I have friends on the other sidewhen you see my face hope it gives you hell. when you walk my way hope it gives you hell.
☽ kennedy ota & niran moriarty
12 june 2018, late afternoon Il hurle. Il sait que personne ne peut l’entendre, mais ce n’est pas le but de la manœuvre. Ses cris se répercutent sur les murs au papier peint décrépi, qui part en lambeaux. Dans un coin, huit griffures. Huit bandes. Huit jours qu’il décrépit dans cet endroit. Il n’a pas cherché à lutter, quand Aecha l’a amené là. Elle l’a prévenu, qu’elle s’occuperait de lui. Et elle n’a pas menti … en partie. Le son s’arrête, remplacé par celui du métal sur le métal. La menotte, et le radiateur. Cloué au sol, il ne peut même pas se relever. Ce qui n’est sans doute pas un mal. Le décor autour de lui a longtemps été entièrement pourpre, teinte de la drogue qu’il affectionne particulièrement. Et qui lui manque affreusement. Rien. Il n’a eu droit à rien. Il a quelques connaissances lui permettant d’affirmer que normalement, on fait ça progressivement, doucement, en accompagnant le drogué. Il n’a pas droit à cette chance. Un rire amer lui échappe alors qu’il agite le poignet, essayant une nouvelle fois de se défaire de ses liens. En pure perte, il le sait. Mais il faut qu’il fasse quelque chose, qu’il essaye, avant de devenir fou. Comme si ce n’était pas déjà le cas. Un rire de dément, soudain. Il est parfaitement instable. Il le sait. Il s’en fout. Rien n’a vraiment d’importance, en réalité. Juste son corps, son corps qui le brûle, qui le bouffe, qui lui réclame une dose, à tout prix. Il a soif, il a faim, il a chaud, il a froid, il tremble, en tous cas. Complètement pâle. Si on lui avait donné un miroir, il ne se serait pas reconnu ; et il aurait sans doute éclaté de ce grand rire nerveux, fou. Oui, fou. Il est en train de perdre la raison. Il entend des voix. La plupart du temps, c’est une simple manifestation de ses pensées, le pressant, l’urgeant, le suppliant. Il lui en faut. Il n’en peut plus. Il faut qu’il se tue. Pour abréger ses souffrances. Leurs souffrances. Il ne tient plus. Mais il n’a rien à portée de main. Elle y a veillé. Elle lui amène à manger. Régulièrement. Peut-être. Il ne sait pas exactement. Il se jette sur la nourriture. Essaye de l’insulter, de la faire réagir. Pour qu’elle l’achève. Parfois, il la supplie, il pleure. Il n’a plus de dignité. Il l’a enterrée il y a longtemps. Ou récemment. Il ne sait pas. Il ne sait plus. Et franchement, il s’en fout.
Finalement, il se laisse retomber au sol. Ses muscles sont engourdis. Douloureux. Il a de la fièvre. Son corps est parcouru de spasmes. Et l’autre va finir par apparaître. Elle arrive toujours au pire de ses crises, pour soupirer. Et il n’a vraiment, vraiment pas besoin de ça. Il l’envoie chier, la plupart du temps. Ou il l’ignore. Il y est bien arrivé, pendant des années, à se dire que ce visage dans le miroir n’était qu’une hallucination. Alors une de plus, ou une de moins. Et pourtant. Quelque part, il sait qu’elle est réelle, il s’en doute. Pas qu’est-ce que ça change ? Peut-être est-il juste en train de l’imaginer, et n’est-elle pas réellement là ? Ou irréellement ? Tout ceci n’a pas le moindre sens. Il sait juste qu’elle va venir, qu’elle va le juger et que franchement, si c’est pour être inutile, il préférerait encore se passer de sa compagnie. Enfin, « compagnie » est un bien grand mot. Il la déteste, sans doute autant qu’elle le hait. Et pourtant elle ressemble à une extension de lui même. Alors il se déteste ? Oui, ça c’est un fait avéré. Même si parfois il se demande pourquoi alors il se débat tellement pour essayer de survivre, pour demander sa drogue, qui l’aidera à continuer encore un peu. Pour elle, même s’il n’est pas en état de se l’avouer. Il ne fait que subir. Il ne peut plus faire que ça. On lui a enlevé son libre-arbitre, ou il y a renoncé quand il a tenté de se suicider. Avec un pistolet non chargé. Nouveau rire dément. Ça n’a pas de sens. Rien n’a de sens. Et il s’en tape. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il a mal. Qu’il sait comment ne pas avoir mal. Et qu’il n’y a que ça qu’il veuille, qui le tue, les yeux injectés de sang, les lèvres blanches, alors qu’il renverse la tête en arrière, murmurant d’une voix rauque entrecoupée de râles, ressemblant à ses ricanements : Meeeeen….daaaaaax … PUTAIN DE MERDE ! Il hurle, de nouveau. A pleins poumons. Ce n’est pas comme si quelqu’un allait l’entendre, de toute façon.
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