let's talk about me (adriel)

Ça fait plusieurs jours qu’elle est sur Altéa. Elle a une petite pensée amusée pour son manager et toute son équipe sur Sigan qui doivent littéralement être en train de s’arracher les cheveux. Parce qu’ils la cherchent, dans tous les coins, et les recoins, et qu’ils la trouvent pas. Et c’est juste drôle. De les voir galérer. Parce qu’ils la trouveront pas. Parce qu’elle est juste, pas là. Elle compte y retourner demain, grand maximum. Elle a fait sa p’tite tournée d’Altéa. A été voir Tamsyn, évidemment, l’hôpital, bien malgré elle et Liebe, bien sûr. Elle a aussi rencontré la fille qui l’empêche de dormir la nuit. Une rencontre qu’elle n'oubliera jamais. Puis, un tour de popotes un peu basique, de gens qu’elle apprécie bien, des gens sympas, qui font plaisirs à voir. Y’a juste une personne qu’elle a pas encore vu. A qui elle a pas encore été dire bonjour. Quelqu’un qu’elle garde souvent pour la fin, juste parce que. Parce que. Parce que ça l’amuse de voir son regard désespéré lorsqu’il la voit entrer dans sa boutique. Parce que ça l’amuse de voir l’appréhension quand elle fait un geste un peu brusque. Parce que ça l’amuse vraiment, vraiment beaucoup, de le voir rougir dès qu’elle parle d’amour, de sexe, et d’autres de ces sujets qu’il n’ose pas aborder. Elle n’a pas encore été dans le magasin de fleurs d’Adriel le fleuriste. Adriel le fleuriste, c’est ce garçon un peu mignon, un peu chou, trop gentil (beaucoup, beaucoup trop gentil) que Jillian aime embêter. Elle a l’impression d’être à l’école, et d’être ce gamin au fond de la classe qui envoie des boulettes de papiers sur le premier de la classe du premier rang, quand elle est avec lui. Et finalement, peut-être que c’est un peu ça, leur relation. Parce que, come on, à coup sûr que le p’tit con du fond de la classe, finalement, il l’aime bien, le gars du premier rang. Mais c’est tellement facile de l’embêter que c’est juste vraiment dur de résister. Alors au lieu de faire des trucs prises de têtes, bah il l’embête. Toujours succomber à la facilité. C’est son dicton.

Elle pousse la porte d’entrée et se retrouve dans cette ambiance fleurie qu’elle apprécie. Elle aime bien cet endroit. En plus de pouvoir enquiquiner le proprio, c’est un endroit beau, qui sent bon. Et même si elle passerait pas sa vie à l’intérieur, aurait probablement envie de vomir au bout d’un moment, bah ça lui fait du bien, parfois, de se déboucher les narines à coup de senteurs de roses. Elle caresse quelques pétales du bout des doigts. Des pétales de fleurs, elle saurait pas dire lesquelles. Elle est très nulle en botanique. Probablement parce qu’avant qu’elle débarque sur Altéa, elle savait même pas, vraiment, que les fleurs, les vraies fleurs, ça existait. Elle continue de s’avancer dans la boutique, bouscule un vase sur le passage, le rattrape avant qu’il s’explose par terre. Heureusement que ses nuits blanches n’ont (presque) rien enlevé de ses réflexes. Elle avance doucement, à pas de loups. A pas vraiment envie qu’Adriel l’entende arriver. Pense pas au fait qu’il y a une cloche au dessus de la porte, qui annonce quand quelqu’un la franchit. C’est pas grave. Passons ça sur le dos de la fatigue.
Se met face au comptoir, attend que Monsieur le fleuriste Adriel veuille bien se montrer. Et finalement, quand c’est le cas, le sourire de Jillian augmente jusqu’à ce que ses dents soient toutes visibles.

- YO ADOUDOU ! Comment tu vas ? Bien ? Mal ? Bof bof ? Merde ? Toujours puceau ?

Elle est à ça de sauter pour s’asseoir sur le comptoir. La seule raison pour qu’elle le fasse pas, c’est un bouquet de fleurs pleines d’épines sur lesquelles elle devrait poser son derrière. Elle a pas trop trop envie de ça. Alors elle reste debout, s’appuie juste avec évidence sur le comptoir, les coudes à côté du bouquet, ses mains soutenant son visage. Ses yeux dirigés vers le visage de son ami le fleuriste.

Sa routine est un peu différente ces derniers temps, il se lève tous les matins pour se rendre à sa boutique comme d'habitude et fait toujours à peu près la même chose à un détail près. Un détail qui a son importance, qui impacte toute sa vie. Il espère, il prie pour ne pas croiser sa jolie rousse. Pas qu'il n'a pas envie de la voir mais il a encore honte. D'avoir goûté à ses lèvres, de l'avoir embrassé au moment le plus mauvais. Quoique le moment idéal avec elle n'existe pas. Il doit pas l'embrasser à nouveau, il le sait maintenant. Mais il est pas prêt à la revoir maintenant, il lui faut un petit temps avant de se faire à l'idée que y'aura jamais rien entre eux. Et pour ne plus avoir honte, aussi. Alors il la fuit, il a même changé son trajet pour se rendre à son travail. Histoire d'être certain de ne pas la croiser. Il sursaute quand quelqu'un entre dans sa boutique. Retient son souffle quand une tête rousse passe devant la vitrine. Il a l'impression de la voir à la fois partout, à la fois nul part. Il flippe, tout simplement. Il flippe d'être confronté à son acte, surtout de constater que les choses sont différentes entre eux. Il sait qu'il pourra jamais se pardonner d'avoir casser la magie de leur relation. Si elle veut qu'il ne reste qu'un simple grand frère protecteur alors il acceptera son rôle, tout plutôt que la perdre. Mais il essaie de ne pas trop y penser. Il se concentre sur ses fleurs pour éviter d'y penser de toute manière. C'est moins drôle de faire des bouquets en se privant de penser à elle, parfois il pense à elle exprès pour fabriquer des bouquets encore plus beaux. Parce qu'elle est comme une muse pour lui, parfois. Mais il fait des beaux bouquets même sans ça, pour ses clients ça change strictement rien. Mais pour lui, c'est un manque de saveur. Il coince sa langue entre ses dents, il tire souvent la langue quand il se concentre. Ses doigts manient les tiges des roses pour les glisser entre des lys, il réalise une commande un peu spéciale. Pour un mariage, tout pour lui faire penser à sa rousse. Il s'échappe dans la salle du fond.
La cloche de la porte d'entrée sonne.
Un soupir franchit ses lèvres, il passe sa main derrière sa nuque. Il se dit ' putain, encore un client ' il se dit jamais ça habituellement mais là c'est une pensée qui le suit depuis quelques jours. Il se force à sourire, il a pas envie de sourire. Mais il peut pas se pointer devant un client en tirant une sale gueule, le client il va se barrer sans un mot si il a pas le droit à un sourire. Adriel ferme les yeux quelques secondes, aspire une bouffée d'air comme pour se donner du courage et quitte l'arrière-boutique. C'est presque un soulagement de voir que c'est pas un client. C'est son amie Jillian. Il la trouve un peu bizarre cette fille, elle passe son temps à l'embêter. Bon ça le dérange pas vraiment Adriel, il trouve ça amusant. Mais pas tout le temps, parfois il sait qu'elle fait exprès de le gêner pour qu'il rougisse. Comme là quand elle lui demande si il est encore puceau. Forcément le rouge lui monte aux joues, immédiatement. Je ? Quoi ? Non ... enfin oui ... enfin, de quoi tu parles ? Oui, ça va et toi ? Hein ? il retrousse le nez, c'est toujours comme ça quand il est gêné. Il s'emmêle les pinceaux dans son discours, il sait pas quoi répondre alors répond à côté de la plaque. Qu'est-ce qui t'amènes ?

Adriel, elle l’a toujours trouvé très mignon. Presque trop à son goût. Rares sont les amis masculins qu’elle a sur qui elle a jamais flashé, pas même une seconde. Mais Adriel est l’un d’eux. Il est plus âgé qu’elle, et bien souvent, elle a l’impression que c’est l’inverse. Pas qu’elle soit particulièrement mature, ah, non, loin de là. Mais Adriel a un côté enfant naïf qui est extasiant à titiller. Jelly peut jamais s’empêcher de se moquer de lui. A chaque fois qu’elle le voit. Vraiment, il est rare qu’elle ait des discussions sérieuses avec quiconque, mais encore moins avec Adriel. Parce qu’Adriel, c’est, bah. Adriel. Et que c’est trop facile, trop drôle, de le faire rougir, de le faire détourner le regard de honte, sur des trucs pas honteux pour un sous. C’est trop drôle de le voir essayer de changer de sujet de façon flagrante. Et échouer, lamentablement. A un point que c’est compliqué de trouver du temps pour avoir de réelles discussions avec lui. Elle sait qu’il est amoureux d’une rousse, Jelly l’a vu deux trois fois dans la boutique. En passant devant pour aller voir Liebe, ou les mecs de son cluster. Elle est jolie. Pas genre, magnifique, mais ses cheveux de feux ont un charme certain que Jelly est capable de reconnaître. Et cette fille est évidemment le sujet premier de ses blagues envers Adriel. C’est évidemment son arme la plus évidente pour le charrier. Et c’est génial, parce qu’il marche. Court, même. A chaque fois. Et il serait probablement bon qu’elle s’ennuie, qu’elle arrête, qu’elle se lasse. Mais non. Jelly se lasse jamais d’embêter les gens qu’elle apprécie. Jamais. Au contraire, plus le temps passe, plus elle apprend à connaître les sujets sur lesquels elle peut appuyer. Et plus elle s’en amuse.
Elle entre fort en matière, en le bombardant de questions qui attendent plus ou moins de réponses. Plutôt moins, vu la personne face à elle. Aucun doute que quiconque d’autre lui aurait demandé de se la fermer, ou aurait répondu merde, ou autre. Mais non. Non, parce que c’est Adriel. Et qu’Adriel est un garçon un peu trop gentil et naïf pour son bien. Au plus grand plaisir de Jelly. Qui hésite jamais une seule seconde à en profiter. Et sans aucun remords. Après tout, c’est juste drôle. Puis si ça peut l’aider à se bouger un peu pour avouer ses sentiments ou pour aller voir ailleurs, le temps que la femme de sa vie l’accepte, alors ce sera qu’un bonus. Au final, Jelly essaye juste de l’aider. Oui, c’est ça. C’est ça, et le fait que ça l’amuse, qu’il devienne tout rouge, tout gêné, lorsqu’elle lui parle de sa virginité.
Et sa réponse décousue la déçoit pas, au contraire. Un rictus moqueur apparaît rapidement sur ses lèvres. Qu’est-ce qu’il est mignon.
Il finit par lui demander ce qu’elle fait là, essaye de changer honteusement de sujet. Mais Jelly bien que moqueuse, est pas sadique non plus. Elle hausse les épaules en simple réponse.

J’avais envie de te voir. De t’embêter. Tu me manques quand je suis sur Sigan, j’ai personne à embêter.

C’est pas totalement vrai. C’est juste qu’elle a personne d’aussi facile à embêter. Elle contourne le comptoir et s’arrête à quelques centimètres seulement d’Adriel. Elle le regarde, l’observe. Elle s’amuse de le tourmenter. Un bon séjour sur Altéa ne peut jamais se terminer sans le rouge aux joues d’un Adriel gêné. Non. Impossible.

Tu comptes lui dire un jour, que tu l’aimes ?

Elle s’appuie sur le comptoir, dos à la porte, et continue de le regarder sans s’arrêter. La seule personne pas au courant qu’il est amoureux, est la fille concernée. C’est dommage, Jillian pense. Si elle était à sa place, elle aurait pas hésité deux secondes avant de lui dire oui. Il est canon, Adriel.

Il retrousse le nez et secoue la tête. Elle l'embête, il sait que c'est pas méchant mais parfois ça le gêne. Pas que ça l'énerve mais elle arrive à le mettre rapidement mal à l'aise simplement pour le taquiner. Quand elle fait ça, quand elle s'amuse à ça, il a envie de se transformer en souris et de se carapater dans un trou. Pour disparaître le temps qu'elle se lasse, pour cacher le rouge qui monte à ses joues. Il sait vraiment pas ce qu'il y a de drôle à le rendre mal à l'aise et à l'embêter comme elle le fait. Mais sans doute parce que c'est quelque chose qu'il ne fait jamais, embêter les autres. Il veut pas déranger, Adriel. Alors il préfère porter une oreille attentive, consoler quelqu'un avec des fleurs plutôt que taquiner une personne. Il aurait bien trop peur qu'elle se vexe et refuse de lui reparler un jour. Même si il se dit que c'est pas méchant, que c'est juste pour rire. Il est tellement maladroit dans les mots qu'il sait qu'il est capable de vexer quelqu'un sans le vouloir. Pourtant il devrait se venger de tout ce que la jeune femme lui fait subir, tant pis si elle se vexe. Non, elle n'a pas le droit de se vexer. Parce qu'elle lui fait des misères depuis tant de temps maintenant que si il commence à lui en faire, elle n'aurait pas le droit de se vexer. Mais c'est pas pour autant qu'il le fait, il préfère bougonner dans son coin et couiner. Au fond peut-être qu'il est cette petite souris sauf qu'il n'en a pas la forme, c'est pas pratique pour se planquer. Mais il peut toujours fuir dans l'arrière-boutique, il se dit que la prochaine fois qu'elle passe la porte de sa boutique il part se cacher. Au mieux elle pensera qu'il est pas là et partira sans demander son reste. Au pire ils feront une partie de cache-cache. Et Adriel est particulièrement doué pour ce jeu. Comme il fait pas de bruit dans la vie de tous les jours parfois il est transparent. C'est une constatation assez triste mais il arrive que les gens mettent dix minutes avant de remarquer sa présence. Le record se tient à quarante-deux minutes, par son père. Il garde l'idée du cache-cache dans un coin de sa tête et se concentre sur son assaillante. Arrête de m'embêter, c'est pas drôle. il fronce les sourcils pour paraître un peu plus crédible. C'est pas concluant, forcément. Adriel n'a pas une tête de méchant. Certainement qu'à froncer les sourcils il ressemble plus à un petit rongeur en détresse, tout pour donner envie à la prédatrice jillian de n'en faire qu'une bouchée. Un petit couinement s'échappe de sa gorge, il écarquille les yeux et le rouge grimpe immédiatement à ses joues. Il bafouille. Pourquoi elle lui parle de Jesse ? C'est compliqué, il peut pas lui dire qu'il est amoureux d'elle. Parce que. Hé bien, ça foutrait toute leur relation en l'air. Et de toute manière il sait très bien qu'elle en aime un autre. Je l'aime pas, pourquoi tu dis ça ? il se mord la lèvre inférieure d'un air pensif, ça se voit tant que ça qu'il est amoureux de la jolie rousse, combien d'autres personnes l'ont aussi remarqué ? Jillian doit être la seule, c'est qu'elle le connaît à force. Mais il doit quand même lui enlever cette idée de la tête. Et puis de qui tu parles, d'abord ? il est persuadé que feindre l'ignorance est sa meilleure arme dans combat.

Pour elle, c’est le petit Adriel. Il sera toujours le petit Adriel. Malgré ses deux années de plus qu’elle. Il a ce comportement, cette façon d’être, qui le fait ressembler à un petit enfant. Et Jillian, fille unique, a toujours rêvé d’un petit frère à protéger. Enfin. Plutôt d’un petit frère à embêter. Avec qui se chamailler. Et même s’il est plus âgé, en réalité, elle l’a un peu trouvé, en Adriel. Elle se considère comme sa grande soeur dans beaucoup de choses. Les chamailleries, principalement d’elle à lui, peu de lui à elle. Les moqueries, principalement d’elle à lui, jamais de lui à elle. Mais y’a ce côté protecteur un peu, parfois, qu’elle laisse ressortir. Et si elle lui a parlé, avant tout, de cette fille pour l’emmerder, elle s’intéresse vraiment à sa vie amoureuse. Elle s’intéresse vraiment à son bien être. Elle aimerait qu’Adriel soit assez courageux pour lui dire qu’il est amoureux d’elle, à cette rousse qu’elle a vu plusieurs fois devant la boutique de fleurs. Parce qu’elle a l’air tout chou, et qu’ils iraient bien ensembles. Un peu comme un couple parfait de série romantique. Deux amoureux mignons qui s’offrent des cadeaux roses et sucrés à la fête des amoureux. Ouais. Jelly voit déjà le tableau. Ce serait bien. Puis, elle s’amuserait évidemment avec eux, et leur couple, et elle ferait genre de régler les conflits qu’elle aurait elle-même créée. Et peut-être qu’elle s’en lasserait rapidement. Après tout, les couples comme celui qu’ils pourraient former, c’est rapidement ennuyeux à embêter. Puis très vite, c’est le genre de couple qu’on a juste envie de se laisser s’aimer. Chous comme ils sont. A croquer. Les couples comme Nikita et Candide sont tellement plus amusants. Ils réagissent tous les deux aux quarts de tours, et franchement, ça donne des choses violentes souvent. Ce qui est bien. Parfois, plus que jamais c’est carrément torride à la fin. Et Jelly a aucune honte à dire qu’elle s’assoit face à son miroir, et qu’elle les regarde se réconcilier tendrement dans leur drap blanc. Après tout, être dans un cluster avec que des hommes, ça a ses avantages. Et la perversité de son esprit fait que ça, c’est l’un des plus fréquents. Puis hey. Candide devrait savoir. Il aurait dû prendre la décision par lui-même, de retirer tout objet réfléchissant qui ait une vue sur le miroir. Ca oui. Le jour où il comprendra ce qu’il se passe réellement à chaque fois, ou la plupart du temps où ils se disputent, c’est ce qu’elle lui dira. Qu’après tout, il aurait pu faire attention. Qu’elle n’a fait que de profiter d’une mise en place qu’il a décidé, lui.
Elle se reconcentre sur Adriel lorsqu’il lui répond. Et c’est dingue cette façon qu’il a, d’être toujours plus adorable à chaque mouvement qu’il fait. Chaque action qu’il décide d’exécuter est toujours plus mignonne que celle d’avant. Et c’est dingue. C’est pas drôle, de l’embêter, qu’il dit. Elle est pas d’accord, du tout. C’est hilarant. Pour elle, en tout cas, c’est sûr. Pour lui, well, probablement pas. Mais après tout, c’est pas bien grave. Et les phrases qui suivent la font rire, sans aucune retenue. De ce rire gras et viril qui lui colle à la peau, mais qui déteint avec sa féminité extérieur. Les yeux qu’elle pose sur lui sont presque fraternels. Et moqueurs, toujours.

Oh Adoudou…

Cette façon de réagir, c’est typiquement Adriel. De dire quelque chose, puis de dire autre chose qui sert à rien. Parce que “non je l’aime pas” avant “de qui tu parles”, c’est pas le bon ordre. Et ça la fait sourire, presque tendrement.

T’inquiète pas va. J’garderai ton secret que tout l’monde sait très secrètement.

C’est pas complètement faux. Elle est capable de garder un secret Jelly. Plus ou moins. Plus moins que plus, en toute honnêteté. Mais de toute façon, qu’elle dise quelque chose à quelqu’un sur ce sujet, ça changerait pas grand chose. Elle doute qu’il y ait une seule personne sur ce monde qui soit pas au courant qu’il est amoureux de cette jolie rousse. A part elle, peut-être.

Elle est vraiment - vraiment - pénible cette fille. Pourtant il apprécie un minimum sa compagnie, assez pour pas la renvoyer bouler hors de sa boutique. Mais de toute manière Adriel est incapable de dire ' merde ' aux gens il peut pas se résoudre à être méchant. C'est au dessus de ses forces, il préfère serrer les poings quand quelqu'un l'énerve. Ou soupirer fortement pour marquer sa désapprobation, comme maintenant. Un soupir passe ses lèvres, il lève les yeux au ciel et il boude un petit peu. Il lui dit d'arrêter de l'embêter mais il sait qu'elle ne va pas l'écouter, elle aime beaucoup trop l'embêter.
Et le contraire serait vraiment bizarre. Parce que c'est quand même devenu une habitude, c'est la base de leur relation. Elle est plus jeune que lui et pourtant c'est elle qui l'embête et parfois même qui l'intimide. C'est qu'il la trouve quand même assez grande gueule son amie, elle fait peur quand elle le taquine. Au fond peut-être qu'il aime ça, mais vraiment tout au fond. C'est une habitude à laquelle il s'est accoutumé et il veut pas changer ses habitudes. Il incline légèrement la tête sur le côté, un grognement sourd s'échappe de sa gorge, il lève les yeux au ciel puis repose son regard sur son visage. C'est pas censé se passer de cette manière. C'est lui qui est censé la protéger, comme il protège la jolie rousse. Mais dans leur cas c'est plutôt l'inverse. Il est persuadé qu'elle est plus apte que lui à faire pleuvoir les coups d'ailleurs. Il se mord l'intérieur de la joue, rougit légèrement d'ailleurs. Passe sa main derrière sa nuque, il commence à être gêné. Il sait qu'il vient de s'emmêler les pinceaux, c'est pas le bon ordre. Il peut se déclarer pas amoureux mais si il le dit avant de savoir de qui elle parle alors ça casse tout son argumentaire. Si il pense à elle directement c'est qu'il en est amoureux. Parce qu'elle hante ses pensées, la jolie rousse. Et elle le sait très bien, Jillian.
Sa langue claque contre son palais. Quel secret ? il est grillé, il le sait. Mais c'est pas pour autant qu'il va baisser les bras, il veut pas en démordre. Il veut pas admettre qu'elle a raison, veut pas mettre des mots dessus. Et surtout il veut pas en parler, il veut pas lui donner une raison de plus pour le taquiner. Parce qu'il le sait, qu'elle le taquine déjà beaucoup maintenant mais si il avoue ça sera encore pire. Je suis pas amoureux d'elle je te dis, c'est juste une amie. il se détourne pour triturer les fleurs, s'occuper les mains et surtout avoir une raison de détourner le regard et ainsi cacher ses rougeurs. L'eau du vase dégouline sur le comptoir, il se dépêche d'attraper le chiffon pour l'essuyer. C'est qu'il panique, alors forcément il se montre plus maladroit. De toute manière elle a quelqu'un d'autre. il mord dans sa lèvre inférieure Avait quelqu'un d'autre. ça rend la chose encore plus compliqué. Elle l'oublie pas son ex petit-ami, parce qu'il est décédé et c'est peut-être la raison pour laquelle elle peut pas se résoudre à l'oublier. En fait, il en sait rien. Juste qu'il se dit qu'il peut pas être celui qui l'aidera à l'oublier.

Jillian, elle pense à plein de trucs en ce moment. Et de voir Adriel, c’est toujours comme une petite bouée de sauvetage à laquelle elle peut se rattraper quand elle se sent perdue. C’est une sensation de connu, Adriel. Elle sait comment agir avec lui, et elle sait comment il va réagir face à elle, et à ce qu’elle va, peut, lui dire. Et c’est agréable, de savoir, de comprendre, et de connaître avant. De pas être trop surprise par une réaction. Vraiment, c’est vraiment agréable. Elle sait qu’elle peut le charrier, elle sait exactement sur quoi le charrier. Elle sait ce qu’il va dire, quand et comment. Adriel est prévisible à ce point. Il est évident pour elle, qu’il se ferait écraser si les gens autour de lui venaient à être réellement malveillant. En toute honnêteté, elle a du mal à comprendre le comportement de la rousse. Cette fille dont est amoureux Adriel. Parce qu’il est, enfin, pas moche, Adriel. Du tout, même. Plutôt agréable pour les yeux. Elle comprend pas ce qui empêche la rousse de juste sauter sur l’occasion, et se taper un beau mâle tel que lui. Même si, vraiment, elle est pas trop certaine de pouvoir appeler Adriel “mâle”. Parce qu’en beaucoup, beaucoup de points, même Jillian est plus mâle que lui. Pas que ce soit forcément une qualité, elle s’en rend bien compte. Toujours est-il, qu’Adriel, elle aime bien être avec lui. Parce qu’il est sympa, et parce qu’il accepte qu’elle se moque de lui sans rien trop dire. Peut-être qu’il ose pas, ceci dit, mais still. C’est sympa. Et Jelly, parfois, se dit qu’elle devrait probablement se sentir coupable, genre, d’utiliser l’incapacité d’Adriel à se défendre contre lui, et pour son propre amusement à elle. Mais vraiment, Jillian étant ce qu’elle est, finalement, elle passe au dessus du petit début de culpabilité, et en remet une couche. Parce que c’est trop bon. D’agir comme ça, d’être libre de pouvoir dire ce qu’elle pense. D’écouter, et de parler, des choses de la vie, des relations. D’ailleurs, elle aime particulièrement parler des relations. Les vivre par procuration. Elle aimerait qu’Adriel et sa belle rousse forment un jour un couple parfait. Et comme ça, Jillian pourrait être aux premières loges. Et prendre un peu de crédit au fait qu’ils aient fini ensemble, rien que par cette discussion. Il lui en fait peu, Jillian, pour prendre du crédit pour les choses.
Elle voit qu’il est passablement contrarié lorsqu’il claque sa langue dans sa bouche. Ce bruit est caractéristique d’un Adriel qui est fâché mais qui se met pas en colère. Parce que c’est Adriel, et qu’il ne peut pas se mettre en colère. Même lorsqu’on fait tout pour qu’il le soit. Et lorsqu’il se remet à parler, Jelly rit. Et elle rit fort. Et elle rit gras. Et elle se bidonne, vraiment. Parce que ce gars est incroyable. Il dit tout et son contraire, sans se rendre compte que c’est juste parfait pour confirmer ses suspicions. D’ailleurs, c’est peut-être même pire que ça. Peut-être qu’il sait exactement qu’il dit tout et son contraire, mais qu’il peut pas s’en empêcher. Parce que Adriel est un puppy à qui il reste un brin d’orgueil. Mais que ce brin d’orgueil contredit absolument tout ce qu’il dit, à côté. Et il reprend, et il s’enfonce. Et Jelly lâche un “tsk tsk tsk” en secouant la tête négativement. Parce que, non. Faut qu’il arrête d’essayer de convaincre les autres d’un truc dont il arrive même pas à se convaincre lui-même. Parce que dans ce cas, ça s’appelle le mensonge. Et qu’Adriel, à l’inverse de Jelly, est un très mauvais menteur. Il fait tomber un vase, et l’eau se déverse, et Jelly se retient de se relancer dans un rire gros et gras. Elle le regarde juste se dépatouiller avec un torchon et nettoyer les dégâts. Puis il reprend la parole, et Jelly fronce les sourcils. Et réfléchis, rapidement.

On s’en fout. Qui que ce soit, il est forcément moins bien que Adoudou, le fleuriste national. C’est sûr. Et si elle pense autrement, c’est qu’elle a aucun goût.

Elle le pense, plus ou moins. Après tout, elle a pas ce genre de sentiments là pour lui, elle. Ce serait tellement bizarre, qu’elle en est. Elle aurait l’impression de commettre de l’inceste. Mais elle sait qu’il a du charme, et qu’il peut clairement avoir du succès. Elle comprend pas cette rousse. Pourquoi elle lui a toujours pas mis le grappin dessus ?

Il est pas certain d'avoir envie de cette conversation. En fait il en est même sûr, il a pas envie de parler de ça avec son amie. Parce qu'elle va se moquer de lui, entre autres et parce qu'il ne veut avoir cette conversation avec personne de toute façon. Il a bien conscience que ses sentiments sont compliqués, que la situation de la jolie rousse est compliquée et il refuse de les avouer alors qu'elle traverse encore une période fragile. Il la connaît depuis des années, et quand bien même il est relié à elle alors il est le mieux placé pour ressentir, pour comprendre ce qu'elle vit. Et il refuse catégoriquement de lui avouer ses sentiments par peur de chambouler encore un peu plus son petit monde. Et par peur de se prendre un râteau, d'être rejeté, de voir changer toute leur relation, de la voir s'éloigner de lui, de briser le lien magique entre eux.
Il pense que les gens peuvent pas comprendre ça.
C'est simple de donner son avis sur cette relation mais pour commencer ça ne regarde personne, simplement Jesse et lui. Mais surtout lui. Et à entendre les autres ça paraît si simple et facile de dire à la jolie rousse qu'il est amoureux d'elle. Sauf que les mots se bloquent dans sa gorge, que ce sont des années à se dire qu'il n'a aucune chance qu'il faudrait balayer d'un geste pour avoir le courage de lui avouer la force de ses sentiments. Et dans sa tête c'est toujours la même rengaine ; elle le voit comme son grand frère, comme un protecteur mais certainement pas comme un homme à aimer. Moins il parle d'elle avec les autres, mieux il se porte. Il ne veut pas entendre de conseils donnés par des personnes qui elles-même ne les mettraient pas en pratique, il veut pas entendre que c'est facile à faire, qu'il a toute ses chances.
Parce que lui sait que c'est faux, qu'il est le mieux placé pour le savoir.
Et ça il a presque envie de lui dire à Jillian, mais il ose pas. Et si il ose déjà pas la renvoyer chier gentiment alors avouer être amoureux c'est même pas la peine d'y penser. Il lâche quand même un petit rire amusé à sa réplique, c'est gentil ce qu'elle dit mais ça sonne faux. Pas de sa bouche, c'est juste qu'il n'est qu'un banal fleuriste introverti et que ça donne pas l'eau à la bouche. Il impose pas le mystère. C'est un fleuriste, pas un bodyguard musclé et ténébreux, juste un fleuriste.
— Alors elle a aucun goût, toi c'est pareil. Et toutes les autres, sinon je serai pas célibataire.
Il est aussi célibataire parce qu'il a pas envie d'être en couple avec une autre mais ça il le précise pas. Il arque légèrement un sourcil en fixant son interlocutrice, c'est vrai ça : pourquoi elle sort pas avec lui, elle, si il est mieux que les autres ? Pas qu'il a envie de sortir avec Jillian, ça entraînerait probablement un traumatisme, mais elle peut pas juger des actes de Jesse alors qu'elle fait la même chose, non ?

Jillian est pas trop pour les relations qui durent. Alors qu’Adriel a l’air d’être ce genre de mec qui tombe amoureux une fois, et après c’est end game pour toutes les autres personnes qui pourraient essayer. Jelly trouve ça aussi débile que fascinant. Dans le sens où elle comprend pas comment quelqu’un peut faire ça. Comment quelqu’un peut si facilement dire non à des désirs qu’il devrait ressentir, en tant qu’humain, juste pour l’amour. Pour Jelly, tout est une question de désir, pas d’amour. Jamais. Ou genre, très très rarement quoi. Et d’un autre côté, c’est débile, de se priver. Surtout quand, comme dans son cas il semble, la fille est absolument pas réceptive. Non, pire que ça, elle s’en bat carrément les olives. Adriel a du potentiel. S’il était prêt à essayer, Jelly pourrait lui faire de la pub sur son émission, comme elle en fait à Ari. Et il pourrait devenir genre, le womanizer d’Altéa. Jelly en est sûre. Ce serait pas difficile pour lui. Il a déjà tout. Le physique, la gentillesse. Et ouais, il lui manque un peu d’assurance, et ce truc en plus, qui fait les bons womanizer. La fermeté. Après tout, lorsqu’un mec veut passer d’une fille à l’autre, le lendemain, il doit être ferme dans ses propos. Pas méchant, bien sûr, mais clair. Et simple. D’ailleurs, même, pour bien faire, faudrait pas attendre le lendemain. Mais. Well. C’est des détails. Jelly essaye d’imaginer Adriel dans cette situation, et quoiqu’elle fasse, c’est une échec. Il est amoureux, il aime cette fille, toujours la même depuis que Jelly le connaît. C’est presque déprimant. Mais Jelly essaye de pas juger. Mais Jelly juge quand même, parce que merde quoi. Tout le monde rêverait d’un mec comme Adriel. Même Jelly, qui, pourtant, est pas dans le délire prince charmant du tout. Enfin, un peu. Mais elle le dit pas. Ça ruinerait sa réputation de connasse sans attaches.
Cette rousse devrait lui sauter dessus. Qui sait combien de temps encore il va l’attendre ? Si ça se trouve demain, il rencontrera une autre fille, dont il tombera plus amoureux. Et peut-être que Jillian préfèrerait ça. Peut-être que ce serait plus sain pour lui. De sortir avec une fille qui est intéressée par lui, réellement. Lorsqu’il répond, Jelly sourit, et hausse les épaules. Il peut bien dire ce qu’il veut, Adriel. Il est aussi transparent qu’une de ces vitres qu’on se prend parce qu’elles sont trop bien nettoyées. Adriel est célibataire parce qu’il veut l’être. Il l’a pas vu, la blonde qu’est devant sa boutique quasiment cinquante pour cent du temps ? Il voit pas le regard en coeur de ses clientes ? Et Jelly se dit que peut-être que non, en fait. Peut-être qu’Adriel est juste aveugle à tout ça, parce qu’il est juste intéressé par ce que pense cette rousse de lui.

Arrête de dire des conneries, Adoudou. Moi, ce serait de l’inceste allez. Et les autres, bah. Regard autour de toi, tu verras que tous les jours, t’as des dizaines de possibilités de pas rester célibataire. Mais t’es trop entiché de ta rousse pour pas les voir.

Elle pose se mettre à côté d’Adriel et pose son avant bras sur son épaule. Elle le regarde avec un grand sourire innocent.

Tes clientes féminines viennent pas que pour les fleurs, Adriel. Elles viennent pour te déflorer.

Et elle rigole, comme une conne, et retourne se mettre face à lui, de l’autre côté du comptoir.