(#1) sydsyn + so much to lose, i'm losing my mind

Il est presque vingt-trois heures quand Tamsyn range enfin ses papiers, et rebouche son stylo avec un énorme soupir. « Merde, merde, merde. » Son assistante, Arizona, est partie depuis quatre heures déjà, et Tamsyn a vu l’open space en face de son bureau devenir de plus en plus obscur à mesure que tout le monde rentrait pour la soirée. Elle s’était promis de finir à vingt heures. Et puis les minutes se sont transformées en quarts d’heures, en demi-heures, puis en heures sans qu’elle s’en rende vraiment compte. Elle avait de la paperasse - beaucoup de paperasse - en retard à cause d’une merde qui lui est tombé sur les épaules deux jours auparavant : l’un des acteurs représentés par high hopes s’est violemment disputé avec son réalisateur sur le tournage d’un film prévu pour l’automne. Il a fallu temporiser, faire preuve de patience et de diplomatie, et surtout, consacrer du temps. Du temps qu’elle n’avait pas.
Il est presque vingt-trois heures, et elle se déteste, parce qu’elle avait promis à Sydney qu’elle descendrait le voir en début de soirée pour écouter la démo d’un de leurs artistes et commencer à parler de l’anniversaire de la boîte, qui arrive à grands pas. Elle l’a tenu informé de son avancement avec quelques sms, tous plus désolés les uns que les autres. Il sait ce que c’est, bien sûr, mais Tamsyn s’en veut de l’avoir fait attendre comme ça. Ça arrive beaucoup trop, depuis quelques temps. C’est presque systématique même. Elle est toujours en retard, ou est obligée d’annuler leurs déjeuners au dernier moment parce qu’un rendez-vous important lui tombe sur le coin du nez. Les rares fois où elle peut enfin trouver du temps pour lui, c’est lui qui ne peut pas, parce qu’un artiste a débarqué à l’improviste, ou que les enregistrements s’étirent en longueur et qu’il ne peut pas quitter le studio.
Dés que ses papiers sont organisés et les lumières du bureau éteintes, elle traverse les couloirs au pas de course, volant au passage un paquet de bonbons sur le bureau d’Arizona (elle lui en rachètera un, ou elle fera en sorte que quelqu’un aille lui en acheter un). L’immeuble tout entier est plongé dans la pénombre, à l’exception de quelques couloirs ici et là, où la lumière se déclenche quand elle traverse. L’ascenseur lui semble plus lent que d’habitude, et elle se reprend à jurer face à son reflet, tandis que la machine l’emmène au bon étage. « Movies fuckin’ lie. » dit-elle entre ses dents, en essayant d’arranger ses cheveux. Elle ressemble à un épouvantail : il va vraiment falloir qu’elle explique aux scénaristes qu’être chef d’entreprise ne veut pas dire être impeccable en toutes circonstances.
Quand elle arrive devant la porte du studio de Sydney, elle toussote pour s’éclaircir la gorge, avant de frapper selon un rythme bien défini - il saura immédiatement que c’est elle. « Je suis désolée. Je suis désolée. Je suis désolée. » dit-elle derrière la porte. « Je suis un horrible personnage. On peut annuler si tu veux, je t’en voudrai pas si tu veux rentrer. » dit-elle, le front contre la porte qui ne s’ouvre pas. « Je suis vraiment, vraiment désolée. » Elle se frappe légèrement le front contre la peinture récente, et prend une voix un peu hésitante. « J’ai des bonbons ? C’est bon les bonbons. Il parait que ça apaise les colères et les déceptions. Je peux commander des pizzas sinon. Ou n’importe quoi. Je ferai ce que tu veux pour me faire pardonner. » Et là, quelque chose lui traverse l’esprit : peut-être qu’il est déjà parti ? Et qu’elle parle, désespérée, à une pièce vide ? Elle l’aurait bien mérité, après toutes ces heures d’attente. Elle ne lui en voudrait même pas d’être parti.

La vie de chef d’entreprise était pleine de rebondissements. Non pas que Syd s’en plaigne, au contraire. Il vivait une vie rêvée ou presque et avait eu la chance de pouvoir lier sa passion à son métier, métier qui lui avait rapporté bien plus qu’il n’aurait pu l’imaginer, et pas seulement financièrement parlant. Néanmoins, les journées étaient longues, les heures supplémentaires un concept abstrait puisque la moitié du temps de travail étaient des heures supplémentaires, le stress était intense et il était souvent nécessaire de faire des pauses et de s’éloigner de toute cette atmosphère même si ce n’était pas toujours possible.
C’était aussi pour ça que Syd avait décidé de retourner vivre en colocation avec son cousin et les autres. Retourner là bas permettait à Syd de réellement mettre fin à sa journée de travail et de ne plus y penser. Il n’avait simplement pas d’autres choix puisque la vie en communauté faisait que quelqu’un avait quelque chose à raconter, quelque chose à faire ou besoin de conseils divers en tout temps. Avant, lorsque Syd habitait seul dans un appartement beaucoup trop grand et luxueux pour lui, les journée de travail n’avaient pas de fin. Il rentrait dans le silence pesant de son appartement et se sentait obligé de travailler pour oublier que la seule compagnie qu’il avait était son verre de vin rouge.

Le prix à payer de vivre en colocation cependant, était qu’il passait plus de temps au studio. Il n’aimait pas partir au milieu d’une tâche non terminée et refusait ainsi de partir tant qu’il n’avait pas terminé ce qu’il était en train de faire, même si cela se terminait au beau milieu de la nuit. Aujourd’hui Syd avait fini relativement tôt, et pourtant il était toujours à son bureau à bientôt vingt-trois heures. Cependant aujourd’hui, ce n’était pas vraiment de sa faute, puisqu’il attendait Tamsyn afin de discuter de certaines choses. Les minutes passaient lentement lorsqu’on n’a rien à faire, mais Syd ne voulait pas se lancer dans quelque choses, de peur de tomber dans l’éternel cercle vicieux qui mènerait sans doute à un énième déplacement de leur rendez-vous officieux.

C’est pourquoi il avait décidé de se rendre utile, et surtout de joindre l’utile à l’agréable en quittant son bureau afin de fumer une -ou dix, qui sait- cigarette et de trouver un endroit où il pourrait leur acheter quelque chose à manger. Il se doutait que Tamsyn aurait sans doute faim, puisqu’elle était typiquement le genre de personne à oublier de manger.

Il ne fut pas surpris de voir Tamsyn devant sa porte, le front collé à celle-ci et l’air dépité alors qu’elle semblait parler à un rythme soutenu. Il ne pouvait pas entendre ce qu’elle disait à cette distance mais pouvait imaginer qu’il s’agissait d’excuses. Il aurait peut-être dû laisser la porte de son studio ouverte, afin qu’elle puisse y rentrer. Il n’y avait pas de risques d’intrusion d’autres personnes puisque l’immeuble était complètement vide à cette heure-ci. Mais il devait avouer que la scène était assez comique à voir.

Il s’approcha le plus doucement possible, l’opportunité de lui faire peur étant difficile à résister, mais il n’était pas sûr de vouloir subir les foudres de la jeune femme et était presque certains qu’il lui ferait sursauter quoi qu’il arrive. Il choisit finalement de poser une main sur son épaule afin de lui signifier sa présence.

« Hey Tammy » dit-il en la faisant pivoter afin qu’elle lui fasse face. « T’inquiètes pas pour le retard, j’ai eu le temps de sortir nous prendre à manger du coup ! » Il leur ouvrit ensuite la porte de son studio et se dirigea vers son bureau. « Je t’ai pris les nouilles sautées du resto que t’aimes bien, j’espère que ça te va. Pause bouffe et on se met aux choses sérieuses après ? »

Elle a l’impression d’être une déception constante, et elle a horreur de ça. Tamsyn, elle n’échoue pas beaucoup dans la vie - surtout sur le plan professionnel. Mais plus le temps passe, plus elle a l’impression qu’elle est en train de tout rater d’un point de vue personnel. Ce n’est pas assez grave pour qu’elle s’en inquiète vraiment - du moins pour l’instant - mais suffisamment pour que ça la tracasse de temps en temps, comme ce soir, alors qu’elle est plantée devant la porte bel et bien fermée de Sydney. Elle continue de se frapper le front contre la porte, comme si ça pouvait changer quoi que ce soit, et s’apprête à sortir son portable pour lui envoyer un énième sms désolé, et lui demander où il est quand une main se pose sur son épaule. « Hey Tammy » Elle offre un énorme sourire soulagé à son associé, en pivotant. Il est bien là, il n’est pas parti, il n’était pas assez en colère pour tout envoyer balader. Elle a l’impression qu’un poids s’élève de sa poitrine, tout à coup. « T’inquiètes pas pour le retard, j’ai eu le temps de sortir nous prendre à manger du coup ! » Tamsyn ouvre légèrement la bouche, surprise. Il est allé leur chercher à manger. Elle regarde le sac qu’il a entre les mains tandis qu’il ouvre son studio, et suit son dos du regard quand il va s’installer à son bureau. Non seulement il n’est pas en colère, mais en plus, il est allé leur chercher à manger. Tamsyn est partagée entre le soulagement et la honte, maintenant. Elle ne mérite clairement pas qu’il soit aussi sympa avec elle. Elle ne le mérite clairement pas lui, avec toute sa patience et sa bienveillance. « Je t’ai pris les nouilles sautées du resto que t’aimes bien, j’espère que ça te va. Pause bouffe et on se met aux choses sérieuses après ? » « … D’accord. Je… Merci. » Tamsyn referme la porte derrière elle, et vient se recroqueviller sur la chaise en face de lui, les coudes posés sur le bureau, son menton dans ses paumes. Elle le fixe tandis qu’il sort les plats du sac, incrédule. Il relève les yeux - il a probablement senti son regard - et elle soupire. « Je t’en supplie, apprends-moi la patience. Apprends-moi la patience et apprends-moi à être la meilleure amie du monde. » Elle relâche son menton et pose sa joue contre le bureau, crevée. « T’es le roi de ces choses là. Parfois j’aimerais être toi. » dit-elle autant pour lui que pour elle-même. Quand elle se redresse, elle attrape le plat de nouilles sautées et hume l’odeur savoureuse qui s’en dégage. « Je me sens déjà mieux. Je te revaudrai ça, promis. » Elle attrape des baguettes et s’attaque au plat sans attendre, se rendant compte qu’elle n’a pas mangé depuis ce midi et qu’elle est affamée.
« T’as pu voir les clauses de confidentialité avec les musiciens, du coup, tout à l’heure ? Il me semble que-- » dit-elle sans trop réfléchir avant de s’interrompre, en lâchant ses baguettes, et en lançant un regard désolé à Syd. « Je suis désolée. On a dit pause bouffe. » Et c’est là qu’elle se rend compte que ça fait longtemps qu’ils n’ont pas partagé ce genre de moments. Très longtemps, même. Elle a beau chercher dans ses souvenirs, elle a du mal à trouver la date de leur dernier déjeuner qui n’ait pas eu trait à quelque chose de professionnel. Ça fait longtemps qu’ils n’ont pas vraiment discuté. « Je suis désolée que tu m’aies attendue, aussi. Je risque de le répéter beaucoup ce soir, t’es prévenu. » Elle prend une bouchée de nouilles. Pendant quelque secondes, elle essaie de remettre son cerveau en mode normal, de se rappeler ce qu’on dit quand on déjeune avec des gens qu’on aime. Tamsyn a presque oublié - et ce n’est pas qu’avec Sydney, ça lui arrive avec sa mère aussi. « Comment tu vas ? Tu t’es réhabitué à l’appart d’Oriel ? » demande-t-elle finalement, un peu hésitante. Elle a l’impression de lui sortir une conversation bateau, pourrie, sans saveur. Elle est devenue tellement nulle pour ces trucs-là. Même avec ceux qui comptent le plus.

Etrangement, Syd apprécie la surprise sur son visage, le fait qu’il la laisse sans voix. C’est pourtant assez anodin mais la satisfaction qu’il en tire est grande, peut être trop grande même. C’est un sentiment qui le laisse confus lui aussi, ignorant des raisons qui le pousse à être ainsi. Pourtant les signes ne trompent pas, son coeur épris de fierté, le sourire qu’il ne peut s’empêcher d'arborer. Peut-être qu’il apprécie juste d’aider les gens, après tout, c’est dans sa nature, ça doit donc être cela.
Il prend les remerciements de la jeune fille d’un simple « pas de quoi, c’est normal », se refusant à penser que ses paroles sont trop enthousiastes pour ce qu’il a fait, et qu’il ne mérite pas tant.
« Je t’en supplie, apprends-moi la patience. Apprends-moi la patience et apprends-moi à être la meilleure amie du monde. »
« Tu l’es déjà, t’as rien à apprendre. » Les paroles sont véridiques. Leur amitié a traversé le temps et l’espace, elle semble parfois trop grande pour lui, trop importante. Même s’ils se sont parfois éloignés, étant tout deux trop occupés, trop distraits, Syd savait qu’elle serait toujours là s’il en avait besoin, et cette pensée suffisait à le rassurer.
« Et si t’étais patiente, ce serait pas vraiment Tammy non ? »
Il voit la jeune fille s’attaquer ensuite à son plat et fait de même, savourant le simple fait de pouvoir manger en bonne compagnie et pas comme il en a l’habitude, seul en compagnie de son ordinateur et du dernier son qu’il écoute et décortique. Il n’avait pas non plus réalisé à quel point il avait dû attendre depuis son dernier repas, pris par le travail, on oublie souvent ce genre de chose et l’estomac se nourrit de caféine et de chewing gum. Syd entend mais n’écoute pas les mots qui sortent de sa bouche, son cerveau étant bien décidé à faire barrage à tout ce qui concerne le travail, du moins pour l’instant. La jeune fille s’excuse et s’excuse encore.
« Je suis désolée que tu m’aies attendue, aussi. Je risque de le répéter beaucoup ce soir, t’es prévenu. »
« T’inquiètes pas, j’avais des choses à terminer moi aussi. », le semi-mensonge sortant de sa bouche comme si ça ne pouvait être que la vérité. « Et je te répéterai autant de fois qu’il le faut que c’est pas grave. » Et c’était vrai, Syd était quelqu’un d’assez patient par nature, et Tamsyn avait ce quelque chose qui faisait qu’il ne pouvait jamais vraiment être en colère contre elle, même lorsqu’il y avait de bonnes raisons. Ca n’était d’ailleurs pas arrivé souvent et le fait de la voir triste faisait généralement passer tout ressentiment.

« Comment tu vas ? Tu t’es réhabitué à l’appart d’Oriel ? » la question était un peu étrange, surtout pour eux. C’était le genre de question que l’on posait à quelqu’un que l’on ne connaissait pas bien ou qu’on avait pas vu depuis longtemps. Dans un sens, c’était ça pour eux, malgré leur proximité géographique, il n’avait pas pu échanger des banalités depuis un long moment.
« Je vais bien. Et oui, c’est un peu le chaos, c’est beaucoup moins calme que dans mon souvenir mais c’est une bonne chose, ça me force à pas rester trop dans mes pensées. » Il savait qu’il n’avait pas besoin de détailler les choses avec elle, elle était définitivement dans le top 3 des personnes qui le connaissaient très voire trop bien, et elle avait même peut être la première place. Elle savait et comprenait donc que Syd avait parfois besoin d’être distrait, pour ne pas penser et repenser et rerepenser à toutes les choses qu’il avait à faire, ou à celles qu’il avait déjà faites.
« Et ça fait aussi du bien de redescendre un peu sur terre, de pas être tout le temps dans ce milieu et de côtoyer des gens un peu plus … normaux ». Le choix de mot n’était sans doute pas le meilleur. « Tu vois ce que je veux dire non ? » Il continua. « Et toi, ça va ? Comment va ta m-.» Il fut distrait par le luminaire du plafond, qui vacilla légèrement. « Comment va ta mère ? Ca fait longtemps que je l’ai pas vue. »

« Tu l’es déjà, t’as rien à apprendre. » Les mots l’arrêtent un peu dans son élan, alors qu’elle est en train d’ouvrir son plat - comment peut-il être aussi bienveillant ? Elle lève les yeux au ciel. Elle est loin d’être la meilleure amie du monde - bien, bien loin. Pourquoi Sydney ne peut-il pas s’empêcher de la préserver malgré tout, elle n’en a aucune idée. Il lui paraît impossible qu’il puisse sincèrement penser ce qu’il dit : elle est constamment absente, elle a l’impression de tout louper dans sa vie, et ça fait des mois qu’ils n’ont pas passé une vraie soirée ensemble qui ne soit pas entachée par le boulot. « Et si t’étais patiente, ce serait pas vraiment Tammy non ? » Elle penche un peu la tête sur le côté, et esquisse un sourire en coin. Pas faux… Si elle était patiente, ils ne seraient aussi pas autant complémentaires, alors au final, ce n’est pas si grave, qu’elle soit si impatiente. Syd est toujours là pour contrebalancer, et il sera toujours là.
Elle se confond en excuses dés qu’elle le peut, incapable de se débarrasser de l’impression de l’avoir abandonné. Elle espère qu’il ne croit pas qu’elle l’a fait exprès, ce serait pire que tout. C’est vrai, que ces derniers temps, elle donne l’impression de ne pas avoir envie de passer du temps avec lui - mais ce n’est vraiment, vraiment, pas sa faute. Ça la fait flipper, qu’il puisse penser le contraire. Mais comme toujours, il trouve le moyen de la rassurer en quelques mots, avec sa voix aux nuances chaleureuses. « T’inquiètes pas, j’avais des choses à terminer moi aussi. Et je te répéterai autant de fois qu’il le faut que c’est pas grave. » Parfois, Tamsyn se demande s’il est humain. Et elle se demande, aussi, si c’est normal d’être toujours surprise par son caractère (qu’elle connaît pourtant très bien, trop bien) après plus de dix ans d’amitié.
« Je vais bien. Et oui, c’est un peu le chaos, c’est beaucoup moins calme que dans mon souvenir mais c’est une bonne chose, ça me force à pas rester trop dans mes pensées. » Tamsyn acquiesce. Je suis contente que tu sois retourné vivre avec les gars. dit-elle simplement. Elle sait qui il est, et sait à quel point la solitude est un enfer pour un esprit brillant et aussi lucide que le sien. Ça la rassure, de le savoir avec ses amis, plutôt que tout seul dans son ancien appart. Combien de fois ça l’a démangée, quand il habitait là-bas, d’aller frapper à sa porte pour voir si tout allait bien ? Elle ne l’a jamais fait, pourtant. C’est probablement l’une de ses très nombreuses erreurs de meilleure amie indigne. En tous cas, elle compte sur Isaiah, Yohan et Aedhan pour lui faire profiter de ses soirées. Il espère qu’il a retrouvé un semblant de vie sociale - pas comme elle. « Et ça fait aussi du bien de redescendre un peu sur terre, de pas être tout le temps dans ce milieu et de côtoyer des gens un peu plus … normaux » Elle soupire, signe qu’elle comprend parfaitement ce qu’il veut dire. Elle n’en peut plus des attachés de presse exigeants, des concurrents démoralisants et des artistes qui prennent pour acquis qu’elle connaît toute leur filmographie ou discographie par coeur. Ça lui manque, à elle aussi. Mais en dehors de sa mère, elle ne peut pas vraiment dire qu’elle fréquente des gens extérieurs au milieu. Parfois, elle regrette de ne pas avoir des amis de longue date, comme lui.
« Et toi, ça va ? Comment va ta m-.» Elle suit son regard vers le luminaire qui vacille, mais hausse les épaules. Probablement l’équipe de ménage, ou un technicien. « Comment va ta mère ? Ca fait longtemps que je l’ai pas vue. » Oh, tu sais, elle va b--- Elle se stoppe net, lâche ses baguettes. merde, maman. Je devais lui envoyer un message pour lui dire que je rentrais pas chez elle ce soir… J’ai oublié. J’ai laissé mon tel en bas. Elle se frappe le visage. Je suis tellement DÉBILE Elle lui envoie un air désolé. Je vais juste chercher mon tel en bas, j’en ai pour 5mn. Ma mère va me tuer. Quand on l’entend parler comme ça, on pourrait oublier qu’elle a 26 ans.
Elle se lève et sprinte jusqu’à l’ascenseur. Non seulement elle est une amie indigne, mais elle est aussi une fille indigne. Elle appelle, en appuyant sur le bouton, mais celui-ci ne s’allume même pas. Elle réessaie - peut-être qu’elle n’a pas appuyé assez fort. Au bout du quatrième essai, cependant, elle fronce les sourcils. SYD? appelle-t-elle dans le couloir, certaine qu’il pourra l’entendre parce qu’elle a laissé la porte ouverte. C’est normal que l’ascenseur vienne pas?

« Je suis contente que tu sois retourné vivre avec les gars. » C’est au tour de Syd d'acquiescer. Tammy le connaît assez bien pour le comprendre sans qu’il n’est besoin de tout développer et c’est sans doute évident aux yeux de tous, à quel point il est plus heureux, maintenant qu’il est de retour avec eux, presque comme s’il avait tout ce qui lui fallait dans la vie. C’est une chose qui le travaille beaucoup depuis quelques temps, cette idée de complétion dans la vie, d’avoir tout ce qu’il lui fait. Syd est conscient de ce qu’on attend de lui et également de la façon dont il est perçu socialement, sa carrière est extraordinaire, il a des amis qui le soutienne, il revient de loin et aurait pu finir dans une situation bien plus délicate que celle-ci, il n’est pas ingrat, il est juste réaliste. Malgré tout cela, il sait que le temps fait son affaire, qu’il atteindra les trente ans bien trop rapidement et que le monde dans lequel il vit cherche à lui rappeler qu’il n’est pas complet, parce qu’il lui manque son âme-soeur, la seule chose qui pourra remplir le vide qui reste en lui. Et Syd ne peut pas nier les faits, il ne peut pas nier le fait que ses relations passées sont exactement cela, passées, pour bien des raisons mais aussi peut-être parce qu’au fond cette histoire d’âme-soeur n’est pas si tirée par les cheveux que cela.

La panique apparente chez Tamsyn le fait sortir de ses contemplations, et avant même qu’il ne puisse réellement comprendre l’objet de sa panique, la voilà partie en dehors du studio. Syd reste là, jugeant qu’il peut attendre le retour de son amie, qu’elle n’a pas besoin de lui cette fois-ci. Le silence est cependant interrompu après quelques minutes par la voix de Tammy qui l’appelle, puis « C’est normal que l’ascenseur vienne pas ? ».
Il doit prendre quelques secondes pour assimiler l’information et de rejoindre son amie devant l’objet du délit.

C’est pas normal non, marmonne-t-il avant d’appuyer à son tour sur le bouton de l’ascenseur. Il sait que c’est stupide et que Tammy l’a sans doute fait une dizaine de fois avant lui, mais l’humain a besoin de vérifier, de voir, pour être sûr. L’ascenseur ne vient vraiment pas.

Okay t’inquiètes pas, on va trouver une solution, okay ? il répète ce mot, comme une sorte de persuasion pour lui-même mais surtout pour elle. Il peut voir dans son regard la panique qui s’installe et pose ses mains sur ses épaules, dans un geste qui se veut rassurant.

Pourtant Tamsyn a des raisons de paniquer, ils se trouvent au dernier étage de l’immeuble, étage qui n’est accessible que par ascenseur, la cage d’escalier présente ne menant qu’au toit, ce qui ne leur servirait pas à grand chose.

Tout va bien, on a à boire, on a à manger et je suis certain qu’on peut trouver de quoi se faire un endroit pour dormir. Tu dis toujours que tu veux essayer de faire du camping, bah voilà, c’est le moment, du camping, mais en intérieur.

Il essaie de lui lancer un sourire enjoué, essayant de transmettre un maximum d’ondes positives à la jeune femme. Il n’y a pas de réelles raisons de paniquer, au pire des cas, on les retrouvera le lendemain matin, ou le surlendemain, le dimanche étant un jour de repos collectif.


On va chercher des trucs okay, dit-il avant de lui prendre la main pour l'entraîner vers un des placards de l’étage, jugeant qu’il ne fallait sans doute mieux pas se séparer, juste au cas où.
Le placard en question est rempli de tout et n’importe quoi, mais ce fouilli regorge de choses utiles dans leur situation, notamment deux couvertures, que Syd s’empresse de prendre et de passer à Tammy. En continuant de fouiller, il fait une découverte qui le fait rire : une bouteille de whiskey.

Faut vraiment qu’on dise à Joel d’arrêter de boire au boulot, lance-t-il à son amie en lui montrant sa trouvaille.  

Il peut voir du coin de l’oeil un des néons vaciller de nouveau, ils ont intérêt à trouver des bougies.

Et bien sûr, parce qu’elle ne supporte pas d’attendre, Tamsyn appuie frénétiquement sur le bouton de l’ascenseur, comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Les secondes semblent éternelles - et elle se fait déjà mille scénarios dans un coin de sa tête, tous plus déplaisants les uns que les autres. Et s’ils étaient coincés là ? Non. C’est impossible. Elle a plein de trucs à finir, il fait déjà nuit… Les employés de la technique et de la sécurité vont bien pouvoir les aider. Il le faut. Pas le choix. Sydney arrive derrière elle avec son calme légendaire. C’est pas normal non. Bien sûr, ça ne résulte qu’en un peu plus de frustration de la part de Tamsyn. Si même Sydney ne trouve pas ça normal, ce n’est pas bon. Elle continue d’appuyer sur le bouton quand il a fait son essai - bien évidemment.
Okay t’inquiètes pas, on va trouver une solution, okay ? Elle cesse ses appels frénétiques à l’ascenseur, mais ne peut pas s’empêcher d’être un peu angoissée. Elle aime pas être enfermée, Tamsyn - raison pour laquelle elle déteste les journées qui l’obligent à rester au bureau. Ce qu’elle aime, c’est se déplacer d’un tournage à l’autre, aller faire signer des contrats à l’autre bout de la ville, pouvoir choper un café dans n’importe quel coin de Central City… Alors rester coincée, sur son lieu de travail en plus de ça ? La dernière fois qu’elle a été vraiment coincée quelque part, c’était en février, quand après un tremblement de terre, elle a passé quelques heures sous les débris avec Luna. L’une des pires expériences de sa vie - et les mauvais souvenirs lui reviennent forcément en tête, même si ce n’est bien sûr pas du tout la même situation. Visiblement, Sydney sent son angoisse. Tout va bien, on a à boire, on a à manger et je suis certain qu’on peut trouver de quoi se faire un endroit pour dormir. Tu dis toujours que tu veux essayer de faire du camping, bah voilà, c’est le moment, du camping, mais en intérieur. Elle pince un peu les lèvres, pas super convaincue, mais reconnaissante qu’il essaie de dédramatiser la situation. Il est tellement calme, Tamsyn ne trouve pas une once d’inquiétude dans ses yeux. Encore une fois, elle pense : est-il vraiment humain?. Ouais. Peut-être qu’ils devraient appeler la sécurité, non ? On va chercher des trucs okay Non, pas d’appel à la sécurité, donc ? De toute manière, elle n’a pas de téléphone. Syd en a un, il pourrait appeler en bas, s’il voulait.
Tamsyn a comme l’impression qu’il n’y a même pas pensé. Quelque chose lui dit que c’est parce que l’idée d’être obligés de passer enfin un peu de temps ensemble a complètement éclipsé le reste - que ce soit subconscient ou non. Elle peut pas lui en vouloir. C’est pas faux, que c’est une bonne occasion. Alors au lieu d’insister pour régler la situation, elle le laisse prendre sa main et le suit jusqu’au placard. Peut-être que c’est l’occasion, oui. Ça lui donne une excuse pour mettre ses mails et ses appels de côté. Pourquoi pas, finalement ? Elle décide de jouer le jeu. De toute manière, rien ne dit que la sécurité puisse faire quoi que ce soit pour eux.
Ils fouillent dans le placard, trouvent des couvertures, une lampe torche… Une bouteille de whiskey. Tamsyn lâche un what the fuck en voyant Sydney la brandir hors du placard. Faut vraiment qu’on dise à Joel d’arrêter de boire au boulot Elle soupire, lève les yeux au ciel, et la lui prend des mains. Je veux pas encourager l’alcoolisme, hein… Mais on sait tous les deux qu’il n’est jamais aussi brillant que quand il a un petit coup dans le nez. Puis elle hausse les épaules. Et puis… Peut-être qu’on finira par le remercier de l’avoir mise là, après quelques heures coincés ici. Elle lâche un petit rire, pose la bouteille par terre le temps de fouiller un peu plus. Elle finit par trouver une casquette - du merchandising de l’un de leurs artistes. Bien sûr, elle se retourne pour la mettre sur la tête de Syd. Pas mal… juge-t-elle avec un sourire en coin. Une fois qu’ils ont dépouillé le placard de tous les objets qui les intéressaient, ils retournent dans le bureau de Syd, et Tamsyn a presque déjà oublié son angoisse d’il y a dix minutes. Tu sais quoi ? Y’a pas assez de fenêtres dans ton bureau. Faut qu’on se trouve une pièce qui donne vraiment sur l’extérieur. Oh! Et emmène ta base pour qu’on puisse mettre de la musique. Comment ça, elle se prend vraiment au jeu ? Elle réalise qu’ils ont accès au toit seulement à ce moment-là. hey… Il n’aura pas de mal à voir la petite étincelle dans ses yeux qui veut dire : j’ai une idée! Tu penses qu’il fait trop froid pour aller sur le toit ? Elle baisse les yeux sur leurs plats tout juste commencés, sur la bouteille de whiskey… Pique-nique sur le toit, c’est pas une super idée ? Elle sourit, ses yeux supplient presque. Et juste comme ça, la gamine a repris le dessus sur la directrice générale. Faut juste que tu me promettes de pas casser la porte, histoire qu’on reste pas coincés dehors… dit-elle pour l’embêter, malicieuse.

Sydney peut clairement voir que Tamsyn se laisse plus aller au fur et à mesure de leur recherches dans le bâtiment. Il sait que ce n’est pas facile pour elle, quelqu’un qui a toujours le contrôle et qui est toujours en pleine possession de ses moyens et de ce qu’il se passe dans sa vie. Se retrouver dans une telle situation, où elle doit laisser faire les choses et juste attendre doit être insupportable pour elle. Syd est plus calme, plus à même de relativiser et de voir que cette situation n’est pas la fin du monde. On les retrouvera tôt ou tard s’ils n’arrivent pas à sortir par eux-même et cela fera une bonne histoire à raconter à leurs employés, de voir que les boss se sont retrouvés pris au piège dans leur propre building. C’est pourquoi il essaie de la rassurer de ses gestes et de ses paroles et de tourner cette expérience en un bon souvenirs plutôt qu’un autre désastre à ajouter à la liste.

Il peut voir qu’elle se prête en effet au jeu et fouille avec lui dans le placard.
« Je veux pas encourager l’alcoolisme, hein… Mais on sait tous les deux qu’il n’est jamais aussi brillant que quand il a un petit coup dans le nez. Et puis… Peut-être qu’on finira par le remercier de l’avoir mise là, après quelques heures coincés ici. »

Sydney ne peut s’empêcher de rire à sa réponse, et elle n’a franchement pas tord.

Pas faux, je pense qu’il nous en voudra pas d’entamer la bouteille !

Ils continuent à fouiller l’endroit, Syd découvrant également un sachet de bonbons bien entamés, quelqu’un passait sans doute souvent dans ce placard pour leur petite pause bouffe. Il senti ensuite un objet posé sur sa tête et se retourna pour voir son amie tout sourire, fière de sa boutade. Il prit alors la pause, comme le faisaient souvent les artistes avec lesquels ils travaillaient, ne pouvant réprimer la satisfaction du compliment qui s’échappa des lèvres de Tamsyn.

Il contempla leurs options une fois revenus dans son bureau. Ils n’avaient vraiment pas beaucoup de choix et le studio de Syd semblait être le meilleur endroit pour camper. S’ils s’embêtaient vraiment, ils pourraient même faire un cache-cache dans tout l’étage, comme les enfants qu’ils n’étaient plus mais qu’ils auraient parfois aimé être. Il sorti de ses pensées à l’appel de sa collègue.

« Tu sais quoi ? Y’a pas assez de fenêtres dans ton bureau. Faut qu’on se trouve une pièce qui donne vraiment sur l’extérieur. Oh! Et emmène ta base pour qu’on puisse mettre de la musique. »

Ce n’était pas totalement faux, son bureau n’ayant qu’une petite fenêtre une et porte de verre donnant vers le couloir. Cela ne le dérangeait pas habituellement, mais coincés ici dans un building, il pouvait comprendre pourquoi Tamsyn cherchait à voir l’extérieur. Et il pouvait aussi voir les méninges qui travaillaient et l’idée qui s’insinua dans son esprit avant même qu’elle ne le lui dise;

« Tu penses qu’il fait trop froid pour aller sur le toit ? »
La partie raisonnable de lui avait vraiment envie de lui dire oui, de prendre les températures extérieures comme excuse pour éviter de risquer de tomber ou de rester enfermés sur le toit cette fois-ci. Mais la joie et l’excitation présente sur le visage de Tammy le laissaient complètement bouche bée. Il n’avait vraiment pas le coeur de lui dire non et les responsabilités et le sérieux pouvaient attendre le lendemain.

On a les couvertures. dit-il finalement avec un haussement d’épaule, ainsi signifiant son accord à la jeune femme.

« Pique-nique sur le toit, c’est pas une super idée ? »  Ça semblait en effet très tentant. « Faut juste que tu me promettes de pas casser la porte, histoire qu’on reste pas coincés dehors… »

Il s’attela à la tâche de prendre leurs repas en main, ainsi que les couvertures, laissant à la jeune femme le soin de prendre le reste.


Je peux rien promettre, tu sais comment je suis.
Il emporta tout de même son agrafeuse en main avant de se diriger vers les escaliers qui menaient au toit. Une fois arrivés là-haut, il ouvrit la porte, laissa passer son acolyte et sortit à son tour, en prenant soin de mettre l’objet en tant que cale-porte temporaire.


Là, si on reste coincés dehors c’est qu’on a vraiment pas de chance.

Le toit était vite de toute présence humaine ou d’objets et Syd ne put s’empêcher de frissonner tandis que la brise fraiche des hauteurs de la ville parcouraient ses bras.
Il déposa une des couvertures sur le sol et s’y assis, tapotant de sa main la place à côté de lui afin que Tamsyn l’y rejoigne.


Hey, tu sais, même si on reste coincés là pour toujours, je suis content que ce soit avec toi.

Il faisait rarement preuve d’affection, en tout cas il ne l’exprimait pas beaucoup mais ici et là, en bonne compagnie et les étoiles du ciel d’Altea dans son champ de vision, il n’y avait sans doute pas meilleur endroit pour passer sa soirée.

Je peux rien promettre, tu sais comment je suis. Tamsyn soupire et lève les yeux au ciel. Oui, ça, je sais. Elle ricane un peu en en attrapant le reste des affaires et en s’élançant derrière lui dans le couloir. Dehors, il fait plus frais que ce qu’elle pensait. Quand on marche dans les rues de Central City, il fait toujours trop chaud : l’activité humaine réchauffe la ville à outrance. Tamsyn oublie souvent que la chaleur de la capitale altéanne n’est pas complètement naturelle. Ça fait du bien, cette petite brise fraîche. Derrière elle, Sydney coince l’agrafeuse pour qu’elle cale la porte. Ah! C’est pour ça. Je me demandais pourquoi t’avais embarqué ton agrafeuse. Elle avait presque oublié que la porte ne s’ouvrait pas de l’extérieur et que sans objet pour la caler, ils se seraient retrouvés coincés en haut, en plus d’être coincés à l’étage. Là, si on reste coincés dehors c’est qu’on a vraiment pas de chance. Heureusement que y’a un cerveau dans notre duo. soupire-t-elle avant de lui envoyer un sourire.
Tranquillement, ils s’installent, étirant une couverture par terre, étalant le fruit de leur quête dans le placard aux surprises. Quand elle finit par s’asseoir en tailleur à la droite de Sydney, elle reprend son plat de nouilles sans attendre : la fin lui tiraille le ventre. Hey, tu sais, même si on reste coincés là pour toujours, je suis content que ce soit avec toi. Elle tourne son regard vers lui, la tête légèrement penchée sur le côté. Pendant une demi-seconde, elle pense à lui répliquer quelque chose comme dis pas de bêtise, la soirée aurait été beaucoup plus intéressante avec… en apposant le nom d’un de leurs artistes les plus canons, mais après réflexion, elle se dit que non. Parce qu’elle est contente qu’il ait dit ça, alors qu’elle le mérite pas trop, alors elle veut pas tout gâcher. C’est gentil. Elle baisse les yeux sur son plat et déplace ses pâtes d’un côté à l’autre de la barquette. Moi aussi j’suis contente. finit-elle par ajouter.
Elle attrape la bouteille, restée à côté d’elle, et la tend à Sydney. A toi l’honneur. Ils n’ont pas de gobelets, ils vont être obligés de se passer la bouteille et de boire au goulot comme des bonhommes. Ça l’amuse, ce pique-nique improvisé. Rien n’est jamais improvisé, avec elle. D’habitude, rien ne manque, aucun détail n’est oublié. Là… Le confort est spartiate, il leur manque la moitié des choses dont ils auraient besoin. Mais tant pis. C’est comme ça. Et puis c’est pas mal, finalement, nan ? Il fait bon, et elle n’a pas peur de se retrouver avec Sydney pendant des heures. Avec lui, elle a toujours des trucs à raconter. Avec lui, le silence n’est jamais inconfortable. On peut voir les pyramides de Maslow, d’ici, j’avais même pas remarqué. C’est bête, ils ont tenu une ou deux réceptions ici depuis qu’ils ont emménagé dans ces locaux, mais trop concentrée sur les invités et les enjeux des soirées, elle n’avait jamais vraiment profité de la vue.
De quoi on parlait avant tout ça ? dit-elle en fronçant les sourcils, les yeux légèrement plissés. Il ne lui faut pas longtemps pour s’en souvenir. Ah oui, ma mère. Elle pose sa barquette et étend ses jambes. Elle va bien. Elle bosse tout le temps. Telle mère, telle fille. Elle sourit légèrement. Sa mère a toujours travaillé dur, ’elle s’est retrouvée à élever toute seule une gamine qui lui faisait constamment la guerre… Il y a de quoi l’admirer. Mais bon, elle approche de la quarantaine. J’veux juste qu’elle soit heureuse, maintenant. J’essaie de manigancer des trucs pour qu’elle trouve quelqu’un avec qui profiter de la vie, un peu. C’est un de ses objectifs avant la fin de l’année : faire en sorte que sa mère ne soit plus cette femme de 35 ans célibataire et mariée à son travail. Faut encore que je trouve un moyen de la rapprocher de Tobias, tu sais, ce vieil ami qu’elle aime bien? Je t’en avais un peu parlé. Je pense que c’est la seule personne avec qui elle pourrait s’engager. Tamsyn soupire et lève encore les yeux au ciel. J’y arriverai, un jour. De toute manière, ce n’est pas comme si elle avait grand-chose d’autre à faire que dormir et faire des plans pour sa mère, quand elle sort du boulot. Je l’adore, hein. Mais c’est un peu triste, de faire ses vacances avec sa fille quand on a son âge et qu’on est canon comme elle. Puis elle sourit. En parlant de canon… Elle joue de ses sourcils, laissant plâner le doute sur ce qu’elle va dire.. Comment va ta mère? Puis ses yeux s’élargissent. D'ailleurs.......... Elle aime les femmes, ta mère? Parce que si oui… On peut peut-être leur organiser un date? Fuck Tobias. Imagine un mariage Pearson-Huggins!!!!!!! Elle rigole, bien sûr. Elle doute que ça collerait entre les deux femmes, mais franchement, ça aurait vraiment pu être drôle.

Les paroles de Tamsyn viennent comme un réconfort pour Sydney. Il sait ce que c’est que d’aimer sans être aimé en retour, l’a déjà vécu d’une certaine façon. Et même si ça n’est pas la même situation, ça fait toujours chaud au coeur d’avoir une confirmation que leur relation n’est pas qu’une relation cordiale, de partenaires financiers mais qu’ils sont vraiment proches, vraiment amis. Ces pensées déclenche en lui des sentiments aigre-doux, aigre car ils ne pourront pas toujours être ici, la vie reprendra son cours dès qu’ils seront libérés du building, tout redeviendra comme avant, et puis un jour ils trouveront sans doute quelqu’un avec qui ils auront envie de passer le reste de leur vie, et peut-être qu’ils s’oublieront. La voix de la jeune femme le sort de ses pensées, trop sombres pour une telle soirée, alors que la bouteille lui est tendue. Il se contente de la remercier avec un sourire qui se veut usuel, pas troublé par les questions qui le tenait en haleine il n’y a que quelques secondes.
Le liquide ambre brule ses entrailles et Syd pense avec amusement que c’est une sensation qu’il n’avait pas connu depuis un moment.
Hey, je sais pas si je t’en avais parlé mais, il y a quelques temps, avant que je retourne habiter avec les garçons, y a eu une période où j’ai vraiment eu peur de devenir trop accro à l’alcool. Y avait tout le temps des soirées et, au bout d’un moment tu t’habitues et je me suis rendu compte qu’il m’en fallait beaucoup plus qu’avant pour ressentir quelque chose, et que je buvais le rhum comme si c’était du lait, dit-il avec un sourire, enfin, tout ça pour dire que ça fait un moment que j’ai pas bu d’alcool fort, et c’est vraiment pas aussi agréable que dans mon souvenir, finit-il avant de lui tendre la bouteille.

Alors qu’il écoute Tamsyn parler avec intention de sa mère, Syd peut clairement voir les similitudes entre la mère et la fille, se demandant distraitement jusqu’à quel âge son acolyte restera mariée à son travail et jusqu’à quand lui le restera. Il n’a plus que quelques années avant d’atteindre la maudite trentaine, et sent que la pression sociale ne fait que s’accroitre quand à sa situation amoureuse.

Oui je me souviens de Tobias. J’espère que tu y arriveras, elle mérite d’être heureuse, d’avoir quelqu’un de bien à ses côtés. Le et toi aussi est retenu même si Syd a l’impression qu’il est sans doute compris par la jeune femme. Leurs mères sont tellement différentes, leurs situations le sont tellement et pourtant c’est sans doute une des choses qui les lient le plus, Syd et Tammy, la relation maternelle qui est des plus essentielle à leur vie. On pourrait se faire des vacances à quatre, non ? Toi, moi, ta mère et la mienne. Je suis sûr que ça leur ferait plaisir, et ce serait peut-être moins triste s’il y a ma mère aussi, dit-il avec un petit rire, qui ne fait que s’accroitre sous les paroles de Tamsyn.
Je suis vraiment pas sûr que ça marcherait, et puis, lâche-t-il après une courte pause, y’a déjà un mariage Pearson-Huggins non? On a même fait un bébé avec High Hopes, je pense que ça suffit, tu crois pas ?
La pensée le fait néanmoins garder son sourire, leurs mères ensemble, ça aurait été inattendu mais bizarrement sympathique.
Mais sinon elle va bien, merci.  J’essaie d’aller la voir aussi souvent que possible mais c’est compliqué, et elle refuse toujours de venir habiter plus près, parce que c’est cher et qu’elle veut pas que je paie pour elle.
Ses intentions sont louables bien sur, mais Syd aimerait égoïstement qu’elle accepte de se rapprocher, pour qu’il puisse la voir plus souvent mais aussi garder un oeil sur elle. La vie ne lui a pas vraiment fait de cadeaux et il estime qu’elle mérite plus de repos qu’elle n’en prend réellement. Après tout ce qu’elle a fait pour lui, et pour sa famille de manière générale, une vie confortable serait bien méritée. Pourtant, Iseul ne sait pas s’arrêter, elle n’a jamais vraiment su, elle a toujours voulu faire le maximum dans tout ce qu’elle entreprenait, que ce soit l’éducation de son fils ou pendant les longues heures de préparation du kimchi. Syd se souvient encore des après midis passés en sa compagnie, où les deux s’attelaient à la tâche dans des effluves de coréen, alors que le monde extérieur était en ruines, mais ils n’y portaient aucune importance. Les souvenirs déclenchent en Syd d’autres souvenirs, ceux d’une chanson qu’il a écrite il y a quelques temps dans la langue ancestrale, qui n’a jamais vu le jour mais qu’il ne peut s’empêcher de fredonner.

난 그냥 사람, 사람, 사람
넌 나의 모든 모서릴 잠식
나를 사랑, 사랑, 사랑
으로 만들어 만들어
우린 사람, 사람, 사람
저 무수히 많은 직선들 속
내 사랑, 사랑, 사랑
그 위에 살짝 앉음 하트가 돼

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