Katan #2 + After the Storm

Elle en avait marre.
Elle était épuisée, avait mal absolument partout, n’arrivait plus à respirer convenablement à cause de cette saloperie de tempête de sable et des kilos de poussière qu’elle avait avalé et en plus de ça, il fallait qu’ils rentrent au camp à pieds parce qu’ils n’avaient pas réussi à contacter les autres pour qu’ils viennent les chercher à cause des interférences dues à la tempête.
Une belle journée de merde en somme…

Kate poussa un énième grognement, rapidement suivi par plusieurs insultes quand elle manqua encore une fois de trébucher. Elle grommela un. « On fait une pause. J’en peux plus. » Et s’appuya son dos contre le tronc d’un arbre sans même attendre de réponse de la part de Steve et Ifan. Elle saisit la gourde fixée à sa ceinture et la porta à ses lèvres après l’avoir ouverte mais lâcha un nouveau juron quand elle réalisa qu’elle était vide.
Ok…
Donc cette journée avait décidé d’être merdique jusqu’au bout ?

Elle jeta sa gourde au loin en grognant de rage et porta immédiatement sa main à son épaule droite quand la douleur de sa blessure se réveilla. Ifan avait beau s’être occupé de la soigner, la douleur était toujours présente, surtout dès qu’elle faisait un effort.
Sa soulmate fit immédiatement un mouvement dans sa direction mais elle le coupa instantanément en levant son index devant elle. « N’essaie même pas. » Elle le fusilla du regard et libéra son épaule pour se rappuyer contre le tronc en soupirant bruyamment.
Ce n’était pas parce qu’ils avaient eu cette discussion avant qu’elle ne finisse enfermée et qu’elle lui avait dit qu’elle voulait qu’il reste que ça voulait dire qu’elle acceptait qu’il soit autant collé à elle.
Il ne fallait pas qu’il se fasse d’illusions.

« Ça va aller ? » Elle tourna un regard torve vers Steve et poussa un grognement d’affirmation. Il ne sembla pas vraiment convaincu par sa réponse mais ne réagit pas.
Au moins lui comprenait qu’il ne fallait pas la chercher quand elle était dans cet état. Ce qui n’était pas le cas de tout le monde…

La pilote se redressa finalement, quittant son appui et tituba légèrement en voulant se remettre à marcher. Ifan se rapprocha tout de suite d’elle pour passer son bras dans son dos mais elle le repoussa violemment d’une main. « Qu’est ce que t’as pas compris dans n’essaie pas ? » Elle le fusilla à nouveau du regard -du moins autant que l’écart de taille qu’elle avait avec lui le permettait- et reprit dans la foulée, sur un ton toujours aussi agressif. « J’ai pas besoin de ton aide ok ? Je me démerde très bien toute seule. » Elle vit Steve qui restait en retrait du coin de l’œil mais resta concentrée sur Ifan. « Te fais pas d’illusions ok ? C’est pas parce que je t’ai dit que je voulais que tu restes que ça veut dire que tu dois tout le temps être sur mon dos. » Elle poussa un soupir fatigué et passa l’une de ses mains dans ses cheveux pour les remettre.

Sans quitter Ifan des yeux, elle lui indiqua la suite du chemin d’un mouvement de tête. « T’as qu’à partir devant. T’en fais pas, je m’en sortirai sans mon preux chevalier. » Elle le suivit du regard quand il s’éloigna, les yeux braqués sur son dos et grommela un. « Jerk. » Avant de se remettre lentement en route.
Elle croisa le regard de Steve au moment où elle le dépassa et lui cracha un. « Crois moi. T’as pas envie de t’y mettre non plus. » Il leva ses mains devant lui, montrant bien qu’il ne cherchait pas le conflit et se remit lui aussi en route, dépassant rapidement la jeune femme qui resta à la traîne.

Elle ne savait plus quoi penser de ce qu’il s’était passé au checkpoint Nostra.
Là, tout de suite elle était juste énervée parce qu’Ifan voulait encore l’aider alors qu’elle se savait largement capable de se démerder sans lui, même si elle devait bien avouer qu’au fond cette attention la touchait bienplus qu’elle ne le voulait.
Mais sur le coup, quand elle l’avait vu au milieu de la tempête, elle n’avait pas pu s’empêcher de sourire et avait sentit cette chaleur s’emparer d’elle quand elle avait réalisé qu’il était venu pour elle.
Elle détestait cette sensation, cette impression de ne pas savoir comment réagir avec sa soulmate. Elle avait l’impression d’être constamment sur un fil et qu’elle manquait à chaque pas de tomber d’un côté ou de l’autre. L’un où elle rejetterait Ifan pour de bon et l’autre où elle l’accepterait enfin.

« Fais chier. » Elle secoua rapidement en grommelant, essayant de se sortir ces idées de son esprit et se remis en route, ramassant la gourde qu’elle avait envoyée voler juste avant au passage.

« Qu’est-ce que t’as pas compris dans n’essaie pas ? » c’est ce qu’elle lui a balancé à la gueule quand il s’est légitimement inquiété, il avait entrouvert ses lèvres pour dire quelque chose, mais le doc’ venait de se faire rembarrer violemment par la plus amochée du groupe — et c’était peu de le dire. En soi, il avait bien encore mal au bras, à la tête aussi, aux jambes… mais pour le reste c’était bien parce qu’ils marchaient depuis des heures et que la contrariété lui tapait littéralement sur les nerfs. « Ok, ok, ça va. » cède t-il en grommelant, la maudissant intérieurement pour son caractère de cochon, ce dont il se serait bien passé pendant un voyage aussi pénible. Il recule un peu, lui fait dos même, se passant une main dans ses longs cheveux emmêlés. C’est que les rafales de tout horizon, il s’en est prit depuis ce matin…
Le fait est qu’il s’était rendu au checkpoint exprès pour la retrouver, lui et Steve, et qu’ils s’étaient prit une belle tempête dans la face, en plus de celle qui portait le doux nom de Kate. Une F5 pour la dernière. Son ingratitude le blessait, fatalement, étant beaucoup trop attaché à la pilote pour se protéger de ses humeurs indéfiniment. Ifan avait bien voulu essayer de la laisser tranquille, mais tel un funambule suicidaire, il avait l’impression que le fil bercé au dessus du vide pouvait se rompre à chaque instant. Le terrain était beaucoup trop hostile pour qu’il ne puisse pas craindre une aggravation de son état déjà approximatif, quant bien même il avait tenté de lui prodiguer des soins rudimentaires. Il est vrai que leur discussion il y a de ça quelques temps n’avait pas sans raviver la flamme qui consumait son pauvre cœur à chaque fois qu’il se tenait à ses côtés.

« J’ai pas besoin de ton aide ok ? Je me démerde très bien toute seule. » et lâche un soupir à ses mots, manquant de lever les yeux vers ce ciel. Un ciel qui ne lui serait d’aucun secours. C’était pas faute de demander de l’aide aux Anciens… force est de constater qu’ils étaient plutôt durs de la feuille dernièrement. L’altéan ne pouvait décidément compter que sur lui. « Te fais pas d’illusions ok ? Disque rayé. Ça lui fait un mal de chien, quoi qu’il fasse. C’est pas parce que je t’ai dit que je voulais que tu restes que ça veut dire que tu dois tout le temps être sur mon dos. » Tout le temps, tout le temps… c’est pas comme si ça faisait un certain nombre de jours qu’elle n’avait pas donné signe de vie. Est-ce qu’elle avait pensé un seul instant que ça ait pu l’inquiéter ? Kate sait à quel point il peut être attaché à elle - ou peut-être pas assez justement - et même si ça la fait chier, elle pourrait au moins lui accorder cette légitimité-là. Il y a de ses pensées qui s’assombrissent sous l’agacement, la déception, la colère peut-être bien ; songeant même que ce fut une erreur de faire tant de chemin pour la retrouver. Pour récolter quoi, au final ?
Pas des roses, non, juste des ronces.
Il répond pourtant, l’agacement manifeste au travers de sa locution, du ton employé. « Ça n’a rien à voir Kate, tu vois bien que t’es pas en état. Le géant se tourne vers elle, capture son regard un bref instant avant de le détourner, amer. J’suis toubib, pas guide touristique. » Sauf qu’elle ose en rajouter une couche — Steve et leur environnement sauvage pour seuls spectateurs. Ça le met hors de lui : il n’a pas les armes pour se battre contre ça dans son état. « T’as qu’à partir devant. T’en fais pas, je m’en sortirai sans mon preux chevalier. » « J’suis le chevalier de personne. » gronde t-il avant d’ajouter sitôt après, non moins contrarié. « Et puis tu m’emmerdes. » avant de passer effectivement en première ligne, s’éloignant très vite du duo d’un pas lourd et décidé.

Les battements de son cœur cognant contre sa poitrine résonneraient presque contre la petite silhouette de Mr Jingles, accroché à son vêtement, sous son manteau. Seule sa tête dépassait du col de ce dernier, humant l’air qui semblait lui indiquer la présence d’intrus. Agacé, Ifan ne porta pas attention aux petits coups de griffe ni à l’agitation manifeste du furet au fur et à mesure qu’il progressait. Son esprit fatigué bouillonnait et la seule chose qui le maintenait encore était ses ruminations intempestives — ces mêmes ruminations qui le rendait beaucoup moins alerte qu’à l’accoutumée. Ifan était susceptible, c’était de notoriété publique, et même s’il n’était pas expressément violent, il passait le clair de son temps à souffler sur un incendie interne.

L’altéan en a même oublié les deux autres, dont il n’aurait su jauger la distance. Ça faisait bien cinq minutes qu’ils marchaient comme ça, distancés les un des autres, et sans doute avaient-ils essayé de remonter un peu plus vite vers lui depuis. Qui sait ce que la forêt aux écorces cramoisies pouvait leur réserver ?
Lui en tout cas n’avait pas prit le temps de cette réflexion, même s’il savait pertinemment que le danger rôdait partout et en permanence ici bas, et ce jusqu’aux souches d’arbre vautrées à terre.
Alors l’inévitable se produit : il se fait surprendre par une meute de rôdeurs à col gris, le genre de créatures à taille moyenne mais particulièrement voraces  — ils adoraient s’attaquer à des proies solitaires, comptant sur le poids de leur groupe, puisqu’un seul individu de leur espèce serait facilement neutralisable. Quand il voit les deux premiers, Mr Jingles s’est déjà enroulé autour de son cou fermement pour le protéger de toute attaque ; il a à peine le temps de réfléchir, à peine le temps de sortir cette lame qu’il gardait sur lui que des crocs s’étaient déjà enfoncés dans un de ses mollets, puis d’autres le rejoignirent, déchirant le tissu et la peau qui se trouvait en dessous. Un râle de douleur s’échappe de ses lèvres et il tente de bouger la jambe pour se défaire de son emprise, mais un autre rôdeur parvint à détourner son attention et  atteindre son bras après avoir grimpé sur lui.
Ill lui planta la lame dans son crâne pour l’achever, mais sa lame ripa sur son bras qui, heureusement, était couvert du cuir de son manteau. Il fut pourtant rapidement submergé, ils étaient presque une dizaine — et il n’eut d’autre choix que de mettre un premier genou à terre sous la douleur lancinante qui lui irradiait la jambe droite ; ne serait-ce que pour espérer en filer quelques uns de l’acier trempé de sa lame. Chose qu’il arrivait à faire dans les grandes lignes, mais pas sans se fatiguer davantage… il se blesse même par mégarde par des mouvements vifs, réflexes et souvent trop amples pour en atteindre, tant ils étaient agiles et rapides.
Or, son estomac était vide, son hydratation sommaire et sa réserve de glycémie insuffisante — la tête lui tournait, et plus il continuait, plus ses symptômes s’accentuaient, manquant de lui faire lâcher son arme. Il n’y avait plus qu’à espérer que le sang frais n’en ramène pas d’autres, parce qu’il ne parviendrait pas à supporter un énième assaut… pas sans leur emprunter une apparence différente. 

Elle avançait en traînant des pieds, gémissant presque à chaque pas et gardait son regard baissé pour s’assurer de voir où elle marchait.
Elle en avait marre. Marre de ses muscles qui lui faisaient mal. Marre de sa blessure à l’omoplate qui se réveillait au meilleur des moments. Marre de cette planète de merde. Marre d’Ifan qui n’arrêtait pas de vouloir l’aider comme si elle était incapable de se débrouiller toute seule.
Et marre de ses pensées qui ne cessaient de se contredire à chaque fois qu’elle pensait à sa soulmate.

« Et puis tu m’emmerdes. » Elle singea la dernière réplique d’Ifan et s’immobilisa un instant le temps de beugler un. « Connard ! » Qui résonna un moment dans les bois avant qu’elle ne se remette en route. Elle se doutait bien qu’il ne l’entendrait pas. Après tout il devait déjà avoir une belle avance sachant qu’elle ne voyait déjà plus Steve qui était pourtant parti en même temps qu’elle. Elle avait simplement eu besoin de laisser sa frustration s’échapper. C’était ça ou frapper le tronc d’un arbre. Et vu l’état de son épaule…

Elle pouvait sentir sa soulmark palpiter, comme pour lui rappeler qu’elle aurait beau être la pire des saloperies avec Ifan, essayer de le rembarrer autant qu’elle le voudrait, il serait toujours là pour elle.
Pour elle.
Elle n’arrivait toujours pas à se faire à cette idée.
Il était pourtant là depuis un moment maintenant et il avait volontairement abandonné toute sa famille pour venir la rejoindre ici. Mais elle n’arrivait pas à s’y faire. Elle n’arrivait pas à comprendre comment il pouvait encore s’accrocher alors qu’elle avait mis fin à ce lien des années plus tôt.

Sa soulmark irradia subitement beaucoup plus fort, lui faisant lâcher un grognement. C’était quoi ce délire ? Le destin voulait encore plus s’en mêler ? Lui montrer que peu importe ce qu’elle ferait, sa soulmate serait toujours là ?
Elle leva les yeux au ciel, crachant un. « J’t’emmerde. » Et attrapa sa manche pour la redescendre jusqu’à son poignet mais s’immobilisa en touchant sa soulmark. Elle était brûlante. C’était la première fois qu’elle ressentait ça.
Elle pressa sa paume sur la marque et serra les dents quand la chaleur s’intensifia encore, la forçant à retirer sa main.  

Ça n’était pas normal.
D’habitude, la chaleur qu’elle pouvait ressentir était interne. Ce n’était pas concret. Alors que là…
Elle releva les yeux devant elle, dans la direction vers laquelle devait se trouver Ifan, son regard se faisant plus inquiet au fur et à mesure des secondes.
Qu’est ce qu’il se passait ?
Elle se remit en route, mais sans s’en rendre compte, commença à accélérer le rythme.

Elle n’était pas bien. Elle sentait que quelque chose n’allait pas. Elle ne pouvait pas l’expliquer mais elle le savait.
La pilote pouvait sentir son cœur cogner de plus en plus douloureusement dans sa poitrine, sa respiration se hacher et son rythme cardiaque s’accélérer.  
Pourquoi est ce qu’elle était dans cet état ?

Une vive douleur se réveilla dans son mollet, la faisant glapir de douleur et elle manqua de s’effondrer au sol après avoir perdu l’équilibre. « Ifan. » Son nom lui échappa dans un soupir et elle continua d’avancer, en se mettant presque à courir.

Kate arriva à la hauteur de Steve et le dépassa sans prononcer un mot, le bousculant au passage. Elle ne pouvait pas perdre de temps. Elle n’entendit même pas le jeune homme l’appeler, trop occuper à se concentrer sur sa soulmate.
Elle ne voulait pas d’Ifan dans sa vie. Elle ne voulait plus de lui. Elle le lui avait répété et se l’était répété des centaines de fois. Elle s’en était convaincue et avait tout fait pour l’oublier. Mais ce qu’elle ressentait à présent était bien trop fort pour qu’elle l’ignore. Ses mouvements étaient mécaniques, incontrôlés tant elle était concentrée sur sa soulmark et tout ce qu’elle lui faisait ressentir.

Ifan apparu finalement dans son champ de vision et elle s’immobilisa brusquement, horrifiée parce qu’elle était en train de voir. Il était à genoux, blessé, entouré par une dizaine de rôdeurs qui lui tournaient autour et attaquaient à tour de rôle en attendant le bon moment pour porter le coup de grâce.

Elle était paralysée.

Son souffle commençait à lui manquer et son cœur cognait douloureusement dans sa poitrine.
Elle n’avait plus voulu de ce lien, d’avoir quelqu’un d’aussi important dans sa vie et s’était renfermée. Mais à présent qu’elle voyait Ifan au sol et gravement blessé, elle réalisait qu’elle ne survivrait pas si elle le perdait. Elle avait besoin de lui. Et ce n’était que maintenant qu’elle le comprenait.

« IFAN ! » Sans s’en rendre compte, par pur réflexe, elle se mit à courir vers sa soulmate au moment où elle hurla son nom. Tout en se rapprochant rapidement de la meute, elle dégaina le couteau qu’elle gardait toujours à sa ceinture et envoya son pied dans le flanc du rôdeur le plus proche. Elle serra les dents face à la vague de douleur qui se répercuta dans sa jambe suite à l’effort demandé à son corps mais se jeta malgré tout sur sa soulmate, l’enjambant pour essayer de faire rempart face à la meute qui l’attaquait. Elle savait qu’elle n’arriverait à rien toute seule. Ils étaient bien trop nombreux pour être intimidés par sa présence et elle risquait de se faire déchiqueter elle aussi mais elle s’en fichait.
L’un des prédateurs se jeta sur elle mais elle parvint à le repousser d’un coup de couteau tout en poussant un hurlement dans l’espoir d’intimider les autres. Certains reculèrent de quelques pas mais restèrent à distance, hors de sa portée.
Elle n’avait aucune chance.

Un des rôdeurs tenta un nouvel assaut qu’elle parvint à repousser, non sans se faire écorcher le bras et Kate s’immobilisa brusquement en entendant une détonation. Les rôdeurs s’enfuirent immédiatement et la pilote resta un moment interdite, incapable de réaliser ce qu’il venait de se passer. Elle releva finalement les yeux et posa son regard sur Steve qui venait de les rejoindre, une arme à la main.
Elle n’avait pas le temps de le remercier.

Poussant un grognement, elle lâcha sa lame qui tomba au sol et se laissa tomber à genoux dans la foulée, aux côté d’Ifan. Les yeux larmoyants à cause du trop plein d’émotions, elle le regarda un moment dans les yeux, incapable de prononcer le moindre mot.
Il était vivant.
Un mouvement de Steve attira son regard et elle reporta rapidement son attention sur lui. « Va chercher de l’aide ! » Le brun sembla décontenancé pendant un instant mais la pilote reprit dans la foulée, l’empêchant de tergiverser plus longtemps. « Au camp ! Va au camp chercher de l’aide ! » Il prit un instant, sans doute le temps d’assimiler toutes ses informations et se mit à courir sans prononcer un mot. Ils n’étaient plus très loin du camp des Shadowrunners. Il ne mettrait pas trop de temps à revenir avec de l’aide.

Kate reporta son attention sur sa soulmate et laissa enfin ses émotions prendre le dessus. Elle éclata en sanglots et sans se soucier de l’état d’Ifan, passa ses bras autour de son cou. Elle parvint à articuler un. « J’ai compris. » Et enfouit son visage dans le creux de son cou pour y pleurer silencieusement.

Elle s’en voulait tellement. Il lui avait fallu attendre de ressentir la détresse et la douleur d’Ifan, attendre qu’elle se rende compte qu’elle risquait de le perdre pour réaliser ce qu’il représentait pour elle.
Elle avait voulu se débarrasser de leur lien mais maintenant qu’elle était blottie contre lui, qu’elle pouvait sentir son cœur battre contre sa poitrine, elle comprenait enfin qu’elle n’aurait jamais pu vivre sans lui. Il avait toujours été là, avec elle, pour elle, d’aussi loin qu’elle s’en souvenait. Il n’avait jamais cessé de se battre alors qu’elle avait abandonné parce qu’elle avait été trop lâche, parce qu’elle avait eu trop peur. Elle avait été un monstre avec Ifan et elle ne le réalisait que maintenant. Alors qu’elle le serrait contre elle et qu’elle refusait de mettre fin à ce contact.

Le visage toujours enfouie dans le cou d’Ifan, Kate déglutit avec difficulté et attendit quelques instants que ses sanglots se calment avant de reprendre la parole d’une petite voix. « Je suis désolée. » Elle resserra un peu plus sa prise tout en fermant les yeux. « C’est toi qui avais raison. J’aurais du m’en rendre compte plus tôt. » Elle sembla soudainement réaliser l’état dans lequel était Ifan et le libéra brusquement de son étreinte pour observer ses blessures. « J-je… Je suis désolée. Je… Steve va revenir avec de l’aide mais j… » Qu’est ce qu’elle pouvait être conne. « Qu’est ce que je peux faire ? » Elle était à deux doigts de la crise de panique et ne savait absolument pas quoi faire. C'était pour ça qu'elle comptait sur Ifan pour lui expliquer la marche à suivre. Parce que dans le cas contraire... Non elle préférait ne pas y penser.

« IFAN ! »

De longues minutes interminables, vraisemblablement interrompues par une voix qui lui parut beaucoup trop lointaine pour son cerveau fatigué. Ses oreilles sifflent, ses mouvements ralentissent, s’alourdissent, tout comme l’ensemble de sa carcasse qui ployait contre cette terre de malheur. Ifan s’est laissé tomber fesses contre terre, incapable de tenir plus longtemps car profondément déséquilibré par le flot bestial qui l’assiégeait. Gorgé d’adrénaline, son point culminant s’éloigne toutefois et le laisse de moins en moins imperméable aux signaux envoyés par ses nocicepteurs.

Il passe son temps à éviter, à se balafrer, faucher de sa lame, décapiter — le tout en se faisant déchiqueter, Mr Jingles toujours collé à sa nuque pour protéger ses points vitaux. Il réalise qu’il n’aurait même pas l’énergie de faire une passe vers la forme d’un traqueur, qui aurait certainement pu les effrayer. Il réalise aussi qu’il pourrait rester sur le carreau ici. Mais ce qu’il n’a pas encore intégré, c’est le fait que la silhouette qui se meut à ses côtés est d’une première aide… et que cette silhouette, c’était la sienne.

Sa jambe droite était bien trop touchée pour qu’il puisse encore avoir le réflexe sempiternel de la secouer pour décourager les deux qui s’y attardaient encore par intermittence, remontant à la cuisse. La frénésie bestiale, épuisante, laisse finalement place à une tornade sans visage, qui le surplombe alors tandis qu’il s’évertuait encore à soutenir son poids sur son coude gauche. Un bras tremblant, flagellant car lui aussi blessé — il en est de même pour cette main fébrile qui retient pourtant fermement la garde moite du couteau contre sa paume, comme un dernier rempart.
Les cris et la détonation qui partit lui dardèrent le crâne. Désorienté, il ferma les yeux déjà inutiles par ces vagues brouillardeuses qui rendaient son environnement indistinct. Son bras se dérobe, peu à peu, il se force à prendre de grandes respirations mais tout est trouble, et s’annonce bientôt la douleur, vive, violente, écœurante. Sur le moment, il n’a aucun réflexe autre de survie, il n’a pas la force d’aller chercher quoi que ce soit pour faire pression sur son membre le plus touché et en pleine hémorragie. Au fond, Ifan ne sait pas vraiment s’il va survivre. Il ne sait pas non plus s’il pourra remarcher correctement après ça, au vu de la médecine locale. (Il a bien faillit perdre son œil malgré la médecine de pointe altéane.) Il faudrait peut-être récupérer d’autres fournitures au checkpoint, ou même en dérober. Des fournitures de choix, loin des propositions naturelles qu’il pouvait utiliser en médecine préventive - entre autre - au sein du camp.
Quand il sentit quelque chose le toucher, son attention fut happée par ladite personne, présence qu’il reconnut à peine malgré leurs regards scellés.

« …ai… pris… » il fronce un peu les sourcils, il sent Loa qui feule et se raidit à l’approche de sa soulmate. Le seul réflexe de l’altéan est alors un « shhhht » que l’animal saisit sans l’amalgamer, puisqu'attrapé au col par ce dernier. Il descend alors le long de son bras blessé et ses plaies sont léchées avec précipitation mêlée à une étonnante adresse.
De l’autre côté, Ifan tend à se redresser un peu, s’accrochant malencontreusement à Kate qui l’avait enlacé. Au milieu de tous ces stimulis, il sent sa soulmark qui lui brûle la peau, une sensation qui n’avait étrangement rien à voir avec toutes ces inflammations qui commençaient sérieusement à l’accabler.
C’est toi.
Le phare. Le pilier. Toujours là.
Il prend à nouveau une grande respiration, manifestement soulagé que ce soit elle et pas un autre.
Encore une… ça ne suffira probablement pas pour l’empêcher de partir au minimum quelques secondes, mais il essaie. Non, le malaise ne passera pas aussi facilement. Il a besoin de sucre rapide. Et d’un garrot s’il n’a plus de pansement — il ne se rappelle plus s’il lui en reste, ou s’il en a. Il avait un kit, ou au moins quelques bricoles de premiers soins, qu’il avait prises pour le voyage jusqu’au checkpoint. Par sécurité… c’est d’ailleurs dans celui-là qu’il avait pioché pour soigner la pilote quelques heures plus tôt. Mr Jingles est accroché à la jambe la plus amochée et continue son affaire sur l’une des lésions les moins profondes, le faisant grimacer, grogner. Le réflexe aurait été de lui dire d’arrêter, mais personne, et encore moins lui, ne pouvait nier que la salive avait un pouvoir cicatrisant non négligeable.

Un de ses bras reste plaqué contre les reins de Kate - pour se maintenir et compenser sa faiblesse manifeste - alors qu’il tente de récupérer quelque chose dans la doublure de son manteau épais. Il la sent se crisper sous la douleur qui doit l’incomber mais n’arrive pas à se rééquilibrer. De fait, il se sent  encore trop faible. « …désolée… » et continue de parler, même si la moitié lui semblait flou, inaccessible à sa compréhension. Le seul fait de la sentir contre lui le maintenait encore un peu la tête hors de l’eau, mais ça ne durerait pas longtemps. Ifan était déjà loin et ce n’était pas chose difficile que de s’en apercevoir. « Je… Steve va revenir avec de l’aide mais j… » « …sucre… je vais le faire… » marmonne t-il alors qu’il tente de sortir d’une main faiblarde la pochette où se trouvait le tout. La médecine terrienne avait au moins l’avantage d’être radicale à souhait, militaire. Des pastilles gorgées de sucre pour remonter sa glycémie. Il tenta d’ouvrir le sachet mais c’est elle qui le fit, allant jusqu’à l’aider à le passer entre ses lèvres. Trois, il en prend trois. L’altéan ne perd pas le temps malgré ses faiblesses cognitives qui le faisaient gagner en confusion. Si ça ne suffisait pas, il y avait du glucagen à injecter au camp — mais il ne voulait pas le prendre pour lui, gardant à l'idée qu'un autre pourrait en avoir plus besoin.
« Qu’est ce que je peux faire ? » « Prends ça… » et lui désigne le pansement hémostatique qui leur faisait de l’œil dans cette petite trousse. « …et appuie, fort… là… » avant de réussir à lui indiquer la lésion vomissante au niveau de son mollet droit.

Tu vas y arriver.

C’est ce que lui hurle les rares nuances dans son jeu de regard, ou les quelques gestes qu’il pouvait encore faire.

« Ça va aller… » qu’il se répète à voix haute comme une litanie qui se voulait sécurisante, malgré son pouls important et sa fréquence respiratoire qui allait de pair. « Ça va aller… » sans savoir si d’autres rôdeurs allaient rappliquer, quant bien même les cadavres qui les encadraient pourraient faire office d’avertissement. Elle y arriverait, même pendant ces quelques secondes de black-out qu’il était en train de vivre, se reposant de tout son poids sur l’épaule de sa soulmate. Il fallait qu’il s’allonge. Dans son propre sang s’il le fallait, mais il fallait qu’il s’allonge, au moins le temps que les autres n’arrivent… et que sa glycémie remonte.

Ça va aller.

Il avait au moins deux êtres aimés à ses côtés pour y veiller.

Elle allait faire une crise de panique. Elle le savait. Elle avait pourtant toujours été forte, avait toujours réussie à garder la tête froide dans toutes les situations de crise mais à ce moment précis, alors qu’elle sentait Ifan agoniser contre elle, qu’elle pouvait entendre les sifflements dans sa respiration hachée, elle était en panique totale.

« Prends ça… » Elle suivit le regard d’Ifan qui lui indiquait un pansement dans la trousse de secours. Elle s’exécuta d’une main, gardant son autre bras fermement ancré autour des épaules de sa soulmate pour qu’il ne s’écroule pas. « …et appuie, fort… là… » Elle déchira l’emballage du pansement d’un coup de dent et l’appliqua immédiatement sur la plaie au niveau de son mollet, en appuyant de toute ses forces.

Son regard était ancré dans celui d’Ifan. Elle ne le quittait plus des yeux afin de s’assurer qu’il ne s’évanouisse pas.

« Ça va aller… » Elle renifla bruyamment et hocha faiblement la tête. Elle arrivait à peine à voir le visage d’Ifan à cause de ses larmes mais ne le quittait pas des yeux.
« Ça va aller… » Elle le sentit partir et s’affaler immédiatement contre elle mais elle parvint à se maintenir en équilibre tout en poussant un grognement sourd avant de lâcher un « Ifan ? » D’une voix paniquée.
Elle resserra un peu plus sa prise autour de ses épaules et vint dans la foulée appuyer doucement son front contre la tempe de sa soulmate. « Restes avec moi. » Sa voix était un soupir, à peine audible, mais elle savait qu’il l’avait entendue. « Restes avec moi s’il te plaît. » Un nouveau sanglot lui échappa et elle ferma un instant les yeux, le temps d’essayer de se calmer.

Il fallait qu’elle reste forte et qu’elle ne se mette pas à paniquer. Ifan avait besoin d’elle et si elle se mettait à paniquer et à perdre ses moyens, elle allait le perdre lui aussi.

Il s’appuyait de tout son poids sur elle et elle avait du mal à garder l’équilibre. Elle ne savait pas combien de temps les secours mettraient à arriver mais elle savait qu’elle ne tiendrait pas dans cette position éternellement. Alors elle retira sa ceinture et l’enroula autour du bandage posé sur le mollet d’Ifan et la serra afin qu’elle le maintienne bien en place. Elle glissa ensuite doucement sur le côté et tout en maintenant Ifan d’un bras, se glissa lentement dans son dos. Elle passa l’une de ses jambes de l’autre côté du corps d’Ifan et se recula le plus doucement et le plus délicatement possible jusqu’à ce qu’il puisse s’allonger et reposer sa tête sur son ventre.
Elle serra l’une des mains du brun dans la sienne et glissa son autre main dans les cheveux du brun pour les caresser doucement, ignorant les griffures et les sifflements de Loa à son encontre.
Ça ne servait probablement à rien qu’elle lui caresse les cheveux de la sorte, elle s’en doutait mais c’était plus pour elle. Pour avoir quelque chose sur lequel se concentrer, afin de ne pas paniquer.

« Je suis là. » Elle arrivait à peine à articuler et devait s’y reprendre à plusieurs fois pour réussir à parler mais elle se forçait à le faire. Il avait besoin d’elle, qu’elle soit forte.
C’était tout ce qui importait.

Un bruit de moteur se fit entendre au loin et elle releva immédiatement la tête dans sa direction supposée. Un rire nerveux lui échappa et elle baissa les yeux sur le visage d’Ifan. « Tu entends ? Ils arrivent. » Elle libéra les cheveux de sa soulmate pour essuyer ses larmes d’un revers de main. « Alors restes avec moi d’accord ? » Elle resserra ses jambes autour de lui et passa son bras libre autour de son cou pour se blottir contre lui. « Restes avec moi s’il te plaît. J’ai besoin de toi. »

Il fallait qu’il tienne.

Les bruits de moteur se rapprochaient et elle priait silencieusement pour qu’ils fassent vite. Elle n’avait jamais été croyante et s’était toujours dit que c’était des conneries que de remettre sa vie entre les mains de divinités qui n’existaient pas. Mais là, à ce moment précis, elle priait toutes les divinités possibles et imaginables. C’était tout ce qui lui restait.

« Restes avec moi… restes…moi…plaît… » sont les seules choses qu’il se souviendra avoir entendu avant de sombrer dans l’inconscience. Aucun stimuli externe lui permit de refaire surface, sauf un à vrai dire, où il crut entendre la voix de Kate, à nouveau, avant qu’elle ne s’accompagne de vrombissements sourds et d’éclats de voix épars.

▽

Ifan ?

Ifan, tu m’entends ?

Et c’est pas la voix de Kate, cette fois. C’est celle de l’autre infi du camp, tout aussi capable dans son domaine. Et de fait, il avait réussi à le stabiliser, même s’il ignorait encore combien de temps s’était écoulé depuis l’attaque.
Ç’avait été difficile de s’en occuper, la faute à Mr Jingles, qui avait élu domicile dans le creux de son cou, ses babines encore rougies retroussées. Un vrai parcours du combattant, mais ils avaient réussi à faire le principal… il restait bien quelques petites choses à faire, mis à part la surveillance pure et simple, et l’éveil du toubib-patient allait forcément aider à l’ouvrage.

Les sons reviennent peu à peu, c’est la première chose qui le happe après les odeurs de sang et de désinfectant naturel ; sans compter le parfum caractéristique de la bâche de tente qu’ils utilisaient.

Ifan ?

Il inspire doucement, et c’est là que la douleur lui lacère la jambe, les mains et le bras gauche, pour ne citer que ces lésions — ça le fait grimacer, serrer les mâchoires, il laisse échapper une longue expiration nasale. Sitôt eut-il lâché ce soupir que Loa claqua des dents et lui lécha la joue, ne faisant qu’exacerber son rictus renfrogné.
Quand c’est finalement sa soulmark qui l’interpelle le plus, et la peau rafraichie par l’angoisse qui est en contact avec sa main… celle de Kate. « Ça se prononce… eïfén’… » juge t-il bon de mentionner au concerné alors qu’il peinait encore à réaliser où est-ce qu’il en était.
Tout ce qu’il savait, c’était qu’il était au camp, que son âme n’avait pas été arrachée à son corps pour rejoindre le monde des esprits, que sa soulmate était là, au bout de son bras, et que c’était quelque chose d’aussi absurde que renversant. Il aurait tellement de choses à lui dire… s’il avait eu l’esprit parfaitement éclairé. Encore un peu de temps. De toute façon, c’était bel et bien les élancements qui le crispait et l’empêchait de parler ou réfléchir décemment. « Stop, » fait-il doucement à Mr Jingles avant de lui souffler dans le museau, l’interrompant dans sa fièvre affectueuse. Quand il se réinstalle au creux de son cou, l'œil de l'altéan galope sur les quelques visages qui l'entourent. Il y a quelques voix qui s'esclaffent en dehors, mais à l'intérieur, c'est le silence qui est maintenu au possible.

Alors le premier réflexe est de demander un bilan sur son état, légitime dans son cas. « C’est bon? » il jette d’abord un regard interrogateur au soignant, puis à Kate, qui avait certainement dû entendre ce dernier déblatérer sur l’état du blessé. Sans attendre vraiment la réponse à sa question, il rebondit aussitôt, l’air soudainement préoccupé. « Ça va? » qu’il demande aussitôt à sa soulmate, oubliant qu’il était lui-même alité, le teint livide et des pansements à foison. Mais il commençait à se rappeler, les souvenirs ressurgissent, et il s’en imprègne, leur empreinte se raffermissant avec les secondes. T’as pas perdu trop de sang heureusement, la compression sur ta jambe a aidé à arrêter l’hémorragie. Ça a été prit à temps. Le reste va falloir vérifier que ça s’infecte pas, c’est pas comme si les rôdeurs étaient connus pour leur hygiène dentaire irréprochable alors… Mais Ifan écoutait que d’une seule oreille, il était dérouté par ce qui était en train de se produire, du contact, de la proximité, du regard, profondément différent, que Kate lui offrait. Faut que je t’injecte un truc pour te soulager la douleur et… « Merci, » siffle t-il entre ses dents, l’autre pourrait le prendre pour lui, mais c’est bien à elle qu’il s’adresse en premier lieu. (Un égoïsme qui trouvait sa source dans l'essence même de leur lien.) Il ne l’a d’ailleurs pas quitté des yeux depuis, faisant de l’ombre à tous les autres. L’infirmier lui injecte la solution, la piqûre lui faisant tourner la tête dans sa direction. Il n’avait pas pu le faire avant, le furet ayant fait rempart jusque là. L’homme lui accorde un regard compatissant et soupire doucement, espérant que cela fasse effet au plus vite. …bon, j’vous laisse, je reviens dans une quinzaine de minutes. Ça lui laissait le temps de l'entendre parler, cette fois-ci, et peut-être lui rendre la pareille. « T'as réussi, » qu'il lâche alors qu'un sourire fleurit sur ses traits fatigués, caressant de la pulpe de son pouce le dos de sa main froide.

Elle avait eu l’impression que Steve avait mis une éternité à arriver avec les secours. Elle les avait aidé à charger Ifan dans le véhicule et ne l’avait plus lâché à partir de ce moment.
Même quand l’autre toubib du camp lui avait demandé de quitter l’infirmerie pour qu’il puisse soigner sa soulmate, Kate était restée campée sur ses positions, une de ses mains toujours fermement agrippée à celle d’Ifan, et avait menacé le type de lui arracher les yeux s’il lui redemandait une nouvelle fois de partir.
Elle était restée à son chevet pendant toute la durée des soins, sans le quitter des yeux.

Le long soupir que poussa Ifan la fit relever les yeux sur son visage et elle ne put s’empêcher de sourire en voyant Mr Jingles se mettre à lui lécher la joue. « Ça se prononce… eïfén’… » C’était ce qu’elle avait essayé d’expliquer au toubib mais il n’avait même pas pris la peine de l’écouter.

« C’est bon? » La pilote hocha faiblement la tête pour le rassurer. Oui, c’était bon. Il avait été secouru à temps et s’en sortirait sans séquelles. L’air préoccupé que pris soudainement Ifan la fit froncer les sourcils. « Ça va? » Il était sérieux là ? Kate poussa un soupir amusé et se retint de le frapper. « C’est toi qui me demandes si ça va ? » Elle passa rapidement son regard sur les blessures de sa soulmate et souffla un. « Crétin. » D’une voix amusée.

Elle n’écouta pas le toubib donner des explications sur son état à Ifan, ayant été présente lors de toute l’opération. Elle savait qu’il s’en tirerait sans complications. C’était tout ce qui lui importait.
Son bilan fait, il fit une rapide injection au brun avant de reprendre la parole. …bon, j’vous laisse, je reviens dans une quinzaine de minutes. La jeune femme hocha la tête et répondit un. « Merci. » Elle le suivit du regard jusqu’à ce qu’il quitte la pièce, les laissant enfin seuls.

« T'as réussi, » Un nouveau sourire étira les lèvres de la pilote et elle baissa la tête, gênée. « J’ai aucun mérite. » Son sourire s’agrandit légèrement alors qu’elle relevait les yeux vers sa soulmate. « J’ai plus paniqué qu’autre chose. J’ai juste… » Elle haussa les épaules. « J’ai juste essayé de… De faire quelque chose. » Elle n’avait fait que réagir à l’instinct. Elle ne se souvenait même pas de ce qu’elle avait fait. Tout ce dont elle se souvenait c’était de l’état de panique dans lequel elle était et de la détresse qu’elle avait ressenti.

Elle posa son regard sur le pouce d’Ifan quand elle le sentit caresser le dos de sa main et resserra légèrement sa prise. « Je suis désolée. » Elle déglutit difficilement et sentit ses yeux s’embuer à nouveau. « Pour tout. » Elle essuya ses larmes qu’elle commençait à sentir d’un geste rageur de sa main libre. « C’est toi qui avais raison. Depuis le début. Et je refusais de le voir. » Ses larmes recommencèrent à couler mais elle les ignora cette fois. « J’ai été la pire des salopes avec toi. Pendant toutes ces années alors que toi… Tu continuais à être là. » Elle renifla bruyamment et releva finalement ses yeux vers le visage d’Ifan. « Et il a fallu que tu manques de mourir sous mes yeux pour que je m’en rende compte, pour que je réalise que c’était toi qui avais raison. » Elle se demandait encore comment il avait pu tenir le coup, s’accrocher comme ça, alors qu’elle avait tout fait pour s’éloigner de lui. A sa place elle aurait probablement abandonné depuis bien longtemps.

« Tu mérites mieux. Après tout ce que je t’ai fait… Tu mérites mieux que moi. » Elle le pensait vraiment. Il avait toujours été là pour elle. Elle ne méritait pas de l’avoir.
Elle ne souhaitait que rattraper toutes ces années perdues à se tenir loin de lui, elle voulait se faire pardonner. Mais qu’est ce qui lui garantissait qu’elle ne recommencerait pas ? Elle se trouvait lâche et était persuadée qu’elle s’enfuirait au moindre problème qu’elle pourrait avoir avec Ifan. Elle se considérait comme une femme forte mais quand il s’agissait de ses sentiments elle avait toujours pris la fuite plutôt que de faire face. Rien ne lui garantissait qu’elle ne le referait pas.

« Je sais pas si je suis prête à prendre ce risque. Qu’est ce qui me dit que je ne vais pas à nouveau te rejeter ? T’as souffert pendant toutes ces années à cause de moi et… Et je ne veux pas risquer de te refaire souffrir un jour. » Elle connaissait déjà sa réponse. Elle savait déjà ce qu’il allait lui dire. Mais elle avait besoin de l’entendre. Elle avait besoin de savoir qu’il était prêt à prendre ce risque avec elle. Elle savait que c’était égoïste, que ce n’était que pour la rassurer elle mais elle avait besoin de l’entendre.

« J’ai aucun mérite. J’ai plus paniqué qu’autre chose. J’ai juste… » il inspire doucement, haussant ses sourcils, l’air faussement blasé par les propos de la Lobsterienne. Les mots qu’elle prononce ne l’enchantent pas. Les mots qu’elle prononce ne l’enchantent pas parce qu’elle se jette la pierre, ou au mieux, se refuse à accepter ses remerciements. Le crétin qu’il est la laisse finir, ça lui permet de respirer calmement, le B.A.-BA pour composer avec la douleur… pour le moment. « J’ai juste essayé de… De faire quelque chose. » « C’est pour ça que j’te remercie. Alors prend ce que… » il allait poursuivre sur sa lancée mais la douleur à nouveau ravivée lui froissa le visage et laissa en suspens la caresse sur sa main. Ifan ne chercha d’ailleurs pas à aller au bout de sa pensée, elle comprendrait très bien le message. Rien de sorcier.

Il a la tête qui lui tourne lorsqu’elle s’excuse. Il croit rêver, une nouvelle fois. L’altéan plisse un peu les yeux, il a du mal à réaliser ce qu’il est en train de vivre et voir, ça le déchire de la voir pleurer ; d’autant plus que la dernière fois que ça a été le cas, elle venait de perdre ce qu’elle avait de plus cher dans sa vie.
Mais malgré ça, il n’arrive pas à sortir un seul mot, ni même un seul son de sa bouche. Il se contente de fixer, d’écouter, de supporter ce lynchage qu’elle s’infligeait à elle-même. La culpabilité était étouffante et malgré tout la douleur qui irradiait sa main - entre autre - il répondit avec plus d’intensité à ce point de contact.
Et enfin, reprit la parole.
« Ce qui devait arriver… » il n’avait pas les idées claires, ce qui lui donnait du fil à retordre pour s’exprimer convenablement. Il marque une pause, se pince les lèvres légèrement et continue. « Si c’est arrivé c’est que ça devait arriver. » Encore des conneries spirituelles à la mord-moi-le-nœud allait-elle penser. Sa spiritualité était pourtant ce qui avait fait de lui quelqu’un de fort, c’est grâce à elle qu’il avait supporté et traversé toutes ces épreuves en en sortant renforcé au maximum. Des souvenirs brefs, des visions du passé déchirés filent devant sa conscience avant de disparaître. Ça le désarme un instant, et ce fut suffisant pour lui faire rougir les yeux à son tour. « Tu mérites mieux. Après tout ce que je t’ai fait… Tu mérites mieux que moi. » elle l’achève, non sans peine, et il clôt les paupières. Une larme récalcitrante s’échappa de sa paupière à sa joue lorsqu’il les rouvrit sur son visage.
Il n’a pas la force, sur le moment, de lui rétorquer quoi que ce soit. L’injection peinait encore à faire son effet, il devrait continuer encore un peu à être aux prises avec ces perturbations sensitives. Pour celles qui relevaient du cognitif, c’était une autre histoire. Tout ça l’avait affaibli et pas qu’un peu. Lui en vouloir ? Ça aussi il n’en aurait plus la force. Plus jamais, maintenant qu’elle lui avait tant offert.

« Je sais pas si je suis prête à prendre ce risque. Qu’est-ce qui me dit que je ne vais pas à nouveau te rejeter ? T’as souffert pendant toutes ces années à cause de moi et… Et je ne veux pas risquer de te refaire souffrir un jour. »

Kate vacille. Elle lui tend la main mais recule en même temps. Et pendant quelques instants, le métamorphe semble s’être perdu dans ses réflexions : par les Anciens, où devait-il donc aller ? De fausses interrogations face à un cœur qui battait pour une seule et même chose. « Kate… » Il la voulait, cette main, il voulait la chérir et plus encore, lui offrir tout le bonheur qu’elle méritait elle aussi.
Et son cœur palpite, il l’a contre ses lèvres, il veut lui dire…

« T’es l’une des plus belles choses qui me soit arrivée. »

C’est murmuré distinctement de sa voix grave. Il serre un peu les dents et se pince les lèvres, prenant son courage à deux mains pour ajouter, les yeux embués de quelques larmes.

« Et si j’dois souffrir à nouveau pour t’avoir encore près de moi, tu vois… il marque une pause pour respirer, grimace un peu, — peu importe, j’continuerai. »

Ce qui doit arriver doit arriver, c’est ainsi qu’il voit les choses et si c’est ainsi présenté, il n’y a plus qu’une seule chose à faire : lâcher prise.

« Laisse-nous essayer. »

Le silence qui règne là est pesant, et pas qu’un peu. Ça l’avait rarement été au camp, et entre eux…

« Sauf si tu préfères quelqu’un de moins… » il baisse un peu les yeux sur sa carcasse de presque-mort malvoyant, renifle un coup. Il s'étonne même de réussir à tourner les choses ainsi. Comme avant. « …grabataire ? »

Elle avait rabaissé la tête après avoir posé sa question à Ifan, se sentant incapable de le regarder dans les yeux dans son état. Elle ne comprenait pas pourquoi elle réagissait de la sorte. Elle s’était enfin rendue compte de ce qu’elle ressentait vraiment pour sa soulmate, ils avaient finalement la chance de pouvoir se retrouver mais elle se mettait à se rabaisser et à douter d’elle.
Pourquoi est ce qu’elle faisait ça ?

« Kate… » La voix d’Ifan la tira de ses pensées mais elle garda la tête baissée et déglutit avec difficulté. « T’es l’une des plus belles choses qui me soit arrivée. » Cette fois, elle releva immédiatement les yeux et sentit ses larmes revenir de plus belle quand elle vit le visage de sa soulmate.
Comment est ce qu’il faisait pour s’accrocher de la sorte ? Pour continuer à l’aimer alors qu’elle l’avait toujours repoussé ?
Elle n’était pas forte, comme elle l’avait toujours pensé. Ifan l’était lui.

« Et si j’dois souffrir à nouveau pour t’avoir encore près de moi, tu vois… Elle fit un très léger non de la tête. Elle ne voulait plus qu’il souffre à cause d’elle. Il l’avait déjà fait pendant bien trop d’années. — peu importe, j’continuerai. » Elle resserra un peu plus la main d’Ifan qu’elle tenait toujours dans la sienne.
Comment est ce qu’elle n’avait pas pu le voir pendant toutes ces années ? Comment est ce qu’elle avait fait pour être aussi aveugle ? Elle n’avait fait que penser à elle, à sa propre souffrance sans se soucier un seul instant de lui.
Comment est ce qu’elle avait pu être aussi égoïste ? Aussi monstrueuse ?


« Laisse-nous essayer. » Tenant toujours fermement la main d’Ifan, elle se releva doucement de sa chaise pour se rapprocher de lui et s’asseoir sur le bord du lit.
Non.
Elle n’essayerait pas.
Elle en avait assez d’être lâche et de fuir au moindre problème. Cette fois elle le ferait.
Ils le feraient.

« Sauf si tu préfères quelqu’un de moins… » Elle suivit son regard les sourcils froncés, attendant de voir ce qu’il allait lui dire. « …grabataire ? » Kate ne put réprimer un petit rire. Elle renifla bruyamment et essuya à nouveau ses larmes de sa main libre. Elle souffla un. « Jerk. » D’une petite voix amusée puis resta un moment immobile, à le regarder droit dans les yeux.

Elle glissa lentement sa main libre jusqu’à la joue d’Ifan puis rapprocha lentement son visage de celui de sa soulmate. Elle s’arrêta à quelques centimètres, son regard plongé dans le sien mais cligna plusieurs fois des paupières pour essayer de se débarrasser de nouvelles larmes qu’elle sentait remonter. Elle lui adressa un mince sourire et franchit les quelques centimètres qui la séparait du visage d’Ifan avant de presser ses lèvres contre les siennes.

Depuis qu’elle était adolescente, elle avait toujours rêvé de ce moment. Elle s’était imaginée le tracé de ses lèvres, la sensation de son souffle contre sa peau, les pulsations de son propre cœur.
Et à présent qu’elle l’embrassait, que ce rêve se réalisait, elle se rendait compte à quel point ce qu’elle s’était imaginée était loin de la réalité.
Elle pouvait sentir son cœur cogner presque douloureusement dans sa poitrine, sa respiration se faire plus lourde à mesure que les secondes passaient et sa peau frissonner à chaque fois que le souffle d’Ifan venait la caresser.
Mais ce qui la surprit le plus, c’était la réaction de sa soulmark. Elle s’était attendue à ne rien ressentir puisqu’elle ne faisait qu’accepter le lien qui l’unissait à sa soulmate mais elle commença à diffuser une douce chaleur qui se répandit rapidement dans tous son bras, puis à l’ensemble de son corps.
Comme si elle l’invitait à ne pas arrêter.

Au bout de longues secondes elle se décida finalement -presque à contre cœur- à mettre fin à leur échange et recula à peine son visage pour lui murmurer un. « Je ne veux personne d’autre. » Qu’elle ponctua par un sourire.

Tant pis. Ils prendraient le risque.
Même si elle ne savait pas si elle ne finirait pas par le rejeter comme elle venait de le lui dire. Après tout ce qu’il avait enduré, Ifan méritait qu’ils essaient. Et elle ferait tout pour ne pas le décevoir. Parce qu’il le méritait.

Le visage froissé dans une grimace de douleur que lui impose ce pauvre contact de main à main. Il se sent au bord, du gouffre, d’un on-ne-sait-trop-où qui ébranlait ses murailles psychiques. Dans un ailleurs impalpable, à la limite du vraisemblable. Parce qu’elle est là.
Elle est là et sa présence le fait étouffer dans un cocon d’émotions bouillonnants. C’est parce que la réciproque n’a jamais été qu’un mirage depuis tout ce temps, jusqu’à cet instant. Offert et peut-être bien légitime. Il a le cœur au bord des lèvres lorsqu’elle s’assoit près de lui, il a mal au plexus, comme si tous les Anciens s’étaient légués pour s’y presser. Et malgré toutes ces sensations, la seule qui semblait avoir de l’importance était celle qu’il partageait avec la jeune femme. Ses traits inquiets et émus se défroissent dans un rire qui lui réchauffe un peu plus le cœur. Reconnaissant de se voir offert une telle chance.

Même l’animal toujours collé à une face de son cou est d’une présence étrangement lointaine. Il s’étonne de sa non-réactivité à l’approche de Kate, alors perchée au dessus de son visage. Ça lui semble si irréel qu’il se laisse le temps de la contempler, l’œil chargé d’une affection brûlante. Je t’aime, s’étonnerait t-il à penser alors que sa soulmark s’échauffe au contact de ses lèvres.
S’il l’aime? Bien sûr. L’évidence même. Elle est faite pour toi, tu es fait pour elle ; s’amusait à rabâcher Siam, les mains couvertes de farine et d’œuf. Mais combien de fois avait-il formulé cet état de fait, autrement que par des circuits détournés, floués par l’impossible dressé là devant lui?

Aucune, pas même par pensée.

Incapable d’aller chercher de sa main libre ce visage qu’il chérit déjà trop, son bras mutilé l’en empêchant, se laisse enivrer.
Il aurait imaginé tout sauf ça.
À se sentir gauche une fois le contact rompu, comme s’il avait été percé à jour, voire entendu. La chaleur irradie tous ses membres et se balade par vagues. Ses larmes continuent de couler un peu lorsqu’elle le comble de ses mots, apothéose.

Elle, la première.

À la fois affaibli et subjugué, transporté et abîmé - la réponse est là, pourtant, c’est bel et bien réel. Elle a dit oui.

« Merci. »

Ses yeux le lui hurlent aussi. Il ne sait que dire de plus sur le moment qui semblait être perdu dans le temps et l’espace; à l’image du lien puissant qui les avait autant divisé que réuni.
Secondes de béatitude où Loa se décide à léchouiller brièvement l’arc de la mâchoire de Kate. Il prend ses aises pour passer sous son menton en s’y frottant pour se replacer contre le cou d’Ifan, qui lui crut redouter la réaction de sa soulmate - aussi il avait lâché aussitôt. « Pardon, » comme s’il s’était rendu responsable du désagrément qu’avait provoqué le furet. Ça ne lui ressemblait pas. Comme ça ne ressemblait pas à Loa d’agir ainsi, lui qui aurait pu mal réagir au vu de la situation.
L’injection commence à faire effet et soulage ses élancements. Il en a conscience. Il lui faudrait toutefois du repos… une sacrée dose de repos. « Ça va là d’dans? » que siffle une femme du camp un peu au hasard. Il échange un regard presque entendu avec Kate, un sourire léger fleurissant. Quinze minutes? L’altéan baisse les yeux sur leurs mains unies alors qu’il avait choisi de sceller ses lèvres pour cette fois.

Où qu’il doive aller désormais, ce sera avec elle.
Parce que c’est gravé là, sur son avant-bras.
Sa soulmark a changé…
Sa place, à ses côtés.