Innocent and sweet | Koda

Lua.
Lua est la garce. Elle se moque de faire mal aux autres. Mais attention elle n'est pas pas la garce qui blesse ouvertement, non elle est plus tortueuse. Elle prend son temps. Elle endort la méfiance des gens par ses sourires, par son apparence de petite fille inoffensive obnubilée par le shopping et la mode, par ses petites attentions... Lua c'est la meilleure amie, l'adorable paumée, la pacifiste gentiment bitchie. Elle vous fait croire avant de vous poignarder dans le dos. Elle vous trompe de la pire façon qui soit, elle brise votre confiance pour un rien. Pire encore, elle insinue qu'elle ne l'a pas fait exprès. Mais si vous ne l'amusez pas eh bien la tromperie sera encore plus cruelle. Et elle arrivera sans aucun problème à vous faire regretter de l'avoir contrariée, à se faire aimer par vous et ainsi obtenir ce qu'elle veut. Une mauvaise manie qui s'était peu à peu muée en habilité.

Lua, c'est une semeuse de discorde, une fouteuse de merde qui aime jouer de ses sourires, de son charme, de ses mimiques pour mieux vous mener en bateau. Pour obtenir ce qu'elle veut. Pour s'innocenter. Une salope, une fière. Celle qui fait face à Koda toute sourire, toute candide mais parfaitement travaillée. Elle savait qu'elle n'était pas si bête la demoiselle, que surement, elle la connaissait, qu'elle ne pourrait pas jouer l'idiote avec elle.
Et qu'apparemment, elle en savait beaucoup de chose Koda.

▬ Cette place est libre, je peux m'asseoir?

Mais Lua, elle prenait déjà place sur la banquette.
Les jambes croisés, le menton appuyé sur la paume de sa main, face à elle. Son regard s'échoua sur le brun de ses yeux, s'égara un instant sur les traits du visage, sur l'éclat de ses cheveux, s'attardant sur de léger détails, ceux qu'on ne relevait généralement pas, sur cette fossette au creux du menton, l'arrondit des joues,  les courbes de sa bouche.  Des insignifiances, des choses sans importances qui la firent sourire Lua. Koda, elle était mignonne.
C'était à se demander pourquoi elle gravitait autour de si mauvaises personnes.

▬ Mais je ne me suis pas présentée. Je suis Axl.

Parce que Lua, c'était trop intime. C'était s'exposer aux yeux de celle qui en savait déjà tant sur elle alors que la jeune femme en connaissait si peu. Tous ce que Lua savait, c'était que Koda était comme Ameera, des oreilles et des yeux, de celles qui finissait toujours par apprendre les secrets fâcheux. Des femmes de l'ombre, celles que l'on mettaient rarement en avant, parce que leur pouvoir dans ce milieu, était toute l'ignorance qui planait autour d'eux. Et l'ignorance, c'est tout ce que mademoiselle exécrait, tout ce qu'elle redoutait. Comment pourrait elle avoir un coup d'avance sur l'autre si ce dernier demeurait un fantôme? Insaisissable et volatile, comme une fumée qu'on chercherait à retenir du bout des doigts. Vain espoir d'attraper l'inattrapable.  A moins.. de tricher un tout petit peu. Alors Koda, est ce que tu étais curieuse de toi? De rattacher ce nom à un visage. De frayer avec l'innommable garce. 

C’est évident que son comportement est suspect. Mais c’est son job, Koda, de trouver des comportements suspects. Alors peut-être qu’elle en voit partout désormais. Peut-être que ce type est clean, peut-être que sa chère femme blindée aux as les a engagées pour rien. Peut-être que ce type la trompe pas, et l’a jamais trompé. Et pour être honnête, ça la gonfle, Koda, d’avoir à espionner les mecs de femmes jalouses. Si elles savent pas garder leur mec, qu’elles en changent. Surtout si elles leur font plus confiance. Sérieusement, c’est quoi ce comportement de rapias ? Koda peut pas s’empêcher que c’est juste une manière pour elles d’avoir un prétexte pour rompre. Même après un mariage. Koda, elle sait que si un jour -et ça n’arrivera pas- elle arrête d’avoir confiance en Bambi, elle ira pas engager quelqu’un pour la surveiller. Elle. Elle lui en parlera directement. Non. Koda comprend pas.
Pour le moment, outre le fait que le mari a des goûts sérieusement douteux en matière de cafés, sa femme n’aura aucun prétexte pour le jeter dehors. Mais Koda peut déjà savoir ceci : c’est d’elle que vient l’argent, certainement pas de lui.
Il est à Palo Alto. Et ils habitent à Cosmopolis, dans le centre, certainement dans un des appartements les plus chers et cosy qui lui ait été donné d’appercevoir.
Elle continue de l’observer en sirotant son coca. Elle préfère pas penser à la galère que ça a été de le commander. Koda a ses habitudes. Koda, elle a son café, au coin d’la rue de là où elle habite. Les gens la connaissent. Les gens savent lui sourire et hocher la tête quand elle pose un doigt sur le menu. Ils pensent toujours qu’elle est aussi sourde que muette, mais c’est pas quelque chose qu’elle est prête à contredire. Même si ça l’ennuierait, y’a des chances qu’elle ait à espionner l’un de ses employés un jour.
Peut-être.

Le soleil vient se placer juste sur elle, quelques minutes plus tard et elle hésite pas une seconde à traverser la pièce pour se mettre juste à côté de l’homme en question. Il est au téléphone, et les conversations téléphoniques, bien que laissant place à l’imagination apprennent souvent, beaucoup. L’homme la regarde une seconde et d’un geste de bras, elle montre son ancienne place, baignée dans la lumière. Il sourit. Il a l’air sympa comme type. Alors que sa femme avait l’air d’un requin. Et ressemblait à un thon. Il s’arrête de parler, et elle sait que si elle fait rien, ses prochains mots se rapprocheront au mot près à : J’dois raccrocher, on reparle plus tard. Alors elle lève les mains vers un serveur passant à côté d’eux. Son verre est vide. Et avec des gestes rapides, elle commande une nouvelle boisson. Sans un mot, sans un bruit. Pas comme si elle pouvait en faire un, d’toute manière. De bruit. Et elle retourne son attention vers lui, un sourire triste sur le visage.
Toujours ce rôle de la pauvre petite fille muette. Bouhou. Hou.
Il lui sourit. Toujours ce même sourire. Ce sourire compatissant. Mais le sien est pas mal à l’aise. Il a pas l’air mal à l’aise, ni de la prendre en pitié.
Oui. C’est un homme bien.

Et il se remet à parler. Et elle tend l’oreille. Il a l’air de parler à une femme, c’est évident. Et il parle de. De quelqu’un. Peut-être de sa femme, il utilise souvent “elle” et a pas l’air ravi d’avoir à en discuter. Une querelle amoureuse avec une amante ? Qui qu’elle soit, elle doit être bien mieux que cette truie qui l’attend chez eux. Pauvre meuf.

Koda sursaute presque quand elle sent quelqu’un s’asseoir à côté d’elle. C’est quoi c’délire ? Elle l’a pas entendu arriver, ni lui parler, si encore elle l’a fait. Et Koda appréhende la suite. Et sans surprise elle les entend, ces mots : “J’dois raccrocher. On se rappelle vite.”
Koda se retourne. Et se retrouve face à une jeune fille, évidemment plus jeune qu’elle. Qui c’est elle ? Et qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle vient de faire foirer sa mission. Chiante, la mission certes, mais mission quand même. Et Bambi va pas être heureuse quand elle l’apprendra.

Axl, qu’elle s’appelle.

(Cool pour toi) qu’elle pense Koda. Elle l’observe, de haut en, à la taille, puisqu’elle voit que ça, d’elle. Le type se lève et s’en va. Et Koda le regarde. Il porte pas son alliance. Il la trompe. Et elle va se faire un mâlin plaisir de l’dire à Bambi en ajoutant qu’elle devrait rapporter à sa cliente qu’elle devrait s’estimer heureuse d’avoir trouver un mec qui a assez besoin d’argent pour la supporter.

Elle lui tend la main, Koda, parce que finalement, elle s’est présentée, la Axl. Et qu’elle a cette impression d’être face à quelqu’un à qui elle doit plus de respect qu’un simple hochement de tête. Mais elle compte pas lui donner son nom pour autant. Et même si c’était l’cas, elle a ni crayon, ni stylo, encore moins feuille, et y’a peu de chances que la Axl connaisse le langage des signes. Alors non, elle se présentera pas.

Lua observait Koda. Son coeur s'agite, dans cette marche sombre et anarchique qu'elle a fait sienne lorsqu'elle est devenue celle qu'elle était. A savoir une femme dénuée de scrupule. Personne n'a jamais entraperçu ce son discordant, sourd, ce battement continue qui ne survient qu'avant l'arrivée d'une catastrophe. C'est un bruit de fond apaisant pour elle et infernal pour ses tierces. Un tambour de guerre, une hypnose de l'âme, un garant de son détachement, tout simplement. Parce que Lua s'apprête à franchir un interdir, encore. Parce que Lua a déjà franchit un interdit, elle a approcher l'inateignable, observer l'anonyme, lever le voile sur son visage de poupon... Elle se prépare à en apprendre d'avantage sur celle qui en savait tant sur tant de personne et qui étonnamment ne semblait pas la connaitre elle. Une vérité qui lui tira un rire incrédule. Alors que Lua déjà, elle souriait. Pianotant sur son téléphone, elle commandait.

▬ Je crois que mon rendez vous a décidé de me poser un lapin. Mais je compte bien ne pas laisser cet enfoiré gâcher ma journée.


Ses sourcils se froncèrent légèrement, et ses lèvres frémirent dans une moue contrariée qu'elle avait apprit à s'approprier. Evidemment, feindre la contrariété n'était pour Lua qu'une simple formalité. Il y avait tant de chose sur Altea qui malmenaient ses nerfs: l'aveuglement populaire, l'omniprésence des esprits bienpensants, l'insignifiance des uns, la banalité des autres, l'ennuie, la sobriété, l'amour, les commencements comme les fins et la vie elle même. Alors, elle soupirait, elle inclinait son visage, l'air mutin, elle détaillait les murs invisibles, elle s’approchait d'une récompense qui n’existait pas. Koda. L'enveloppe était belle, charmante dans sa composition, revêche dans sa présentation. Mais ce n'était pas ce que mademoiselle désirait entrapercevoir - ciel non, il n'y avait rien de plus banal qu'une apparence présentable. Lua voulait le fruit pourrie. Elle voulait tous ce que l'on se refusait d ressentir, tous ces besoins que la nature humaine elle même cherchait à assouvir. C'était, en vérité, ce qu'elle recherchait chez tous les créatures qui croisaient sa route. Le monde devenait bien plus beau une fois perclus d'immondice.

▬ Mais si tu continus de me fixer avec cet air là, je crois que le personnel va s'imaginer que j'essaye de te kidnapper.

Lua croisa les jambes alors que la serveuse déposait son milkshake coloré devant elle. Une boisson de petite fille, sucrée au possible et bourrée d'artifices qu'elle n'avait jamais put apprécié. Mais mademoiselle savait que les mensonges étaient synonymes d'apparence et que l'inconscient construisait notre première impression sur une longue liste de préjugé soigneusement répertorié. Elle lui avait serrée la main en la fixant droit dans les yeux, elle ne la dédaignait pas. En revanche, elle se méfiait. Lua, Lua. Elle referma ses lèvres autour de sa paille et jeta un coup d'oeil à son téléphone, tapotant l'écran sans réellement attendre de réponse. Le goût de la framboise emplit ses papilles gustative, et elle retint un soupir en songeant que, décidément, elle avait tout de même le don de s'embarquer dans des situations abracadabrante.

Elle s’est décidée à pas vraiment lui en vouloir quand elle a senti ce petit plus, émanant de chez elle, qui en fait une personne importante. Elle sait pas en quoi, Koda. Ca pourrait être une cliente, une future cible, la fille d’un mec important, une Warden qui a vraiment réussi. Elle en sait rien. Mais cette personne vaut peut-être finalement plus que l’homme qui vient de partir. Et puis finalement, elle l’a récolté, son information. Elle sait qu’il aurait pu enlever sa bague pour plein de raisons différentes. Mais aucune aussi logique que “je trompe pour monstre de femme” lui vient à l’esprit. C’est pas son genre de tirer des conclusions plutôt que de trouver des preuves. Mais pour cette fois ci, bah une supposition fera de mal à personne. Au pire, elle rompra avec lui. Au pire, ça lui permettra de vivre mieux, plus tranquillement. Sans s’obliger à tromper une femme qu’il n’aime pas pour pouvoir profiter de sa vie d’homme, et de celle d’homme riche. Et ça, c’est pas une supposition. Il sera mieux sans elle.

Elle reporte son attention sur la jeune fille en face d’elle quand elle entend ce qu’elle dit. Elle joue l’ignorance, et sourit. Un sourire désolée. Pauvre jeune adulte à qui on a posé un lapin. Koda, c’est son travail, d’observer, d’écouter. Et cette fille est pas là pour un rencard. Elle est là pour la voir elle, Koda. Reste plus qu’à découvrir pourquoi. Et la raison pour laquelle cette gamine ressent le besoin de passer pour une fille normale, quand clairement, elle n’en est pas une. Pourtant, Koda joue l’jeu oui. Parce que Koda se dit que si cette fille a choisi cette technique là pour en venir là où elle voulait aller, c’est qu’il y a une suite, un raisonnement qui se tient. Quelque chose de concret qui arrive après. Pour ce qu’elle sait, Koda, cette fille pourrait être en train de la tester ou. Même si c’était l’cas, elle aurait possiblement loupé le coche. Sa plus belle qualité étant sa capacité à faire croire aux gens qu’elle est sourde. Et que clairement, là, elle ne l’est pas.

Et la bout de femme continue de lui parler. Et Koda perd son sourire, soulève un sourcil. Tu ? D’accord, cette fille est importante, y’a plus de doutes là dessus. Mais Koda doit être plus âgé qu’elle, et de plusieurs années. Et elle vient de la rencontrer. N’est-ce pas ?
Le champs des possibles pour cette fille se réduit. Une ancienne cible ? Peut-être ? Mais ça l’étonnerait. En général, quand Koda croise d’anciennes cibles, déjà elle s’en souvient, et puis elle sent un truc, comme. Du danger, ou de la peur. Quelque chose un peu entre les deux. C’est pas l’cas ici. Cette fille lui fait pas peur. Elle la trouve juste très étranges. Et quelque chose d’invisible et d’incompréhensible la retient scotché sur son siège. Elle peut pas, veut vraiment pas, partir. Pas encore, pas tout d’suite. Elle en sait pas assez.
Et elle sent qu’elle pourrait être heureuse de pas être partie, quand cette fille en viendra finalement aux faits et à ce qu’elle veut. Mais pour le moment.
Pour le moment, Koda réagit comme elle réagirait si elle était face à une gamine plus jeune qu’elle, a qui on a posé un lapin, et qui la tutoie alors qu’elle devrait la vouvoyer.

Alors elle sourit, et ouvre la bouche, comme elle le fait quand elle rit. Sans aucun bruit.

Ses mots sont pas innocents non plus. N’importe qu’elle fille de son âge irait pas parler de kidnapping comme ça, dans une phrase hors contexte. Pas avec quelqu’un qu’elle connaîtrait pas. Pas avec quelqu’un de plus âgé. Les gens autour d’elles penseraient jamais qu’une gamine comme elle puisse kidnapper une autre, évidemment plus âgée, comme Koda. Le choix des mots est pas innocent. Cette fille est pas n’importe qui.

Et maintenant que ça, c’est déterminé, Koda aimerait finalement savoir. Axl, qui c’est exactement ? Et qu’est-ce qu’elle veut ?

Koda, Lua la jugeait étrange, à défaut de meilleur mot. Non pas qu'elle soit bien placée pour établir ce genre de considération, loin de là même, mais y'avait quelque chose qui ne collait pas. Une dissonance qu'on ne s'expliquait pas. C'est partout et nul part à la fois. Dan ses silences, dans sa présence, dans son regard fixe, dans ses lèvres immobiles. Du dédain ou de l'ennuie, de la méfiance ou de la répulsion, Lua ne saurait le dire. Et pourtant ça réponse, elle la cueillit dans un rire, dans l'ébauche d'un sourire qui ne trouva d'écho que la cruauté du vide. Les sons s'étaient fait absent sur la langue de l'enfant. Ou de la femme? Difficile à dire, pour Lua, Koda n'avait pas d'âge, elle ne semblait ni plus jeune ni plus les âgés, ni mendiante ni privilégié. Elle s'assimilait à un chat sauvage, détendue tout en étant sur ces gardes. Mais mademoiselle venait d'en tirer sa première carte.

▬ Oh, je vois. On a beau savoir que ça existe, croiser une personne muette a toujours quelque chose de surprenant

Bien qu'elle ait déjà vue des maux beaucoup plus exotique, mais ça bien sûr, son interlocutrice n'avait pas besoin de le savoir. Alors Lua, elle sortit un vieux carnet et un crayon de son sac, document sans importance où elle notait les différentes tâches ménagères qu'elle n'effectuait pas. Elle les déposa devant Koda, souriant avec cette espièglerie qui au fond, était devenue sa marque de fabrication. Gamine insolente qui s'était toujours prise pour une grande. Enfant des bas-fonds qu'on avait eut le malheur de rendre importante. C'est de cette présomption qu'était née toute son insolence. Cette certitude qu'au fond il valait assumée et vivre sa vie, car on ignorait lorsqu'un tierce y mettrait fin brutalement.

▬ Enfin, navrée. La délicatesse n'a jamais été mon fort. Tiens si tu veux communiqué.

Navrée, elle ne le semblait pas, elle avait l'impudence qui dansait jusqu'au bout de ses doigts. Et puis, elle était curieuse de voir ce qu'elle aurait à répondre la femme-enfant. Est ce qu'elle entrerait dans la danse ou tournerait les talons. Il était difficile de dire jusqu'à quel degré de méfiance pouvait s'élever ses personnes qui avaient apprit à vivre des plus sombres secrets. C'était un intérêt qui ne lui avait jamais échappé. Savoir était pouvoir, surtout dans un milieu comme le leur où il fallait toujours avoir un coup d'avance sur l'autre. Koda était un oiseau bleu. Ceux qu'on cherchait à travers les rues sans pouvoir mettre un nom dessus. Mais Lua, elle ne voulait pas se contenter du nom. Elle voulait en déceler l'attitude et les tourments. La curiosité était un vilain défaut. Mademoiselle en avait simplement fait son Cheval de Troie. 

Y’a plusieurs choses qui lui font penser que cette fille s’est pas réellement prise un râteau. Mais la raison principale, c’est que, qui irait mettre un râteau à une fille pareille ? C’est à un point où Koda. Elle devrait prendre une photo en scrèd de cette fille et l’envoyer à Bambi, elle devrait. Pour lui demander si elle la connaissait. Après Ajay, elle se méfie un peu, Koda, des gens qui viennent la voir. Et elle a tendance à les prendre en photo, à envoyer la photo à Bambi. Et si Bambi les reconnait, c’est, la plupart du temps, d’anciens clients qui décident de venir à la source. Y’en a pas eu beaucoup. Et c’est pas plus mal comme ça. Mais cette fille. Enfin, elle a une tête de manipulatrice, un peu, mais pas de grandes méchante qu’aurait eu recours à leur service, aux Hawks. Et si elle lui envoie une photo de cette fille, à Bambi, et qu’elle la reconnaît pas… La crise de jalousie qu’elle souffrira le soir la fera regretter d’avoir eu des doutes. Alors elle sort pas son téléphone, et elle décide de se faire son propre avis.
La seule chose certaine, c’est que cette fille, lapin ou pas, a fait partir la personne qu’elle devait espionner, et que ça, c’est pas cool de sa part.

A sa phrase, Koda lève un sourcil. Redresse la tête. Et beh, au moins, c’est clair. C’est rares, que les gens osent, soient aussi francs sur ce sujet. En général, ils ont pitié, ou peur, ils savent pas comment réagir. Et Koda, elle a déjà été à leur place, avant de devenir muette. Quand elle voyait des gens malades, ou dans l’incapacité de faire quelque chose que d’autres pouvaient faire, elle savait pas comment réagir. Osait rien dire, de peur de blesser, de mal parler, de faire des bêtises. Parce qu’elle a toujours pris les sentiments des autres avec des pincettes. Et que c’est probablement un des trucs qui a changé, depuis qu’elle a perdu sa voix. Et qu’importent les autres, cette fille diffère du lot, de nouveau. Et c’est bizarre, quelqu’un qu’a pas de barrières, face à une personne qui peut sembler en désavantage. Bien sûr, y’a ceux qui s’amusent à en profiter, mais ça a pas l’air d’être son cas. Et la seule autre façon, c’est que finalement, le mutisme, pour elle, c’est pas si extraordinaire. Depuis l’accident, Koda s’est rendue compte d’un truc. Les personnes les plus aptes à lui parler normalement de son handicap étaient les familles de personnes dans des situations bien pires que celle de Koda. Des gens qui savaient qu’un handicap, ça rend pas les gens en mousse. Que ce qui les blesse, c’est les pincettes qu’on prend pour leur parler, pas quand on leur parle franchement.

Même si, la façon dont elle le dit. Koda, c’est pas un animal de foire. Et si elle pouvait communiquer, elle essayerait, gentiment, peut-être, de lui faire comprendre.

Et de nouveau un sourire, de Koda, quand elle entend le reste, et qu’elle voit un carnet et un crayon apparaître devant elle. Non, définitivement, cette fille était pas la pour un rencard. Alors Koda plisse les yeux, l’observe, et griffonne quelques mots.

T’as raison tu sais ? La délicatesse est vraiment pas ton fort.

Elle récupère le carnet après quelques secondes, où elle lui a laissé le temps de lire, et elle regarde dehors. Il est parti depuis longtemps, l’homme. Il est parti rejoindre sa conquête. C’est une bonne chose. Il pourra être heureux au moins, avec elle.

Une réponse.
Enfin, une réponse, pas un regard, pas l'indifférence de son expression. Mais une phrase.
C'est une bien belle récompense, après l'étalage des plus beaux reliefs de son insolence. Lua, elle n'est de loin pas fâchée de s'être lancée dans l'aventure, de pouvoir mettre un ton sur l'incertitude d'une réputation. D'observer un oiseau hors de sa cage briller de tout l'éclat de son audace. Elle ne cesse de sourire, un léger sourire en coin, à mi-chemin entre la moquerie et la franche camaraderie. Et c'est qu'elle parvenait presque à paraitre sarcastique la demoiselle. Lua, dans tous les cas, ça lui fait plaisir. Oui, elle est ravie l'enfant. Rien ne l'amuse plus qu'une étrangère qui s'emploie à tenter de lui remettre les pieds sur terre. Même entouré par l'inhospitalier de la jungle urbaine. Plus ou moins bruyante, plus ou moins néfaste. Enfin, il y a une part d'amusement, d'un côté. Et de l'autre côté, il y a quelque chose de plus bestiale, quelque chose qu'on peut nommer vice, assurément. Et au milieu, il y a toi. Qui profites des bien-faits de cette vie, de ce que tu peux en tirer. Sans rien prendre au sérieux, réellement. Toujours le sourire aux lèvres. Le regard rieur. C'est bien toi, ça.

▬ Je sais que j'ai raison. Je ne tente pas de l'être, ça aide à avoir une idée fixe sur la question.

Presque pas élégante dans ses propos. Quoi que. Son timbre reste suave, son sourire reste toujours présent. Elle glisse sa paye le long de ses lèvres peinte de rouge, une couleur agressive qui faisait rayonner sa bouche au milieu de son visage comme un délicat joyau. Aw, Lua. On s'en repaissait, de l'arrogance de Lua. Des maux de Lua. Et pendant un instant, son regard ricoche du sien au vide qu'elle semblait contempler sur le chemin. Loin d'elle et de sa présence envahissante. Loin de Lua et son absence de compassion. Songeait-elle à cette qu'elle allait retrouvée une fois l'interlude passée? A l'amant qui jouirait de sa présence dans le confort de l'appartement. A l'ami qu'elle embrasserait en rentrant. A l'amant, à l'enfant qui sait. C'était là tout l'attrait des inconnus après tout, ces vastes toiles vierges sur lesquelles elle pouvait retranscrire l'indicible de ses réflexions.

▬ Cela étant, je ne sais pas si tu attends quelqu'un. Mais ne t'en fais pas, je m'en irai lorsque cette personne arrivera.

Ou pas. Elle n'était pas femme à se soucier des désagréments qu'elle pouvait susciter Lua. La considération était tout ce qui lui manquait et si quelques rares initiés avaient un jour put jouir de sa sollicitude, force était de constater que la liste des dommages collatéraux issu de ses caprices ne suffiraient pas à lui acheter sa place au paradis. Mais son camp, elle l'avait choisit il y a longtemps. Régner sur des ruines plutôt que de s'affaisser dans le mirage d'un cage. Si l'humanité avait choisit de plier face à l'autorité d'une machine numériquement créer, elle préférait s'épanouir dans l'inconfort de sa marginalité. Altea n'était qu'une vitrine rutilante dissimulant les plus amères des insatisfaction, l'échec d'une race d'avoir construit un simulacre de perfection. Ils en étaient devenu esclaves, se repaissant d'un luxe préfabriqué alors que le reste de leur monde brillait de son hostilité. L'ignorance de la masse, la complaisance du manque d'audace.

Parfois Koda se dit que c’est bien, qu’elle puisse pas parler. D’avoir à écrire, à mimer, c’est moins naturel, c’est moins directement relié à son esprit. Et elle a le temps de réfléchir avant d’écrire, de mimer. Alors que parler, c’est différent. Parfois, y’a ces trucs, qui sortent d’on ne sait trop où. Ces trucs qu’on était pas censé dire, mais qu’on dit quand même, parce que c’est automatique, parce qu’on arrive pas à les retenir. Et si Koda parlait encore, peut-être qu’elle aurait décidé de se lever, qu’elle aurait décidé d’aller rattraper cet homme et de lui expliquer, de tout lui déballer. Elle peut pas, et doit pas. Et parfois, Koda, elle se dit que c’est bien qu’elle puisse pas parler. Dans ces moments là, par exemple. Ces moment où elle voudrait de sauver une personne de la destruction par une connasse. Mais que cette personne est la cible, et qu’elle est censée avoir aucun contact direct avec elle. Surtout pas pour lui annoncer que sa pétasse de femme est en train de faire enquêter sur lui, oh non. C’est une bonne chose, dans ces moments là.
Dans d’autres moments moins. Mais Koda, elle se dit que dans le cas présent, avec cette fille, cette blonde, devant elle, cette Axl, c’est peut-être, aussi, une bonne chose. Elle doit rien laisser paraître après tout. Elle sait toujours pas qui elle est. Elle sait toujours pas ce qu’elle veut. Non, la seule chose dont elle est certaine, c’est que c’est évidemment pas une fille qui vient de se faire poser un lapin. Et ça, c’était déjà le cas avant qu’elle se remette à parler.

Mais quand elle lui répond, quand elle parle d’idée fixe. Cette fille est bien trop sûre d’elle même pour être agréable. Ca mis à part, une idée fixe sur quoi ? Pourquoi elle chercherait à avoir une idée fixe sur Koda ? Elle la connait pas, après tout, pas vrai ? Si elle avait pu parler, elle aurait réagi, lui aurait peut-être dit quelque chose dans les eaux de : T’assumes le fait d’être mal-élevée, cool pour toi.
Parfois, Koda se dit que c’est bien, qu’elle puisse pas parler. Elle aurait eu tort de lui sortir un truc comme ça. Parce que cette Axl, elle est. Importante. D’une manière ou d’une autre, elle dégage un truc, ce truc qui fait que. Qu’elle peut pas juste être une gamine à qui on vient de mettre un lapin.
Elle se remet à parler, et Koda sourit. Un sourire amer, un sourire qui se transformerait en rire jaune à la ah ah ah si ses cordes vocales étaient toujours en état de marche.
Koda, attendre quelqu’un ? Oh non. Qu’elle se retrouve dans cette partie de la ville, déjà, c’est pas une habitude pour elle. Personne ne pourrait venir l’y retrouver. Et puis, y’a pas masse de gens avec qui elle boit, Koda. Y’a Bambi, et Bambi. Et Bambi, occasionnellement. Ajay, parfois, aussi. Mais c’est plus caché, plus rare. Plus sous les radars. Officiellement, y’a que Bambi. Bambi à qui elle va devoir annoncer qu’une blondasse décolorée l’a empêché de récupérer des infos intéressantes. Menteuse.
Autant se servir de cette rencontre pour faire croire à un échec. Jamais Koda ne permettra que cet homme, sous toutes les coutures respectables, outre le fait qu’il trompe sa femme, soit envoyé en pâture à cette même femme. Cette femme si, si, si terriblement mauvaise.

Elle reprend le calepin, le stylo, écrit, rapidement, à peine lisiblement.

J’attends personne. La personne avec qui j’étais viens de partir. Je prenais un dernier café. Après lequel, je vais m’en aller, moi aussi.

Elle attend un peu, regarde l’Axl face à elle, lève un sourcil, et se remet à écrire.

A part si vous avez un truc à me demander ?

Elle a envie de retrouver Bambi, Koda. Elle a envie de rentrer à la maison. Et là, aujourd’hui, Koda, ça l’emmerde, de jouer à qui sera la plus intelligente, à qui saura le mieux cacher ses réelles intention. Si cette Axl veut quelque chose, qu’elle lui demande. Si elle est, comme le pense Koda, venue pour lui parler, à elle, Koda. Qu’elle lui explique pourquoi. Vite.
Koda pourra repartir en lui donnant ce qu’elle veut, ou non, et retrouver Bambi pour lui annoncer que la mission a foiré.