bonjour, y'all. (paul)

quand paul a trois ans, louis nait.
quand il en a cinq, c'est madeleine qui voit le jour.
quand il en a sept, sasha arrive. paul est déjà prêt à le détester. il l'a déjà dit à sa mère, fort, qu'il ne l'aimait pas.
à sept ans, paul a déjà demandé trois chiens, deux chats, un oiseau, un rat et un hamster. il n'a rien eu de tout ça, sauf un frère et une soeur qu'il n'apprécie pas particulièrement. il ne veut pas d'un sasha.
sauf que sasha pleure dans les bras de maman, ne veut pas de son lait, et ne s'endort pas dans les bras de papa. c'est un bébé difficile, que ses parents disent, à essayer de le consoler puis à le mettre dans les bras de la nounou, et paul, sept ans, voit le bambin et entend sa mère lui hurler de cesser ses caprices, et décide que sasha peut être son chaton.
certains matins, lorsque paul devrait être au lit parce qu'il est encore tôt et qu'il entend sasha chigner, il ose se glisser dans la chambre du bébé et, dans un murmure pas tout à fait murmure, se met à lui parler. il lui parle des dernières bétises d'adel et de sylvester. il lui dit que roch s'est pissé dessus, l'autre jour, à rire trop fort, et que noe est un idiot, parce qu'il lui a volé et un jouet, et que depuis trois jours, ils ont cessés de lui parler. et il lui raconte que la petite martine du cours de religion est mignonne, mais pas autant que sophie du cours de piano, mais aucune des deux est une femme comme fanny, la professeur de musique.
forcément, quand sa mère le trouve dans la chambre de sasha, elle lui fait la morale sans remarquer que le dernier né dort paisiblement. c'est que paul, à sept ans, il est déjà bien emmerdant.

adel, noe, paul, roch et sylvester sont les meilleurs amis du monde. ils se connaissent depuis leurs enfances, parce que les pères jouent aux golfs ensemble et que les mères font des trucs de mère, ensemble. surement le ménage.
ils sont tous cons, mais chacun à leur degré.
adel est assez con pour réussir sa vie et se rendre compte à trente-sept ans que finalement, peut-être qu'il voulait pas être flic, avoir trois gosses et une femme.
noe est assez con pour croire qu'il est intelligent, aller étudier à l'étranger dans une grande école pour devenir avocat, rater deux fois, et finir secrétaire dans un cabinet minable.
roch est intelligent une bonne partie de sa vie, sauf une fois au chalet, ce qui lui doit un gosse dont il ne voulait pas, une pension alimentaire et des heures supplémentaires pour parvenir à payer la sublime voiture qu'il s'est payé, comme un gamin.
sylvester a jamais été con, ni intelligent. il a toujours été beau gosse et ça a toujours suffit.
paul est assez con pour croire que, toujours, ils seront les meilleurs amis du monde.

jasmine refuse de venir le voir au premier concert des lucky strikes et rompt avec lui, par la même occasion. ça reste pourtant la meilleure soirée de sa vie. ils jouent comme des merdes, sylvester se trompe dans les paroles et, quelque part, roch tombe de la scène à la fin, pour avoir trop bu.
mais c'est la meilleure soirée de leur vie.
sauf pour noe. noe n'est plus puceau.

paul a le poing en sang; il n'a frappé personne, seulement le mur.
il aurait aimé frappé son père, mais il respecte trop l'homme pour cela, qu'importe à quel point il est empli de préjugés et de mauvaises paroles à son sujet.
la brute a envie de pleurer ; il garde pourtant ses larmes pour lui, assis sur son lit, le corps qui tremble par la colère et une rage puissante dans les veines.
il sursaute presque, prêt à mordre, lorsque la porte de sa chambre grince et que la tête de carotte de son cadet apparait. sasha glisse son nez dans sa chambre, le pas hésitant, et regarde partout sauf son frère. entre ses doigts, il tient un livre.
paul a dix-neuf ans ; l'armée vient de le mettre à la porte pour de bon, son père menace de faire pareil, sa mère le regarde avec désespoir et sasha, douze ans, ramène ses miches dans sa chambre avec un bouquin à la con qui lit à vive voix.
il sait que paul aime ça.
et paul reste sans bruits, dévisage son frère tandis qu'il circule lentement dans sa chambre, tandis qu'il ouvre la stéréo, en laisse s'évader les premières notes venant d'un violon, puis le rejoint dans le lit, silencieux, en le forçant presque, tellement minuscule pourtant, à se pousser pour lui laisser de la place, et laisse la voix robotique de son livre à la con leur lire une histoire.
paul se demande encore ce qu'il a fait, dans sa vie, de bien, pour mériter un petit frère aussi pur que sasha.

paul a vingt-quatre ans.
il alterne entre divers boulots tel de plongeur, camionneur, entraineur à la salle, épicier, boucher et vendeur dans un magasin de matelas.
il alterne entre divers gangs à défaut de passer des soirées avec ses potes, car adel est marié et père d'un premier chiard, roch est parti avec une belle blonde pour un voyage en voiture, sylvester fait le beau gosse dans les pubs de dentitrices et noe est encore prisonnier dans ses études.
il arrive, à certaines occasions pendant les vacances, de les voir tous en même temps. à chaque fois, il insiste pour jouer de la musique, comme au bon vieux temps, car paul reste un peu pris dans le passé et dans ce qui est, pour lui, ses meilleurs souvenirs.
mais les gars grandissent, et pas forcément lui, et à un moment, seul sylvester vient, épuisé par la vie à boire plus de bière qu'à chanter. ils font quelques concerts bidons à deux, paul au piano et syl au micro.
sauf que sylvester arrête de venir, un jour, car il a un contrat pour un court métrage, et paul finit en prison plus souvent que dans son lit, la nuit.
le plus marrant, c'est adel derrière son bureau, dans son uniforme de flic, à manger ses beignets.

vers ses trente ans, paul décide qu'il est peut-être temps d'être grand.

la soirée est calme, aujourd'hui. les clients sont peu nombreux, et la nuit apporte une certaine fraicheur qui se glisse sous la veste de cuir de paul. il reste pourtant posé devant la porte, les épaules lourdes mais hautes, et le menton levé pour dissuader les petits cons de venir mettre le nez dans la demeure des sharks. encore aujourd'hui, le boss lui a proposé un autre genre de boulot ; paul lui a répondu d'une simple grimace et d'un mouvement de tête. non, il ne veut pas. il essaie de faire des choses responsables, maintenant ; il a un peu trop déconné, plus jeune. suffit de voir le regard que les flics lui lancent, quand ils passent lentement devant l'antre des sharks. ils attendent tous qu'il fasse une nouvelle merde. même adel, qui a grandi avec lui, qui a fait des conneries avec lui, le toise comme s'il n'était qu'un simple truand. ça ne l'empêche pas de lui proposer une bière, parfois, le samedi soir, quand il en a marre de sa femme et de leur trois enfants, ce con. paul ne lui en veut pas particulièrement. le gars s'est rangé, il a ce mérite. lui aussi, il aimerait bien se ranger comme ça, parfois. sauf que sa dernière meuf n'a rien voulu savoir de la bague qu'il lui avait acheté, et qu'elle a rapidement rompu quand il a osé lui parlé de gosses. salope, oui. pas qu'il lui en veuille particulièrement, à elle aussi. il suppose qu'elle peut trouver mieux qu'un videur, surtout si elle veut continuer de se procurer des produits sephora en bossant si peu. faut dire, elle a le minois et le cul pour bosser peu mais avoir une tonne de produits sephora. paul aurait bien aimer continuer à se ruiner pour elle. même si, en vérité, ce qui se cachait derrière la tonne de cosmétique n'était pas aussi intéressant que son popotin. elle préférait par derrière, de toute manière. le souvenir laisse planer un sourire un peu béat contre les lippes de la brute. sur le bitume sombre, un bruit d'escarpins résonne. le beaumont tend le cou d'un côté comme de l'autre avant d'apercevoir une blonde en approche. il suffit d'une seconde pour qu'il ne ramène un peu plus ses épaules vers l'arrière et que, d'un geste plus ou moins discret, il ajuste brièvement son entrejambe. non pas qu'il soit tendu, mais plutôt qu'il a acheté une taille en dessous, pour ses caleçons, et qu'il préfère les porter que d'en acheter de nouvelles paires. la beauté s'approche et, même dans la lueur nocturne et sous les néons horribles, la brute peut saisir la beauté qu'elle dégage. elle émane quelque chose de magnétique, quelque chose qui le rend bredouille et surtout, un peu débile - non pas qu'il ne le soit pas, en temps normal - et paul ouvre son gosier pour gronder un hi beautiful qui lui vaut à peine un regard, surtout une moue pincée, accentuée d'un shut the fuck up avant qu'elle ne pénètre les lieux sans s'arrêter devant lui comme toute personne se doit de le faire. paul reste interdit, un moment. et si les paroles devraient l'enrager, s'il devrait se sentir insulter par la chose, un sourire fleurit pourtant sur ses lippes, avant qu'il ne se transforme en rire grave et lourd, qui résonne dans la nuit froide. car forcément, il n'y a que lui pour rencontrer son âme soeur dans de telles circonstances.

les mains se tachant de nouveau de sang. le coeur qui bat rapidement. le sourire en coin, sur ses lippes, lors de ces mouvements.
le calme qui revient, suivi d'un brin de regrets.
sauf qu'il est doué, paul, pour cogner, et des talents, il en a pas des milliers.
alors paul cogne, et il est payé.

c'est peut-être un rendez-vous. du moins, c'est ce que paul se dit depuis le début de la soirée, depuis qu'elle l'a invité. il a mis un caleçon propre, il a mis du déodorant deux fois, et a les mains moites. beta est sublime ; elle l'est toujours, mais encore plus ce soir. paul aimerait lui dire, mais il sent qu'elle lui dirait de se taire. elle le sait déjà, de toute manière, qu'elle est belle. elle ne se regarde pas dans les reflets, n'ajuste pas ses vêtements, et observe chaque personne dans les yeux. elle lui donne envie de détourner le regard, quand elle le fait, comme s'il était minuscule. pourtant, même avec ses escarpins, il est beaucoup plus grand qu'elle.
devant eux, deux tasses de café. paul n'a pas touché la sienne. il préfère le thé. le café lui donne toujours la chiasse.
- je te montre pas ma marque, elle est sur mes fesses.
la voix de beata le sort de ses pensées. paul lève les yeux, la dévisage, surpris, et ne trouve rien d'autre à dire que;
- j'aime les fesses.
- j'aime les vagins.
un point au coeur. paul sourit quand même.
- ah! j'aime aussi les vagins. ça nous fait un point en commun. t'aimes les seins ? j'adore les seins.
beata garde les lèvres pincées un moment, mais retient mal un sourire amusé. il lui faut quelques mois pour perdre le début de flamme qu'il avait dans le coeur et la remplacer par quelque chose d'autre de peut-être plus fort. ça en prend un peu plus pour beata pour lui avouer qu'elle aime aussi les pénis, juste pas le sien. il lui offre une bague quelques temps plus tard, elle accepte.

- tu d'vrais t'trouver une belle femme, sasha, comme beata
un coup de vent, derrière sa tête. la main de la blonde a effleuré sa crinière, la claque ne s'est pas rendue. paul se tord le cou pour l'observer, encore à moitié habillée et maquillée, se préparant pour une soirée.
- et intelligente. vraiment très très intelligent. mais belle aussi.
elle roule des yeux, beata, un fin sourire sur ses lippes, avant de poser un baiser contre la tête de la brute et de disparaître dans la salle de bain. le regard de paul se tourne de nouveau vers son frère. ça fait quelques mois maintenant que sasha est presque aveugle. du jour au lendemain, la vue a diminué brusquement. les parents le couvrent trop. louis a proposé qu'il vienne vivre chez lui, pour s'occuper des gens, à défaut de rester chez leurs parents. paul s'est contenté de rire fort et n'a pas laissé son frère finir son offre.
sasha est souvent chez lui, de toute manière. il a beau voir aussi bien qu'une taupe, il remarque chaque crasse dans l'appartement et peste contre la saleté.
sasha le regarde toujours, ennuyé. paul secoue la tête, un sourire toujours sur les lippes, et lui fait un signe de la tête.
- c'est bon, j'ai compris. c'pas pour toi. hé, j'connais un mec au boulot qui délire pas trop sur le truc. tu d'vrais p'être t'en faire un pote. ross, son nom. 'fin non, maxime. j'crois qu'il est attardé un peu, par contre mais - HÉ.
cette fois-ci, la claque atteint sa destination.

lorsqu'il ouvre les yeux, paul prend un moment à comprendre qu'il ne reconnait pas l'endroit où il se trouve. du coin de l'oeil, il parvient à apercevoir une chevelure blonde et un soupir s'évade de ses lippes ; il a encore trop picolé la veille en compagnie de beata. un grondement sourd s'évade de sa gorge tandis qu'il s'étire lentement, avant de se tourner d'un côté, sur le lit. le nez s'enfouit malgré lui dans une seconde chevelure et paul papillonne des yeux, surpris, incertain d'avoir fait un tripe à trois avec sa fiancée, la veille. beata refuse à chaque fois. elle préfère garder les filles pour elle. elle préfère qu'ils ne couchent pas ensemble  - et paul aussi, il rigole la plupart du temps, quand il propose - maintenant qu'ils sont certains que leur relation n'est pas amoureuse.
- is this heaven ?
les mots sont presque étouffés par le rauque de sa voix ; sa gorge est crasseuse, comme s'il avait fumé trop de clope, la veille. peut-être est-ce le cas. il ne sait pas. sa tête lui est douloureuse, ses muscles également. quelque chose tire, au niveau de ses abdominaux ; des points de suture, qu'il reconnait, par habitude. une balle ? beaumont ne sait pas. il ne parvient pas à se rappeler.
contre lui, la chevelure brune bouge. le corps est minuscule. paul se tend malgré lui ; la peur que le moindre mouvement puisse la blesser. le minois qui se dévoile est délicat. le regard vide, mais trop plein. paul ouvre la bouche, mais ne pipe mot. il est intimidé. elle est minuscule. il est tétanisé.  
-it's a church
la voix est si légère qu'il peine à percevoir les mots. mais il les entend, paul, et ses yeux se ferment, tandis qu'il lâche une plainte.
- oh hell no
forcément que c'est une église, vu sa chance. appuyée contre la table plus loin, la blonde les fixe en silence, quelque chose dans les yeux. elle ne le reconnait pas. il ne la reconnait pas non plus.
lorsque, la tête encore douloureuse, paul resserre son bras autour de la brune pour dormir un peu plus longtemps, à peine quelques secondes s'écoulent avant que la blonde ne le tire vers l'arrière et colle une droite contre sa mâchoire.
paul comprend qu'il vaut mieux ne pas toucher.

paul adore les lesbiennes. encore plus mallory et sinned, pour vivre avec elles. il aime les dévisager en silence, lorsqu'il parvient à être silencieux - donc peu souvent - , et s'apercevoir des regards légers mais puissants qu'elles se lancent, de l'absence de mots qui, pourtant, dit beaucoup. il est heureux. seul, certes, un peu, et ce malgré maxime - la bête n'est pas très affectueuse, comme le vrai maxime - mais heureux d'être avec elles. heureux de pouvoir les prendre dans ses bras, pour dormir, et d'être en compagnie de femmes aussi fortes. il se sent petit, à cause d'elles. pourtant, elles sont minuscules, à côté de lui. mais il se sent un peu minable. il essaie de faire de son mieux, alors. lorsque sinned part ailleurs, dans les autres mondes - il a encore du mal à réaliser la chose - mallory a parfois la patience de lui apprendre certaines choses sur les plantes, sur les cartes ou alors, sur les animaux. paul préfère les animaux, mais il parvient tout de même à apprendre quelques noms de plantes et le fonctionnement de ses cartes. il ne s'approche pas de ses aiguilles, par contre. paul fuit dans la forêt lorsqu'un client vient à l'église pour se faire tatouer par la sorcière. il ne veut pas voir la chose. certains jours, la voix minuscule de la brune hurle et elle se brise la voix, et paul fuit ailleurs, par peur de la briser à la faire crier si fort, et se réfugier près de l'ancienne morgue de l'endroit. elle ne fonctionne pas, forcément. paul essaie de la réparer par moment, par ennui de la musique, sans jamais y parvenir. les quelques partitions trouvées ont été effacés. il en reste que des vestiges de ce qui lui manque. paul compense en fredonnant - chose que sinned n'apprécie pas, lorsqu'elle revient, tendue et colérique - et de gribouiller quelques notes lorsqu'il trouve une feuille de papier - chose qui met mallory en colère, car il prend toujours, par erreur, un papier important - et parfois- parfois, il hurle plutôt qu'elles. il les méprise, fort, pour des choses qui n'ont pas forcément raison d'être, mais qui le mettent si stupidement en colère, et paul expulse le mal, expulse la tempête qui plane dans ses veines. mais il ne trouve rien à dire, lorsque mal disparaît. il ne trouve rien à dire pour exprimer le vide ressenti, car il n'y a que du vide. et une peur, peut-être. il ne connait pas réellement la blonde, après tout. il a passé plus de temps avec mallory que sinned. la blonde l'a toujours plus intimidée que la brune ; quelque chose dans ses yeux, un passé sombre, peut-être. un reflet commun, peut-être. paul a les mains occupés à mettre dans des divers pots - certainement les mauvais - les plantes que mallory avait mis à sécher, quelques jours plus tôt, lorsque sinned se glisse près de lui. elle est discrète ; il aurait pu ne pas l'entendre, si ses oreilles n'étaient pas aussi développés. mais il fait mine de ne pas en avoir conscience, de son approche ; il ne sait pas quoi dire. il ne sait pas comment lui parler, et il n'est pas doué à parler dans les silences comme la sorcière le faisait. il n'est pas doué pour trouver les mots justes comme sinned le fait, même s'ils sont trop brusques. il ne sait pas comment lui parler. il ne sait pas comment la regarder sans avoir envie de chialer à savoir qu'elle est seule, maintenant, et qu'elle a peut-être perdue mallory pour de bon. paul aussi, dans un sens, l'a perdu. mais il ne pense pas à lui. ou alors, un peu ; il appréhende ce qu'elle lui dira. ils ne se connaissent pas totalement, au final, et il se doute qu'elle lui dise que, peut-être, il est temps qu'il quitte les lieux. lui-même ne sait pas réellement pourquoi il est resté aussi longtemps. il n'aime pas les églises. il a toujours eu peur des histoires de sorcière. mais la forêt porte un calme dont il avait besoin sans savoir, à être enfermé dans une grande ville, et les silences des filles lui ont permis d'apprendre ce qu'était le silence, justement.
- je vais sur néphède. tu viens ?
l'épi de lavande plie, entre ses doigts. les fleurs séchées tombent contre la table. paul a le coeur qui bat fort. le cou qui craque, tant il tourne la tête rapidement pour regarder sinned.
- quoi ?
- néphède. c'est ton monde, non ? j'y retourne pour un moment. tu veux venir, ou tu préfères rester ici ?
paul la dévisage un moment, l'air idiot. puis, il ferme la bouche. puis, il serre les dents, fronce un peu des sourcils, et hoche de la tête.
- d'acc, beauté. je viens.

la plaine est silencieuse, outre le moteur de la voiture, vieille, qui remonte le chemin de campagne.
paul est assis sur le perron de la demeure, silencieux, quelques herbes dans la bouche qu'il mastique lentement, et attend que sinned éteigne le moteur et le rejoigne. c'est une chose qu'il a appris dans les deriniers mois, la patience. le silence également. les mots lui brulent la langue, la bouche et le palais, mais paul les garde pour lui et prend le temps, une fois face à la blonde, de l'observer un moment avant de parler.
- hé princesse
paul perçoit un semblant de rictus, maigre, sur les lippes de sinned avant qu'elle ne le fasse disparaître et qu'elle le contourne pour rentrer dans la maison usée. il n'arrive pas à lire ses expressions aussi bien que mallory. peut-être qu'il ne pourra jamais la comprendre aussi bien qu'elle. paul n'est pas assez confiant en lui pour croire une pareille chose, de toute manière.
mais il parvient à voir un sourire, maintenant.
et ce sourire, il le rend vraiment heureux, assez pour mettre un sourire de con sur ses lippes, et le faire rire, brièvement, sans aucune raison.
sur la table, une recette de mallory. elle est un peu cramée. sans les instructions de la brune, paul a du faire uniquement avec sa mémoire, et il en a oublié des bouts, certainement. mais avec de la chance, sin aimera quand même. pour autant qu'elle bouffe, c'est le plus important.
nom du ciel, il est vraiment une parfaite femme au foyer.

Paul Beaumont
1976 - 2018
beloved son and brother