way to good (dylan)

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REPORT N°5912 (29/04/2018)
Rien A Signaler. Liebe Suranee est toujours calme, ne fait pas de bêtises relatives aux corbeaux. Sur Altéa, tout semble sous contrôle pour le moment.
Ah. Ah. Ah.
C’est faux.
Beaucoup trop faux. Liebe a encore fait des recherches sur les autres mondes. Pendant toute la journée, et juste sous ses yeux. A croire qu’elle a fait ça exprès pour que Aoibheann puisse la voir. Et la protéger. Et c’est, débile, pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’elle la protège, vraiment ? Elle devrait dire la vérité à qui doit l’entendre. Elle devrait dire la vérité à la cellule, au gouvernement.
Il faut que Liebe soit abattu, c’est. C’est une. Cible, dangereuse.
Un râle de frustration s’échappe de ses lèvres.
Adniqbfeiqblnf que son crâne écrit pour elle à la suite de son rapport quand il touche le clavier. Elle comprend pas, elle comprend rien. Et si y’a bien un truc qui l’énerve au plus au point, Aoibheann, c’est quand les choses lui échappent.
Le départ de Sinned, sa “mort”, elle l’a pas comprise. Le cluster, elle a toujours pas compris. Pourquoi les corbeaux ont tué ses parents, ah ! Première question de sa vie de mercenaire pour le gouvernement. Pourquoi elle arrive pas à écrire dans un foutu rapport que “Liebe Suranee, après observation, est un danger”, elle en sait rien, non plus.
Encore un truc qui lui échappe, ça fait beaucoup, beaucoup trop.
Elle relève la tête, regarde face à elle. La porte de la chambre est mi ouverte. Et dans la salle d’à côté, elle sait que Dylan est là, l’attend pour manger. Dylan Stilinski. Écrivain de talent. Une imagination qui a bien failli lui coûter la vie. Mais, bon. C’était imaginaire, tout ça. Et les écrits douteux qui étaient en ligne ont mystérieusement disparus après quelques jours, alors.
Depuis, plus rien. Aoibheann continue de la fréquenter. Officiellement, pour vérifier qu’elle retourne pas dans ses “travers”. Officieusement, parce qu’elle lui offre un toit. Et ça, c’est cool.
Elle passe une main dans ses cheveux d’Altéenne blonds, se frotte ses yeux bleus avec l’autre. Son elle d’Altéa est le moins naturel de tous. Celui qu’elle préfère peut-être aussi. Le blond, ça lui va bien.
Pardon.
Parce que ce qu’elle écrit est transmis directement. Parce que pas question de rayer, de supprimer, de faire quoique ce soit de travers. Ils reçoivent tout. Dès qu’elle tape une lettre, quelqu’un au gouvernement, à Néphède, le reçoit.
Pour éviter les changements d’avis, ou les remords qui empêcheraient la traque de quelqu’un. Combien de fois Aoibheann a tapé les mots “Liebe Suranee est un danger” sans appuyer réellement sur les touches, juste en les survolant ? Un nombre incalculable, voilà combien. Chaque jour, chaque soir après une journée passée avec elle. Elle arrête pas.
C’est peut-être même le développement d’un nouveau TOC, qui sait ?

*Toc toc toc*

Aoibheann passe les cheveux qu’elle avait devant les yeux par dessus sa tête pour se dégager le regard, observe la porte. Dylan est là, dans l’entrebaillement. Elle ferme son ordinateur, une habitude de privatisation de ses “écrits” et lui sourit.

Entre entre. Qu’est-ce qu’il y a ?

Son sourire est pas faux, pas vraiment. C’est juste que la fille qui est dans cette chambre, avec Dylan, cette Aoibheann là, elle a toujours été souriante. La vraie Aoibheann, celle que Dylan connaît pas, qui vient d’envoyer un rapport à son gouvernement parce qu’elle travaille pour eux, elle sourit pas. Mais Dylan a aucune idée que cette personne existe, de base.
C’est pas un faux sourire. Juste un qu’est un tout petit peu modifié.

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way to good

Y a quelque chose chez Aoibheann qu’elle a toujours apprécié, Dylan – sans trop savoir quoi précisément. Peut-être cet espèce de mystère qui l’entoure ; ou peut-être tout simplement son beau sourire, ces cheveux blonds qui lui vont si bien, cette beauté qu’elle dégage, sans même donner l’impression d’essayer. Aoibheann, elle est belle, c’est probablement la première réflexion que s’est faite la gamine en la voyant. Ca et les crocs de la jalousie qui sont venu titiller son ventre. Et même si elle aurait aimé lui ressembler, elle s’estime au moins heureuse de pouvoir la compter parmi ses amis ; une amie qu’elle tient généralement à l’écart de son cercle habituel, comme s’ils pouvaient la lui voler ou qu’elle se rendrait compte qu’ils sont tous mieux qu’elle.
Elle a toujours eu un penchant pour la jalousie et la possessivité, Dylan ; penchant dont elle n’a jamais véritablement cherché à se débarrasser, dont elle ne voit en réalité pas le problème. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle est toujours contente de passer du temps avec Aoibheann, de l’inviter chez elle, la laisser dormir dans son lit quand elle se contente de se poser sur un matelas gonflable ; et c’est rare que la gamine fasse passer le confort des autres avant le sien. Rare une telle prévenance venant d’elle et elle ne sait à vrai dire pas d’où lui vient un tel altruisme. Sûrement l’envie de plaire. Envie qui la rend parfois hésitante.
Comme ce soir, quand elle fait des tours devant la porte de sa chambre, avant de finalement parvenir à toquer contre le bois – puis de passer la tête par l’entrebâillement. Elle fixe l’ordinateur fermé, puis remonte jusqu’au visage de son amie, à qui elle rend son sourire. « Entre entre. Qu’est-ce qu’il y a ? » « Euh, rien, j’te dérange ? » Attitude peu inhabituelle de celle qui reste un instant sur le pas de la porte avant de finalement entrer. Gamine au caractère généralement princier – princesse aux manières enfantines, tente pourtant de gagner en maturité, se redresse, sourire toujours aux lèvres. « J’me disais qu’on pouvait discuter, ça faisait un moment que t’étais pas passée à la maison ! » Et elle reprend contenance en venant se percher sur le bout de son lit, les pieds s’agitant faiblement dans l’air, pendant que son regard se fixe sur sa camarade. « Tu faisais quoi ? » Question prétendument innocente, quand son cœur bout de curiosité – l’envie de tout savoir, de tout connaître, qui lui ronge l’âme, petite flamme qui s’agite faiblement au creux de son ventre.
Petite fouine, elle aime bien tout connaître, Dylan. Toujours à l’affût des rumeurs, se délectant des révélations – et pourtant, elle ne sait rien sur Aoibheann. Rien qu’elle ne lui ait révélé en tout cas, excepté quelques mots innocents sortis de la bouche de Liebe. Pour le reste, c’est comme si personne ne savait rien, rien de suffisamment juteux pour qu’elle y trouve un quelconque intérêt, en tout cas. Elle s’est donc vue contrainte de se résoudre à l’évidence : si elle veut savoir quelque chose, il faudra qu’elle pose la question elle-même. Mettre de côté son égo, sa peur du ridicule aussi, mais surtout panique à l’idée de se voir opposer un refus sonore et retentissant. Comme si elle avait besoin de ça pour se sentir plus bas que terre.

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Avec Dylan, c’est un peu différent. Dylan, elle est différente. Dylan, elle a failli être un corbeau, à un moment. Mais même son “crime” était poétique. Un crime d’imagination un peu trop débordante. Et elle a été sauvée par Liebe. Aoibheann le sait, ça. Dylan, c’est différent, parce qu’elle voit ce qu’aurait été Aoibheann si elle avait grandit normalement. Avec Dylan, y’a pas de cris intempestifs, ni de pleurs. Dylan la calme. Dylan la console. Sa présence est une consolation. Et Aoibheann sait, que derrière, Dylan ne sait pas. Que Dylan ne la connait pas, vraiment. Si Dylan la connaissait, elle prendrait peur, probablement. Forcément. Tout le monde prends peur quand on la connaît. Ou personne ne reste vivant assez longtemps pour s’enfuir. Liebe, Liebe est la seule. Mais Liebe devrait être morte depuis longtemps. Aoibheann le sait. Liebe le sait peut-être aussi. Liebe est toujours vivante pour une raison qui échappe encore à Aoibheann, qui a un lien clair avec elle. Elle la dénonce pas. Aoibheann craint le jour où quelqu’un la remplacera dans la surveillance de Liebe, parce qu’ils se diront que c’est bizarre, peut-être. Pire, elle craint encore plus le jour où ils lui diront que puisqu’elle ne fait rien de répréhensible, elle ne mérite plus de surveillance.
Dylan, elle a pu garder contact avec elle, mais Liebe, est-ce que le gouvernement l’accepterait, s’ils venaient à l’apprendre ? Aoibheann sait que non. Et pour une raison qui lui est étrangère, ça lui fait peur.
L’ordinateur éteint, elle regarde la jeune fille qui accepte de la loger entrer dans la chambre, qu’elle accepte de lui prêter. Dylan, la petite. Petite. A l’âge de Dylan, Aoibheann surveillait déjà. Torturait déjà. Espionnait déjà. Avait déjà été témoin d’un nombre de meurtres dont elle avait déjà perdu le compte. Souvent des meurtres de gens qu’elle avait dénoncé. C’était une manière de lui montrer quel bon travail elle avait fait. A son âge, elle était déjà détraquée. Au moins, Dylan, elle représente l'innocence que Aoibheann se souvient pas d’avoir eu. Et c’est apaisant. Avec l’ordinateur fermé, Aoibheann peut profiter du fait d’être juste Aoibheann, face à une Dylan innocente. Et ça lui donne l’envie, l’impression, pendant une soirée, une nuit, d’être normale. Une jeune femme normale de vingt-huit ans.
Elle secoue négativement la tête, rapidement. Bien sûr que non, qu’elle la dérange pas. Elle avait fini son rapport. Aoibheann voudrait pour rien au monde, que Dylan découvre un jour ce qu’elle fait. Ca inclurait qu’elle découvre qui elle est. Et ça, c’est pas envisageable. Pas tout de suite, pas maintenant, et probablement jamais si possible.
Elle entre, et Aoibheann sourit. C’est bizarre, de sourire. Ses sourires, elle les réserve à Liebe, quand ils viennent tous seuls et qu’elle peut pas les retenir. Alors, elle réfléchit sur pourquoi ils sont apparu, pourquoi ils sont là. Elle réfléchit à pourquoi, elle sourit. Ou elle les réserve à ceux qui s’occupaient d’elle, enfant, au gouvernement, à ceux qui s’occupent d’elle maintenant. Des sourires forcés, des sourires travaillés. Pour des gens du travail. Des collègues de bureau. Des sourires de bienveillance. Les sourires pour Dylan, c’est ceux pour Liebe, mais qu’Aoibheann choisit de porter. Elle ordonne à ses lèvres, et pas l’inverse. Et Aoibheann préfère ça, elle se sent plus maître de la situation. Elle déteste ça quand la situation lui échappe. Quand la situation lui échappe, Aoibheann crie.
Elle s’assoit sur le lit qu’elle lui a prêté pour la nuit. Aoibheann aime qu’elle lui prête son lit, la nuit. Mais elle le dit pas. Elle dit merci, et dit qu’elle devrait pas. Mais apprécie toujours autant le geste. Elle a un ascendant étrange, sur Dylan, qui lui plait beaucoup. Qu’elle trouve agréable. Pas le genre d’ascendant que Liebe a sur elle, ni que le gouvernement à sur elle. Mais un ascendant qui lui crie de protéger Dylan s’il lui arrivait quelque chose. En échange de quoi Dylan se doit d’être juste mimi, chou, et de lui céder des trucs.
C’est peut-être ça, d’avoir une petite soeur ?
Elle continue à sourire, malgré sa question. Elle l’attendait. Et puis c’est pas comme si mentir, c’était pas dans les habitudes de la Néphédienne.

J’écrivais à mes parents. Ça va toi ?

Parce que pour Dylan, Aoibheann a encore ses parents. Parce que pour Dylan, Aoibheann est la fille de parents qui partent souvent en voyage. Parce que pour Dylan, Aoibheann est une jeune femme de vingt-huit ans heureuse, et totalement normale.