( astrid ) the truth untold

La vie n’est pas simple. Astrid le sait bien, malgré le sourire rayonnant affiché sur son visage de porcelaine et l’air enchanté que prend ses paroles. La lumière ne peut exister sans l’obscurité. Où est la joie et la chaleur se trouve aussi la douleur et les ténèbres. On vit au bord du gouffre, croyant être en haut des cieux, jusqu’au moment où un seul faux fait chavirer le tout. On trébuche, et la chute parait sans fin, trop lente et brutale.

Les baisers fantômes de sa mère, les compliments absents de son père, Astrid les connait par cœur. Elle les attendait avec impatience, tard le soir dans sa chambre, seule, enroulée sous la couverture. Au moindre grincement, elle espérait, impatiemment, que la porte de sa chambre s’ouvre et que sa mère vienne lui souhaiter bonne nuit. Mais souvent, les atteintes d’Astrid étaient réduites à des espoirs insignifiants, perdus dans l’immensité de sa chambre. Naïve, elle s’entêtait à les aimer autant qu’au premier jour, à espérer pour finir déçue, à se réfugier dans les bras de son frère, lui qui était toujours là pour elle, dans les bons comme dans les mauvais moments. Lui, il n’avait aucun doute. Liens du sang ne veulent rien dire quand aucun effort n’est fourni derrière, que l’amour évoqué n’est pourtant pas présent. Au fil des années, ses parents lui étaient devenus indifférents. Ils exerçaient toujours une pression sur lui, mais il avait cessé de leur obéir pour plaire, mais plus par simple nécessité. Protéger Astrid, telle était la mission qu’il s’était donné un soir à lui-même, à peine âgé de six ans. Il l’avait regardé s’endormir, bercée par le doux ballotement qu’il infligeait au berceau bientôt trop étroit pour la petite fille. Son visage si petit et pourtant rond, ses petits poings fermés, sa respiration calme et le maigre sourire sur ses lèvres, surement en train de faire un rêve heureux. Et il s’était juré que rien n’irait à l’encontre du bonheur d’Astrid, ni les autres ni lui-même. Et surtout pas leurs parents. Et depuis, il a réussit à remplir sa tâche avec un sourire aux lèvres, car voir Astrid si rayonnante de joie est comme une bouffée de chaleur, il ne s’en lasse pas, et ne s’en lassera jamais.

(( there is no sun without shadow,
and it is essential to know the night ))

Tout a commencé avec quelques regards insistants, puis l’anticipation incertaine s’est installée. Défier l’interdit, vivre un amour prohibé, créer une histoire hors norme les a fait jubiler, et ils se sont lancés corps et âmes contre l’autre. Conscients de ce qu’ils faisaient, ils restaient aveugles aux conséquences inévitables.

Un secret qu’Astrid aurait aimé gardé pour elle. Ne pas le partager, rester dans la bulle qu’ils s’étaient tous les deux construit au fil du temps. Douillette et chaleureuse, Astrid s’y sentait mieux que n’importe quel autre endroit au monde. Elle se sentait aimée, admirée pour ce qu’elle était réellement. Peut-être cherchait-elle en lui quelque chose de plus que l’amour qu’il lui portait, un amour inconditionnel qu’elle aurait tant espéré recevoir de ses parents. Peut-être s’était-elle trop renfermée dans l’idée qu’elle recevait enfin l’amour qu’elle méritait à son égard. Un amour rempli de tendresse et de douceur, d’affection et de passion. Surement était-ce cet aveuglement qui a détourné leur attention de l’erreur qu’ils commettaient, et les conséquences les inondèrent.

Astrid se réveilla un matin, une angoisse démesurée la prenant de court, boursoufflée et nauséeuse. Car quand on ne fait pas attention, la vie arrive et Astrid se retrouve enceinte. Panique et joie se mélangent, et son premier réflexe est de le voir, de lui annoncer la nouvelle, parce qu’ils sont deux dans cette histoire et elle ne peut pas y faire face seule, sans lui à ses côtés. Mais il n’avait pas prévu que leur histoire aille si loin, que leur relation prenne un tournant aussi sérieux. Ce n’était que jeux et parties de plaisir au début. Sans aucun doute, les sentiments les ont rattrapé, mais jamais il n’aurait imaginé en arriver là. Il n’était pas prêt, il ne pouvait pas, il n’avait pas le droit. Que dirait-on d’un professeur qui sort avec une élève et, qui plus et, tombe enceinte. Lui, seule la panique l’envahit. Il n’y avait aucune choix dans son cœur, seulement l’adrénaline lui criant de s’enfuir, et la tristesse d’abandonner la jeune femme qu’il a appris à aimer plus que tout au monde.

Tout s’est passé beaucoup trop vite pour Astrid. Elle croyait qu’il allait se réjouir, qu’il l’aurait prise dans ses bras et l’aurait fait tourner dans les airs, naïve comme elle l’était. Mais il était parti, la laissant seule dans ce monde trop grand pour elle. En incapacité de réfléchir, la douleur de l’abandon s’installant beaucoup trop rapidement, elle se réfugia dans les bras de son frère, le seul en qui elle pouvait avoir confiance, le seul qui ne l’abandonnerait jamais — même si maintenant elle n’était plus sûre de rien. Et aussi vite que son amant avait pris la fuite, il ne resta plus aucune trace de leur relation, si ce n’est les souvenirs amers qu’Astrid garde en mémoire.