(#1) kiyhan + looking for a reason to carry on

Yohan n’est jamais allé à l’université. C’était prévu, pourtant. Quand il était encore en formation pour devenir un Warden, et que toutes les portes semblaient ouvertes, il songeait à entamer des études de psychologie ou de sociologie. Quelque chose qui aurait à voir avec le comportement et les sentiments humains. Ça a toujours été son domaine d’expertise, les sentiments (des autres). Il a toujours su bien les identifier, et souvent, y réagir de manière adéquate. Il aurait vraiment aimé étudier tout ça, et peut-être, devenir un Warden spécialisé dans ce domaine. Mais le destin en a décidé autrement. C’est justement parce qu’il n’arrivait pas à gérer ses propres émotions qu’il a été viré de la formation, et mis de côté, avec la presque insulte de Botcher comme écrite sur son front. Il aurait pu avoir cette vie. Marcher entre les différents bâtiments de l’université, un café à la main, des livres dans l’autre. Il aurait pu se faire des amis, participer aux soirées étudiantes. Il aurait pu fouler ces escaliers quotidiennement, écumer la sublime belle bibliothèque avec nonchalance, parce que trop habitué à la voir. Dans une autre vie, peut-être. Yohan ne peut pas se plaindre. Malgré ce qui est arrivé, il est retombé sur ses pattes, et il ne peut pas dire qu’il n’est pas heureux, aujourd’hui. Il est devenu sportif professionnel, son équipe ne fait que monter dans le classement et gagner en popularité même en dehors du terrain. Les entraînements sont éreintants, le quotidien chargé, mais ça vaut le coup. Bordel, ça vaut vraiment le coup. Alors même si aujourd’hui, la mélancolie le frappe en visitant l’université d’Arcadia, il n’est pas triste pour autant.
Pour une fois, il n’est pas là pour rendre visite à un ami, ou pour profiter du café délicieux du campus. Il vient pour quelque chose d’un peu plus sérieux, d’un peu plus complexe. Très franchement, il n’est pas encore sûr que ce soit une bonne idée. Ça fait un moment qu’il pense à demander à ce qu’on l’aide à trouver des réponses à toutes les questions qui lui trottent dans la tête et qui l’empêchent de dormir… Mais entre y penser et sauter le pas, il y a un monde. Il lui a fallu plusieurs mois avant de se décider à faire des recherches sur le site de l’université pour trouver le nom de la personne la plus à même de l’aider. Quand il a enfin trouvé cette personne, il a mis du temps avant de se décider à aller la rencontrer. Yohan avait peur qu’il n’ait pas le temps, que le mec lui balance qu’il n’avait rien à faire d’un jeune homme de son âge, même pas étudiant à l’université. Yohan n’a jamais trop aimé les professeurs, c’est ça, la vérité. Ils ont toujours eu tendance à le traiter comme quelqu’un incapable d’accomplir quoi que ce soit, parce qu’il avait tendance amuser la galerie au lieu de faire ses devoirs.
Quelques jours après le nouvel an, il a décidé qu’il devait tenter le coup. Après tout, qu’est-ce qu’il risquait, hein ? Mieux vaut vivre avec des remords qu’avec des regrets. Il a lu ça quelque part, et ça l’a décidé. Il a même marqué ça sur sa liste de résolutions.
Et maintenant il est là, devant la porte d’une salle dont la porte est entrouverte, où un cours est en train de se terminer. Yohan n’ose pas entrer, de peur que tout le monde se retourne vers lui. Il attend donc patiemment derrière, en écoutant attentivement les paroles du professeur d’histoire. Le jeune homme est un peu surpris : il s’attendait à trouver un vieil homme aux allures de grand-père, mais le professeur Kang est loin de correspondre à cette description. D’après ce que Yohan voit par l'entrebâillement de la porte, il doit avoir la trentaine, et il a l’air d’être plutôt pas mal. Dix minutes passent avant que les étudiants rassemblent enfin leurs affaires et quittent l’amphithéâtre, tous plongés dans des discussions enthousiastes. Yohan les laisse passer, et n’entre dans la pièce qu’une fois qu’ils sont tous partis, un peu stressé. Il n’a même pas réfléchi à ce qu’il allait dire. Il s’est levé ce matin, et il s’est juste dit que c’était le jour. « Professeur Kang ? » dit-il, pour que l’homme relève le nez des feuilles qu’il est en train de ranger dans son sac. Derrière lui, le diaporama s’éteint sur l’écran high-tech. « Je suis désolé de vous déranger. » Il lui sourit, tâchant de paraître le plus avenant et le moins bizarre possible. « Yohan Pearson. » se présente-t-il finalement, avant d’enchaîner : « Est-ce que vous auriez quelques minutes à m’accorder ? J’ai quelques questions… historiques. On m’a dit que vous étiez plutôt calé sur des sujets très divers et… Je me suis dit que vous pourriez m’aider. » Il se pince un peu les lèvres. Il espère que Kang ne va pas l’envoyer bouler : il ne sait pas s’il peut trouver quelqu’un qui soit aussi expert que lui pour répondre aux questions bien spéciales qui le taraudent.

Yohan a collé un sourire de jeune premier sur ses lèvres, comme si ça allait pouvoir plaider en sa faveur et pousser le professeur à lui accorder du temps. L’homme a l’air détendu, et pour l’instant, ne l’a pas fait partir d’un geste pressé ou d’un je n’ai pas le temps, ce qui est déjà une petite victoire en soi. « Quelque chose me dit que nous allons en avoir pour plus que quelques minutes... Mais je t'en prie, poursuis. J'ai une bonne heure devant moi. » Yohan esquisse un petit sourire gêné. Oui, en effet, si le sujet intéresse Kang, ils en auront clairement pour plus de quelques minutes, cela va sans dire. Comment a-t-il fait pour le deviner ? Aucune idée. « Merci beaucoup ! » Il ajoute un hochement de tête reconnaissant et se rapproche un peu du bureau. Il ne sait toujours pas trop par où commencer. « Je ne suis pas étudiant ici mais… J’ai entamé des recherches sur un sujet précis depuis un moment déjà, et tout ce que je trouve semble plus tenir du roman d’amour que de la science, alors... » commence-t-il à dire, comme s’il avait encore une fois besoin de justifier sa présence ici avant de passer aux choses sérieuses.
Il passe une main dans sa nuque, mal à l’aise de venir avec un sujet comme celui-là. Il n’est probablement pas le premier à vouloir étudier les liens étranges qui lient les gens. Yohan imagine très bien des jeunes idéalistes de l’amour venir embêter le professeur avec un sujet tel que celui-ci. Kang en a même peut-être marre ? Bon, de toute manière, maintenant qu’il est là, Yohan ne peut pas vraiment faire marche arrière. « Je cherche à en savoir plus sur les soulmarks et les liens entre âmes soeurs. » Il l’a presque dit à demi-voix. Il devrait être plus confiant - après tout, il n’a rien à perdre. Mais ce sujet est si… intime, d’une certaine manière ? C’est étrange d’en parler comme ça. « J’ai été surpris de découvrir qu’il n’y avait pas tellement de documentation à ce sujet… Je m’attendais à crouler sous les informations, et en fait… Pas du tout. » Il hausse les épaules. Les soulmates sont connues depuis bien longtemps, depuis la création des mondes - sur les quatre mondes… Et pourtant, les informations se font rares. Yohan a demandé aux membres de son cluster sur Néphède et Sigan si elles avaient des informations - mais aucune d’elle ne semblait plus avancée que lui. Bien sûr, il ne va pas pouvoir mentionner ce détail au professeur : il n’a pas envie de passer pour un fou en parlant d’autres mondes. Mais déjà sur Altea, le manque de sources est surprenant. « Avez-vous une idée de la raison pour laquelle le sujet est si peu étudié ? » Sa théorie, c’est que les gens préfèrent garder l’aspect presque magique de ce lien, et se sont résignés à son existence sans vouloir l’expliquer. « Je ne sais pas si vous vous y connaissez un peu… Mais si oui, est-ce que vous savez où je pourrais trouver plus d’informations ? » Il ne lui demande pas grand-chose, tout compte fait. Il n’y a pas de raisons pour qu’il refuse de l’aiguiller, au moins.