deera - this savage song.

this savage song

The moments that define lives aren’t always obvious. They don’t always scream LEDGE, and nine times out of ten there’s no rope to duck under, no line to cross, no blood pact, no official letter on fancy paper. They aren’t always protracted, heavy with meaning.

Dagan a un mal de tête infernal, et ça n'a rien à voir avec le fait que Kareem a passé toute la nuit sur ses jeux vidéos tout en lui parlant en lui adressant quelques regards au miroir qui trône près de sa télévision quand il joue. Il s'est levé du mauvais pied et il a eu du mal à sortir de son lit pour accompagner Hakim jusqu'à Paracelse, le couvant d'un regard inquiet. Ils n'ont pas reparlé du fait que Dagan sait qu'il prend du Flash, qu'il en prend même trop parce qu'Hakim ne lui parle plus, ne le regarde plus, supporte sa présence alors qu'il l'a toujours embrace avant. Il a dit à Hakim de ne jamais refaire ça et Hakim a promis. Bien entendu, Dagan se doute que c'est des foutaises alors il a commencé à faire des recherches sur son ordinateur, qui ont fini par durer toute la nuit. Heureusement que Kareem était là pour le distraire. Il aime bien Kareem, c'est le membre du cluster qu'il apprécie le plus; sans doute parce que c'est le seul à avoir rencontré Khalil, l'avoir rencontré pour de vrai. Il aimerait bien que Khalil soit là, que Khalil lui dise quoi faire. Dagan se doute qu'il n'est pas la seule personne au monde qui aimerait que les morts reviennent à la vie.

Il soupire lourdement, il est retourné chez eux après avoir déposé Hakim et s'est enfermé dans sa chambre vide pour s'allonger et essayer de se rendormir, il a à peine eu deux heures de sommeil. Mais c'est impossible: son coeur bat trop vite et ce n'est pas son coeur, où son adrénaline qui court dans ses veines. C'est Meera. Et Dagan a une règle: il ne visite pas Meera, il ne parle pas à Meera, il s'en fout de Meera. Comme si elle n'existe pas. Il ne supporte pas l'idée que le destin les ait ainsi réunis, il se demande ce que ça veut dire et il ne veut pas savoir, au fond, parce que ça l'énerve particulièrement. Certains disent que les clusters sont une forme de soulmates. Cette idée est insupportable. Déjà ça voudrait dire que Jeremiah et ses puces (Dagan est convaincu qu'ils ont des puces sur sa Terre) est son âme-soeur et non, il est hot mais il est bien trop... Jeremiah tout simplement. Hakeem est sympa mais c'est comme un frère pour lui. Et Meera...

“ Can't you fucking die quietly? ” grogne-t-il alors qu'elle grimpe à toute vitesse les escaliers d'un immeuble et le surprend dans le reflet de la barre métallique de la porte du toit qu'elle pousse. Elle ne répond pas, Dagan a les yeux fermés de toutes manières, et il n'y a pas de miroir dans sa chambre — il n'a jamais été vaniteux, mais quand il a compris que les clusters pouvaient se voir comme ça, il a décidé de retirer l'unique qui trônait près de son bureau. Son coeur bat toujours aussi vite et brutalement, sans qu'il le désire bien entendu, il capte le regard de Meera dans la lame qu'elle sort de sa poche. Elle doit être poursuivie. Rat des rues. Dagan la méprise. “ Die, ” a-t-il simplement le temps d'articuler avant que le couteau soit lancé vers une cible quelconque. À vrai dire, Dagan aimerait mieux qu'elle ne meurt pas maintenant. Déjà parce qu'il n'a pas envie d'être plongé dans le coma comme avec Khalil. Ensuite parce qu'il préférerait la tuer de ses propres mains.

Meera sort un revolver et une nouvelle fois, leurs regards s'accrochent sur le métal rutilant de la crosse. Dagan déteste les armes à feu et le coeur de Meera bat tellement vite et l'instant suivant, il est dans son corps. Quelqu'un lui saute dessus et Dagan n'a même pas besoin de réfléchir avant d'agir: son corps, enfin celui de Meera, bouge naturellement en envoyant la crosse de l'arme dans le nez de son assaillant avant que son coude ne rencontre son estomac. Il n'a aucun mal à utiliser la force de l'autre pour le faire tomber au sol — mouvement classique au judo — en le faisant passer par-dessus son épaule, avant de passer au deuxième assaillant qui a un couteau planté dans l'épaule. Ça ne dure quelques secondes mais l'instant suivant, Meera est seule debout sur le toit avec à ses pieds le corps de deux hommes en train de gémir de douleur.

Toit. C'est seulement à ce moment que Dagan se rend compte qu'ils sont à des dizaines du mètre du sol et le choc est suffisant pour qu'il retrouve son propre corps, dans son lit, pas si loin du sol. Il grogne machinalement, surtout quand Meera lui apparaît de nouveau alors qu'elle récupère le couteau enfoncé dans l'épaule de son ennemi et que leurs regards se croisent. “ Can I innocently ask you where you are so I can dispatch a fucking legion to take you down? ” siffle-t-il, pensant chaque mot.

this savage song

The moments that define lives aren’t always obvious. They don’t always scream LEDGE, and nine times out of ten there’s no rope to duck under, no line to cross, no blood pact, no official letter on fancy paper. They aren’t always protracted, heavy with meaning.

Meera aime bien le matin. Surtout quand il fait bon et doux et qu'elle se réveille avant tous les autres. Ce n'est pas exactement son moment préféré de la journée, non, elle aime mieux encore ces quelques minutes juste avant de s'écrouler…où que ce se soit qu'elle dorme, ces temps-ci souvent sur un vrai lit ce qui n'a pas toujours été le cas, ces minutes qui, même depuis qu'elle fait partie d'un tout plus grand qu'elle, lui appartiennent vraiment à elle et rien qu'à elle. Mais elle aime bien le matin quand elle se réveille vraiment tôt, à l'aube souvent (habitude prise à dormir dehors quand le moindre rayon de soleil suffit à faire jaillir ouvertes ses paupières) quand elle n'a encore rien à faire. Elle a l'impression enfantine que le monde lui appartient lui aussi dans ces moments-là, non que les rues d'Oriel soient jamais vides mais elles sont moins remplies et l'air est plus frais, lui rappelle Néodam en plus respirable. Meera aime bien le matin, sauf quand c'est juste la suite de la journée de la veille, quand y a pas eu de coupure, quand elle a pas dormi. Elle n'aime pas le matin quand le soleil se lève avec des allures de reproches pour elle : elle n'a pas fini son boulot. Elle n'aime pas le matin quand la ville est déjà bien réveillée, trop réveillée. Arcadia vibre d'énergie et ça la fatiguerait presque encore plus alors que l'air qui se réchauffe déjà trouve difficilement le chemin jusqu'à ses poumons. C'est plus difficile de s'échapper quand y a du monde dans la rue, pas assez pour que la foule l'avale, mais suffisamment pour représenter des obstacles vivant dont il faut pouvoir anticiper les gestes pour continuer. Elle bifurque déjà pour s'échapper à la rue, un sourire de démon sur les lèvres quand elle saute par une fenêtre stupidement laissée ouverte et atterrit sur ses pieds dans un immeuble inconnu. Pas le temps de s'attarder, de songer à cambrioler quoi que ce soit, elle trouve déjà son chemin vers la cage d'escalier, vers son domaine, vers les toits. C'est là qu'elle les perdra pense-t-elle. Pas d'airbender dans ses poursuivants, à sa connaissance en tous cas.

“ Can't you fucking die quietly? ” Fuck. Y a lui par contre. Son regard ayant accroché le sien un bref instant dans le métal trop poli de la porte. Elle ne prend même pas la peine de répondre et se contente d'essayer, inutilement, de fermer son esprit. Elle déteste qu'il la visite, lui. Sa présence dans sa tête, loin d'être un réconfort, comme ça peut l'être avec Neha ou Kareem ou même Jeremiah parfois, en serait même un danger cette fois-ci. Il va la déconcentrer si elle le laisse faire. “ Die, ” Et si elle le laisse faire, il risquerait fortement d'obtenir ce qu'il désire. Quand on a pas de pouvoir dans un monde qui n'est fait que ça, on peut s'en sortir, elle en est la preuve vivante, mais tout est une question de timing. Une seconde de trop et les autres ont le temps d'attaquer, une seconde de trop et ils ont le temps de s'approcher. Elle n'a pas le droit à l'erreur, pas le droit d'être distraite par le reflet dans la lame du couteau qu'elle lance ensuite vers l'un des deux hommes comme si ça ne l'avait pas déconcentrée. Meera ne peut pas faire d'erreur parce qu'elle ne peut pas mourir, ça ferait beaucoup trop plaisir à Dagan. Le couteau ne trouve pas exactement sa cible, mais l'occupe, planté dans son épaule, le temps qu'elle tire son beau pistolet de son holster, trop bien nettoyé par ses soins faut croire vu que le regard chocolat de son pire ennemi s'accroche encore au sien. Un battement de cils pour vingt battements de cœur (c'est l'impression qu'elle a) et pas le temps de fight it. Dagan est elle et elle est Dagan.

Quelques secondes et aucun coup de feu tiré et Meera est la dernière debout sur le toit. Un nouveau battement de cils est tout le temps qu'elle accorde à sa surprise, se précipitant déjà pour récupérer son couteau, un de ses préférés, le sang sur la lame ne permettant pourtant pas de masquer la présence de Dagan. “ Can I innocently ask you where you are so I can dispatch a fucking legion to take you down? ” Ses sourcils sont si froncés qu'ils se touchent presque, mais elle se détend un peu en entendant ça avant d'aussitôt replanter le même couteau dans la jugulaire de l'homme pour achever ses souffrances (et faire disparaître le firebender qui la hante). “ I'm flattered you think it'd take a legion to take me down.” bougonne-t-elle en se relevant pour faire face au second, à qui Dagan a fait mal, mais pas assez. “ But surprised you'd admit you're not up for the task.” Sourire de démon, ses dents brillent une seconde dans le reflet de la dague qu'elle sort de son fourreau pour faire taire les gémissements — et murmures sur la démone qui parle à ses armes — de son dernier assaillant. Elle ne l'arrache pas tout de suite au cadavre, s'essuie d'abord les mains sur les vêtements de l'homme et récupère son pistolet à la crosse elle aussi tâchée d'écarlate, à cause de Dagan. Il aime pas les armes à feu elle croit savoir, et ça l'agace de savoir ça comme tout ce qu'elle sait de lui, tous les trucs qu'elle ressent et qui ne lui appartiennent pas, comme la frustration de Kareem quand il perd à un jeu en ligne ou la fascination de Jeremiah quand il découvrait des choses incroyables sur Terre. De Dagan chaque petit détail, chaque petite sensation, chaque battement de cœur qui ne lui appartient pas, mais qu'elle ressent quand même l'agace. Elle ne veut rien qui vienne de lui. Surtout pas son aide. “ Why? ” souffle-t-elle déjà presque comme si ça lui brûlait la langue. Elle le fait disparaître avant qu'il n'ait pu répondre, s'agenouille de nouveau près d'un des corps essuie son pistolet sur la manche d'un inconnu et récupère les deux lames égarées. C'est dans sa dague qu'elle voit Dagan ensuite. C'est souvent dans sa dague qu'elle le voit et elle pourrait trouver ça drôle vu le surnom qu'elle sait qu'il a mais ça aussi ça l'agace. Et ça l'agace qu'il ait bien fait de ne pas utiliser le pistolet de manière orthodoxe, les coups de feu alertent, les balles laissent des traces, elle en fait un usage magnanime la plupart du temps et l'utiliser cette fois-ci aurait été une erreur. Mais concéder à Dagan qu'il ait pu avoir raison sur quoi que ce soit est impensable. “ Scared you'd be bored without me? ” Un autre que lui, elle aurait pu songer à le remercier du coup de main même non-demandé, même carrément indésirable. Lui, elle préfère encore crever. Ceci dit, la question est idiote et elle le sait, il n'a pas du faire exprès de prendre contrôle de son corps, et c'est un réflexe pour tout le monde de se défendre quand on est attaqué. Au mieux, il a juste peur des conséquences de perdre un membre de son cluster ; Meera sait mieux que les autres l'effet que perdre Khalil a eu sur lui. Non qu'elle en ait quoi que ce soit à faire.

Meera disparaît, Dagan imagine qu'elle vient d'enfoncer le couteau d'où ils se voyaient dans la gorge de son assaillant. Dagan a déjà tué, un peu malgré lui, pour protéger Hakim: avec raison. Il a fait exprès de rendre les deux hommes inconscients pour que Meera n'ait pas à faire ça, mais elle le fait quand même, putain de rat des rues ruthless et cruelle, avec aucun égard pour la loi. Il parvient encore à capter un peu du visage de Meera et un morceau de ciel malgré le sang. “ I'm flattered you think it'd take a legion to take me down. ” Et sa voix. Dagan n'a jamais pu parler avec Kareem ou Jeremiah, et il a mis plus de temps à dompter leur lien pour prendre leur place comme il vient de le faire sans effort aucun avec Meera; il pense que c'est parce que Kareem et Jeremiah sont sur des mondes différents. Rien à voir avec les Dagan and Meera sittin' in a tree, k-i-s-s-i-n-g de Kareem. “ But surprised you'd admit you're not up for the task. ” Dagan grogne audiblement alors que leurs regards se captent de nouveau dans son second couteau. Sans doute qu'une légion ne serait pas suffisante pour marcher sur Meera, mais il sait que lui pourrait la tuer de ses propres mains sans problème. Non pas qu'il le ferait — il a appris à ses dépens combien les liens cosmiques sont précieux —, par égard pour Kareem et Jeremiah... mais il le ferait. Pour se venger d'Hakim.

La simple pensée de son impuissance et de sa faiblesse ce jour-là le fait serrer les poings dans son lit. Elle devrait le remercier de l'avoir aidée mais elle ne le fera pas (il ne le ferait pas dans sa situation, et il déteste savoir que lui et Meera sont similaires sur de nombreux plans). Il ne l'a jamais remerciée de lui avoir sauvé la vie à l'hôpital, ou même de lui avoir permis de sortir du coma alors que tout espoir semblait avoir quitté l'équipe hospitalière autour de lui. Leur connexion s'efface, Dagan soupire de soulagement mais ça ne dure pas; il grogne et fronce les sourcils quand un rayon de soleil attrape la crosse de pistolet dans laquelle son regard se retrouver. “ Why? ” Il disparaît de nouveau. “ Because you can't die, ” répond-t-il dans le vide. “ Because Kareem likes you. ” Kareem semble aimer tout le monde de toutes façons. “ Because you remind me of Khalil. ” Sa gorge se serre malgré lui. “ Because. ”

La dague de nouveau. “ Scared you'd be bored without me? ” Dagan lui rend un regard noir pendant quelques instants, les réponses sincères et trop vulnérables qu'il a prononcé seules mourant dans sa gorge. “ Don't want to be in a coma again. ” Bien plus que la mort, la perspective d'être en vie et emprisonné dans son corps l'effraie, le paralyse. Depuis son réveil, il fait de la paralysie du sommeil et il lui faut presque un quart d'heures pour sortir du lit quand il se réveille. Si il se réveille. Il a toujours peur d'un jour ne pas en être capable. “ If I could get my hand on you and kill you myself, I'll be fine, ” précise-t-il néanmoins, mais elle range la dague avant de répondre et malgré lui, Dagan grogne de nouveau, complètement au vide cette fois.

Il finit par rouler hors du lit pour aller dans sa salle de bains chercher de l'aspirine. Il a le visage d'un mort-vivant et ne s'arrête pas sur son reflet en ouvrant le miroir pour chercher un médicament dans l'armoire à pharmacie, l'avalant d'une traite avec un verre d'eau; quand le miroir lui fait de nouveau face, c'est Meera qui lui rend son regard morne. “ Behind you, ” dit-il, et l'instant suivant il est de nouveau dans son corps et Dagan agit sans réfléchir, la débarrassant de l'homme qui vient de surgir derrière elle. Cette fois ceci dit, il bataille pour garder la possession de ses membres, donne un petit coup de pied dans le menton de l'homme à qui il vient de briser la mâchoire pour vérifier qu'il ne va pas réagir, avant de s'emparer du pistolet d'Ameera. Il doit se battre avec elle pour garder le contrôle de ses doigts et de sa main quand il pose le bout du revolver sur sa tempe. Meera est dans un appartement, elle a dû y entrer par effraction et l'homme aussi, il n'était pas seul d'après les bruits qu'il entend de la pièce d'à côté. Dagan fait volte-face pour faire face au miroir dans lequel ils se sont vus, pointant toujours le flingue sur sa tempe, enfin celle d'Ameera. Elle est jolie. Elle est si jeune. “ Maybe I'd be bored, ” concède-t-il en relâchant son emprise sur son corps et la laissant régler le problème du deuxième homme qui lui saute dessus.

Dagan a les yeux moins foncés qu'il n'y paraît, plus chocolats que vraiment bruns, mais il apparaissent véritablement noirs quand il la regarde elle à travers quelque surface réfléchissante. “ Don't want to be in a coma again. ” Elle hausse les sourcils, predictable a-t-elle l'air de dire, ni déçue, ni contrariée, presque vaguement amusée. Elle ne l'est pas vraiment pourtant. De Dagan elle se fout, bien entendu, mais ce qui lui est arrivé à la mort de Khalil lui a fait un peu peur quand même. Elle a peur qu'il arrive quelque chose à Neha sur Terre, ou à Jeremiah ou à Kareem si ça fonctionne de la même manière (et à Dagan aussi, du coup, malheureusement). Elle n'a pas envie de vivre la même chose, coincée dans son propre corps sur un lit d'hôpital. Enfin, elle, elle doute qu'on l'emmène à l'hôpital et elle n'aurait certainement pas de Hakim pour être à son chevet, de famille pour la pleurer si jamais elle se réveillait pas. Il y aurait juste eux, son cluster et Neha.  “ If I could get my hand on you and kill you myself, I'll be fine, ” Elle esquissait déjà un mouvement pour ranger la dague dans son fourreau et ne s'arrête pas même après les mots de Dagan, même après le tressaut du coin de ses lèvres comme l'ombre d'un sourire. Would make the coma worth it, would it? Elle garde sa plaisanterie pour elle, c'est assez de conversation avec Dagan pour la journée, estime-t-elle. C'est rageant d'ailleurs que Dagan soit le seul, outre Neha, à qui elle puisse parler quand ils se voient comme ça, quand c'est le seul à qui elle n'a jamais envie de parler précisément. Elle imagine que c'est parce qu'ils sont tous les deux sur Altéa. Ça suffirait presque à la faire courir vers Neodam pour ne plus jamais l'entendre — mais, bien sûr, ça, si elle savait comment faire, elle l'aurait fait depuis longtemps. Elle fait les poches des cadavres et marmonne une petite prière pour elle-même une habitude inexpliquée et inexplicable (elle-même ignore si c'est au Dieu de Jameela ou celui d'Andreiy qu'elle s'adresse) et se redresse prête à faire du rebord du toit son plongeoir vers son domaine quand la porte du toit est poussée avec violence, dans un vacarme qui la fait presque sursauter. Peizdets jure-t-elle sous son souffle, dans un ukrainien dont elle ne connaît pas la signification outre que c'est un bad word (un des plus mauvais qu'elle connaisse dans cette langue à vrai dire, un de ceux que les frères d'Ameera ne voulaient même pas traduire). Les deux hommes qui débarquent sont plutôt résilient, la suivent même quand elle passe d'un toit à un autre jusqu'à se glisser à l'intérieur d'un appartement quelconque. Elle est dans l'entrée s'arrêtant à peine devant la porte étrangement recouverte d'un couche de glace, comme un énorme miroir — les gens ont des goûts bizarres ici — quand son regard accroche encore à celui de Dagan. “ Behind you, ” pas le temps de lui demander de la laisser tranquille, son corps est de nouveau investi par lui alors qu'elle se retrouve brièvement devant un autre miroir, dans une salle de bain inconnue (sauf qu'elle est déjà venue) sauf que c'est pas elle qu'elle voit dans le miroir mais lui. Elle le hait, elle le hait d'autant plus qu'elle voit tout ce qu'il fait, l'agression de l'homme qui allait lui sauter dessus, mais aussi l'instant d'après, quand il garde les doigts sur son pistolet, l'apporte à sa tempe.

No.

C'est Dagan dans le reflet devant Meera, mais ce sont ses yeux à elle qui paniquent à le voir jouer dans son enveloppe charnelle. Elle sent ses émotions comme si c'était les siennes, mais elle ne les comprend pas assez pour ne pas paniquer. Elle ne lui fait pas confiance. “ Maybe I'd be bored, ” et en même temps que les doigts se desserrent de la crosse du revolver, l'emprise de Dagan le corps de Meera devient lâche, jusqu'à disparaître.  “ Thanks for nothing asshole. ” Son poing s'écrase violemment contre le miroir et ça fait incroyablement mal, mais ça fait disparaître Dagan aussi, surtout. L'assaillant dont il l'a prévenue de l'arrivée est déjà trop près, mais elle récupère un des bouts de glace brisée et redessine le visage de l'autre criminel. Avec un peu de chance on prendra ça pour le travail du fameux Scarface — elle en doute ceci dit, elle n'a rien de sa précision, c'est moins un sourire qu'un gribouillis qu'elle trace à l'écarlate sur sa face, jusqu'à faire une petite ligne droite sur son cou. Il reste celui que Dagan a mis hors d'état de nuire, mais qui est encore bien vivant sur le sol et Meera devrait l'achever comme les autres mais elle se contente de lui arracher son amulette — earthbender — et de filer sans demander son reste. Il pourra raconter que Spider est pas si facile à écraser, s'il ose retourner chez les siens, beaten by a little girl.

Meera se rend compte qu'elle serre trop fort les dents quand celles-ci se mettent à grincer. Elle est déjà de retour à Oriel et plus personne ne fait attention au sang sur ses phalanges qu'elle a enrobé dans un morceau de tissu chopé sur un étalage de marché. Elle est forte de sa réussite ; la fuite, mais surtout les secrets découverts avant ça. Anya sera contente d'elle et elle-même est plutôt fière de son butin, le fait d'avoir pu faire les poches de ces tocards ajoutant à son contentement. Mais il y a aussi la sensation du métal froid de son propre pistolet contre sa tempe qui la fait encore frissonner. C'est stupide et même impossible, parce qu'elle ne l'a pas senti, elle n'était pas dans son corps à ce moment-là, mais la sensation la hante malgré tout, la panique qu'elle a ressenti alourdit encore sa poitrine. Pire encore, la supplication qu'elle était à deux doigts de formuler dans ses pensées (Dieu merci pas à voix haute) la dégoûte. No. Please. Elle se dégoûte. Il la dégoûte. Leur lien la fait vomir. Elle gratte machinalement la tâche un peu décolorée sur son avant-bras, reste douloureux de sa première rencontre avec Dagan, curieusement du même côté que le poing qu'elle a stupidement utilisé pour faire éclater le miroir. Elle s'arrête brusquement juste avant de dépasser la façade d'une échoppe quelconque. Elle est revenue sur le territoire d'Anya, celui dont elle est princesse en un sens, et elle peut se permettre de ralentir la cadence. Ce n'est pas un sentiment de confort qui l'arrête pourtant, mais l'impression d'être suivie. Elle recule d'un pas et what do you know Dagan est là, rendu un peu transparent par le verre peu foncé de la vitrine.  “ Leave me alone. ” Il ne le fait pas exprès. Si elle peut être sûre d'une chose à son sujet (outre le fait qu'elle le hait) c'est bien ça. Il ne le fait pas exprès là, ni les autres fois, mais il a quand même su insister, décider de conserver le contrôle de son corps quelques instants de plus, et il lui a fait peur. “ Don't you ever do that again. ” siffle-t-elle entre deux rangés de dents serrées.

Meera disparait en un instant, Dagan la voit à peine lui envoyer un coup de poing et puis plus rien — il a machinalement un mouvement de recul avant que son esprit rappelle à son corps qu'elle n'est pas véritablement là, mais qu'elle vient de faire exploser le miroir de son côté par lequel ils se voyaient. Il a toujours mal à la tête mais il a avalé le médicament et ça va aller mieux dans quelques minutes. Il secoue doucement la tête, avant d'aller détacher ses cheveux pour les laisser caresser son visage, le mouvement et la sensation presque réconfortants soudainement, enveloppé par son rideau de cheveux noirs et leur odeur familière. Il finit par retirer le reste de ses vêtements et par se glisser dans la cabine de la douche. La buée envahit aussitôt l'habitacle alors que l'eau brûler met à lui couler dessus, l'enveloppant dans une chaleur réconfortante. Dagan sait qu'il n'est pas particulièrement plus résistant à la chaleur que le reste du monde, mais il aime le penser — il est firebender, après tout, ce serait logique qu'il craigne moins la chaleur et les flammes. Mais c'est faux, les multiples brûlures sur son corps en témoignent. Il les caresse distraitement en se lavant rapidement, ses doigts s'attardent un peu sur son torse où s'étale la marque qui était avant une dague sous son oeil. Il appuie un peu dessus, petit rituel habituel pour lui, à la fois réconfortant et terrifiant. Il a peur d'être lié à quelqu'un. Il a peur de détruire cette personne-là aussi.

Il se lave rapidement les cheveux et sort de la douche. La mal de tête est un peu plus distant, quoique présent de manière un peu sourde dans le fond de son crâne, et il se sent un peu mieux, rendu lazy par la chaleur et le soudain engourdissement de ses muscles. Il va sans doute se faire à manger, ou au moins un thé, mais avant toute chose il va se raser. Il est tellement fatigué mais il faut qu'il s'occupe, sinon il va tourner en rond et sa colère ne va faire qu'augmenter jusqu'à exploser. Dagan a parfois l'impression d'être une bombe à retardement. Il passe sa main sur le miroir pour attraper un morceau de son reflet malgré la buée, et fronce du nez en voyant le visage de Meera. Il n'a même plus l'esprit d'être embarrassé — déjà parce que Dagan n'est pas particulièrement pudique, ensuite parce que malheureusement ce genre de situations est arrivé à peu près un milliard de fois avec elle, Jeremiah et Kareem, amenant généralement des moments gênants entre eux. “ Leave me alone. — I don't do it on purpose, ” siffle-t-il en retour. Ils le savent tous les deux. Meera est celle qu'il visite le plus, et elle est celle qui le visite le plus à son grand désespoir. Sans doute à cause de leur proximité géographique. “ Don't you ever do that again. ” Dagan arque un sourcil, comme si il ne savait pas de quoi elle parlait. “ Do what exactly? ” la taunt-il avec un petit sourire en coin, avant de rouler des yeux de manière exagérée. “ This? ” demande-t-il en se glissant dans la peau de Meera.

Sauf qu'il n'y a pas vraiment d'adrénaline — qui les aide toujours dans ces moments-là — et qu'elle lui offre une résistance plutôt exemplaire: dès qu'elle le sent en train d'essayer de prendre contrôle de son corps, Meera le repousse vertement et dresse un mur entre elle et lui et Dagan est de retour dans son corps à moitié nu, dans la salle de bains de la chambre de l'hôtel particulier des Maresh. Le reflet de Meera est toujours là ceci dit. “ I won't do it again, ” finit-il par dire après qu'ils se soient observés en chiens de faïence pendant quelques secondes. “ I told you: you'll die by my own very real hand or not at all. ” Sa voix est définitive. Elle n'a pas le droit de mourir avant qu'il l'ait trouvée et qu'il ait vengé Hakim. Il penche un peu la tête sur le côté en voyant que le regard de Meera s'attarde sur lui. “ Don't you have somewhere to be? Or are you enjoying the view too much? ”

Dagan est sans conteste l’être le plus incroyablement agaçant que Meera ait jamais rencontré. Personne ne la rend aussi folle de rage que lui, personne n’est aussi arrogant et chiant et ne se montre autant aux mauvais moments que lui. Il est, de tout son cluster, celui qu’elle visite et qui la visite le plus, alors qu’il est celui dont elle se débarrasserait le plus volontiers. Rien que son sourire en coin lui donne des envie de meurtre. “ Do what exactly? ” ose-t-il la narguer, comme si elle ne savait pas exactement ce dont elle parlait. “ This? ” et le voilà déjà qui essaye de recommencer de prendre possession de son corps, mais cette fois si Meera résiste, il n’y a pas de panique, pas de danger imminent autre que celui que lui-même représente et elle fronce les sourcils devant son reflet comme si ça pouvait l’aider à rester en place dans son coin d’Oriel plutôt que, où que ce soit qu’il se trouve lui. Et ça marche, le mure qu’elle tente de dresser entre eux tient bon, son corps reste le sien, à elle et elle seule. Le regard qu’elle lui adresse à travers la vitre pourrait être victorieux s’il n’était pas déjà trop rempli de haine. “ I won't do it again, ” fait-il après quelques secondes et Meera renifle. Elle ne le croit pas une seule seconde. Déjà parce qu'elle sait que pour partie il ne le faisait pas exactement exprès, elle doute par exemple que ç'ait été le cas sur le toit, elle préfèrerait éviter qu'un incident du même genre se produise — elle détesterait lui devoir à lui quelque faveur que ce soit — mais aussi parce qu'elle ne doute pas que, même pour l'agacer il serait bien capable de le faire exprès comme il a tenté de le faire à l'instant.

“ I told you: you'll die by my own very real hand or not at all. ” Il y a quelque chose de définitif à son ton et ça arrache un roulement de yeux à Meera. Toutes les menaces du monde ne suffiront pas à la faire flancher devant lui. Il lui fait un peu peur — son pouvoir surtout —, la fureur et la haine l'emportent assez largement sur la crainte. Elle sait pourquoi il la déteste lui aussi, et devant quelqu'un d'autre peut-être se serait-elle excusé pour ce qu'elle a essayé de faire à Hakim. Elle est même très sincèrement désolée et sait qu'elle ne recommencerait plus, quand bien même Anya le lui demandait de manière directe. Pas Hakim. Mais ce n'est certainement pas pour Dagan qu'elle s'en abstiendrait et c'est pour ça qu'elle ne s'excusera jamais, elle ne voudrait pas qu'il se méprenne. Parce que, au contraire, toute opportunité de lui faire mal comme lui l'a fait avec son feu qui a brûlé un pan de peau sur son bras est bonne à prendre. Son regard noir dérive sur le reste de son reflet, ignore plutôt bien les muscles de son torse pour se figer sur la marque noire qui trône entre ses pectoraux. Un tatouage imagine-t-elle. “ Don't you have somewhere to be? Or are you enjoying the view too much? ” Elle grogne de manière audible et relève le regard vers le sien. Elle s'en fout complètement de ce qu'il peut se graver sur le corps (elle s'en fout complètement de son corps, tout court) sauf que ça lui est familier. Elle croit, elle ne sait plus trop. Ça lui rappelle quelque chose, mais c'est à l'envers (normal, Dagan n'est qu'un reflet) et puis ça fait tellement longtemps qu'elle n'a pas vu ça. Machinalement elle porte ses doigts à son cou, ils s'accrochent au vide, rencontrent la peau chaude de sa clavicule, retombent à son flanc. Ça fait des années qu'elle n'accroche plus rien autour de sa gorge, le geste remontant à une autre époque, quand le contact d'une petite médaille de bronze suffisait à la rassurer, à l'école quand un bully lui faisait peur, à la maison quand elle se réveiller à cause d'un cauchemar. Le geste appartient à Ameera. Comme cette marque. “ Oh fuck off, ” mais elle réagit trop tard, son visage a tressauté de plus d'émotions divergentes qu'elle n'en a jamais ressenti devant lui. Elle le hait tellement. “ You wish. ” Ses prunelles chocolats retombent un court instant sur la marque sur son torse. Une coïncidence. Elle se force à les détourner, incapable de même imaginer les idées qu'il va se faire s'il la voit le fixer comme ça. Meera ne regarde personne comme ça. “ Aren't you the very important super busy warden that should probably have someone to go burn alive today? ” Elle roule des yeux, reprend le contrôle du même coup. Meera reprend ses droits, enfouit les Kolisnychenko bien au fond, dans un coin de son cœur auquel elle ne s'autorise plus à penser depuis longtemps. C'est trop douloureux. “ Or has Hakim finally decided you were useless and gone on his own? ” Son ton suinte d'indifférence, mais la question est emplie de curiosité malgré tout. Hakim est-il laissé seul quelque part dans Altéa ? Approchable ? Pourrait-elle aller lui parler, lui poser la question qui la taraude depuis des années maintenant ? Elle jette un dernier regard qui se veut mauvais mais plutôt plein de longing au tatouage sur le corps de Dagan avant de fixer ses yeux sombres dans les siens.

Dagan ne comprend pas vraiment ce qu'il lit dans son regard, ce n'est pas de la curiosité ou de l'admiration ou de la luxure: juste de l'étonnement et de la curiosité. Il n'a pas honte de la marque incompréhensible sur sa peau et même si elle est si belle et intriquée, il ne voit pas vraiment ce que Meera peut y trouver d'intéressant. Elle lève la main et Dagan ne dit rien, l'observe. Dagan ne remarque jamais les gens, ne sait pas observer, patienter et regarder en détails: c'est différent avec elle, parce qu'il ne la comprend pas. C'est pareil avec Jeremiah et Kareem ceci dit, il est toujours curieux d'eux, de leurs mondes, leurs manières et leurs manies. Elle lève la main, donc, ses doigts fins se délient dans l'air et effleurent son cou puis retombent, une émotion étrange s'inscrivant sur son visage que Dagan pourrait presque ressentir lui aussi tant elle lui est familière. C'est comme monter les marches d'un escalier et arriver en haut en pensant qu'il y en a une dernière: ce vide, ce manque là où le pied ne rencontre que de l'air. Pour la première fois, Dagan se demande quelle est l'histoire de Meera avec un peu de compassion, pourquoi elle ne vit pas avec ses parents sous un toit, pourquoi elle a été réduite à essayer de tuer Hakim.

Et aussi vite que cette pensée s'est imposée à lui, ce moment de pitié et de curiosité, elle s'efface et s'en va alors qu'il repense au visage de son frère, à son corps inconscient dans ce si grand lit d'hôpital. Les traits de Dagan se durcissent alors que la main de Meera retombe, inutile, à son flanc. “ Oh fuck off. ” Sa voix n'a pas l'air convaincue mais il ne veut pas savoir d'où vient cette soudaine vulnérabilité, ce cortège d'émotions qu'il a surpris sur ses traits. “ You wish. ” Ses yeux retombent sur son torse, pourtant, et Dagan lève les yeux au ciel. Il s'en fiche d'elle, c'est une gamine d'abord, et ensuite ça bien longtemps qu'il n'a plus de complexes — au contraire — sur son corps. Elle est bien la dernière personne au monde à qui il aimerait plaire. “ Aren't you the very important super busy warden that should probably have someone to go burn alive today? ” Il lève les yeux au ciel en l'entend, elle sait rien mais ça ce n'est pas nouveau. “ Or has Hakim finally decided you were useless and gone on his own? ” Un nouveau regard vers son torse. “ Stop staring. ” Elle le rendrait presque mal à l'aise: non pas d'être observé mais de l'air dans son regard, le fait qu'elle furète, se détourne, y revient à chaque fois comme si elle ne pouvait pas s'en empêcher. Il aimerait savoir pourquoi mais il préférerait mourir plutôt que lui demander. “ My brother's whereabouts are none of your business. ” Inutile de lui dire où il est, qu'il est en cours là où Dagan n'a pas le droit de le suivre.

Il se trouve inutile quand il n'est pas avec Hakim et au fond de lui, Dagan sait que c'est malsain, que sa valeur ne se résume pas à son frère. Mais ses parents l'ont bien formatté et il ne peut pas s'en empêcher, de se trouver stupide et inutile et balourd quand il n'est pas en train de faire ce qu'il devrait toujours être en train de faire: protéger son frère. “ Maybe I'll burn you alive today. Where are you? ” Il essaie de nouveau de prendre contrôle de son corps, a à peine le temps de tourner la tête pour attraper du regard le nom d'une rue, un signe, n'importe quoi, qu'elle le repousse et le renvoie dans son propre corps. Il rit légèrement, malgré lui, un ricanement mesquin et sarcastique. Il s'apprête à rajouter quelque chose quand Kareem lui apparaît à la place et lui monte deux doigts d'honneur avant de disparaître aussi vite qu'il est apparu. Il doit être en train de jouer, vu l'heure qu'il est, et doit en avoir mal de les voir se chamailler sans arrêt dans le reflet de ses écrans de jeu. Il a bien vite disparu mais pas Meera qui est toujours là. “ Next time I won't be here to save you, ” lui dit-il simplement avant de tendre la main pour effacer son reflet et se détourner du miroir.

“ Stop staring. ” Un tressaut sur ses lèvres, une moue qui ne prend pas tout à fait forme, qu'elle réprime parce qu'il manquerait plus qu'elle ait l'air de ressentir quoi que ce soit, d'avoir des sentiments, devant quelqu'un comme Dagan. Sa remarque à le mérite de lui redonner le contrôle de ses prunelles ceci dit qu'elle avertit enfin pour de bon. Ça l'agace qu'il ait ça sur le torse, ça l'agace et elle sent que ça va rester avec elle, cette image, ça va l'obséder. C'est une coïncidence. Il n'y a pas vraiment d'autre explication, peut-être même que c'est elle qui se souvient mal, elle ne sait plus exactement à quoi ressemblait les armes de sa mère. De la mère d'Ameera. “ My brother's whereabouts are none of your business. ” Cette fois la moue apparaît, agacée, un peu moqueuse surtout — pour ça qu'elle l'affiche. Ça la regarde un peu, peut-être. Parce que peut-être qu'Hakim est le frère de son frère, le frère du frère d'Ameera. Peut-être. Et elle a besoin de s'en approcher, de lui parler pour le savoir. Sauf que Dagan lui colle au train en permanence. A real pain in the ass. Étrange que ce soit son frère, quand Dagan lui fait surtout l'effet d'être le garde du corps d'Hakim. Elle sait que ce dernier l'apprécie vraiment ceci dit. Il est un peu comme Ashkar, Hakim, de ce qu'elle en a vu à travers Dagan- Dagan. Un éclair passe dans ses yeux qu'elle détourne comme pour le lui masquer, le grain d'idée qui prend germe dans son esprit. Elle n'a jamais essayé de de lui parler comme ça à Hakim. À travers Dagan. Un peu parce qu'elle a jamais contrôlé ses visites, un peu parce qu'elle aurait peur que Dagan s'en rende compte d'une façon ou d'une autre, s'en même alors que ça ne le regarde pas. Un peu parce qu'elle a peur que ça prenne du temps de parler à Hakim, il doit la détester, elle a essayé de le tuer après tout. Elle a presque réussi. “ Maybe I'll burn you alive today. Where are you? ” Elle le voit venir cette fois encore et il n'a que le temps de lui faire tourner le menton avant qu'elle le repousse avec violence. Il rit. Elle le hait. Elle a l'impression que sa brûlure depuis longtemps cicatrisée la brûle de nouveau. Elle le hait. Elle le hait vraiment. Juste comme ça, ce qu'il a sur le torse et son instant de faiblesse sont oubliés. Il a failli la tuer, avec sa propre balle, avec sa propre main. Elle le hait. Elle pourrait bien casser la vitrine comme elle a cassé le miroir, mais à la place de Dagan apparaît brièvement Kareem et ses deux majeurs levés. Ça dur un bref instant, mais ça la fait sourire brièvement. Kareem est chiant, mais elle l’aime bien. Elle préfèrerait largement que ce soit lui qui lui rende visite le plus souvent et à lui qu’elle puisse parler rien qu’en regardant son reflet. “ Next time I won't be here to save you, ” À son tour à elle de lui montrer son majeur alors que lui même fait un mouvement vers l'avant, le miroir à travers lequel il la voit très certainement.  “ I fucking hope so. Stay away from me. ” Elle n'a pas besoin de lui pour la sauver, elle n'a jamais eu besoin de personne, il faut jamais avoir besoin de personne dans la vie, tout peut disparaître à tout même. Ameera le savait pas, Meera, la petite araignée des Sister Morphine l'a appris. Et elle tourne les talons pour mettre un terme à leur connexion.

Pour le moment. Parce que ça aussi, elle a dû l’apprendre, se débarrasser de Dagan est impossible.

10 février 2018. Elle aime bien quand ils se font face avec Dagan, c’est rare et elle le hait, mais elle aime bien cette façon qu’il a de se tortiller de douleur, le hurlement qu’elle lui a arraché la première fois, quand il lui demandait d’arrêter, croyant sûrement qu’elle était une manipulatrice des corps particulièrement douée. Ça l’aurait presque fait rire si ça l’avait pas fait frissonner, qu’il lui impute un de ces pouvoirs sataniques qui pullulent dans ce monde. C’est une des choses qui lui rappellent, si besoin est, qui lui assurent, que sa vie d’avant, la vie d’Ameera, la vie à Néodam ce n’était pas juste un rêve, qu’elle n'est pas juste née orpheline à Oriel. Elle n'est pas comme les gens d’ici. Elle n'est pas comme lui. Ça la rassure. Sauf que ça la rassurait aussi que Dagan soit incapable de l'approcher sans apparemment souffrir le martyr, parce que ce n'est pas qu'elle a peur de lui, mais sa peau se souviendra à jamais de leur première rencontre et elle n'a pas très envie de retenter l'expérience. Elle ne sait pas si ce qui la protégeait de lui, (un ange ?) l'a laissée tomber, mais s'il souffre encore sa haine doit être supérieure à la douleur qu'il ressent normalement devant elle puisqu'il persiste. Elle pense que ce doit même l'aider à  la traquer alors qu'elle essaye de se perdre dans le dédale de rues d'Arcadia qui se transforment lentement en Oriel, son turf, alors qu'elle utilise ses propres raccourcis et passages presque secret. C'est sûrement comme ça qu'il arrive à la suivre, s'approchant peu à peu malgré son visage — elle finit par le voir plus clairement en jetant un œil par dessus son épaule — tordu de douleur. Elle finit par trouver les toit sont vrais territoire où elle pense le perdre à sa douleur ; difficile de sauter et de conserver son équilibre quand on a si mal qu'il en a l'air — ça l'intrigue très franchement cette situation, elle s'est demandée si c'était à cause du cluster, si Kareem et Jeremiah aussi auraient mal comme ça à la rencontrer, mais elle pense que si ç'avait été le cas ç'aurait été réciproque, or à part sa haine toujours grandissante pour lui, elle ne ressent rien en voyant Dagan. “ Leave me alone! ” Ils savent tous les deux qu'il ne va pas la tuer. Enfin elle, elle pense. Il aurait pu lui jeter une boule de feu et en finir — ceci dit il en a bien lancé une qui a manqué de cramer les pointes de ses cheveux — et puis, et puis, elle pense qu'il en est incapable à cause du cluster, même si elle ne doute pas qu'il en ait envie. Malgré tout, il peut lui faire mal. Meera préfèrerait éviter ça, alors elle court, elle vole presque par-dessus Oriel, de charpente en charpente, comptant sur l'étrange effet qu'elle a sur lui pour le rendre maladroit. Il s'approche pourtant, trop déterminé visiblement, il s'approche et elle s'arrêter de courir pour mieux le pousser quand il la retrouve au bord d'un énième toit quand le monde entier se met à trembler. Il rate son atterrissage, pas besoin d'elle pour précipiter sa rencontre avec le sol, mais, réflexe, son bras se tend elle lui attrape le poignet le tire vers elle à temps et le laisse s'écraser sur le toit. La terre tremble encore. Tout tremble elle n'a jamais connu ça. “ Don't. ” Elle l'a lâché aussitôt qu'il s'est retrouvé sur la terre pas vraiment ferme en cet instant précis, comme de peur de se brûler, mais ce qui l'étonne, désormais qu'il est à ses pieds, c'est que lui -même ne brûle pas, ne se consume pas en étant si proche d'elle après qu'elle l'ait, en plus de tout, touché. “ What's happening? ” décide-t-elle aussitôt de changer de sujet. Il l'a sauvée une fois, elle l'a sauvé en réponse, réflexes pour l'un comme pour l'autre, inutile de se poser plus de questions. En revanche ce qui arrive autour d'eux a de quoi rendre curieux, ce qui arrive sous eux, le toit qui n'a de cesse de se secouer sous ses pieds, l'inquiète énormément. Ça fait des années qu'elle est sur Altéa, elle en a presque oublié la vie avant, une part d'elle pense avoir tout vu, tout compris de ce monde, mais visiblement elle a eu tort.

10 février 2018 La douleur est insupportable mais Dagan n'abandonne pas, il n'abandonnera jamais, il ne peut pas abandonner. C'est elle qui exerce ce contrôle sur son corps et il s'amplifie à chaque fois qu'il s'approche, il avait du mal à le comprendre mais pour une raison qu'il ne raisonne pas, Meera peut le cibler lui et lui seul, et plus il est proche, plus la douleur est terrible. Ça le fait tressaillir, trembler, grogner à chaque mouvement; mais il ne la lâche pas des yeux, courant dans les rues comme derrière une voleuse, les gens lui cédant le passage sans rechigner après avoir vu l'expression déterminée et froncée de colère, et douleur, sur son visage. C'est insupportable, c'est derrière ses yeux, dans sa nuque, le long de sa colonne vertébrale. Partout, partout, le monde n'est que douleur, et puis à chaque fois qu'il se sent flancher et ralentir, il revoit le corps inconscient d'Hakim dans son si grand lit d'hôpital et il se remet à courir en grognant presque de rage. Il a planté son frère sans un regard en arrière, après avoir attrapé une vision de Meera du coin de l'oeil; il a ressenti la gêne toute la journée, ce buzzing sous sa peau, cette douleur qui s'est accentuée quand leurs regards se sont croisés. C'est définitivement de sa faute, elle est bodybender et même si son pouvoir n'est pas puissant au point de l'écraser au sol comme un papillon dans le cadre d'un collectionneur, elle lui fait mal et Dagan a un peu de mal à la suivre dans le dédale de rues dans lequel elle les emmène. Bientôt les pavés sont remplacés par des toits et Dagan est à moitié en train de s'évanouir sans se rendre compte qu'il manque de tomber à chaque fois que son pied foule un nouveau toit.

Il ne la voit pas faire volte-face au dernier moment quand il saute d'une charpente pour la rejoindre, et essaie d'arrêter son mouvement — plutôt stupidement — pour ne pas lui rentrer dedans et manquer de les faire tomber tous les deux dans le vide; et pire que ça, quand son pied rencontre le bord du toit, le sol se met à trembler et la douleur explose dans sa tête. Le reste est confus, il sait juste que son corps entier est douleur et puis... plus rien. Rien, il se sent bien même, une chaleur diffuse dans tout le corps pendant une seconde, pendant une éternité. Il y a le noir et puis le monde revient peu à peu et il tremble et Dagan a peur. Très peur. “ Don't. ” Il cligne des yeux en relevant les yeux, sans comprendre. Meera est plus proche qu'il ne l'a jamais vue avant. Il a l'impression d'être dans un bain chaud et agréable, que son corps entier est détendu — sauf qu'il tremble, artificiellement, l'univers tremble. “ What's happening? ” Il essaie de se redresser et dans un couinement, son visage retrouver le sol. “ Earthbender? ” propose-t-il d'une petite voix et puis finalement, le monde se calme et redevient silencieux et Dagan soupire. Soulagé. À l'aise. La douleur n'est qu'un mauvais souvenir.

L'instant suivant, il est sur ses pieds et puis il est sur Meera, la tacle et la plaque au sol avec violence, ne s'arrêtant pas même quand l'arrière du crâne de la jeune femme connecte avec le sol dans un bruit sourd et violent. Il n'a pas ses gants, n'a réussi à lui envoyer une boule de feu que grâce au briquet allumé d'un passant alors à la place, il résiste à l'envie de lui foutre un coup de poing et l'attrape au col pour la soulever un peu, un sourire vicieux et satisfait s'étalant sur ses lèvres. “ Less cocky suddenly, uh? ” Elle a l'air un peu sonnée, tant mieux, il n'a pas envie qu'elle utilise son don sur lui. Il s'apprête à lui foutre un coup pour la rendre inconsciente et pouvoir la ramener et la mettre entre les mains des autorités sans problème, quand Kareem apparaît à côté de lui.

“ WHAT THE FUCK ” hurle-t-il et Dagan fait un bond, littéral, de cinq mètres en arrière, manque même de passer par-dessus le toit. “ MY GAME IS GONE!!!! ” Dagan ouvre la bouche, la referme, fronce les sourcils, et saute de nouveau sur Meera pour l'empêcher de s'en aller. Il n'a entendu qu'une seule fois la voix de Kareem, et c'était à travers le corps de Khalil — le souvenir lui tord le coeur. Peut-être qu'il est sur Altea lui aussi finalement? Est assez proche pour se faire entendre. “ GUYS PLEASE! — WHAT THE FUCK ARE YOU DOING HERE! — MY GAME!!!! GONE!!!! ” Dagan s'attendrait presque à voir Jeremiah apparaître pour se plaindre de ses puces d'un instant ou à un autre. En attendant il se focalise sur Meera qui se débat comme une anguille sous son poids. “ Don't move you fucking b-- — ALL MY SCREENS!!! BLACK!!!!! ”

Le pathétique de Dagan qui essaie vainement de se redresser, couinant en retombant sur le sol est la seule chose qui rassérène un peu Meera quand le monde semble prêt à s'écrouler sous ses pieds. Entre ça et le fait qu'il ne se tord plus de douleur près d'elle, elle n'a pour une fois plus très envie de s'éterniser sur les toits, préférant retrouver ce qu'il reste de la terre "ferme" au plus vite.  “ Earthbender? ” Il faudrait qu'il soit sacrément puissant pour qu'un simple maître de la terre soit responsable de ce qui arrive et Meera préfèrerait encore qu'un démon pareil n'existe pas. Meera s'approche un peu du rebord du toit pour voir ce qu'il se passe en bas, pas trop près toutefois pour que les secousses ne risquent pas de la faire tomber. La fin du monde semble finalement se mettre en pause et elle respire un peu mieux quand elle est brusquement plaquée au sol par Dagan qui l'écrase de tout son poids. Elle voit des étoiles quand l'arrière de son crâne rencontre le sol avec violence, elle est incapable de retenir un grognement de douleur et — pire encore — de surprise. Ils se détestent pourtant et il lui a toujours promis de la tuer la prochaine fois qu'ils se croiseraient en vrai elle n'a aucune raison d'être surprise de son attaque et ça l'agace et l'angoisse de l'avoir été, ça la fait rager encore plus. Il ne la fait pas cramer vive, ceci dit donc elle suppose que c'est déjà quelque clémence de sa part, même si elle n'aime pas du tout le sourire vicieux qu'il lui adresse en l'attrapant par le col ; elle doute que son crâne puisse résister à une nouvelle rencontre violente avec le sol. Si elle meurt elle espère qu'il perdra la tête comme ça a failli être le cas quand il a perdu Khalil. Il ne mérite pas moins. “ Less cocky suddenly, uh? ” Tout son visage est tordu par la haine qu'elle ressent pour lui, elle ne comprend pas pourquoi l'étrange pouvoir qu'elle a toujours eu sur lui semble avoir disparu, pourquoi son ange gardien refuse de continuer à la protéger, elle n'a pas envie de mourir Ameera, elle n'est pas prête, mais sa vision est encore floue à cause du coup qu'elle s'est pris, elle se demande si elle saigne, elle se demande s'il va la laisser se vider de son sang toute seule ici. Elle voit le poing se former et fendre les airs… s'arrêter brusquement.

“ WHAT THE FUCK ” le hurlement a le mérite de faire sursauter Dagan tellement fort qu'il n'est plus sur elle et c'est toute la force et l'énergie qu'elle a de se redresser un peu regardant Kareem devant eux comme s'il s'agissait d'un fantôme. Il pourrait tout aussi bien s'agir d'un fantôme, il n'a jamais fait ça avant, n'est jamais apparu pour de vrai sur Altéa, et elle imagine d'abord qu'il est réel et qu'il s'est téléporté parce que comment sinon expliquer qu'il soit là sans surface réfléchissante ? “ MY GAME IS GONE!!!! ” Elle a tout juste le temps de passer une main sur l'arrière de son crâne pour y découvrir un peu d'une substance poisseuse qui semble être un mélange de transpiration et de sang que Dagan est déjà de nouveau sur elle. Il est si lourd. “ GUYS PLEASE! ” Meera a toujours bien aimé Kareem et elle n'a aucune idée de ce qu'il fiche-là mais en cet instant précis elle pourrait l'embrasser. “ WHAT THE FUCK ARE YOU DOING HERE! — MY GAME!!!! GONE!!!! ” Il n'est pas vraiment là à en croire ce qu'il raconte, il doit être sur Sigan et peut-être qu'il a trop joué ce soir et que son électricité a coupé, en réalité, Meera n'en a absolument rien à faire, mais elle profite de la distraction pour se remettre un peu et essayer de se débattre. Le corps à corps n'a toutefois jamais été son point fort surtout avec quelqu'un qui fait deux fois son poids.  “ Don't move you fucking b-- — ALL MY SCREENS!!! BLACK!!!!! ” Si Meera parvient à se tirer de ce problème elle se promet qu'elle sera bien plus gentille avec Kareem à l'avenir et s'intéressera plus à ses jeux vidéos. Elle profite de la seconde de battement après qu'il ait parlé quand Dagan relève les yeux vers lui pour soulever son genou et l'envoyer entre ses jambes, s'offrant quelques seconde de répit et un peu plus de place pour respirer et se débattre plus fort, souriant presque quand il grogne de douleur. “ Take this you fucking son of a bitch! That's how you repay me for saving your life you fucking freak- — GUYS YOU DON'T UNDERSTAND THIS IS A CATASTRO-- — I swear to God Kareem I don't care about your games, just tell Dagan to let me go for the love of- — DAGAN ” hurle Kareem qui semble apparemment incapable de s'arrêter désormais qu'il a commencé. Meera ne l'a jamais entendu parler avant, mais elle se doute que ce ne doit pas être comme ça qu'il s'exprime au quotidien. Elle se demande si Jeremiah aussi va apparaître pour leur faire la leçon, si c'est parce que l'univers la sent au bord du gouffre et que c'est pour que son cluster puisse lui dire adieu. Ou empêcher Dagan de la tuer, peut-être.  “ GET OFF OF ME YOU FUCKING FREAK!!!! ” Kareem hurle ce qui semble être son approbation. Elle-même essaye désespérément d'attraper un des nombreux couteaux qu'elle a de caché partout sur le corps pour rééquilibrer un peu la balance, le soulagement se répandant dans ses veines comme un feu quand ses doigts s'enroulent autour du manche d'une de ses dagues. “ STOP THIS STOP THIS STOP THIS!!! ” Elle a à peine la place de bouger ses bras et elle a le cœur qui bat beaucoup trop vite dans ses oreilles, mais elle trouve le moyen d'apporter la lame contre le dos de Dagan, la pressant un peu contre ses vêtement sans l'y enfoncer, pas encore.  “ Let me go. ”