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 HALL OF FAME (YASAAN #2)

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Yasmeen Hedat-Vane
Yasmeen Hedat-Vane
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Bloc-note : DANGEROUS WOMAN LP: dangerous woman (ariana grande), belong to the world (the weeknd), hauting (halsey), circus (britney spears), lucky (britney spears), eyes closed (halsey deep house remix), out from under (britney spears) [secret track: echoes of silence (the weeknd)], crazy (britney spears), side to side (ariana grande), love in the sky (the weeknd), into you (ariana grande), if U seek Amy (britney spears), shameless (the weeknd), just a little bit of your heart (ariana grande), dusk till dawn (sia ft. zayn)

JAZ VANE LP: break free (ariana grande), I'm a slave 4 u (britney spears), hurricane (halsey), oops! I did it Again (britney spears), sit still, look pretty (daya), sometimes (britney spears), blue jeans (lana del rey), oath (cher lloyd), one last time (ariana grande), baby one more time (britney spears), problem (ariana grande), pacify her (melanie martinez), overprotected (britney spears), dark paradise (lana del rey).
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MessageSujet: HALL OF FAME (YASAAN #2)   HALL OF FAME (YASAAN #2) EmptyVen 6 Juil - 20:44

hall of fameI don't belong in the world, that's what it is
Something separates me from other people
Everywhere I turn, there's something blocking my escape
It hurts to love you, but I still love you
It's just the way I feel
And I'd be lyin', if I kept hidin'
The fact that I can't deal
And that I've been dyin' for somethin' real

17JUNE 2018.
7 pm, H-4. Le maquillage glisse délicatement sur sa peau, efface les cernes, les rougeurs sur ses joues, les tâches de rousseurs que sa mère déteste, les traces de larmes que Yasmeen ne prend plus la peine de cacher. Elle ne sait plus dormir sans désormais, étouffant dans sa chambre pourtant spacieuse qui s'est transformée ce dernier mois en véritable prison. D'abord elle y a été enfermée une semaine quasi complète, le touchpad qui serre de serrure à sa porte, visiblement trafiqué pour qu'il ne soit plus ouvrable de l'intérieur. Jaz ignore ce que sa mère a pu raconter à son oncle pour qu'il accepte de faire ça, elle doute qu'il ait eu beaucoup de remords ceci dit. (Son père. Le sait-il ? En a-t-il quelque chose à faire ?) Pendant une semaine, sa seule visiteuse était sa mère, quoique la première fois que celle-ci lui a laissé le droit de se balader dans la maison elle a croisé, l'Autre, Sharzad. Mais pas Noora, ni Tamina, ni même Navid. Juste Sharzad avec ses yeux froids et insondables, incapable d'être heureuse qu'elle soit là. Jaz s'est beaucoup demandée les nuits suivantes si elle aurait préféré qu'elle ne revienne jamais, persuadée au fond d'en avoir déjà la réponse. Sa liberté de mouvement s'est toutefois arrêtée là : la maison, le jardin à peine quelques heures par jour, sous surveillance — Jaz ignore si sa mère la véritablement crue capable d'escalader le mur et de fuir comme ça. Peut-être qu'elle l'aurait été au fond, elle était certainement assez désespérée pour ça. Your freckles your eyes your lips hm you're so beautiful my soulmate I can't wait to give you your award after you win all those rewards at the grannies voit-elle inlassablement derrière ses paupières chaque fois qu'elle les ferme pour laisser les maquilleuses faire leur travail, texto reçu il a deux jours et supprimé trop vite pour ne pas que sa mère le trouve, mais appris par cœur malgré tout, source de courage inquantifiable, indispensable. Jaz ne sait pas comment elle a survécu à cet enfermement, entre crise de panique et épuisement à cause des répétitions interminables et surtout finalement inutile sa mère décidant (du moins est-ce ce qu'elle lui a dit) à une semaine de la cérémonie de changer de chanson, passant d'une musique upbeat avec une chorégraphie très complexe à une ballade demandant beaucoup d'effort de sa voix — et, évidemment, de ses poumons dont Jaz n'a pas osé décrire les dégâts à sa mère. Elle ne sait pas comment elle a fait, pour ne faire que pleurer tous les soirs, refusant beaucoup de la nourriture qu'on lui proposait au début, rechute prévisible, mais difficile à accepter, ou à avouer à la seule personne au monde (il lui semble) qui s'y intéresse et qui lui a fait promettre de ne pas lui mentir. Elle n'a aucune idée de comment elle a fait pour tenir aussi longtemps, ne pas devenir folle, ne pas s'écrouler. Ce que Jaz sait en revanche, c'est qu'elle n'aurait pas pu tenir sans les sms à Sami, les sms de Sami. Sa mère a tout fait pour empêcher le contact évidemment, obtenant l'aide de Tony Vanetti lui-même pour bloquer le numéro du "voleur" de sa fille sur le téléphone de celle-ci, et inspectant ce dernier deux fois par jour au moins. Mais c'était sans compter Lupe, qui a accepté de ré-héberger Sami sans Jaz sans se poser de question, les laissant utiliser son numéro pour communiquer en douce. You're going to be the best anyway I'm going to cheer for you from the couch I can't wait to see you I love you Jaz ignore comment elle a pu tenir jusque-là, mais elle sait qu'elle est incapable d'attendre une minute, une seconde même de plus que nécessaire et elle le lui a promis : dès la fin des Grammy's elle sera à ses côtés, que Darya le veuille ou non. Il lui semble qu'il sera plus facile de s'échapper de là-bas que de cette maison aux innombrables caméras et alarmes. Non qu'elle ne sache déjà comment elle va s'y prendre.

8:30 pm, H-2,5. Les flashs sont aveuglants, mais Yasmeen a l’habitude, elle l’a un peu perdue cette habitude ces derniers mois, à Néodam puis enfermée chez Lupe, puis enfermée dans sa propre maison, avec sa mère, mais ça revient vite, l’habitude de cligner un peu des yeux, puis de lever une main, faire mine de la passer dans ses cheveux bien lissés pour l’occasion juste pour se couvrir un peu. “ Over here Nas! On your right?Throw a kiss for TZM?Over your shoulder, like this yes!!Who are you wearing? Where have you been? ” Elle sait à peine sourire, et ce en dépit du regard intense que lui lance sa mère de l’autre côté du tapis rouge, ou peut-être à cause de ça justement, de sa moue insatisfaite, comme toujours. Son publicist répond aux questions hurlées pour elle — elle doute qu’il réponde à la dernière ceci dit. Elle parcourt le reste du tapis rouge, avec son éternelle moue de mannequin, qu’on adore ou qu’on déteste, elle est nerveuse, et ça se voit, elle n’a pas très envie d’être là non plus. Ce n’est pas qu’elle n’aime pas les remises de prix, même si c’est un peu le cas, même si ça l’a toujours rendue anxieuse, d’autant plus qu’elle est constamment nominée dans les mêmes catégories que Noora. Cette fois-ci, si elle n’a pas envie d’être là c’est pour tellement plus de raison. Pour sa première sortie de la maison ultra-moderne et ultra-sécurisée des Vane depuis un mois entier, elle aurait largement préféré autre chose que cette soirée hyper-médiatisée. Jaz est fatiguée et surmenée et elle n’a pas envie de sourire aux caméras, ni même de saluer ses fans qu’elle adore pourtant, elle a juste envie de retrouver les bras de son soulmate auquel on l’a cruellement arrachée, elle a juste envie de se reposer, retourner dans leur monde à deux et ne plus jamais en sortir.

En haut des marches des journalistes attendent avec leurs micros pour poser quelques questions ; Jaz a eu droit à une media training session plutôt longue cet après-midi pour être prête à tout. Le mot d’ordre étant principalement de ne rien dire du tout. Sa mère croit à peine à son histoire, s’étant faite une idée bien précise — et tout à fait fausse — de ce qui est arrivé à sa fille et ne lui laissant pas l’opportunité de s’expliquer. De toute façon, Jaz imagine qu’elle attend de pouvoir vendre l’histoire complète (et réécrite par ses soins) aux plus offrants. Elle est si fatiguée. “ Jaz Vane! You look wonderful!Thank you-What a surprise to have you back just in time for this.How are you feeling?Nervous- I bet! Four nominations when you weren’t even there to promote your album or even release it yourself. You’ve thrown your fandom in quite a frenzy! ” Elle hoche la tête, ne sait pas vraiment quoi dire. Certains voudraient qu’elle s’excuse — ce qu’au fond, elle sait faire de mieux, systématiquement, que ça soit justifié ou pas — mais elle ne veut pas que les gens pensent qu’elle a fait exprès de partir sans prévenir personne, elle ne veut pas que l’on croie que c’était un simple coup marketing. Ça fait des années que les gens, le public, le monde, se fait une idée complètement artificielle de qui elle est, mais que l’on croie qu’elle ne respecte aussi peu ses fans la heurte véritablement. “ What’s the deal? ” Jaz n’a pas le temps d’ouvrir la bouche que son attaché de presse intervient pour couper court à l’interview et Jaz salue d’un vague sourire l’audience derrière la caméra avant de filer à l’intérieur de l’arène.

C’est d’un luxe absolument incroyable et presque écœurant et on se jette pratiquement sur elle pour lui offrir un verre de champagne, qu’elle ignore proprement. “ Straight to your dressing room.” ordonne Darya qui l’a aussi suivie à l’intérieur et lui prend déjà le bras pour la mener à sa loge. Elle ferait mieux de rejoindre la salle de cérémonie où elle doit passer une bonne partie de la soirée, mais elle ne bronche pas, Jaz. Ce soir elle brosse sa mère dans le sens du poil, ne veut surtout pas l’énerver, parce que ce soir elle goûte enfin à la liberté dont celle-ci l’a si injustement privée et, Darya ne le sait pas, mais ce soir Jaz ne rentrera pas à la maison. Un toussotement les interrompt et un coordinateur vient justement la guider à sa loge. Jaz, contrairement aux autres artistes qui doivent se produire ce soir n’a pas eu l’occasion de s’y rendre avant, Darya ayant insisté pour qu’elle fasse ses répétitions, essayages et tout le reste à la maison. Ça la rend encore plus nerveuse bien entendu, d’avoir à chanter sur une scène qu’elle ne connaît pas, avec un matériel qu’elle n’a pas pu tester, mais ça, Darya s’en moque, visiblement. La cérémonie va commencer dans une dizaine de minutes, une vétérante de la scène pop de New Brasilia va ouvrir le bal, Jaz n’a que le temps de poser son sac dans sa loge et d’y laisser sa mère qui s’est déjà servie à boire dans son mini-frigo avant que le même coordinateur ne l’amène à sa place dans la grande salle. Évidemment elle est extrêmement bien placée, et il y a beaucoup de regards sur elle, même de certaines autres stars ou membres de l’industrie et ça l’intimide beaucoup, elle cache aussitôt son visage dans un verre de soda. Elle est pratiquement seule à leur table avec John, à qui elle ne parle pas et n’offre même pas un bonsoir — de la même façon qu’elle a ignoré tous ses messages depuis un mois — un de ses producteurs, Minnie Kinaj avec qui elle a chanté sur son propre album, un DJ qu’elle aime bien et Lupe qui s’est sûrement arrangée elle ne sait comment avec les organisateurs pour obtenir cette place. Jaz lui tombe dans les bras dès que celle-ci arrive, mais au moment où elle lui attrape les mains pour lui demander des nouvelles de Sami que celle-ci héberge, Darya lui tapote l’épaule et lui murmure à l’oreille quelque chose sur Noora et Sharzad — qui sont arrivées ensemble, Sharzad défilant sur le tapis rouge avec sa fille comme si elle avait fait quoi que ce soit pour mériter d’être là. Jaz se renfrogne, d’autant plus que Darya insiste pour s’asseoir à côté d’elle — à la place normalement réservée à Lupe.

La cérémonie commence avec des feux d’artifice et une performance de Lady Martha, avant que le maître de cérémonie DJ Assad prenne les rênes. Le premier prix remis est Record of the Year et elle est nommée pour son single Dangerous Woman, le seul qu’elle a été là pour sortir elle-même, John a l’air plutôt confiant à en croire le sourire qu’il lui adresse (et qu'elle ignore) quand la caméra vient la filmer en annonçant la nomination. Noora aussi est nominée pour une de ses collaboration avec Kamikaz et Jaz est déjà prête à mettre une quelconque victoire de sa part sur le compte que tout ce qu’ils font ensemble est toujours un énorme coup de pub. “ And the winner is…SAY IT, BY MJK AND CARI D! ” Surprise, et pour beaucoup apparemment, vague air satisfait de Darya, au moins ce n’est pas l’autre qui a gagné — pire, jubile-t-elle, c’est son androïde, tu parles d'une honte ! lui rit-elle à l’oreille. Et c’est comme ça une bonne partie de la cérémonie, Darya qui lui murmure mille commentaires, Jaz qui ne fait que hocher la tête, tous les muscles de son corps tendus à l’extrême. Chaque fois que Noora est nominée pour quelque chose — dans plus de catégories qu’elle — elle ne peut s’empêcher de la chercher du regard : elles sont si proches après tout, leurs tables placées vraiment pas loin l’une de l’autre. Elles ont été nominées ensemble aussi, deux fois et c’est ça qui fait le plus peur à Jaz, de gagner avec elle. C’est ce qui lui semble le plus plausible pourtant car elle ne pense pas pouvoir gagner autrement, elle a déjà été franchement très surprise de se retrouver nominée (pas moins de six fois) pour cet album qui, pour beaucoup, a eu des allures de post-mortem. Elles ratent Collab of the Year, mais Noora l’emporte pour une autre chanson avec Kaz et Jaz ne sait pas quoi en penser, mais elle sait que sa mère est un lourd mélange de soulagement et de haine. Darya aurait absolument détesté voir Yasmeen monter sur scène avec sa cousine, c’est certain, mais elle n’aime pas que celle-ci l’ait finalement emporté sur son propre poulain. Pendant la première coupure pub, Jaz accroche le regard de Noora, sans savoir si elle l’a véritablement fait exprès ou pas. Sa cousine lui a dit vouloir lui parler, même si elle-même pour sa part a du mal à imaginer ce qu’elle pourrait avoir à lui dire. Elles ne s’aiment pas, ne se sont jamais aimées, ne s’aimeront jamais. Le seul bénéfice de ces sms échangés depuis son retour étant pour Jaz de se conforter dans l’idée, très maigre réconfort, qu’au moins Noora ne sait pas ce qu’il en est de leur véritable lien de parenté. Ce n'est donc peut-être pas de la pitié qui la motive quand elle veut la voir en privé. Jaz a du mal à s'avouer curieuse de savoir ce que ça peut être d'autre. Vague hochement de tête échangé, Jaz s'excuse pour se rendre aux toilettes, surprise de réaliser à mi-chemin que sa mère et son garde du corps pour la soirée lui ont emboîté le pas. Elle ravale une grimace, n'ose toujours rien dire — elle a trop peur d'énerver sa mère, de faire ressortir ce côté ultra-possessif et effrayant qu'elle a vu d'elle ces dernières semaines. Elle continue son chemin, traverse les coulisses, vers le couloir où se trouvent toutes les loges, évidemment Noora est là aussi, pour se repoudrer le nez, sans aucun doute. Autre échange de regards, vague mouvement de Jaz pour aller vers elle, arrêté d'une main de sa mère sur son bras. “ Qu'est-ce que tu fais ? Ta loge est là. ” Jaz ne proteste pas, tant pis. Elle aura essayé.

En sortant de sa loge toutefois juste avant que la pause pub ne prenne fin, elle tombe sur Noora habillée différemment qui prend un chemin opposé au sien, Jaz devinant qu'elle doit rejoindre la scène plutôt que les tables et, consciente pourtant de la présence de sa mère juste derrière elle, son souffle quasiment dans sa nuque à ce stade, elle s'arrête tout de même une demi-seconde : “ Break a leg. ” Noora n'a pas voulu du bonne chance qu'elle lui a servi la veille, peut-être qu'elle acceptera ça malgré tout. C'est en tous cas tout ce que Jaz est disposée à lui offrir, s'éclipsant déjà pour retourner à sa place.

Elle regrette presque cet effort toutefois, quand Noora est annoncée pour chanter avec Ashley.

9:48 pm, H-1,20. Jaz s'ennuie, elle doit remettre un prix en reconnaissant à peine les nominés de la catégorie. De façon générale, elle ne connaît pas la moitié des titres qui remportent des récompenses ni ceux qu'on chante sur scène. Elle ne s'est jamais sentie moins à la page, elle ne s'en est jamais plus foutue, aussi. Ses doigts la démangent elle veut communiquer avec Sami, à Lupe, à Noora même. Mais sa mère veille au grain, toujours penchée vers elle, toujours à commenter. Et puis on vient la chercher pour qu'elle rejoigne les coulisses puis la scène pour présenter son prix justement, peut-être la seule occasion qu'elle aura ce soir de fouler la scène pour autre chose que sa chanson. Jaz ne se fait aucune idée : elle ne va pas gagner, elle est plutôt d'accord avec la théorie de Noora (et de beaucoup d'autres) sur ce point, elle n'a été nominée que par pitié. Elle a juste peur de la déception de sa mère — même si celle-ci doit avoir l'habitude, depuis le temps. Elle ne connaît même pas le vainqueur qui vient récupérer son prix le visage masqué après qu'elle l'ait introduit avec un discours qu'on lui a préparé à l'avance, mais elle l'applaudit quand il vient et puis à la fin de son discours, le raccompagne hors de la scène. Il a apparemment trouvé la célébrité overnight, le public a l'air heureux. Jaz s'en fout. En coulisses toutefois elle croise Noora, par hasard, peut-être celle-ci se prépare-t-elle aussi à remettre un prix, Jaz ne sait pas. Elle n'en a pas remporté d'autres depuis la collaboration avec Kaz, mais ça n'est pas très grave, les plus gros prix arrivent bientôt, elles sont concurrentes dans beaucoup de catégories, dont la fameuse Album of the Year. “ Hey. ” Elle pince des lèvres, inspire profondément, ose : “ Really nice performance up there. ” Parce que Jaz s'ennuie profondément mais elle a tout suivi de ça, Ashley et Noora sur scène incroyablement jalouse (sans savoir exactement de laquelle des deux). “ I- ” Sauf que par-dessus l'épaule de Noora elle voit Sharzad et à côté Shadi leur grand-mère et ses caméras chéries et elle ne veut pas être filmée en train de parler à Noora, elle ne veut pas être exploitée — pour une fois. Pas comme ça. Alors elle se contente de secouer la tête et de s'enfuir avec un très léger signe de main vers sa cousine, sa jumelle.

Elle retourne dans la salle, Noora gagne pour son album précédent, le prix pour la Best World Music et Darya rage, Jaz ose à peine applaudir. Elle a juste envie que la cérémonie se termine, échange quelques regards avec Lupe, aimerait pouvoir lui parler — du moins, échanger plus que des banalités, mais sa mère fait barrage. Jaz se rassure quand même : bientôt elle sera libre. C'était sa deadline, les Grammy's, elle est dehors maintenant, la prison est finie, ce soir elle dort avec Sami. “To my fantastic momanager for being by my side and giving me the strength to spread my wings. ” Jaz ignore si c'est sincère, si elle estime vraiment que Sharzad est une bonne mère si elle a fait des choses bien pour elle, si ce qu'elle lui donne outre une pression incommensurable c'est de la force quand Yasmeen n'a jamais su se sentir que faible au sein des Vane. “To my dear dad, my boyfriend, my sister and my little brother ” Et tout le monde, tout le monde. Noora achève son discours et remercie littéralement le monde entier, tous ses amis, Kamikaz, Tarjei, Ashley. Tout le monde sauf elle, la cousine, la jumelle. Normal. Jaz ne l'a jamais inclue dans ses discours elle. Et puis Jaz le lui a dit j’ai eu peur de rentrer. peur de pas trouver ma place et pas sur les podiums et pas sur les billboards, mais à la maison. peur d’être de trop — j’ai toujours été de trop, non ? aveu si difficile, tout ça pour quoi ? Rien, rien du tout. Elle l'est toujours, de trop, exclue. Pour une fois quand elle finit son soda elle se surprend à regretter qu'il y n'ait pas un peu l'alcool dedans. La tension monte à sa table quand on annonce les nominés pour le Pop Album of the Year, c'est Kamikaz qui le présente, l'invite finalement surs cène. Les applaudissements la rendent pratiquement sourde alors que déjà John la pousse à se lever et Jaz est un peu perdue, sent la main de sa mère dans son dos et elle met un instant de trop à se diriger vers la scène, les yeux un peu grands, presque écarquillés quand elle est devant le micro après avoir récupéré la petite statuette en forme de clé de sol, en adressant un sourire confus à Kaz. Elle ne lui a pas parlé depuis son retour, parce que dans le monde manichéen de Jaz ou tout se divise en team Noora et team Jaz il lui semble qu'il fait partie de la première, mais elle l'aime bien, même si ça ne doit pas se sentir particulièrement dans la bise un peu tremblante qu'elle plaque sur ses joues. Elle imagine déjà ceci dit la jubilation de sa mère à l'idée que ça soit lui qui lui remette ce prix, et elle a une vague pensée pour Noora, en se demandant si c'est justifié, si celle-ci prend cette victoire de Jaz d'autant plus mal que c'est Kaz qui l'a annoncée. “ Hi! uh…Thank you so much to everyone who participated in the making of this album, including my girl Minnie right there for her collab on Side to Side. Thanks to the producers and co-writers, thanks to all the technicians in the studios of course, everyone who pulled crazy hours over this project. Thank you to OVO my label for giving me such creative freedom on this one and of course thank you to my fans for voting, thank you for the never-ending support! ” Elle sourit timidement à la caméra, pince des lèvres. “ I don't think you will ever have any idea how much this means to me, especially considering the circumstances, I never expected to receive so much love for this. ” Elle envoie un baiser à une des caméras et dessine maladroitement des doigts le signe distinctif de sa fandom, XO, avant de sortir de scène en tenant son trophée contre son cœur. Au moins elle en a eu un, au moins elle n’est pas trop une looser. Sa mère sera satisfaite de ça, elle espère. Elle se demande si Sami a tenu sa promesse, la regarde depuis le canapé de Lupe, est fier d'elle.

10:13 pm, H-0,5.Pas le temps de s'attarder quand elle perd Song of the Year au profit de Kamikaz, on la mène directement en coulisse pour qu’elle se change pour sa performance dans moins de dix minutes. Elle a été vraiment surprise d'être nominée de manière générale, mais pour Lucky surtout. Cette chanson a été difficile, vraiment, à écrire, mais aussi surtout à faire passer, auprès du label, mais surtout auprès de sa mère. “ You’re not talking about yourself are you? ” Sauf que non, bien sûr, Lucky est un scénario hypothétique, le clip prévu avant sa disparition à propos d’une star de cinéma. Non, bien sûr que ce n’est pas à propos d’elle, ce n’est pas l’une des chansons les plus personnelles et vraies qu’elle ait jamais écrites et elle n’est pas infiniment reconnaissante à ceux de ses fans qui l’ont compris et l’aiment pour ça — en dépit de sa sortie post-disparation très controversée. Elle aurait voulu chanter ça ce soir, mais sa mère n'a pas voulu. On l’aide à enfiler sa tenue de scène et son maquillage est légèrement modifié, ses cheveux ramenés en queue de cheval haute et puis elle a à peine le temps de se regarder qu’on lui glisse son retour dans l’oreille et un micro doré dans les mains. Jaz tremble. C'est la première fois qu'elle va monter sur scène depuis des mois. Presque six. Les projecteurs ne rallument que quand elle est déjà sur scène, l'orchestre qui l'accompagne ayant déjà entamé les premières notes de l'instrumental, elle prend une grande inspiration, pense à Sami. La dernière fois qu'elle a aimé chanter, c'était avec lui.

Quand elle a fini ses dernières notes, elle ose baisser les yeux vers le public de professionnels qui l'applaudissent. Elle est au bord des larmes. “ Pas besoin d'être si mélodramatique. ” commente Darya aussitôt qu'elle sort de scène. Jaz fait mine d'essuyer une paillette de trop sur ses cils qui l’aveugle un peu, et elle baisse la tête, accuse le coup, essaye quand même de se défendre un peu : “ C'est une chanson émotion-C'est une ballade, une chanson d'amour pssh by all means feed the public, mais pas besoin d'en faire des caisses. ” Et elle enchaîne sur tout ce qui n'allait pas dans sa manière de chanter, dans ses respirations, autant de petit défaut que Darya est souvent seule à remarquer. Jae encaisse, difficilement, mais elle encaisse, au moins c'est fini, la nuit est finie pour elle, elle a chanté, elle a même gagné un prix qu'elle n'espérait pas, on n'attend plus rien d'elle et bientôt- “ Je vais avancer ta répétition de demain matin d'une heure ou deux, tu en as visiblement bien besoin. ” Ça en revanche ça arrête Jaz alors qu'elle se change de nouveau, remettant la robe avec laquelle elle est arrivée. “ Ma quoi ?Ta répétition, tu sais bien, pour ta tournée.Quelle- ” Une tournée, dans un mois et demi dit sa mère pour cet album — il faut bien qu'elle aille le promouvoir non ? Renoue avec le public, surtout ne se fasse pas oublier, profite de l'attention qu'a provoqué son retour. Répétition demain donc. Et puis des photoshoots en plus des deux que sa mère a su caler pendant son mois d'enfermement, shooté directement à la maison. Et puis, probablement bientôt un retour en studio histoire d'enregistrer quelque chose de neuf, au moins un single, pourquoi pas une musique de film ? Jaz est livide quand elle sort de sa loge, elle a l'impression qu'elle va être malade. “ Et pas d'afterparty ce soir, tu dois être en forme pour demain matin ! ” A conclu sa mère quand on a remis aux pieds de Jaz sa première paire d'escarpins. Alors forcément elle l'a prise la coupe de champagne pour faire taire les nœuds dans son estomac et l'envie de hurler et l'impression qu'elle va exploser ou se mettre à pleurer, ou tout à la fois. Elle l'a avalée d'une traite sur son estomac vide et elle se sent mieux quand elle se rassoit, beaucoup moins quand elle sent les bras de Lupe autour d'elle son nom annoncé par une rappeuse, elle vient de gagner Album of the Year. Jaz ignore par quel miracle elle arrive à monter sur scène sans trébucher, elle a l'impression de vivre dans un rêve, mais pas un bon rêve en dépit de cette victoire. Normalement dans ses rêves, y a Sami.

Wow. This is, this is, so huge.” Et tellement, vraiment, inattendu. Jaz sait qu'elle avait un discours de préparé pour ce prix, au cas où, même si elle n'y croyait pas une seule seconde. C'est Darya qui l'a rédigé. Darya qui a toujours trois coups d'avance sur tout le monde. Elle a dû détester voir sa fille disparaître avant la sortie de son album, détester la surprise, détester ne pas être au courant, ne rien pouvoir planifier (mais Jaz l'a vue, avec un peu de retard, avec son beau discours aux HotBoad Music Award pour récupérer son prix d'honneur, toujours prête sa mère, ses sanglots de voix devaient être prévus, eux aussi). Elle a un discours tout prêt, mais les mots se mélangent dans sa tête, les bulles avalées trop vite rendant toute la situation confuse, son attention accaparée ailleurs quand ses yeux volent vers les backstages pour y chercher un soutien inexistant, tombent, par hasard, sur la jumelle de sa mère. Sharzad, qui n'a rien à faire là. “ W-we all worked very hard to make this one and-and I can’t even say how much it means to me and to all of my team that we get to take this baby home. ” Toute cette team qui l'a trahie en sortant l'album en dépit de sa disparition, toute cette team menée par John qu'elle adorait et qui l'a trahi en faisant par de son retour à sa mère, menant directement à ce mois horrible qu'elle vient de passer. Jaz grimace, ravale difficilement le goût amer qu'elle a sur la langue. Y a tous les Vane, il lui semble, dans sa tête en tous cas, y a tous les Vane, elle sait que sa grand-mère est là, quelque part, occupée avec la team de Keeping Up with the Vanes, et Navid aussi dans le public sûrement et Noora, backstage ou bien peut-être à la regarder depuis sa table et Darya et Sharzad. Tous ces gens qui, depuis sa naissance, ont rythmé sa vie de hauts et de bas, de plus de bas que de hauts. Par spirales infernales. “ This one will always be a special trophee for me, a reminder if you will, that nothing is impossible. And that there are things in life worth fighting for and-and hm. Sometimes it seems like the battle's lost, maybe it is, but you always- you always have to try to do your best. Always. My family taught me that. I don't know if this album is my best, but I- I gave it my all. And I guess I have my family to thank for that. And-and also resilience. In the face of adversity, hatred, rejection, you can never give up. If I have to thank someone for teaching me that… it really is my mother. No…no, not you Darya…” Elle la voit déjà sourire, prendre les saluts et applaudissement. Darya…qu'elle n'a jamais appelé autrement que Mom. “ I mean my mother. Aunt Sharzad. You, yes, you, hi there. Thank you. I don't think I'd have developed the thick skin one needs in this world and this industry if I hadn't been born into the Vane family and if you hadn't been here to teach me first hand how cruel the world can be. ” Son sourire est tordu, crispé, comme ses doigts autour du trophée autant que du micro, la gêne est immense tout autour d'elle, mais elle ne la ressent pas, elle ne ressent rien. Elle a l’impression que ses jambes vont lâcher mais elle trouve la force de sortir de scène en masquant son visage derrière la statuette. Elle n'a pas envie d'être le cliché de la starlette, qui pleure quand on lui remet un prix.
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Noor Vane
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MessageSujet: Re: HALL OF FAME (YASAAN #2)   HALL OF FAME (YASAAN #2) EmptyLun 30 Juil - 16:54

hall of fameI don't belong in the world, that's what it is
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17JUNE 2018.
7 am. Il y a une tension dans l'air, quelque chose d'électrique et de nocif, qui ronge l'âme avec l'intensité d'un acide infâme. Une menace qui pèse, qui exaspère, laisse les nerfs à rude épreuve et fait claquer les langues sur un timbre vindicatif. Il n'y a pas d'échange entre Noora et sa mère, pas vraiment — rien de plus que des instruction précises. Un blâme pour l'insomnie qui a accentué ses cernes ; un réveil au petites heures du jour au termes de dix minutes de repos, sans intérêt aucun pour le fait qu'elle venait à peine de tomber de fatigue.
La dentelle fine glisse contre sa peau, laissant l'épiderme presque à nu. Lumière tamisée — éclairage faussement naturel, amélioré en réalité — maquillage nude pour un effet aussi naturel qu'on peut le paraître sans l'être, mèches brunes coiffées-décoiffées sur les épaules, Good Morning orné d'un coeur et tracé sur le miroir par une autre main que la sienne ; tout est prêt, et si c'est de son téléphone qu'elle effectue les clichés de son reflet, le tout est d'abord transféré sur une plus grande interface, livré aux mains habiles de son staff. Elle enfile un déshabillé tandis qu'ils s'affairent à trier les clichés, les comparer, sélectionner celui qui leur convient le mieux, le retoucher, puis le poster sur instagram : premier envoi d'une longue série, le mot d'ordre du jour étant de saturer le réseau pour tenir les fans en haleine tout au long des heures à venir. Le coup de pub est non négligeable, audience appâtée par les Grammys et soufflant les promesses d'un public plus large si elle s'y prend bien.
Et si elle ne se laisse pas voler la vedette, puisque tel est le véritable enjeu du jour.

Elle a pesé le pour et le contre, Noora. Envisagé, aussitôt que Yasmeen lui a annoncé son retour sur scène, d'en informer sa mère pour permettre que soit élaborée une stratégie en conséquence. Elle aurait pu — c'eut été logique, esprit de compétition aiguisé dès l'enfance et rivalité amplifiée par les années. Darya elle, Noora n'en doute pas, a prévu la performance de Jaz dans cet état d'esprit précisément.
Lippes demeurées closes pourtant, pour une raison qui lui échappe à elle-même et qu'elle préfère ignorer, plutôt que de tenter de trop y songer ; elle se console en s'assurant que sa mère sait depuis plus longtemps qu'elle que l'ombre de sa cousine pèse à nouveau sur sa vie, sa carrière, prête à revenir à la lumière à n'importe quel instant. En réalité, la stratégie est probablement déjà mise en œuvre, pour ce qu'elle en sait — elle se laisse seulement porter, Noora, poupée docile tout au plus apte à s'apercevoir de combien son emploi du temps est plus chargé que de coutume, entre interviews, shootings, galas, émissions radio, apparitions sur un vaste spectre de tv shows — d'émissions de variétés en talk shows en passant par un cameo dans une série musicale (elle n'a correctement réussi que parce que le rôle à interpréter était sa propre identité) et d'innombrables prises tournées dans le cadre de Keeping Up With The Vanes.

Bien sûr que la machine est déjà en branle de toute façon, qu'elle parle ou non ; bien sûr que rien d'autre n'est attendu de Noora que sa collaboration, certainement pas son avis sur la question ou moins encore ses idées, et bien sûr, encore, qu'elle s'exécute en dépit de ses plaintes pour le manque de sommeil, de vie privée, d'égards. Rien de bien surprenant, en soit.
Elle est certaine que sa mère voudrait l'information (la confirmation) ; qu'elle enragerait mais préférerait cent fois être fixée plutôt que dans l'attente, l'anticipation. Mais Noora bout de frustration. Parce qu'elle fatigue d'être brave soldat, de tout rapporter sans attendre, et de n'obtenir en retour que manque de considération, de confiance, de choix.
On ne lui a pas parlé en personne du retour de Yasmeen, alors elle suppose qu'elle n'a pas non plus à révéler ce qu'elle sait.

On la happe à nouveau dans une série de préparatifs et de photographies et elle oublie de penser. Consulte en secret, entre deux coups de brosse lui lissant la peau et de contouring perfectionnant ses traits, les commentaires laissés sur ses comptes, oscillant comme toujours entre adoration, moqueries haineuses et, pour l'occasions, questions concernant Mikha. Cocktail détonnant qui fait enfler le tumulte, sous la surface de marbre.
Elle n'a pas intérêt à faire erreur, aujourd'hui, et la pression a quelque chose d'écrasant, l'attente se fait anxiogène. Elle l'a dit à Yasmeen, elle ne compte pas sur la chance, Noora. Rendue pessimiste par des spectateurs incroyablement versatiles, incapable de se fier aux sourires qui un jour lui soufflent tout l'amour de la galaxie et le lendemain la renient sans vergogne, huent, baffouent ; elle ne mise que sur son labeur, les efforts constants, l'acharnement, le charme, l'instant. Puisque rien n'est jamais ni certain ni acquis, moins encore les faveurs du public.

8:30 pm. Red Carpet, show time — Acte I, scène 2. Avant de se jeter sous le feu des projecteurs et des questions, elle est prise à part par sa propre team, tourne et virevolte, mime un rire devant les caméras familiales, à quelques kilomètres de sa destination. Les nouveaux posts se préparent, signés de son nom de scène mais rédigés par la main d'une autre ; une quinqua pincée au possible, aux antipodes de la chanteuse, mais apte comme nulle autre à mimer sur les réseaux sociaux la légèreté un peu idiote, sympathique et sensible, que l'on attend de Nova. C'est troublant — parfois, en parcourant ses fils d'actualités, elle s'arrête, doute, se demande qui des autres ou d'elle-même a rédigé ci ou ça ; le contrôle est si total et les liens de la marionnette si correctement tissés qu'elle ne sait plus où se situent les limites troubles de la comédie. Noora et Nova ont fusionné, et ni l'une ni l'autre ne lui appartient vraiment.
Elle est déjà fatiguée, mais alors que les lumières de la ville fusionnent en un flou artistique et que l'heure approche, le buzz déplaisant se tinte d'excitation sincère. Malgré toute l'angoisse que crée le suspens, l'étouffant tourbillon de négativité que créent ses pensées, une part d'elle a envie d'être ici. Vraiment. Pour la beauté du spectacle, pour l'émotion, le thrill de chanter en live — fait de plus en plus récurrent quoi qu'elle peine encore à y croire —, les amis à retrouver. Tarjei, Londy, Ashley.
Kasey.
Elle a le cœur qui s'agite et s'affole un peu ; se demande ce qu'il portera, fera, dira, à quoi il ressemblera sur scène, s'il tentera de la voir en coulisses. Elle en rêvasse—
et culpabilise, aussitôt, parce qu'elle a plus hâte de le voir qu'elle ne regrette l'absence de Mikha ; n'a d'ailleurs pas tenté d'adresser un mot à son petit-ami depuis la veille au soir, dernière dispute en date et confirmation de l'annulation de sa venue à la cérémonie.
Et elle se redécouvre frustrée, agacée et honteuse, Noora, embourbée dans un miasme d'émotions troubles parmi lesquelles prime néanmoins la tristesse de le perdre pas à pas, l'impression de fin imminente, l'inquiétude mêlée d'une pointe de soulagement et de panique contradictoires. C'est bien trop instable, bien trop tout, alors elle enterre, nie, oublie. Une soirée de plus ou de moins n'est rien dans le grand ordre des choses, n'est-ce pas ? Elle éteint l'écran, hésite, le rallume éventuellement, lui envoie un message. Pour se sentir moins odieuse, se dire qu'elle a au moins fait un pas vers lui, que c'est à son tour à présent d'effectuer le suivant.

Le téléphone lui échappe des mains, happé par sa mère qui parcourt les derniers messages en diagonale, les commente d'un tsk désintéressé et éteint le device pour le glisser dans sa propre pochette sans autre forme de procès. Ce n'est pas le moment. Tu te rappelles des réponses prévues pour les médias ? Elle lui liste les sujets à éviter ou minimiser autant que faire se peut — Mikha, Kasey, Yasmeen — et ceux à aborder de préférence — notamment sa dernière implication dans une œuvre caritative, centaines de milliers d'heures offertes à la recherche, dans le domaine médical — tout sonne redondant et creux et Noora décroche. Se concentre à nouveau sur l'évènement, cependant, et sa principale préoccupation du moment, drama familial sans fin.

Peut-être serait-il temps qu'elle parle, peut-être devrait-elle le faire avant que Jaz n'apparaisse. Peut-être devrait-elle confier qu'elle est incroyablement rongée par l'appréhension, voudrait tout sauf voir reprendre les comparaisons ; à nouveau elle se tait, se raisonne : feindre la surprise est le meilleur moyen de n'être soupçonnée de rien et de parvenir à échapper à la surveillance de Sharzad le temps de précieuses minutes durant lesquelles elle parviendra peut-être à échanger quelques mots avec Yasmeen, comme elles ont eu l'audace de le prévoir…
Tant pis s'il n'y a aucun réceptacle auquel avouer le nœud qui lui obstrue la gorge, tant pis s'il n'y a aucun confident en lequel placer sa confiance, ce n'est pas comme si céder à l'envie lui apporterait le moindre réconfort au final. Sharzad se contenterait de la fustiger pour ses doutes, d'intensifier les exigences.
Tapis rouge partagé entre elle, sa mère et le garde-du-corps de cette dernière. Les flashs s'enchaînent et se multiplient, cacophonie de voix et de commentaires au sujet de sa tenue, des derniers ragots, de l'impérissable rumeur Sharzad et le bodyguard présumé amant depuis des années maintenant. Noora garde la tête droite, se pavane, joue l'assurance avec l'habileté que confère l'habitude, les doigts de sa mère glissés entre les siens en guise de symbole de complicité.
Les instructions se multiplient, elle les suit à la trace ; on arrange sa robe en cours de route, un instant plus tard c'est sa cheville qui cède et la fait très brièvement vaciller — elle commente la maladresse d'un oopsy accompagné d'un délicieux rire penaud qui lui vaut de s'attirer l'éphémère sympathie des chacals. Sa chargée de presse accorde un moment à Access Live et sans attendre, le micro orné du nom de la chaîne vient s'ajouter au rugissement des appareils photos. I can't believe I'm here with the Nova. How are you ?I can not complain, elle répond avec un flegme travaillé, papillonne des cils. — Tell me a little bit about your style.Oh I'm wearing Phill Klein and Jim ShooOuuuh — I know right ? (elle s'applique à sembler émerveillée, l'est vraiment cela dit) — Well you never disappoint, you look amazingOw, thank you so much.So about your collaboration with The Voice ! How did it come about ?Ash and I have been close friends for- I don't know, something like forever ? And- I mean, she's finally back ! I just couldn't miss the chance to work with her, it was… a matter of course, you know, and hm… yeah basically our managers were like "let's do that !", everyone was su-per excited about this.I bet you were ! How do you feel about performing the remix of Havana with her tonight ?Like a little girl about to perform with her idol ! I was weirdly emotional during the rehearsals and now I'm sooo ready for us to rock the stage later. Hope you'll like it !Oh I'm sure we will ! While we're talking about comebacks- ! Did you know that Jaz would join us tonight ?Yeah of course ! Has she arrived yet ? I didn't get to see her. Elle prétend regarder par-dessus son épaule, croise les lèvres pincées de Sharzad coincée par une autre journaliste et incapable de l'arracher au topic tabou. Son regard en dit long cependant : il hurle mets-y un terme immédiatement. Et comme de fait : O m g Londy ! Noora s'exclame, extatique, en apercevant sa meilleure amie, qui ne tarde pas à la rejoindre. La question passe à la trappe, noyée par des demi-phrases qui s'entrechoquent et se coupent de rires ravis ; elle finit par s'excuser de devoir partir, est remerciée d'avoir parlé et s'éclipse sitôt la voie libérée.

Derrière le sourire, elle est encore plus secouée qu'elle ne l'aurait pensée par le sujet Jaz tel qu'exploité par les médias, soulagée d'avoir eu une bonne raison de le fuir.

9 pm. Points forts de la cérémonie commentés presque en live sur les rs heure après heure ; frénésie incessante, pourtant Noora est complètement out of it, ne cesse de regarder à la dérobée tantôt Jaz tantôt Kasey en s'efforçant de se montrer assez discrète pour n'être remarquée par les centaines de caméras qui épient les célébrités réunies ce soir. Sa mère est lumineuse dans sa tenue couleur or, elles sont soleil et lune et tous ceux qui les abordent s'amusent à "plaisanter" en affirmant que l'aînée vole tout à fait la vedette à sa fille. Noora se fend d'un sourire aux relents âcres, Sharzad rit avec fausse modestie pour sa part en affirmant qu'ils exagèrent — que la jeunesse est la plus belle des parures quoique la plus éphémère. Et c'est risible, parce qu'elle veille si bien à ce que les heures accumulées ne se gravent pas sur ses traits qu'on ne voit pas passer les années sur son visage. Le mood change brusquement quand un award considéré gagné d'avance par sa team lui glisse entre les doigts pour se poser dans les paumes de nul autre que MGK, assis à côté d'elle, et c'est la surprise générale. Elle se tourne vers son androïde lèvres entrouvertes et il la regarde aussi, semblant hésiter entre euphorie et culpabilité, ne pas savoir si célébrer ou s'excuser. Sharzad a le sourire aux commissures mais le regard meurtrier. Karl Wilkes, venu représenter leur label, dont il est à la tête, s'empresse de se lever en applaudissant bruyamment, incitant le reste de leur entourage à faire de même. Et elle s'exécute, Noora, paume devant les lèvres une seconde pour exprimer ouvertement sa surprise, crie des félicitations, le serre contre elle, mais elle sait qu'il sait l'ambivalence des émotions qui la traversent, le bouleversement réel, la joie sincère et l'ombre d'incompréhension teintée de frustration. Elle se serre au maximum contre son siège lorsque Karl la dépasse, réflexe instinctif systématiquement enclenché par la proximité de cet homme ; Tarjei l'attrape par la main, tentant de l'entraîner avec lui sur scène, mais elle réfute et secoue la tête, affichant un immense sourire : C'est ton moment ! elle lui assure en le laissant partir, peu encline à l'éclipser en le rejoignant sur scène. Bloquée aussi par la certitude que l'instant n'en serait que plus humiliant. La fierté finit par l'emporter néanmoins, tandis qu'il prononce parfaitement un discours pré-programmé, à peine perturbé par la surprise d'avoir réellement remporté le prix. Avantage d'androïde.

Changement de tenue à l'approche de son passage pour l'annonce du meilleur Latin Pop Album aux côtés de Tusk, un rappeur avec lequel elle n'a jamais eu l'occasion d'interagir avant les répétitions pour le show, mais que Navid adore. Ils échangent de vagues sourires tandis que Noora noue son bras au sien, amusée de savoir que sa côte grimpera auprès de son frère quand il la verra apparaître, depuis son siège perdu elle ne sait où quelque part dans la salle ; on les presse de rejoindre la scène (par une autre entrée que celle de tout à l'heure), avec en main la tablette ornée et décorée aux couleurs des Grammys, surface grisée pour l'heure. Le speech prévu est déclamé par Tusk, Noora lui succède au moment de la révélation. And the Best Latin Pop Album award goes to… Du doigt, elle déverrouille la fine tablette, sur laquelle s'affichent alors les noms des vainqueurs. Tosa Inu & Alaskan ! Le prix change de main, et ils s'éclipsent pour laisser place au duo.

Performances et prix s'enchaînent et elle en manque plusieurs, demeurée en coulisses dans l'attente de l'éventuel appel de son nom. C'est nerve wracking, toutes ces nominations envolées en fumée. Noora porte les doigts à sa bouche, mordillant anxieusement les coins de ses ongles en écoutant lui échapper prix après prix, et une tape la stoppe en plein élan (sa styliste, qui s'assure aussitôt qu'elle n'ait causé aucun dégât à sa manucure.

Ce n'est pas Touch it, mais la collaboration avec Kasey, annoncée par Tarjei, qui lui vaut d fouler la scène, enfin. Depuis sa place, Sharzad hoche la tête en signe de satisfaction tandis que Noora monte les marches, probablement soulagée que sa nièce ne se retrouve pas dans le décor. Pour l'heure, Noora n'y songe pas, trop occupée à contenir l'envie de fondre dans l'étreinte de Kaz. C'est lui qui prononce le discours, et il ne manque pas de mentionner les doutes qu'elle lui avait exprimé à propos des lyrics, son hésitation à les lui faire entendre au départ ; réaffirme comme à l'époque qu'il est aussitôt tombé sous le charme, et il y a un instant— il se tourne à moitié vers elle et leurs regards rechignent à se détacher, et plus rien ne compte. Les nominations parties en fumée, la colère froide que sa mère étouffe sous un sourire tendu, l'attention rivée sur eux, sur leurs phalanges gravées de ce que le public a finalement reconnu quelques semaines plus tôt comme des manifestions de soulmates
elle ne sait pas exactement ce qui l'arrache à la transe, si elle s'est avérée brève ou indécemment longue, si l'assistance s'en est rendue compte, mais lorsqu'ils se retrouvent en coulisses elle ne peut s'empêcher de chercher la moindre excuse de le retenir. Une coupe de champagne et un journaliste lui en donnent l'opportunité, aparté réconfortant avant qu'ils ne se séparent finalement pour retourner chacun à son siège. Aussitôt qu'elle s'assoit, Tarjei — retourné bien avant elle — lui glisse un bras autour des épaules, un baiser sur la tempe, et les clics des appareils s'enclenchent pour figer le moment.

Bizarrement, elle se surprend à se demander si Yasmeen lui en veut d'avoir raflé la nomination avec un autre partenaire qu'elle ; ou si elle est aussi soulagée que leurs mères d'avoir échappé à l'étrangeté d'un passage sur scène côte à côte, cousines ennemies liées par un duo surprise ayant fait tapage à sa sortie.

On lui annonce toutefois qu'en son absence sa cousine s'est vu remettre le Best Pop Vocal Album. Sharzad qualifie cela de honte. Elle descend une gorgée de sa coupe de champagne en offrant un simple Hm. aussi vague que les émotions qui se bousculent au creux de sa cage thoracique, frustration déception et acceptation se disputant la vedette. Elle s'est fourni ledit album, oui, reconnait qu'il mérite le prix, oui, mais encaisser la défaite est autrement plus complexe.

L'interruption qui suit est la bienvenue. Côté caméras, une coupure pub est annoncée ; côté podium, des robots s'affairent à élaborer un nouveau décor sous l'égide de programmeurs et techniciens qui veillent à la perfection des éclairages et des montages — sa scène, celle qu'elle partagera d'ici quelques minutes avec Ashley. Son regard croise celui de Yasmeen, volontairement, et elle retient son souffle au moment de suggérer d'un mouvement de tête qu'elles se rejoignent brièvement hors de la pièce. Le timing est atrocement serré, mais c'est le moment ou jamais. Elle s'attend presque à la voir se détourner, mais un hochement affirmatif quoique discret lui répond, et tout à coup elle n'est plus certaine, Noora.
De ce qu'elle dira, si tant est qu'il y ait quoi que ce soit à dire en réalité, après que tant de rancœur ait coulé sous les ponts. Peut-être la fera-t-elle juste parler pour jauger de l'état de ses cordes vocales au terme de l'escapade dans l'air pollué au possible de Néphède ; peut-être mettra-t-elle à exécution les recommandations formulées par Tamina — peut-être lui demandera-t-elle comment elle se sent sans calculs ni arrière-pensées.
Peut-être. Peut-être.
Elle ne sait pas vraiment. Il y a beaucoup d'impulsivité dans l'initiative, beaucoup d'incertitudes derrière le voile d'assurance, et Noora ne sait même pas ce qui la pousse à afficher une telle certitude dans sa démarche lorsqu'elle passe sans un regard à proximité de la table de Yasmeen, à croire que ses mécanismes naturels la poussent à assembler toute sa fierté en rempart après qu'elle ait fait l'effort de tendre un rameau d'olivier.

Mais arrivée à proximité des loges, elle sent fondre comme neige au soleil les dernières onces de résolutions, inquiète à l'idée d'être surprise par quelque regard curieux, incapable de comprendre elle-même l'attraction-répulsion qui ne cesse de la lier à Yasmeen là où elle devrait simplement l'ignorer. Et si elle livre son corps à l'essaim de stylistes, coiffeuses et maquilleuses qui s'affairent autour d'elle, son esprit lui demeure ailleurs.
Mais elle songe à Tamina, à Navid las de leur éternelle guérilla ; elle songe à leurs mères qui n'ont et ne cesseront jamais de se haïr et de se déchirer et elle craint. De finir ainsi, âcre et haineuse, obnubilée et vindicative au point de ruiner tout autre relation, trop centrée sur une rivalité transmise de mère en fille sur deux générations. Noora pense à Shadi, qui se repait du spectacle qu'elle a créé de toutes pièces, au chaos semé à la racine et aux fruits pourris en lesquels elle a réduit leur famille, pour mieux nourrir l'avidité de caméras omniprésente, fardeau constamment prêt à admirer l'énergie qu'elles mettent toutes à s'entredéchirer. Songe aussi, et surtout, aux mots de Yasmeen, à sa crainte de n'être rien à son amertume dévorante et à sa certitude de n'avoir sa place nulle part, de revenir pour ne rien retrouver de réel.
Son ongle taillé en serre effleure les sillons qui colorent le creux de son poignet et elle se demande ce qui peut être plus tangible que ça — que le sang partagé, si chargé soit-il en mesquinerie et en jalousie, acide comme la bile. Et elle suppose… que personne ne devrait se sentir ainsi glacé par la solitude en étant pourtant si entouré.
Sa volonté forgée à nouveau, elle manque malgré tout de confiance en sa capacité à trouver les mots justes, à ne pas se laisser déborder par les relents de ressentiment une fois face à sa cousine. Alors elle pêche dans sa pochette un petit bout de e-paper — fine feuille de plastique chargé d'encre électronique qu'elle relie à la connexion de son téléphone plutôt qu'au wi-fi accessible partout et non sécurisé, peu désireuse de risquer que le message soit intercepté. Les mots tapés via le mobile enroulé autour de son poignet se gravent instantanément sur le papier. Noora s'interdit d'hésiter, de penser, de se relire, rédige d'une traite pour ne pas se dégonfler :
Tu auras toujours une place. Dans les cœurs de tes fans, de Navid, de Tamina — et dans le mien. Ne me demande ni pourquoi ni comment. Qu'on le veuille ou non, c'est inscrit dans nos veines. On lui demande de lever la tête et Noora s'exécute, sans cesser de veiller à ce que le message reste indéchiffrable pour les autres ; l'éclipse rapidement lorsque sa mère apparaît de nulle part pour s'assurer qu'elle soit parfaite. Sharzad, évidemment, exige des retouches et des arrangements, puis la dévisage d'un œil critique, peu encline à laisser passer le moindre défaut. Ça fera l'affaire, je suppose, elle finit par concéder avant de repartir.
Noora plie en quatre le plastique fin et malléables, tremblant plus à l'idée de le remettre qu'à celle de son passage imminent sur scène. Le cale sous son poudrier alors qu'elle prétend faire la difficile à son tour et peaufiner un maquillage déjà irréprochable. Les membres du staff la libèrent de leur présence étouffante, et c'est l'instant que choisit Yasmeen pour apparaître au bout du corridor.

Flanquée de sa mère et de son bodyguard.

La part sceptique de Noora la pousse à se demander si c'est volontaire ; une façon de se dédouaner et d'esquiver habilement leur simili rendez-vous. Mécanisme, encore. Il lui faut faire un effort conscient pour cesser de prêter à sa cousine de mauvaises intentions, songer qu'elle n'est rien de plus que sous surveillance constante depuis sa disparition et son retour ; rien de surprenant à ce que les barreaux dorés se soient mortellement resserrés, et elle ne peut qu'imaginer à quel point ce doit être suffoquant au vu de ce qu'est déjà leur quotidien à l'origine.

L'opportunité leur échappe, et avec ceci approche l'heure de se diriger à proximité de la scène. Noora court le risque de trainer malgré la perspective tout sauf alléchante de s'attirer les foudres de son entourage. Parvient à se retrouver dans la ligne de mire de quelques personnes promptes à la happer pour de micro-conversations. L'alibi est idéal — Noora semble en plein rush, fait mine de s'éloigner de son mieux, front plissé en une moue pleine d'excuses, mais s'attarde « par leur faute » tout en se rapprochant subtilement de la loge de Yasmeen. Yasmeen, qui finit par émerger de la pièce qui lui attribuée. Noora en soupire presque de soulagement, le stress de réellement se faire attendre lui mettant les nerfs en pelote. Break a leg, souffle sa cousine dans la foulée, et si Noora envisage de répondre, les mots s'étouffent dans sa gorge lorsqu'elle s'aperçoit que sa tante la vrille d'un regard menaçant, trop attentive à ses expressions pour qu'elle se risque à prolonger l'échange. À la place, elle glisse le mot dans la pochette de Yasmeen, laissant l'e-paper sombrer en sa possession à son insu et espérant que cela suffise à— 
Noora ! À quoi joues-tu, tu te rends compte que tu es supposée être sur scène dans moins de cinq minutes ?

C'est dans ces instants que le temps devient subitement précieux. Pas comme il l'est à Casma, ou dans les bidonvilles où il se fait synonyme de survie, mais façon business — lorsqu'il rime avec richesse. Elle emboite le pas à Sharzad, slalomant d'un couloir à l'autre jusqu'à déboucher derrière la scène. Elle passe devant une partie du public — spectateurs bénéficiant de places qu'il serait difficile de qualifier de bonnes, puisqu'elles les condamnent à voir les artistes de dos durant la majeure partie des shows, mais néanmoins stratégiques : situées à un mètre à peine de l'entrée sur la scène. Elle n'a pas vraiment le temps de s'offrir ce luxe, mais tandis qu'elle se presse vers l'escalier à la suite des danseurs, elle tend un bras vers les fans pour effleurer dans la foulée leurs mains étirées au maximum. Les cris l'assourdissent, lui arrachent un rire incrédule, une bouffée d'affection dont elle s'efforce habituellement d'éteindre les flammes de peur d'être à nouveau blessée. Cette fois, elle les laisse enfler en brasier et la gonfler à bloc d'énergie et d'envie de les combler, pour les heures d'attentes et celles dépensées à foison pour assister au spectacle. Une caméra privée gravée KUWTV la suit, encore et toujours, immortalisant son arrivée en vue d'un nouveau post insta ; Noora n'y accorde pas un regard, mais adresse à la place un clin d'œil et un baiser du bout des doigts à une adolescente en larmes.

Le souhait de Yasmeen l'accompagne alors qu'elle foule les planches sur l'air entrainant de Havana, repris et réinterprété aux côtés d'une Ashley d'abord nerveuse, puis simplement radieuse. Bientôt, le stress cède à l'adrénaline ; elle est là sans l'être tout à fait, transe indescriptible amplifiée par les light-sticks qui percent la pénombre et confèrent à la pièce une allure de voûte nocturne piquée d'étoiles. C'est éternel et évanescent, tout à la fois. L'instant prend fin, trop tôt, et déjà elle retrouve l'effervescence des coulisses, les prochains artistes supposés lui succéder mais cette fois pour une remise d'award. À la sortie, elle croise à nouveau Yasmeen et, prise dans l'euphorie de la performance, elle lui adresse probablement le plus beau sourire qu'elle ait jamais eu en réserve à son égard — il a l'audace d'être sincère puisque aucun membre de leur famille se trouve à proximité à sa connaissance (elle ne les remarque pas quelques pas derrière elle). Really nice performance up there. I- La jeune femme s'interrompt en regardant quelque part au-delà de Noora, et juste avant qu'elle ne se retourne, celle-ci lance un : Tu as eu mon message ? précipité. Un regard perplexe lui répond. Le mot ? Yasmeen secoue la tête l'air de répondre plus tard et s'efface sur un mouvement de main alors que Sharzad se matérialise aux côtés de Noora, lui tirant un sursaut. Mom ! Tu m'as surprise. Je vois ça, et il lui semble se faire gronder, à demi-mots ; les yeux de Sharzad fusillent le dos de Yasmeen, et puis : Que voulait-elle ? Par chance, des mains agrippent Noora et la pressent vers la scène. Qu'est-ce qui se passe ? elle s'exclame, un peu indignée d'être ainsi manœuvrée, à croire que vraiment personne ne se soucie de son avis ; mais elle comprend alors qu'on vient de lui décerner le Best World Music Album pour Reflection. Karl se joint à elle sur le podium, puisqu'il a largement contribué à la production des musiques de son avant-dernier album (celui récompensé). Elle arque un peu plus les hanches dans une tentative de s'éloigner imperceptiblement du bras qu'il noue à sa taille, mal à l'aise ; le discours qui a été prévu pour elle est long, par-dessus le marché, mais elle parvient à le déballer sans heurt, même si à moitié concentrée, avant de s'écarter un peu vite, prétendant trébucher sur la longue traine de sa robe pour échapper à la proximité avec le directeur de sa maison de disque.

Elle retrouve les coulisses, commissures crispées et hochant la tête ici et là tandis que Karl n'en finit pas de lui parler, et respire enfin lorsque son attention se porte ailleurs et qu'il s'en va ; satisfaite de ne plus être au centre de son intérêt, ni en sa compagnie oppressante.

Dans la salle, la tension monte à l'approche du clou du spectacle. Sur les écrans géants défilent enfin les nominés pour Album of year et les phalanges de Sharzad broient les siennes. Noora ne saurait dire qui de sa mère ou elle a plus d'espoir, plus d'attentes, mais elle est certaine de le vouloir de tout son être. De ne pas vouloir, surtout, être celle sur qui s'abattront les critiques de Shadi en cas d'échec, quoique les deux awards empochés aient une chance d'atténuer l'aftermath. Mais c'est le nom de Jaz qui tombe, et elle fait glisser sa langue au creux de sa joue pour ravaler la déception, ne parvient pas à masquer sa moue avant que les journalistes se soient fait un plaisir de l'immortaliser pour en faire usage. Sharzad se penche vers Karl pour lui confier elle-ne-sait-quoi et Noora ne s'interpose pas, nullement attirée par le ton furieux sur lequel s'exprime sa momager. Elle préfère se caler de l'autre côté, contre Tarjei, qui lui adresse une grimace navrée, conscient de combien c'est un échec — non seulement pour sa carrière, mais pour la bataille au milieu de laquelle elle est placée au quotidien. On se casse ? il propose en plaisantant, et elle rit, hésite presque, se mord la lèvre mais secoue finalement la tête en signe de négation. Can't. Elle hausse les épaules, mimant le détachement, mais ne trouve pas la force de lever les yeux pour voir Jaz illuminer la scène. Ça la dérange, le monstre de jalousie qui lui dévore les entrailles, créé et entretenu par sa famille mais aussi par elle-même jusqu'à devenir incontrôlable. Ça la dérange, d'être si incapable de se réjouir pour les autres, si bouffée par l'égoïsme qu'elle en pleurerait. Elle papillonne des paupières pour assécher l'hémorragie oculaire avant que les appareils photos ne s'en emparent, aptes à tout capter en dépit de la luminosité ténue de ce côté de la salle. Se force à se pencher vers Tarjei après avoir chipé au fond de sa pochette le feutre qu'elle garde toujours sur elle pour ses fans, et lui offre un sourire espiègle. Hey, MGK. I'm your biggest fan, will you sign my boobs ? Il lève les yeux au ciel, exaspéré, et elle l'agace jusqu'à ce qu'il s'exécute — Sharzad s'abstient de s'en mêler, probablement parce que la plaisanterie leur vaut de s'attirer une part de l'attention et qu'elle n'est jamais contre. La distraction ne peut pas durer longtemps, mais Noora se sent un peu plus détendue, capable au moins de se prétendre au-dessus de tout ça et de finalement se tourner vers la scène. Sharzad lui persifle à l'oreille : Je rêve, tu entends combien elle bafouille ? Je crois bien qu'elle s'est enfilé quelques verres de trop. Mais elle ne boit jamais, si ? Et à cet instant, du haut du podium, Yasmeen mentionne sa mère, mais laisse l'assistance sans voix en ajoutant : No…no, not you Darya… I mean my mother. Aunt Sharzad. You, yes, you, hi there. Thank you. I don't think I'd have developed the thick skin one needs in this world and this industry if I hadn't been born into the Vane family and if you hadn't been here to teach me first hand how cruel the world can be. Le silence qui s'effondre sur la salle est lourd et explose en centaines d'exclamations choquées. Qu'est-ce qu'elle raconte ? Noora s'agite, Qu'est-ce qui lui prend ? Ça n'a aucun sens ! Elle a dû mal entendre — ça n'a tout simplement pas de sens, C'est ridicule, Sharzad en rit, mais c'est sombre, ça suinte le malaise et l'incompréhension. Elle regarde autour d'elle comme pour se défendre des paires d'yeux qui se rivent sur elle, écarquillés, à travers toute la salle. Elle ne sait pas ce qu'elle dit, elle est complètement ivre. Et puis Darya et elle se fixent, et le rire que forçait Sharzad pour tempérer la gêne meurt sur ses lèvres. Noora sent quelque chose de plus grand qu'elle passer à travers ce regard qui exclut le reste des personnes présentes, et elle tente de le dissiper, de faire sa mère la regarder. Mom. C'est impossible que ce soit vrai, non ? On a le même âge ! Et- et on était déjà deux ma- ma sœur et moi. Et elle- elle est morte, les médecins l'ont dit. Yasmeen n'a rien à voir… avec nous. Mom

Noora avoue, alors qu'elle n'est pas supposée savoir. Elle a toujours su qu'elle avait perdue quelque chose, quelqu'un (une moitié). Elle l'a toujours ressenti — nostalgie, culpabilité (d’avoir tué son autre, peut-être, ou d’avoir été la seule d'elles deux à survivre), solitude, manque. Sujet sensible, toujours, tabou, nié aux dates d'anniversaires mais esquissé, tacite, quand Sharzad l'emmène à Rivendell, là où poupon encore Noora l'a accompagnée dans son deuil la toute première fois. Quand Sharzad la fixe sans la voir, comme pour en chercher une autre à travers elle. Quand Sharzad enfile anti-dépresseurs et calmants comme des bonbons alors que Noora jure qu'elle, elle va bien, tout à fait bien, et ne comprend pas pourquoi sa mère se porte si mal.
Comment tu- Elle n'est pas supposée savoir, mais si les gens mentent, ce n'est pas le cas des souvenirs. Et elle se souvient trop bien, Noora, des moments où elle murmurait ses peurs à une autre pour trouver le sommeil, mais où le silence lui répondait. Elle le connait trop bien, le sentiment, depuis toujours, de chercher quelqu’un, d’attendre, de se sentir incomplète, seule et vide. Et elle se souvient des psychologues consultés, parce qu'elle ne cessait de faire ses parents acheter en double tout ce qu'ils lui offraient — elle se souvient du syndrome du jumeau perdu évoqué par l'un d'eux avant que sa mère n'assure qu'il n'y avait rien de tel, non, vraiment, et n'enchaîne par une crise qui avait décrédibilisé son déni ; mise hors d'elle par l'évocation du tabou.
Elle se souvient, Noora, et elle a cherché, bien plus tard, épluché les sites mentionnant les symptômes (incomplétude, peur d’être abandonnée, hyper-sensibilité, sentiment d'être incomprise, rapport problématique avec la nourriture (anorexie, boulimie), difficulté à faire des choix, tendances à la dépression), elle a cherché et cherché jusqu'à avoir cette certitude dont elle n'a jamais osé demander confirmation.

Mais elle est là, la confirmation, dans le choc de Sharzad, l'aveu involontaire. Puis tout à coup sa mère vacille. Le même âge, elle répète, déboussolée, semble perdue dans ses pensées, porte des mains tremblantes à son visage comme si elle voulait se déchirer la peau. Darya, elle souffle, Darya, tu n'as pas osé- La seconde fois est plus audible, mais plus menaçante, et son bras échappe à la prise de Noora. Tu ne vas pas me dire que tu y crois ! C'est ridicule, tu l'as dit toi-même, elle est ivre ! Elle est comme hystérique, elle est comme en panique. C'est ma fille. Ma fille que j'ai élevée et portée au sommet, c'est ma fille ! Et Sharzad hurle comme si on lui arrachait le cœur, et Tarjei commente tout bas — S'il s'agissait d'un film, elle aurait commencé par : « je l'ai portée ». Non ? J'ai cette idée enregistrée dans mes données, je ne sais pas pourquoi. Tais-toi, tu dis n'importe quoi, t'es- t'es même pas humain, qu'est-ce que tu saurais de ce qu'elle- de ce qu'elle devrait dire ou non ? elle se braque, avec le sentiment dérangeant qu'il a raison, qu'elle aurait dû commencer par ça : ma fille que j'ai portée. Il y a quelque chose d'atroce, de dérangeant dans sa façon à tout réduire à l'aboutissement, et Noora a beau savoir qu'elles n'ont qu'un but dans l'existence — satisfaire l'avidité de leur famille —, elle en a quand même un haut-le-cœur.

Et ça tourne encore et encore dans ses pensées, l'impression dérangeante insufflée par l'androïde : elle aurait dû commencer par l'enfant que j'ai portée, mais elle ne l'a pas fait. Elle a dit-

Espèce de garce ! L'accusation déchire l'air, électrique, et personne ne peut l'arrêter, personne ne peut se mettre en travers lorsque Sharzad fond sur sa propre jumelle-ennemie et semble presque tenter de lui arracher les yeux. Tu n'es qu'un monstre, comment as-tu pu ? Elle s'exclame à bout de souffle alors qu'elle se déchirent, et Darya elle ne cesse ne crier Elle est à moi, tu ne pourras jamais me la prendre ! Leurs gardes-du-corps respectifs parviennent à les séparer et quelqu'un stoppe Noora alors qu'elle tente de rejoindre sa mère. Elle se débat, plus encore en reconnaissant Karl ; parvient à s'arracher à sa prise mais s'enveloppe de ses bras en un geste défensif et obéit lorsqu'il lui ordonne de ne pas s'emmêler. Tout est sous contrôle, il assure en levant les bras, paumes ouvertes pour tempérer le drame, demande (exige, en vain) que les appareils photos et les caméras soient rangés. Et Sharzad- elle s'affaisse sur elle-même, une main sur le front, tout juste maintenue par son bodyguard. Appelez les urgences ! Noora s'affole, se précipite jusqu'à elle sans que personne ne la stoppe à présent que Darya est maintenue à distance. Tu ne pourras jamais prétendre être sa mère. Je suis celle qu'elle appelle mom- et je le mérite, elle me doit tout. Tu n'as rien fait pour elle- tu n'es rien pour elle. Yasmeen ! Yasmeen, ma chérie- Noora perd le fil de ses inepties, gorge obstruée par un sanglot.

Tout est— brouillé et indescriptible, la foule oppressante, les commentaires, l'affolement. Les secours finissent par arriver et proposent à Noora, et Navid qui l'a rejointe, de monter dans l'ambulance, mais elle-
elle capte Yasmeen qui se faufile à travers les gens en tentant d'échapper à leur attention. Pour partir ? Colère et panique se bousculent en elle et Noora ignore l'ambulancier, le dépasse pour agripper la responsable — coupable — par le coude. Pourquoi tu as fait ça ? Tu n'avais pas le droit de faire ça- tu ne te rends même pas compte du mal que tu nous as fait, tu n'as pas le droit de me laisser maintenant ! Ça n'a ni sens ni logique et elle ne sait elle-même pas si elle lui fait une scène ou la supplie, si elle la secoue ou tente de la tirer vers elle pour quémander qu'elle les accompagne. Si elle veut comprendre ou prétendre n'avoir jamais rien entendu. Le rideau tombe, emporte avec lui les masques des acteurs, met à jour la laideur de leurs traits, de leurs cœurs, et c'est effrayant. Karl l'attrape par les épaules pour l'éloigner de Yasmeen et Noora se laisse détacher sans lutter, membres dépourvus d'énergie comme une poupée de chiffon ; mais son regard ne la lâche pas. Même alors qu'il lui assène que ce n'est pas le moment de faire une histoire, d'aggraver les choses, et qu'il lui interdit d'approcher de cette fille.

Cette fille, qu'il dit. Et les iris de Noora lui demandent, à cette fille : qui es-tu ?
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Yasmeen Hedat-Vane
Yasmeen Hedat-Vane
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JAZ VANE LP: break free (ariana grande), I'm a slave 4 u (britney spears), hurricane (halsey), oops! I did it Again (britney spears), sit still, look pretty (daya), sometimes (britney spears), blue jeans (lana del rey), oath (cher lloyd), one last time (ariana grande), baby one more time (britney spears), problem (ariana grande), pacify her (melanie martinez), overprotected (britney spears), dark paradise (lana del rey).
INTERSPATIAL CINNAMON ROLL

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hall of fameI don't belong in the world, that's what it is
Something separates me from other people
Everywhere I turn, there's something blocking my escape
It hurts to love you, but I still love you
It's just the way I feel
And I'd be lyin', if I kept hidin'
The fact that I can't deal
And that I've been dyin' for somethin' real

Chaos. Chaos dans la salle qu’elle perd de vue quand elle rejoint l’arrière-scène sous les applaudissement un peu forcés et très confus du public. Chaos dans les coulisses où les regards sont si pesants sur elle, choqués, incompréhensifs, rieurs parfois même. Chaos dans sa tête aussi ; elle a gagné, elle a l’impression d’avoir perdu. C’est le goût qu’a chaque victoire depuis qu’elle sait qu’il n’y en a pas une seule qui compte vraiment quand Noora, sa rivale, a remporté le jeu entier. Peu importe les petites batailles futiles, mais souvent difficiles et douloureuses. La guerre est gagnée d’avance par l’autre camp. C’est fini, ça sert à rien. Et Yasmeen a fait une bêtise, elle le voit dans le visage des assistants. On lui tend un mouchoir, elle est en train de pleurer, ne sent même pas les larmes, son maquillage est trop épais, ou alors elle est trop engourdie. Elle doit avoir l’air fine, laide avec du mascara qui s’étale partout, sa mère va lui en vouloir. Et ça la fait presque rire de penser ça, de déjà sentir ce stress qui s’ajoute au reste, c’est si ridicule, mais c’est ça sa vie et ça la fait rire jaune et nerveusement. Elle rit hystérique une demi-minute, alors qu’on fait de la place sur son chemin, ses pieds la guidant seule, vers une loge, des toilettes, un refuge quel qu’il soit. Elle ne sait pas trop ce qu’elle fuit, elle est engourdie de l’intérieur aussi, comme si le choc qui a frappé la salle, l’avait touchée elle aussi. Jaz, Jaz, il faut que vous veniez voir ça, par ici ! fait une voix, et elle suit sans voir, elle aurait sinon reconnu un assistant de production de Keeping Up With the Vane et couru en sens inverse. On l’emmène vers ce qu’elle ne veut pas voir, le résultat des mots prononcés trop vite et pourtant à peine regrettés, soulageants d’une manière un peu masochiste. Ça ne changera rien à sa vie, ça rendra même tout pire et à y réfléchir elle n’aurait jamais rien dit, mais elle n’a pas réfléchi justement et pendant une demi-seconde sur scène elle a eu l’impression de prendre sa revanche. Mais elle ne veut pas être là pour les retombées, elle ne veut pas penser à ce qu’elle a fait, s’occuper des dégâts.

Commotion dans la salle, elle l’entend sans la voir, éclats de voix, on dirait une bagarre, et des caméras qui clignotent autour, on la guide vers ça, le bruit, les cris, elle reconnaît sans le vouloir sa mère, et l’autre, sa génitrice, mais elle ne veut pas entendre, elle ne veut pas voir. Ça sort de son cerveau avant même d’être assimilé. Une main attrape brusquement son poignet. Peau hâlée, yeux de biche, Scar. On s’casse ? Et elle hoche la tête. Instinct de survie. Tout pour fuir le chaos.

Et puis, Scar, c’est Sami.
Tout pour Sami.
Yasmeen ! elle bloque. Réflexe musculaire, embardée du cœur. Yasmeen, ma chérie- c’est si rare qu’elle l’appelle ma chérie, azizam parfois en farsi, si rare, c’en était devenu son but ultime pendant si longtemps. Juste que sa mère lui montre un peu d’affection, de tendresse. Jaz hésite, impossible de faire autrement, de ne pas marquer une pause au moins. Mais elle a quelqu’un d’autre qui l’appelle azizam maintenant, et ghalbami, et plein d’autres choses magnifiques et qui n’attend rien en retour que tout l’amour qu’elle lui donne déjà. Elle a quelqu’un d’autre qui l’aime sans condition, sans privation. Let’s go sa voix est rauque, on ne dirait pas la sienne, mais elle est ferme aussi, sûre (on dirait encore moins la sienne) et Scar l’entend, tire sur sa main liée à la sienne, l’entraîne vers une sortie. Ils ne sont plus loin, elle la voit désormais, la sortie des artistes, délaissée pour le moment, mais proche de la scène dramatique que jouent encore les autres Vane. Elle suit Scar en se concentrant sur ses pieds, pour ne pas trébucher sur sa robe et ses talons se justifierait-elle, pour ne pas voir raisonne-t-elle plutôt. Une main sur son coude l’arrête tout net. Noora. Le besoin de fuir devient plus pressant. Pourquoi tu as fait ça ? Tu n'avais pas le droit de faire ça- tu ne te rends même pas compte du mal que tu nous as fait, tu n'as pas le droit de me laisser maintenant ! Elle ne l’a pas prise en compte Noora. Elle n’a rien pris en compte, il faut dire. Elle a juste parlé, un peu vite, un peu trop. Après coup…elle a pensé aux mères. À celles qui savent. À celles qui étaient visées. Mais Noora… Noora, Jaz ça fait des semaines qu’elle pense savoir que sa cousine ignore totalement qu’elle ne l’est pas.

On l’attrape par les épaules, on l’éloigne d’elle comme si on craignait qu’elles ne se battent, peut-être que c’était ce que cherchait Noora, à l’arrêter comme ça. Yasmeen, elle, elle regarde juste, comme si tout ça (l’arrière plan de Sharzad aidée par des secours appelés à la va-vite) n’était pas de son fait à elle. Comme si elle ne comprenait pas. Noora ne la tient plus, elle peut partir. Mais y a les yeux de Noora. Ils sont étranges les yeux de Noora. Ils sont marrons, pour commencer. Est-ce comme ça qu’elle est née ? Est-ce comme ça qu’ils seraient devenus les siens sans chirurgie ? Exactement cette note de marron là, un peu noisette à la lumière du jour. Ils sont étranges les yeux de Noora, Yasmeen ne sait pas les lire. Ils ont la couleur du chocolat, sans sa chaleur. Elle les voit accusateurs. Ça irait bien avec ses mots. Tu n'avais pas le droit de faire ça- tu ne te rends même pas compte du mal que tu nous as fait, tu n'as pas le droit de me laisser Les sourcils se froncent, le corps se tend, à la confusion succède la colère, vive et mesquine. Le mal que je vous ai fait ? elle répète d’une voix blanche, poings serrés. Maintenant qu’elle s’est arrêtée, elle voit, elle voit le visage pâle de Sharzad, elle voit sa mère aussi, retenue plus loin (mais sur ça elle ne veut pas s’attarder), elle voit Noora aussi, dont toute l’attitude nourrit une haine qui lui semble vieille comme le monde. Elle voit les caméras, surtout. Noora est naïve, ou bien elle est de mèche avec Sharzad, qui fait semblant pour les caméras de Shadi. Toujours un coup d’avance, Sharzad, et toujours à défendre sa mère, Noora. C’est si facile de les haïr. Ça fait si mal de les aimer. Et le mal que l’on m’a fait à moi ? Sharzad en premier lieu. Ça Noora s’en fout, Jaz imagine. Si elle n’était véritablement pas au courant, elle aurait sûrement préféré ne jamais savoir, vivre dans sa bulle. Continuer à se croire unique. Elle ne veut pas d’elle comme sœur, encore moins jumelle. Yasmeen peut comprendre. Elle pense savoir ce que Noora se dit : comment a-t-elle osé chambouler sa vie juste parce qu’elle a un peu souffert ? Noora la trouve égoïste. Peut-être qu’elle l’est, peut-être que c’est le trait commun de tous les Vane. J’ai rien fait d’autre que dire la vérité. La seule qu’elle a dû vraiment blesser c’est Darya et c’est la seule que son esprit bloque. Il bloque sévère, parce qu’elle ne veut pas se laisser réaliser et admettre que la douleur écrite sur le visage de sa mère en cet instant précis ne la touche pas autant qu’elle le devrait. Désolée d’avoir fait éclater ta bulle. Elle n’en a rien à faire et ça s’entend. Elle ne s’en veut pas. Peut-être que ça viendra plus tard, quand elle réfléchira, quand elle acceptera de voir ce qu’il se passe. Mais pour l’instant Jaz n’a qu’un but. Qu’une chose en tête. Jaz veut juste partir, elle veut juste quitter cette scène et cette soirée et ces gens inconnus, amis, ennemis, famille surtout. Elle veut partir et respecter sa promesse envers Sami, le retrouver quitte à ne jamais revenir. Noora ne l’en a distraite qu’une petite seconde. C’est sa jumelle, certes, mais Yasmeen a trouvé quelqu’un d’autre pour se sentir complète.
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