fin, c'pas le premier, tu m'diras.
Sourire de requin. Quelque chose dans le bleu des yeux. P'ëtre que, en vrai, il s'en veut.
Ça serait une première mais ça peut être vrai.
C'est peut-être pour ça que, sans annoncé, sans prévenir, il dit:
- désolé pour l'connard qui t'a fait ça, j'imagine.
Avant de continuer ses pas.

« c'quoi tu m'fais pas confiance ? j'suis un bon gars, pourtant » Yohan hausse les sourcils et prend une moue un peu amusée. Un bon gars, c’est pas vraiment la première chose qui lui serait venue à l’esprit en pensant à Max, évidemment. Le sourire inquiétant sur les lèvres du brun lui fait lever les yeux au ciel. Mais Yohan, il est aussi du genre à penser qu’il ne peut pas catégoriser les gens tant qu’il n’a pas appris à les connaître vraiment. Alors non, il dirait pas de Max qu’il est un bon gars, mais il dirait pas non plus de lui qu’il est mauvais. S’il était vraiment un mauvais gars, leur première rencontre se serait probablement passée bien différemment.
« t'es curieux on dirait » Bien sûr, qu’il est curieux. Est-ce que Max s’attendait à ce qu’il laisse retomber le sujet ? Même s’il voulait, Yohan pourrait pas. Depuis plus d’un an, il attrape la moindre info qu’il peut trouver, cherche la petite bête, lit tout ce qui lui tombe sous la main. Y’a peu de gens avec qui il a vraiment pu parler des soulmarks, et des soulmates en général. Alors, bien sûr qu’il ne va pas laisser le sujet mourir alors que c’est Max lui-même qui l’a évoqué.
Yohan a la respiration coupée pendant quelques secondes quand Max lui donne un coup dans les côtes. Il le regarde, effaré, l’air de dire t’es vraiment SÉRIEUX???? Il pose une main sur son flanc, comme si ça pouvait changer quelque chose à la douleur. Ça le lance violemment. Il va vraiment falloir qu’il en parle sérieusement à Liz, l’infirmière des Misfits. Elle ne va pas du tout aimer, mais tant pis, vaut mieux que la guérison sur le long terme soit en main par une professionnelle plutôt qu’il laisse ça mal tourner. Max aurait bien besoin de voir quelqu’un comme Liz, lui aussi. Il fait que tousser, et il porte aussi toujours les preuves de leur altercation de l’autre fois. Yohan se doute que personne n’a vraiment regardé tout ça, et envisage sérieusement de lui faire voir quelqu’un pendant quelques secondes. « pénible ? p'tain t'fous pas d'ma gueule. j'essayais d'être gentil. c'est carrément d'la merde. j'vais t'dire, t'as l'air plutôt faible mais t'endures cette merde alors c'p'être plutôt le contraire. » Le ton de Max est un peu dur, alors les premières secondes, Yohan n’est pas sûr de comprendre. Il fronce les sourcils en se répétant les mots dans sa tête - avant de conclure que, peut-être, c’était un compliment. Yohan décide que c’était un compliment. « j'sais pas pour mes yeux. ça doit être lié à la soulmark, ouais. p'être que l'autre a un truc lié aux yeux ou j'sais pas. j'ai jamais cherché à savoir. ça arrive une fois de temps en temps. surtout quand j'ai mal au bras, en fait. les jours de pluie, de froid, des conneries du genre, tu vois ? comme les vieux gars. » Il regarde Max écraser sa clope par terre (pas très bon pour l’environnement, wtf?), songeur. C’est en effet possible que l’autre ait un truc lié aux yeux. Ou alors, l’altération de la soulmark lui a valu des problèmes aux yeux. Y’a tellement de possibilités. Pendant ses recherches avec Kihyun, Yohan a lu beaucoup de choses sur les soulmarks, et s’il y a une chose qu’il a appris, c’est qu’on ne peut pas tirer de conclusions. Certaines soulmarks sont presque imperceptibles, d’autres changent complètement la vie de leur porteur. Certaines créent un lien relativement doux entre les gens, d’autres lient les âmes de manière si intense que cela peut devenir handicapant au quotidien. Ses recherches ont amené plus de questions que de réponses - à son plus grand damn. « j'ai pas à m'plaindre. j'suis le cas qui a massacré tout ça. l'autre doit vivre des merdes par ma faute, nan ? 'fin, c'pas le premier, tu m'diras. » Yohan pince les lèvres.
Il a envie de lui répondre oui, enfin t’as pas demandé à avoir un bras en moins, hein, mais déjà, Max ouvre de nouveau la bouche (depuis quand est-ce qu’il parle autant?) et le prend par surprise. « désolé pour l'connard qui t'a fait ça, j'imagine. » « c’est pas un connard. », qu’il répond, presque un peu sur la défensive. Les mots ont passé ses lèvres sans qu’il ait à les penser. « il savait pas. » ajoute Yohan, avec un haussement d’épaules. « Il est persuadé que sa vraie soulmate est morte, et j’imagine qu’il voulait plus que sa soulmark le lui rappelle tous les jours - et puis il sortait d’un an de coma quand il l’a fait, c’était compliqué, à l’époque » Le visage de Blue se dessine devant les yeux noirs de Yohan. Il se souvient d’elle en détails, pour l’avoir rencontrée plusieurs fois dans le corps de Neha. Elle était belle, Blue, elle avait beaucoup d’Eliott en elle - alors il ne pouvait que l’aimer. Il a encore du mal à croire qu’elle est morte, même après tout ce temps. « c’est ma faute, pas la sienne. clairement pas la sienne. » dit-il simplement et sincèrement au bout de quelques secondes. « il était si heureux quand il parlait d’elle que j’ai pas eu le courage de lui dire que c’était pas elle, sa soulmate. » Il lève les yeux au ciel. « si j’avais eu des couilles, si j’étais pas aussi con, on n’en serait pas là aujourd’hui. » Yohan est bien conscient de tout ça. C’est aussi pour ça qu’il estime qu’il a pas le droit de se plaindre. Il s’est foutu tout seul dans la merde, comme un grand.