les phalanges qui saignent. encore.
les soupirs qui fendent. encore.
opales d'obsidienne concentrées sur la scène qui se déroule devant elles. les corps qui se déchaînent. les corps qui s'animent. les corps qui s'aiment. la nausée qui remonte lentement dans les entrailles au souvenir de ce plaisir intense ayant secoué le creux de ses reins.
kendra assassine. kendra maligne. kendra dévouée. kendra secouée.
et la longue chevelure claire de l'actrice qu'elle associe maintenant à la sienne. et les lèvres salaces qui viennent à la rencontre de la chair marbrée de veines indécentes qu'elle associe à sa bouche contre sa peau. kenny déglutit et tente de calmer sa respiration avant de beugler :
- c'est tout pour aujourd'hui ! soyez à l'heure demain.
voix cassante, mots tranchants, kenny qui s'improvise réalisatrice des scènes osées. kenny qui préfère davantage la sensation des mots qui se couchent langoureusement sur le papier que d'accepter les mains qui s'attardent contre ses hanches, contre ses seins. impossible d'oublier. impossible d'accepter.
mais, alors qu'elle quitte son siège, un sourire fleurit lentement sur ses lèvres. cette semaine, c'est son anniversaire. et à elle aussi. cette semaine est synonyme de fête… malgré les légères tensions qui demeurent avec nell.
nell-trésor.
nell-toréador d'une kenny devenue taureau et bientôt assassinée sous la lame perfide.
elle quitte l'entrepôt où se déroulent toutes les prises de vues obscènes, enfile une paire de gants avant s'enfourcher sa moto flambant neuve. elle caresse quelques instants le monstre chromé à la douceur inégalée, à la beauté enviée, à la vitesse détestée (par les autres). et elle fait rugir la créature alors qu'elle s'élance dans la nuit fraîche, le cuir de ses gants et de sa veste crissant à chaque mouvement.
elle ne tarde pas à rejoindre les beaux quartiers de cosmopolis, grimace qui vient s'amouracher des lippes à son arrivée. c'est tellement pas son monde, ici… certains de ses frangins sont parvenus à s'y acclimater. certains ont même commencé à apprécier. kenny, elle pourra jamais.
ça la fait frissonner de dégoût d'arpenter ces rues ordonnées, ces rues lumineuses où le malheur ne semble pas pouvoir persister. la seule raison pour laquelle elle ne fait pas marche arrière, c'est à cause de lui.
kenny, c'est pas qu'elle aimerait pas y vivre, lentement s'y habituer… c'est juste que c'est pas son monde. kenny, elle a connu les crasses d'oriel. kenny, elle a connu les rues sombres et effrayantes où attendaient quelques loubars. kenny, elle s'y est même rendue quelques fois pendant l'adolescence pour se faire un peu d'argent de poche…
kenny, elle a la saleté incrustée dans les pores. elle a les vices qui se sont agglutinés dans ses poumons. elle a l'ambition de réussir, de devenir toujours plus grande, toujours plus riche, toujours plus folle, toujours plus attractive, toujours plus dangereuse. excès adoré. mais même avec tout l'argent du monde piégé entre ses griffes acérés, jamais elle ne souhaitera s'éterniser à cosmopolis. arcadia est le seul endroit où elle apprécierait de séjourner.
elle rejoint l'appartement qu'il occupe. rapidement et discrètement, elle arrive jusqu'à la porte d'entrée. sans frapper, sans s'annoncer, kenny débarque à l'intérieur pour gueuler :
- prépare-toi connard, on sort !
sourire qui lui dévore le visage alors qu'elle ne tarde pas à apercevoir la pointe de sa crinière solaire. nashoba…
son sourire s'élargit encore davantage aux souvenirs des sentiments qu'elle a éprouvé si longtemps pour lui. ça n'aurait jamais fonctionné… c'est mieux qu'il n'ait jamais compris. mais quand même, il est vachement con pour ne pas avoir remarqué.
- on va fêter notre anniv' comme il faut, c'est moi qui t'le dit.
elle pose les mains sur les hanches, prête à en découdre avec nashoba s'il s'avise ne serait-ce que d'émettre un soupir exaspéré. malgré son enfance légèrement chaotique dans les rues délabrées et dangereuses d'oriel, kendra a toujours adoré ses anniversaires. ses frères faisaient toujours tout ce qu'ils pouvaient pour qu'elle passe le meilleur moment possible… alors, une fois par an, kenny oublie d'être blasée et de détester le monde entier pour s'amuser et passer le meilleur jour de l'année.
- qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
elle demande, impatience qui serpente dans les veines. elle est prête à tout accomplir pour lui. après tout, nashoba, c'est pas n'importe qui…
c'est nashoba.
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