(baeliever#1) welcome to the club where sad kids look good

3 octobre 2018, autour de 2h du mat'

Bebe est assis sur un banc bleu, à l'extérieur du magasin. La nuit est présente. Dans sa main, il a son téléphone qu'il dévisage un peu trop, lisant les messages de Scar, attendant ceux de Dakota qui n'arriveront pas. Il lui a envoyé plus de cent messages, depuis leur rupture. Une vingtaine de photos également. Mais le blond n'en ressent aucune gêne. Il se sent comme Bella, quand Edward est parti, dans le second film. Il se sent aussi démuni qu'elle est, sans lui, et il veut juste être rendu à cette scène au Vatican pour aller le chercher er l'aimer fort et ne plus jamais le quitter. Il accepterait même de porter son enfant même si au final, ça ne serait que sa propre merde mélangée avec le sperme du brun. Resterait que la chose lui gonflerait un peu le ventre, un certain temps. Les lèvres sont pincées, le coeur est lourd et dans l'autre bras, Bebe garde quelques peluches contre lui. Elles sont immondes, il ne reconnait même pas les animaux en question, et il n'a pas payé pour. Il suppose que Brian lui a mis dans les bras pour qu'il arrête de pleurer si fort et qu'il aille s'asseoir un peu plus loin, à l'extérieur, pour ne pas faire peur aux clients, qu'importe si la plupart sont trop saouls pour remarquer quoique ce soit. Depuis combien de jours il pleure, déjà ? Il ne compte plus. Il compte les messages. Il compte l'absence de Dakota mais pas en temps, en tout plein d'autres formes. Il le compte en nombre de baisers qu'il aimerait lui donner, en nombre de choses qu'il aimerait lui dire, en nombre de fois qu'il pense à lui, dans une journée. Sauf que Becan n'a jamais été réellement intéressé aux mathématiques et qu'il commence à en avoir marre, de compter. Il est temps pour Dakota de revenir et de l'embrasser. Sauf que, dans ses mains, son portable vibre pour lui dire que Scar a répondu et non Dakota. Il aime bien Scar. Ils sont aussi âme soeurs, après tout. Mais c'est pas comme aimer Dakota. Dakota, sans lui, Bebe n'est pas certain d'être lui-même. Dans une journée, il possède beaucoup moins de raisons de sourire et de rire, ou juste d'être heureux. La fin de toute chose l'amène toujours à Dakota, normalement. Mais pas depuis quelques jours. C'est comme perdre des petits bouts de lui un peu plus à chaque fois. C'est que, sa vie, il ne l'a jamais vraiment connu sans le brun. Il n'en a pas envie. Il sait qu'il pourrait, il n'est pas un amoureux transi à ce point, mais il n'en veut pas, d'une vie sans lui.
La cloche de la porte retente, à côté de lui. Bebe lève ses yeux rougis vers la personne sortant du magasin pour voir Brian qui le dévisage, lui aussi. oh t'as enfin fini ? il dit la chose avec un grand sourire, la goutte au nez et les yeux rouges, la tristesse dans les yeux, les peluches moches entre les doigts. Bebe renifle un coup et se met sur ses pieds. On va pouvoir y aller, alors. Tu veux aller où ? Sur la lune ? On pourrait aller dans les égouts et chercher si y'a une civilisation cachée. Imagine, des gens sans yeux ? Oh, ou des lézards. Ou des - OH. DES REPTILIENS Il s'enflamme pour un rien, pour se changer les idées, pour fuir loin de son coeur brisé. Bebe contourne brièvement Brian pour ouvrir un peu la porte et, sans manière, laisse les peluches tombées contre le plancher du magasin. Le collègue de Brian les ramassera. Il lui adresse quand même un ; Bonne nuit ! parce que minuit est passé et que deux heures approche, déjà. Ses doigts tapent contre l'écran de son téléphone et il envoie un message d'adieu à Scar avant de lever les yeux vers Brian, de nouveau. Ses yeux sont toujours rouges. Dakota n'a toujours pas répondu. Bebe est toujours triste. Pourtant, il sourit comme si c'était disney, sa vie. Il porte les vêtements noirs et sales de Dakota, mais ils ont perdus son odeur depuis le temps. j'ai faim. tu m'as pris un truc ? oh, j'devrais peut-être prendre des chips et des redbulls, pour la route. oh, et un cheese. et - hm. il vend des sandwich, ton magasin ? brian, j'ai faim. Les mains s'enfouissent dans les poches et Bebe cherchent sa monnaie, ne trouve qu'un vieux joint encore utile et son paquet de cigarette, à moitié entamé. Il fume, maintenant. Les cigarettes de Dakota, forcément. Il remplace une dépendance par une autre.

La nuit était vide. Y’à que la radio qui tournait en fond sonore, que Brian entendait même plus à force, et parfois quelques clients qui entraient et qui sortaient. Il avait filé à Bebe des peluches du magasin le temps que son service se termine. Dans 20 minutes. Flora n’allait pas tarder à arriver, et il jetait régulièrement des regards à travers la vitre pour apercevoir la silhouette du blond assis sur le banc, le nez sur le téléphone. Un problème avec Dakota. Il avait pas très bien compris quoi, quand Bebe avait raconté, paroles hachées parmi le flot de larmes, la morve et les hoquets. Apparemment c’était une rupture. Le genre de truc que Brian comprenait qu’à moitié, parce qu’il en avait jamais vraiment fait l’expérience. Avec Tess, son soulmate, ça avait pas été aussi dur. Mais Bebe c’était Bebe et il se donnait sans doute un peu trop dans les relations humaines.
Brian sortit son téléphone et envoya rapidement un message à Queen pour la prévenir qu’il rentrerait pas tout de suite, parce que Bebe avait besoin de lui. De toute façon à cette heure, il rentrait rarement après la fin de son taff. Il emmenait toujours sa combinaison de Vigilant avec lui dans son sac à dos pour pouvoir se balader en ville sans avoir à repasser à l’appart où tout le monde dormait déjà. Il voulait pas risquer de réveiller Felipe, qui était une horreur à recoucher.  
La sonnette de la porte retentit et les chiens du quartier qui dormaient sur le carrelage relevèrent la tête à l’unisson pour voir entrer Flora. Quelques-uns se mirent debout sur leurs grosses pattes pour aller dire bonjour. Elle offrit aux plus proches une caresse sur la tête.  
Ils avaient pris l’habitude de les laisser entrer au chaud la nuit depuis qu’il y avait eu le braquage. Ça rassurait tout le monde et puis ça leur faisait de la compagnie. Ils leurs donnaient même à manger parfois. Au début il y en avait que 2 ou 3, et petit à petit c’est comme s’ils s’étaient passés le mot, ils avaient été de plus en plus nombreux. Maintenant y’en avait au moins douze. Parfois plus, parfois moins, ça dépendait des soirs. Les clients se marraient quand ils voyaient ça. « Bordel je déteste faire la nuit on s’emmerde. » La rousse attrapa un magazine people dans le rayon.  
Brian dégrafa son badge pour le ranger dans le tiroir derrière le comptoir et filer le sien à Flora avant d’aller chercher son sac à dos dans les vestiaires.  Bebe attendait toujours dehors depuis 20 bonnes minutes, il voulait pas non plus le faire trop attendre. Avant de sortir il alla quand même fouiner dans la réserve. Y’avait toujours des invendus périmés qu’ils étaient obligés de retirer des rayons. Ils se servaient souvent dedans parce que sinon ils les jetaient.  Un paquet de chips, des canettes de Monster pour Bebe, des DrPepper et quelques sandwichs au thon et au poulet. Il prit aussi en rayon un lot de paquets de mouchoirs qu’il enfourna dans son Eastpak jaune fluo qui pesait du coup une tonne, avant d’aller dire au revoir à Flora et rejoindre le blond. « oh t'as enfin fini ? » Bebe leva vers Brian un regard de chien battu et le brun ne sut pas trop quoi lui dire. Consoler Bebe c’était moins facile que consoler ses frères ou sa sœur. Il ignorait comment la prendre, cette petite chose délicate aux yeux bouffis. « On va pouvoir y aller, alors. Tu veux aller où ? Sur la lune ? On pourrait aller dans les égouts et chercher si y'a une civilisation cachée. Imagine, des gens sans yeux ? Oh, ou des lézards. Ou des - OH. DES REPTILIENS. » Il ouvrit la porte du magasin pour jeter par terre les peluches que Brian lui avait filé un peu plus tôt. « Bonne nuit ! » Flora les fusilla du regard, mais vu que Bebe pleurait, elle les pardonnerait, c’était une situation d’urgence. « j'ai faim. tu m'as pris un truc ? oh, j'devrais peut-être prendre des chips et des redbulls, pour la route. oh, et un cheese. et - hm. il vend des sandwich, ton magasin ? brian, j'ai faim. » Cette dernière phrase tira au brun un sourire attendrit. Il s’emballait trop, comme d’habitude, mais ça au moins c’était un problème que Brian pouvait résoudre. Il avait de l’expérience dans ce domaine. « J’ai pris des sandwichs et des trucs à boire. » Pendant que Bebe s’allumait une clope, Brian enfila son manteau. D’abord, il fallait régler ce problème de morve avant qu’il ne se noie définitivement dedans. Alors il sortit les mouchoirs qu’il avait pris exprès pour les tendre à Bebe, avec une canette de Monster. « Mouche toi et bois un truc déjà, tu vas mourir déshydrater avec les litres que t’as pleuré. » Il ne put s’empêcher de caresser la tête de Bebe en signe d’affection, parce qu’il était un peu plus grand que lui et que du coup il pouvait toucher le dessus de son crâne assez facilement, et qu’il avait rarement vu un blond aussi clair chez quelqu’un. Bebe avait de beaux cheveux. Mais c’était un détail. « Je préfèrerais éviter les égouts si tu veux bien. »Marcher dans la merde c’était un peu moyen, même pour découvrir une civilisation oubliée. « Mais y’à un hlm abandonné pas loin, on y trouvera peut-être des reptiliens planqués ou des fantômes. » Il aimait bien les chasses aux fantômes, même s’il n’y croyait pas vraiment. C’était surtout les réactions de Bebe qui étaient amusantes. Mais enfin vu l’état dans lequel il était, il allait surement devoir mettre un peu l’ambiance. Avec la lampe de poche de son téléphone, il s’éclaira le visage par-dessous pour se donner un air terrifiant avant de s’exclamer : « Il est temps pour nous d’aller les débusquer, partenaire. »

Bebe sait qu'il a été un vrai parasite sur Brian, depuis les premiers moments où ils se sont vus. C'est que, derrière son comptoir du magasin, le japonais n'avait jamais eu la chance de fuir. C'est peut-être pour ça que Becan, il lui a parlé autant, dés les premiers temps. Parce qu'il a aimé la forme de ses yeux, sa manière de rougir un peu et aussi son amour pour les chiens. Le blond a décidé d'en faire son ami sans lui demander son avis et il a agi pour que les choses, elles se passent ainsi. Avec Brian, c'est pas vraiment comme avec les autres. Ils sortent pas dans les bars, dans des fêtes. Ils se perdent pas dans les drogues et dans les conneries, ni sur le skate, ni dans des appartements minables - sauf ceux qu'ils visitent - comme des enfants perdus. Il est un peu perdu, Brian, mais il a trouvé sa place, dans ce monde perdu. C'est un peu comme un super héros. Becan est souvent persuadé que c'est la meilleure personne qu'il connait, dans sa vie. C'est surement pour ça qu'il l'aime autant ; parce que Brian a le coeur à la justice et qu'il fait les choses bien alors que le blond, de son côté, est juste complètement égoiste. Parfois, il observe Brian et il se dit qu'il aimerait être un peu plus comme lui et moins Bebe. Sauf que la pensée s'évade souvent très rapidement, que Bebe profite de ce que Brian lui offre, comme le Monster et les mouchoirs qu'il lui tend, avec un grand sourire sur les lèvres. Le nez se vide dans les mouchoirs dans un bruit ignoble et les tissus finissent dans le fond de son jacket, avant qu'il n'ouvre la canette de Monster, la cigarette toujours entre les doigts, pour en prendre une très grande gorgée. Il prèfère les redbulls, mais les Monsters lui plaisent aussi. La cigarette va coller au bord de ses lippes et les yeux lui piquent ; il n'aime pas le tabac. Il n'aime pas le tabac plus que ça, alors les yeux lui piquent, et aussi, l'odeur et la saveur, ça lui rappelle fort Dakota, dans son coeur. Bebe renifle fort, dans les mouchoirs, et force son attention à retourner vers Brian. C'est un peu son sauveur, Brian. Il chasse un peu ses maux de coeur.
Les yeux se ferment, sous le contact de ses doigts, dans ses cheveux. C'est un geste qu'il adore, Bebe. Il se plaint souvent à Dakota, en lui disant qu'il ne joue pas assez avec eux. Sauf que le brun dit toujours avoir les doigts sales, mais Bebe s'en fiche, de ça. Dans le pire des cas, après, ils prendront leur douche ensemble.
Enfin, c'était avant, ça. Dakota, il a pas joué avec ses cheveux depuis un moment, maintenant. Quelques petits jours mais une grande éternité, pour Bebe. Ça lui donne envie de pleurer de nouveau, mais il se contente de renifler un peu plus fort et d'offrir un grand sourire à Brian, pour oublier.
Brian qui met la lumière sous son visage, qui lui sourit, et qui lui dit des mots si mignons. La bouche de Bebe se tord fort et il retient un gros sanglot qui le secoue quand même. Il ouvre les bras, le grand enfant, et prend le japonais contre lui, fort. Bribri je t'aime tellemeeeeent. qu'il couine à le serrer contre lui de manière horrible, à écraser surement les sandwichs et le bras de Brian, tenant son téléphone. Il le tient contre lui un moment et morve peut-être un peu contre son manteau, avant de s'éloigner. Les lèvres claquent dans un baiser un peu morveux contre la joue de l'asiatique et Bebe essaie son nez avant la manche de son jacket, avant de prendre le sac, s'ouvrir le paquet d'un sandwich aux oeufs et d'en prendre une grande bouchée. 'erci. Okay on y va. Il prend une autre bouchée, avant de se mettre à marcher. Et le blond, il fait quelques pas, avant de tourner les yeux vers Brian, une moue sur les lèvres, le regard toujours luisant par les larmes. Il est où ton hlm ? j'me demande si on pourra pas y trouver aussi des meubles intéressants pour mon appartement. tu m'aideras à les apporter, hein ? oh, mais si ça dérange pas les fantômes, évidemment. ou les reptiliens. ou les - hm. je sais pas. peu importe ce qui se trouve là. tu crois qu'on devrait acheter une planche de ouija, pour parler avec eux ? j'ai lu dans un article, l'autre jour, que des scientifiques avaient créer une petite machine à mettre sur la tête des chiens pour entendre leurs pensées. ça marcherait peut-être, déposer sur un meuble ou au sol, pour les fantômes. Il mange encore, Bebe. Trois quatre bouchées un peu rapide, avant de prendre un autre sandwich, dans le sac, et aussi des chips. Ses mains débordent. La cigarette se consume toute seule. Et le pire, dans tout ça, c'est qu'il aurait encore faim, après. Je pourrais la mettre sur la tête de Dakota, peut-être. qu'il ajoute, un peu plus bas, sans son enthousiasme. La tristesse reste sur ses traits de maigres secondes, avant qu'il ne retrouve son sourire innocent.

« Bribri je t'aime tellemeeeeent. » Geignit Bebe alors qu’il l’attrapait dans ses bras et le serrait contre lui, enfouissant son visage dans son manteau. Son corps tremblait encore de sanglots retenus et Brian se tendit instinctivement. Il aurait bien aimé prendre le blond dans ses bras, mais ces derniers étaient coincés le long de son corps, écrasés par ceux de Bebe. Y’avait aucune issue à ce câlin et de toute façon, il avait pas vraiment envie d’en trouver une. C’était Bebe, il était mignon d’une façon tellement naturelle, même quand il chialait. Il colla ses lèvres contre sa joue, s’essuya le nez avec le revers de sa manche avant de fouiller dans le sac de Brian pour en sortir un des sandwichs et croquer dedans. « 'erci. Okay on y va. » Qu’il dit avant de marcher vers son truck. Le truck de Bebe était rouge. C’était genre le truc le plus voyant, de jour comme de nuit. Brian avait du mal à comprendre comment il avait réussi à pas se le faire voler depuis le temps qu’il trainait dans Oriel, mais surement qu’être l’héritier des Grim’s Bastard aidait un peu. « Attends faut que je récupère mon vélo. » Il sortit ses clés en s’approchant des bornes en métal pour détacher l’antivol et choper sa petite bécane à pédales. Il pourrait le mettre dans le coffre, au pire. « Il est où ton hlm ? j'me demande si on pourra pas y trouver aussi des meubles intéressants pour mon appartement. tu m'aideras à les apporter, hein ? » « Ouip. » « oh, mais si ça dérange pas les fantômes, évidemment. ou les reptiliens. ou les - hm. je sais pas. peu importe ce qui se trouve là. tu crois qu'on devrait acheter une planche de ouija, pour parler avec eux ? j'ai lu dans un article, l'autre jour, que des scientifiques avaient créer une petite machine à mettre sur la tête des chiens pour entendre leurs pensées. ça marcherait peut-être, déposer sur un meuble ou au sol, pour les fantômes. » Une machine pour lire les pensées des chiens ? Ça aurait été marrant de tester ça sur la tête de Boulette. Surement qu’il pensait pas grand-chose, ce greffier. A part emmerder son monde en chiant dans les plantes, alors qu’il avait une litière à 10 mètres.
Bebe avait déjà fini son premier sandwich, il s’emparait déjà du deuxième, et du paquet de chips que Brian avait pris. C’était un gouffre. Il allait surement même pas lui en laisser. Non pas que Brian avait faim, lui. Il avait mangé avant de venir au boulot, et des trucs bien meilleurs que ces sandwichs en plus. Sa canette de DrPepper lui suffisait amplement. Bebe lui, il était plus ou moins boulimique, parce qu’il avalait tout ce qui passait mais ne se faisait pas vomir après. Il engloutissait des kilos de bouffe et restait malgré tout un grand blond avec un corps de rêve. Brian il devait faire attention parce que sinon y’avait des poignées d’amour qui venaient se loger sur ses hanches, pourtant il grignotait beaucoup aussi, mais comme il faisait du vélo ça compensait. « Je pourrais la mettre sur la tête de Dakota, peut-être. » Bebe souffla tout bas, et Brian vit ses traits se tordre avant qu’il ne retrouve son sourire. Il poussa son vélo un peu plus vite pour se retrouver à ses côtés et passa un bras par-dessus ses épaules pour le serrer à son tour contre lui tout en continuant de marcher. « L’immeuble est pas très loin, vers le resto où ma sœur bosse… On peut y aller avec ton camion si tu me laisses mettre mon vélo dans ton coffre… » Ils pouvaient aussi y aller à vélo, bien sûr, Brian connaissait la route par cœur. Bebe pouvait monter sur le porte bagage à l’arrière. Seulement à cette heure tardive, Brian préférait le confort et la sécurité du truck de Bebe. Et puis ça serait plus simple pour le retour. « Et puis tu pourrais me dire ce qui s’est passé avec Dakota, si tu veux. »

Y'a des actes de tendresse, parfois. Des trucs légers qui prennent par surprise et qui lui mettent, une seconde, le coeur en bordel et un peu de buée dans les yeux, le temps qu'un sourire ne se pose sur ses lèvres et que Bebe comprenne ce qui se passe. C'est que, de l'amour, il en a pas eu beaucoup, des gens, petit. C'est que papa est un grand dur et que, par défaut, Bebe devait l'être aussi, et que papa ne sait pas être doux, même s'il voudrait, même s'il a un coeur doux. C'est Polly, la maman de Dakota, qui lui a passé les doigts pour la première fois dans les cheveux, quelques mois après le départ de sa maman. Polly et ses yeux tristes, ses bleus et ses espoirs de petite fille. Elle est rapidement devenue comme une maman. Puis, il y a eu Dakota aussi, à sa manière un peu décousue, qui même en sachant ne pas comment être doux a essayé de l'être un peu parfois Bebe, il aime le doux. Et à ses yeux, y'a rien de plus doux que Dakota et ses gestes maladroits. Au fil des années, les douceurs se sont accentués et Bebe, il les a tous aimé. Il a été surpris par chaque élan d'amour envers lui, et il s'est noyé sans le moindre regret, dans ces élans d'émoi. Parce qu'il aime être aimer. Parce qu'il est tendre, si tendre qu'un simple effleurement lui gonfle le coeur pendant des heures, l'amène sur un nuage et lui fait voir les étoiles.
C'est un peu un élan comme ça qui le prend, quand Brian arrive à côté de lui et passe un bras contre ses épaules pour le presser fort. Si fort que, une seconde, Bebe croit sentir un boom boom contre ses côtes. C'est le coeur du japonais qui appelle le sien. C'est une chanson qu'ils chantent à deux. Becan, il a pas une belle voix, il chante pas comme un dieu, mais son coeur en connait des chansons, toute par coeur, et il aime les chanter avec les autres, dés qu'il en a l'occasion. Y'a une petite surprise, au départ, à chaque fois, mais il rattrape vite la note et il chante avec celui de Brian, son coeur. Ça lui fait du bien, à l'intérieur, malgré tous les bobos sur le coeur.
Le blond ne retient pas son sourire. Il ne retient pas non plus les étoiles dans ses yeux, lorsqu'il les tourne vers son ami et qu'il le dévisage, tandis qu'il parle. Parfois, Brian lui donne envie de l'embrasser. C'est pas des bisous d'amour. Enfin si, il l'aime. Mais pas comme il aime Dakota. Peut-être que Bebe aime plus les gens qu'il ne devrait, ou alors qu'il veut leur montrer son affection avec les gestes, comme il y a pas eu droit, gamin. Il se dit parfois qu'il a peut-être brisé des coeurs, à embrasser sur les lèvres quand il fallait pas. La boîte du camion est vide, tu peux. Elle est souvent pleine, la boîte. De trucs qu'il trouve sur la route comme de couvertures ou alors, de stupidités que Bebe traîne. Le camion a souvent été sa maison après tout. Ça lui fait encore bizarre de se dire qu'il vit avec Thalia, maintenant, et qu'il n'a plus besoin d'alterner entre les canapés des potes, la banquette du camion ou la plage, lorsqu'il n'a pas envie d'aller chez Bill. Son père lui manque un peu, parfois, mais retourner à la maison, ça serait se prendre des souvenirs de Dakota plein la gueule et il ne se voit pas pleurer devant son père.
La grimace traverse ses lèvres, quand Brian parle de Dakota. Bebe hausse des épaules comme s'il ne voulait pas en parler mais il va parler. Il le sait. Il a envie d'hurler, de pleurer, de rire et aussi, d'oublier. Son regard tourne encore vers Brian et il soupire. C'est un idiot. qu'il se contente de dire. Parce que y'a pas d'autres explications que ça. Dakota est idiot ou alors, Becan va mourir de tristesse. Il a pas le choix de se trouver un cerveau et de revenir. Si ?
Il soupire encore, arrivé au camion. Le blond se déloge de l'emprise de son ami pour lui prendre le vélo des mains et le mettre dans le camion en faisant attention, autant pour le vélo que pour le camion. Le véhicule est un peu vieux, mais son rouge pompier est toujours beau et avec l'amour de Reyn, il roule plutôt bien. On est parfait, tu comprends ? On est vraiment vraiment parfait. Parfaitement imparfaits. Parce que je le suis pas, parfait, et Dakota non plus, même si souvent pour moi, il l'est. Mais il l'est parce qu'il l'est pas, tu vois ? et je - Les mots se bloquent et Bebe, il fixe les clés, dans ses mains, et pince ses lèvres. Une moue les traverse et il retient l'élan de tristesse. Je l'aime tu sais ? Fort fort. Ça fait mal, souvent, mais du bien en même temps. Et - j'ai longtemps cru que, tu vois, l'âme soeur et tout ça, c'est le paradis. Mais y'a toujours eu Dakota. Mais j'me disais non non, l'âme soeur, Becan. Y'a l'âme soeur pour toi. Mais y'avait toujours eu Dakota et j'me disais, wow, et puis il est parti, et j'ai - et on s'est mis ensemble et puis j'étais heureux heureux si fort et j'ai appris qu'on l'était, âme soeur, comme dans les films, tu vois ? Mais j,ai pas dit. Il lève les yeux vers Brian et lui adresse un sourire heureux, un sourire malheureux. Quelque chose à demi brisé. Et j'ai pas dit. Et ça faisait six mois. Et on a enfin baiser, et je l'ai dit. Et il a rompu. Voilà. On y va ? Le sourire grandit, Bebe détourne les yeux et contourne le camion rouge, vite, et se glisse derrière le volant. La porte claque un peu fort. Elle étouffe un sanglot. Il pose ses mains contre le volant, inspire et chouine, un peu.
Il a encore faim, mais ça serait triste de manger des chips un peu mouillés par ses larmes salées.