(explicit - sin#4) die for you.

Jaz fait un peu la moue quand il parle de partir, et il comprend bien le sentiment. Il aimerait bien pouvoir rester avec elle, s'assurer de sa présence, la tenir dans ses bras et enfoncer son nez dans ses cheveux et ne jamais la laisser partir, seulement Sami vit seul et il vit bien en dessous de ses moyens: il n'a pas de quoi les nourrir et encore moins entretenir quelqu'un comme Jaz qui est habituée à un luxe qu'il n'a jamais connu. With what money, though? n'arrête-t-il pas de penser. Il va falloir qu'il regarde son compte en banque sur son téléphone, il s'étonne même que la banque n'ait pas essayé de le contacter après une si importante transaction... ça ne saurait tarder, ceci dit, il imagine. Sami est à deux doigts de craquer, Jaz a l'air tellement vulnérable et fragile, il ne sait pas quoi dire pendant quelques instants, envisage déjà d'envoyer un message à Scar pour le réveiller et lui demander d'aller à sa place mais finalement, Jaz finit par rendre les armes et ça torpille le coeur de Sami, l'expression presque craintive sur son visage. “ Be quick…please… ” Il hoche la tête vivement, sa main trouvant sa taille et l'attirant un peu plus proche de lui comme pour la rassurer. Il ne va pas l'abandonner et il va revenir et il sera aussi rapide que possible. “ I love you. ” Sami sourit légèrement en l'entendant, ravi malgré tout, répondant rapidement à son baiser avant de lui donner une serviette pour qu'elle aille se doucher. “ The soap is a bit hard, ” marmonne-t-il, mal à l'aise, mais Jaz n'a pas l'air de s'en soucier. “ Don't spend too much on me, please. ” Il écarte sa remarque d'un vague mouvement de main, se met sur la pointe des pieds pour déposer ses lèvres sur les siennes, et puis s'en va en coup de vent en courant presque dans les escaliers pour aller au magasin.

Il se déplace à pas de loup dans l'atelier, ceci dit, pour ne pas réveiller Scar qui a fermé et verrouillé la porte d'entrée comme il le lui a demandé, et a éteint les lumières. Sami passe machinalement à côté de lui pour remonter la couverture sur son épaule (il va attraper froid sinon et il va être malade et ce sera encore à Sami de s'occuper de lui) avant de passer par la porte de derrière. Il en profite pour réajuster la bâche sur sa voiture avant de retourner sur l'artère principale, rejoindre le magasin de proximité le plus proche en sortant son téléphone de sa poche. La banque l'a effectivement appelé cinq fois, il se contente de confirmer la transaction depuis l'application (enfin il imagine que c'est ça: il clique juste sur les boutons jusqu'à ce que la couleur rouge de l'alerte disparaisse) avant de plisser des yeux pour regarder la somme qu'il lui reste. Pas grand-chose. Pas assez. Il va devoir s'endetter de nouveau après de Laszlo.

À cette pensée, la gorge de Sami se serre et son coeur plonge dans sa poitrine. Il s'est tellement battu pour économiser, pour tout rembourser d'un coup et garder assez d'argent de côté pour s'en aller le lendemain. Maintenant... maintenant il n'a plus rien. Ou presque. Quelques centaines de cryptostellars, pas même un millier. C'est encore heureux qu'il en avait suffisamment pour tout payer d'avance. Il est un peu blême quand il entre dans le magasin. Il achète du gel douche pour que Jaz n'ait pas utilisé son savon trop dur, et il lui achète des sous-vêtements en rougissant (il prend la taille la plus petite qu'il trouve dans le rayon femme après une hésitation), il achète du lait et de la nourriture qui ne soit pas des nouilles instantanées, reposant rapidement ce qu'il considère comme trop lourd, trop gras ou sucré et que Jaz n'apprécierait pas. Le montant lui fait pincer les lèvres — tant de dépenses inutiles, en temps normal il n'aurait pas acheté la moitié de ce qu'il a là — puis il repense à Jaz et au temps qu'il prend juste pour acheter quelques misères et il tend son poignet sans hésiter. Il redécouvre le sentiment désagréable et honteux d'attente quand la machine processe le paiement, de peur qu'on lui dise qu'il a des fonds insuffisants. Mais ce n'est pas le cas et il attrape ses deux sacs en papier pour retourner chez lui en courant presque, il a peur que Jaz panique de ne pas le voir être revenu plus tôt.

Elle lui saute littéralement dans les bras une fois qu'il a passé le pas de la porte et Sami chancèle un peu sans comprendre, souriant légèrement une fois la surprise passée. Il se dit qu'il aimerait bien que ce soit comme ça tous les jours, rentrer chez lui pour y découvrir Jaz, les cheveux humides et ses joues un peu roses. Il regrette que son odeur se soit effacée sous l'eau de la douche mais il enroule tout de même un bras maladroit autour d'elle. Elle se détache un peu rapidement, une moue sur le visage. “ I love you. ” Sami sourit, rougit un peu jusqu'au bout des oreilles de plaisir, baissant le masque qu'il a mis sur sa mâchoire en sortant pour qu'elle puisse voire sa risette qui creuse une fossette sous son oeil. “ I uh…I stole some clothes I was a little cold. — Don't worry about it. You look cute. ” Ils sont véritablement trop grands pour elle, elle a dû retrousser ses manches à plusieurs reprises pour pas qu'elles lui tombent jusqu'aux doigts et le jogging qu'elle porte, usé jusqu'à la corde, n'a même plus d'élastique autour de la taille et pend un peu beaucoup sur ses hanches. “ They didn't have any clothes at the shop or I mean... ” Il ne finit pas sa phrase (there were too expensive, aurait-il dit avec un froncement de sourcils, sans réaliser la faute) et reprend seamlessly. “ But I got you some underwear. ” Il rougit encore plus à ces mots-là, d'embarras cette fois. “ And some food and some shower gel and... they had this right outside the shop. ”

D'un des sacs, il sort une petite rose. Et elle n'est pas très jolie, elle date de la veille il pense, elle a un peu flétri, exposée au fog ambiant de Neodam, mais Jaz n'a jamais vu de fleur de sa vie et quand il la lui tend, elle a l'air fascinée comme si c'était la plus belle chose du monde. “ I know it's not much... but it's for you, ” insiste-t-il en la lui tendant pour qu'elle la prenne. “ I'm sorry I don't have a better birthday present... ”

Sami n’a pas l’air de trop lui en vouloir ni de son enthousiasme en le voyant rentrer puisqu’il lui a un peu rendu son étreinte d’un bras passé autour d’elle, ni du fait qu’elle lui ait volé des vêtements vu le sourire qui ne quitte pas ses lèvres enfin révélées sous le petit masque qu’il a enfilé en sortant. “ Don't worry about it. You look cute. ” Jaz pense qu’elle pourrait mourir pour la petite fossette qui se creuse sous l’œil de Sami et qu’elle adore littéralement, elle rougit violemment sous le compliment ; elle ne sait pas s’il y a quoi que ce soit de très mignon aux vêtements trois fois trop grands pour elle, mais elle aime bien les porter. Il y a un peu de l’odeur de Sami dessus et ils sont certainement bien plus confortables que tout ce qu’on la fait porter à Sigan. “ They didn't have any clothes at the shop or I mean... ” Elle ne comprend pas pourquoi il s’interrompt, secoue simplement la tête pour lui faire savoir que ce n’est pas grave, que c’est même mieux qu’il n’ait pas trop dépensé pour elle. “ But I got you some underwear. ” Tous deux rougissent un peu plus à ça, elle n’a pas osé lui voler un caleçon en plus du jogging, et elle ne peut s’empêcher d’être rendue curieuse à l’idée que Sami lui ait acheté des sous-vêtements. Elle se demande s’il en a pris des plutôt révélateurs, s’il l’a imaginée dedans, tout son visage prend une couleur approchant dangereusement celle de son rouge à lèvres préféré. “ And some food and some shower gel and... they had this right outside the shop. ” Elle suit du regard son mouvement vers les sacs qu’il a ramené du magasin, le regarde en sortir une petite rose rouge. Le visage de Jaz s’éclaire brusquement et ses yeux fixent la petite fleur comme si c’était la chose la plus incroyable qu’elle ait jamais vue de sa vie. “ I know it's not much... but it's for you, ” il la lui tend avec insistance et c’est presque timidement qu’elle la prend entre ses doigts comme si elle avait peur que le bourgeon ne s'effrite à son toucher. “ I'm sorry I don't have a better birthday present... ” Elle secoue violemment la tête, incapable de détacher ses yeux de son cadeau. La texture est toute nouvelle, incomparable à quoi que ce soit qu'elle ait jamais connu, et elle apporte les pétales à son nez, inspire une grande bouffée ; elle est un peu teintée par le fog mais il y’a un peu de l’odeur mythique dont les livres parlent, celle qu’on a essayé de re-créer à New Brasilia. Et ça sent bon les fleurs artificielles sur Sigan, mais pas autant que ça, que la réalité, pétales si douces sous ses doigts fascinés, Yasmeen pourrait presque en pleurer.  “ Oh! This…this is the cutest thing ever. ” Il n’y a pas de fleur dans son monde à elle, pas des vraies — mais Sami lui a dit, qu’elle elle était sa petite fleur de Sigan avec ses noms fleuris : Jasmin Rose, s’appelle-t-elle. Sa voix est pleine d’émotions et ses yeux brillent quand elle les relève enfin vers lui, ses doigts un peu crispés autour de la fleur si délicate. Elle ne peut pas croire qu'elle ait pu être nommée d'après quelque chose d'aussi beau.

“ This…is the second best birthday gift in the world. ” Dans tous les mondes mêmes. Dans tout l’univers. Elle a toujours eu envie de toucher et sentir une fleur ailleurs que dans ses rêves. Elle aime bien les fleurs artificielles, c’est joli et on lui en offre beaucoup d’ailleurs, mais ce n’est pas pareil. C’est comme les animaux, le petit chiot qu’elle a toujours voulu mais n’a jamais acheté dans sa version siganaise. C’est tout comme le vrai, mais c’est pas le vrai. Elle s’approche un peu timide, pousse le bout du nez de Sami du sien tout doucement, timidement. Il est véritablement parfait son âme-sœur. Elle est merveilleusement bien tombée. “ You. You’re the best gift. ” Elle n’aurait jamais pensé qu’après avoir passé le pire anniversaire de sa vie, ainsi que la pire nuit, son vœu le plus cher puisse être exaucé. Elle a reçu le cadeau parfait. Lui. Et elle n’a véritablement besoin de rien d’autre au monde. Il lui faudra des vêtements, elle imagine, parce qu’elle ne pourra vraiment sortir avec les siens s'ils lui tombent tous comme ça sur les hanches. Mais ils auront le temps d'y penser plus tard quand ils auront réfléchi à un plan, quand elle aura dormi et puis quand ils auront pu savourer le fait de s'être enfin trouvés. Elle préviendra sa famille, leur dira…elle ne sait pas trop quoi. Ils auront le temps d'y penser plus tard à ça aussi. Elle presse son sourire timide et ravi à la fois contre ses lèvres avec tendresse. “ Thank you Sami. Thank you my nefisi gwad'enya. Ewedihalehu yene fikir.” C'est pratiquement tout l'amharique qu'elle connaît pour l'instant, mais bientôt elle espère qu'elle en connaîtra bien plus qu'il lui apprendra plein de jolies choses qu'elle pourra lui susurrer. Elle le serre dans ses bras et glisse la fleur derrière sa propre oreille.  “ Can we sleep? I'm really tired…” Elle lui lance un petit regard d'excuse accompagnée d'une moue ennuyée d'avoir à l'embêter ainsi, il a sûrement des choses à faire aujourd'hui, bien mieux que de rester avec elle pendant qu'elle passe la journée à dormir. Elle se sent incapable de rester debout une seconde de plus toutefois. La panique et la peur qui l'ont fait tenir jusque-là la quittant pour ne laisser derrière que l'épuisement. Il n'a pas trop l'air de lui en tenir rigueur toutefois et main dans la main ils retrouvent le lit, Jaz attendant qu'il change les draps rapidement en bâillant et l'aidant un peu, avant de se glisser sous la couverture toute habillée. Elle est un peu timide quand elle se presse contre Sami qui finit par la prendre dans ses bras, pourtant ils l'ont déjà fait, dans leurs rêves et leurs corps trouvent tout de suite leurs marques, s'imbriquent comme des pièces de puzzle. Elle enfouit son visage dans son cou et s'endort aussitôt, un petit sourire sur les lèvres comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Ça l'est.

Elle est déboussolée quand elle se réveille pourtant. Pour la première fois de sa vie ses rêves ont été vides, elle ne s'en souvient même pas, pour la première fois de sa vie elle s'est vraiment reposée, était inconsciente sans pour autant s'être évanouie. Elle n'a pas rêvé, il n'y avait pas Sami, mais pour la première fois de sa vie elle se réveille contre un corps chaud et confortable, papillonne des yeux sur un visage familier autre que celui de Lupe. Il n'y avait pas Sami dans ses rêves, mais il est là contre elle et elle ne se rend même pas compte qu'elle se met aussitôt à pleurer. Pas de sanglots terribles qui la secouent toute entière, pas de petits tremblements — pourtant presque chroniques chez elle, autre symptôme de sa maladie — elle a chaud partout, surtout à l'intérieur et elle n'en revient pas qu'il soit là, elle n'en revient pas du sourire qui fend ses lèvres, elle n'en revient pas que, pour la première fois de sa vie, la réalité soit plus belle que ses rêves. “ You're here.” s'émerveille-t-elle avant d'enfouir de nouveau son visage dans son cou, inspirer son odeur meilleure encore que celle de la fleur qu'elle a déposé sur la table de nuit avant de se glisser sous les draps.

Jaz s'empare enfin de la petite fleur et Sami étudie sa réaction de près, la regardant observer la rose avec fascination. Il n'y a pas de fleurs sur Sigan, apparemment. Sami se souvient des champs de tournesols qui se trouvaient non loin de chez lui, dans le Backcountry, non loin de la communauté où il vivait avec ses parents. Il aime bien les plantes et les fleurs, même si c'est difficile d'en faire pousser à Neodam même: elles sont importées et beaucoup de magasins en vendent sur les étalages à l'extérieur et Sami ne s'arrête jamais devant. Pour Jaz, ceci dit, ça lui semble naturel même si pendant un bref instant, malgré l'expression émerveillée sur le visage de sa soulmate, Sami se met à douter. C'est vrai que les pétales sont un peu flétris et la couleur n'est pas très brillante et il l'a apportée à son nez avant de l'acheter et elle ne sent pas très fort, cette rose qui doit dater de quelques jours de trop. “ Oh! This…this is the cutest thing ever. ” Mais la surprise de Jaz est sincère, et ravie et Sami sent ses joues garder une petite teinte rosée de plaisir à l'idée qu'elle apprécie son cadeau qui est pourtant un peu pathétique, et nettement moins luxurieux, il s'en doute, que tout ce qu'elle a pu recevoir pour ses vingt ans siganais. Il a bien vu la photo qu'elle a posté sur son Instagram, le cadeau de somptueuses fleurs offertes par johnovo, et il a senti un mélange de frustration, d'envie et d'impuissance tout à la fois. Lui il ne pourra jamais lui faire des cadeaux aussi beaux que ça qui mériteront d'être affichés sur les réseaux sociaux, il le sait. Alors que johnovo...

“ This…is the second best birthday gift in the world. ” Peut-être qu'effectivement elle préfère le bouquet offert par johnovo, ou alors tout le reste qu'elle a pu avoir. Sami ne peut qu'imaginer les vêtements luxueux, bijoux précieux, cadeaux resplendissants qu'elle a pu recevoir, c'est une date importante après tout, les vingt ans de quelqu'un. Il est un peu surpris qu'elle le lui dise si directement mais il cache rapidement sa stupeur et la remplace par un air vaguement piteux, presque désolé. Il devrait être content d'être second et non bon dernier, il imagine. Elle s'approche un peu et Sami se force à continuer de sourire, fronçant du nez quand Jaz y frotte le sien, se détendant un peu en la laissant faire. Son classement de cadeaux importe peu au fond. L'important c'est qu'elle soit là, c'est qu'elle l'aime, c'est qu'elle lui sourit ainsi. “ You. You’re the best gift. ” Sami est surpris et il rougit un peu et pus il sourit, il sourit vraiment cette fois, en l'entendant. Un véritablement sourire, brillant et presque garçonnet, avec un éclat de dent rapide. L'amour qu'il éprouve pour Jaz est un cadeau du ciel à ses yeux, une chance incroyable. Et celui qu'elle lui rend est un véritable miracle. Il ne le mérite pas, il ne pense pas, mais ça fait du bien quand même, de l'accepter sans poser de questions, d'avoir quelqu'un dans sa vie qui veut de lui pour ce qu'il est et malgré ce qu'il a été, ce qu'il est toujours parfois. Elle l'embrasse doucement et Sami sourit contre sa bouche, comme elle, presque déçu quand elle se détache, suivant le mouvement avec une teinte d'eagerness.

“ Thank you Sami. Thank you my nefisi gwad'enya. Ewedihalehu yene fikir. ” Sa prononciation est loin d'être parfaite mais l'effort la rend comme telle. Sami sent son coeur battre très vite dans sa poitrine, il n'a pas entendu d'amharique prononcé dans la vraie vie depuis une éternité, quasiment depuis ses parents en fait — les éthiopiens antiques sont rares, et encore plus ceux qui parlent l'amharique, c'est surtout ceux qui parlent l'oromo qu'il a croisé à Neodam. Il aime entendre la langue de ses parents et de ses ancêtres dan la bouche de Jaz, il aime son air hésitant et satisfait à la fois quand elle voit l'expression sur le visage de Sami. Il l'aime. Elle le serre dans ses bras et Sami répond maladroitement à son étreinte avant de sourire, lui caresser tendrement la joue alors qu'elle glisse la fleur sur son oreille. “ Can we sleep? I'm really tired… ” Sami s'est seulement réveillé il y a quelques heures, il est loin d'être fatigué mais il hoche aussitôt la tête avec entrain, venant déposer ses lèvres sur la joue de Jaz, près de son nez, là où elle aime bien. Il dépose les sacs dans la cuisine, range rapidement les périssables et revient prendre la main de Jaz jusqu'au lit pour en changer rapidement les draps. Elle a l'air tellement fatiguée, son âme-soeur, elle n'a de cesse de bailler et finalement ils se glissent ensemble sous les draps.

C'est un peu gênant au début, Sami se sent timide et self-conscious et puis finalement elle se serre un peu à lui et, à moitié soulagé, il enroule ses bras autour d'elle et la serre contre lui en enfouissant son nez dans ses cheveux. Il n'est véritablement pas fatigué mais Jaz s'endort presqu'aussitôt, et il ne peut pas s'empêcher de sourire, à l'aise contre son corps et baignant dans son odeur. “ Duset daram, ghalbami, ” murmure-t-il pour l'accompagner peut-être dans le monde des rêves. Il reste immobile et il ne dit rien et il la serre contre lui et il la laisse faire quand elle change de position et le bouscule un peu et lui roule dessus et il ne peut pas s'empêcher de sourire quand elle grogne un peu dans son sommeil et elle est adorable et elle enroule presque d'elle-même ses bras autour d'elle et il aime sa chaleur et son odeur et sa présence et le temps s'écoule lentement mais Sami le passe à l'observer, à se rappeler de tous les détails sur son visage, à profiter d'elle, sa soulmate enfin (re)trouvée.

Il se repose un peu, il ne dort pas beaucoup et il n'a jamais de jours où il n'est pas actif; à plusieurs reprises son téléphone vibre et il le sort pour le regarder, l'écran lui indique que des clients ont frappé à la porte de la boutique et sont partis. Les caméras lui indiquent que Scar dort toujours lui aussi à poings fermés. Il est à l'aise et il somnole presque quand Jaz se réveille, lui arrachant un petit sursaut quand elle détache son nez de son cou. Elle se redresse un peu et lui sourit et Sami lui sourit en retour. “ You're here. — So are you, ” répond-t-il avec douceur, rigolant quand elle chatouille un peu son nez lorsqu'elle l'enfonce de nouveau contre le creux de son cou. Ses bras se resserrent autour d'elle, ses mains caressent son dos à travers le pull qu'elle a revêtu. Elle est nue en dessous a-t-il deviné pendant son sommeil, et il s'en rappelle et il rougit un peu d'embarras. “ I'm happy, ” dit-il en baissant le visage pour embrasser son front. “ It's inappropriate to say so... but I'm happy. You make me happy, ” précise-t-il pour qu'elle comprenne bien ce qu'il veut dire. Ses lèvres trouvent les siennes et ne les lâchent pas, le baiser est presque hésitant au début et puis ils retrouvent rapidement leurs marques du dreamworld, le corps de Sami pressé au-dessus de celui de Jaz, ses mains qui viennent effleurer ses hanches nues sous le pull, les bruits demandeurs qui échappent presque à la gorge de Jaz quand il l'embrasse dans le cou avec application. Les doigts de Jaz se faufilent sous son t-shirt eux aussi, viennent glisser et caresser la peau nue et brûlant de son dos, et il glisse une jambe entre les siennes, et il se serre contre elle comme si il voulait la briser, mais son téléphone vibre sur la table.

Il l'ignorerait en temps normal, mais Sami sait qu'il ne peut pas baisser sa garde, même quand il en a diaboliquement envie comme en cet instant précis. Il grogne de frustration en embrassant la joue de Jaz, se détache seulement pour attraper l'appareil et le déverrouiller rapidement. C'est une image de la personne qui vient de frapper à la porte de la boutique: mâchoire cachée par un masque noire au motif de la gueule d'un requin, cheveux roux ramenés en catogan, regard acier dirigé droit vers la caméra. Laszlo. Sami sent tout couleur quitter son visage. Il voit sur une autre caméra que Scar, apparemment réveillé par le vacarme, se déplace déjà pour aller ouvrir la porte. Il revient chercher les lèvres de Jaz. “ My boss is paying us a visit, ” lui explique-t-il dans un souffle, avant de rapidement se séparer d'elle pour glisser du lit. Il range un peu ses affaires, machinalement, sort le contrat les liant Jaz et lui et Jaz et Madame, fait les cent pas, finit par cacher le téléphone de Jaz sous une latte du plancher, il espère que Scar ne l'a pas mentionné. Des pas dans l'escalier menant à la porte, Sami panique un peu et il se tourne vers Jaz, ouvre la bouche pour lui donner une recommandation, mais l'instant suivant trois coups tonitruants sont frappés à la porte. “ We're fine, ” rappelle-t-il à Jaz avec détermination. Et puis il ouvre le battant et le leader des Sharks apparaît, ses yeux glaciaux s'arrêtant à peine sur Sami pour voler jusqu'à Jaz toujours assise dans les draps désormais froissés de son lit. “ So you're his new thing? ” demande-t-il, but en blanc comme à son habitude. “ Show me, ” demande-t-il à Sami qui lui tend les contrats. “ Where did you even get that money from? ” grogne-t-il après avoir lu au moins deux fois et Sami hausse les épaules. “ Wasting away your dreams for a girl? ” demande-t-il avec un regard dédaigneux en direction de Jaz.

Jaz ne se souvient pas de la dernière fois qu’elle a pleuré de joie, que des larmes ne l’ont pas étouffée ou noyée, qu’elles ne l’ont pas agitée de tremblements et de sanglots, mais ont juste coulé un peu, tranquillement, d’émerveillement et de bonheur pur. C’est tout ce qu’elle ressent en découvrant Sami à côté d’elle au réveil, là pour de vrai bien en chair et en chaleur, et son cou qui sent si bon quand elle y enfouit son visage. “ So are you, ” elle aime le petit rire qui lui échappe et les bras qui se resserrent autour d’elle en réponse, les mains qui la caressent doucement par dessus son pull. Il semble heureux lui aussi qu’elle soit là, qu’ils soient ensemble enfin. “ I'm happy, ” les lèvres de Sami trouvent son front qu’elle presse presque contre sa bouche en réponse, savourant tous ces contacts avec lui à la fois familiers et nouveaux de par leur réalité, leur intensité. “ It's inappropriate to say so... but I'm happy. You make me happy, ” son sourire en devient si grand qu’il lui fait déjà très mal aux joues, mais peu importe, elle le regarde avec fascination quelques instants sans pouvoir rien répondre alors que tout son visage crie tout ce que son cœur ressent: me too. Peut-être qu’il a raison, peut-être que c’est inapproprié vu les circonstances, peut-être que ses larmes elle devrait les réserver à ce qu’elle a laissé derrière à Sigan, mais elle y pensera quand elle aura pu charger son téléphone, en attendant il y a quelque chose qu’elle a voulu pendant si longtemps, son plus grand rêve qui s’est réalisé et elle ne peut penser qu’à ça, qu’à lui, au bonheur qu’elle ressent et qu’il a l’air de partager. Son sourire finit par se tarir un peu au contact de ses lèvres non que ça ne la remplisse pas de chaleur, ça aussi, au contraire. D’hésitant, le baiser devient intense, infini, alors qu’ils se détachent à peine pour respirer par moment, Jaz se perdant complètement dans les caresses pourtant bien légères de Sami sur ses hanches nues. Elle voudrait qu’il ne s’arrête jamais, elle voudrait qu’il lui offre plus, elle voudrait pouvoir faire toutes ces choses qu’ils ont commencé mais jamais terminé dans le dreamworld. Ça semble plutôt bien parti pour quand les lèvres de Sami s’arrachent finalement aux siennes pour trouver son cou qu’elle tend pour lui créer un chemin plus agréable, quelques bruits de plaisirs étranglés dans sa gorge alors que ses doigts à elle aussi se faufilent sous les vêtements de Sami pour caresser la peau brûlante qu’elle aimerait sentir tout contre la sienne. Il l’écrase un peu mais ça n’a aucune importance à ses yeux, n’existe de source d’oxygène que lui et elle ne demande rien de mieux que de pouvoir fondre dans ses bras.

Quand le téléphone de Sami se met à vibrer, elle n’imagine pas que ça ait la moindre chance de les interrompre, c’est pourtant le cas, il grogne un peu en lui embrassant la joue mais se détache bel et bien d’elle pour attraper l’appareil comme s’il avait la moindre importance. Jaz est un peu déçue, mais elle ne dit rien, l’observe juste le déverrouiller, essaye de se dire que ça doit être important, se rappelle qu’il a toute une vie dont elle ne fait pas partie et qu’elle chamboule de sa présence. Elle fronce les sourcils en le voyant pâlir brusquement ; pas le temps de lui rendre le baiser qu’il lui offre bien trop rapidement. “ My boss is paying us a visit, ” souffle-t-il avant de déjà se glisser hors du lit sous les yeux confus et inquiets de Jaz. Elle n’a aucune idée de qui est son boss, mais elle sait que sa visite est de mauvaise augure vu que, Sami a pâli et qu’il s’affaire désormais à ranger un peu son appartement. Elle le voit sortir les contrats qu’il n’a pas pu lire, cacher son téléphone à elle, elle ne comprend pas mais elle n’ose pas poser de questions. Elle le voit lui ouvrir la bouche toutefois comme pour lui dire quelque chose, peut-être de ne pas parler en la présence du boss, ou lui donner son nom, ou quelque chose de ce goût-là, mais déjà on frappe à la porte. “ We're fine, ” lui indique-t-il. Fine, pas good, pas great, juste fine, et quand Sami ouvre la porte et que son boss rentre dans l’appartement, Jaz a peur. Plus encore de ce qu’elle prend comme un manque d’assurance en eux de la part de Sami que de l’homme qui entre et qui pose presque automatiquement une paire d’yeux glacés sur elle. “ So you're his new thing? ” Jaz aimerait ne pas être vexée, elle aimerait être plus maligne que ça, comprendre que ses petits sentiments n’ont aucune importance dans ce qui est en train de se jouer, mais elle ne peut pas s’en empêcher. Elle pâlit à son tour et pince des lèvres, sent son cœur se serrer aussi : new thing. Non seulement est elle a thing, un jouet, peut-être, mais en plus elle n’est pas le premier. “ Show me, ” Il ne la regarde déjà plus, n’attend donc visiblement pas de réponse alors Jaz reste assise sur le lit, pressant un peu les draps autour d’elle quand bien même les vêtements de Sami la couvrent déjà. Elle a l’impression que la température de la pièce a perdu dix degrés avec la présence du boss de Sami et de ses yeux trop bleus. Ça l’embête de ne pas avoir lu les contrats elle aussi — enfin il y en a un qu’elle a eu sous les yeux, signé elle-même, lu à la va-vite, sans vraiment comprendre tout ce qui se jouait. Mais le second est plus important encore, le second lie Sami.

“ Where did you even get that money from? ” Ce doit être beaucoup donc, beaucoup trop, bien plus que ce que Sami peut se permettre, sûrement bien plus qu’il ne pourra re-gagner rapidement. Il hausse les épaules son Sami, mais Jaz se sent quand même malade. “ Wasting away your dreams for a girl? ” Ce n’est pas tant le regard dédaigneux que lui lance brusquement l’autre homme, ou le girl empli de mépris, que les mots adressés à Sami qui la heurtent. Il a économisé cet argent, pour faire quelque chose sûrement, peut-être partir de cette ville qu’il déteste lui aussi. Il a économisé, il avait des rêves et il a tout jeté au vent pour elle, parce qu’elle est stupide et s’est perdue et a signé le contrat à défaut d’avoir l’ingéniosité pour trouver une autre solution. Elle est ses rêves, une part d’elle s’en doute, puisque c’est littéralement vrai : elle était dans ses rêves et il l’a prise pour un rêve pendant des années. Mais ça ne veut pas dire qu’il était véritablement prêt à tout donner pour elle, ça ne veut pas dire qu’il n’avait pas de buts, d’objectifs plus importants dans sa vie. Ce n’est pas parce qu’il est la seule chose qu’elle ait jamais vraiment voulu que l’inverse est vrai. Elle relève des yeux à la fois blessés et désolés vers Sami, s’attendant à ce que ce dernier réponde quelque chose, quoi que ce soit — espérant peut-être un peu follement qu’il prenne sa défense —, mais il reste silencieux et l’émeraude revient finalement étudier avec beaucoup d’attention une tâche invisible sur les draps. “ She’s not done costing you, this one, ” l’enfonce un peu plus l’inconnu qu’elle hait déjà. C’est quasiment aussi humiliant qu’à la maison close, cette façon qu’on a de parler d’elle à la troisième personne en sa présence. Le pire, c'est qu'il doit avoir raison. “ You’d better put her to work. ” Elle relève un peu le menton pour l’observer à travers ses cils. Elle n’a pas très envie de rester à Néodam, elle préfèrerait aller vivre n’importe où ailleurs avec Sami, mas ils n’ont encore parlé de rien. Peut-être que cet argent n’était pas complètement à lui, peut-être que c’est pour ça que son boss est là, ou peut-être qu’ils ne vont pas pouvoir partir tout de suite, ou peut-être…peut-être que Sami n’a pas vraiment envie de partir. Peut-être que c'est pour ça qu'il est encore là malgré le fait qu'il avait "autant d'argent" à disposition. “ Do you have a name? — Yasmeen. ” répond-elle d’une toute petite voix. Il lui semblerait étrange de lui donner son nom de scène qui n’a ici aucune valeur. “ What’s yours? ” Qu’elle ose lui rendre sa question semble le surprendre, mais il répond quand même : “ László. ” Ses dents se découvrent une demi-seconde à peine, aussi pointues, il semble à Jaz, que celles d’un requin. Elle se demande si c’est un Shark. Si c’est le chef des Sharks. The gang I belong to. lui a dit Sami. Si c'est le cas, elle le hait encore plus.

“ And what do you do? What can you do? ” Il y a encore beaucoup de mépris dans ses yeux, comme si il pensait qu’elle avait véritablement fait le travail “offert” par Madame, mais Jaz ne songe même pas à le contredire tant l’idée lui paraît folle. “ I uh…I sing? And I can dance. ” Inutile de parler de défiler sur un podium, elle doute qu’on puisse lui offrir du travail dans ce domaine. Il doit y avoir des quartiers riches de Néodam, des endroits où ça se fait, mais pas ici. Son regard dérive vers Sami et elle ne comprend pas exactement l’expression sur son visage — de nouveau fermé, un peu comme au bordel — Jaz pense que son boss est en train de chercher à la recruter et elle croit savoir que ça ne lui plaît pas. Pas du tout même. Mais si, à cause d’elle, il a besoin d’argent, ça lui semble normal qu’elle participe. La risette qui fend un quart de seconde les lèvres de son patron, laisse toutefois à penser qu’elle est hautement sous-qualifiée. “ Eighty thousands for a songbird. You really don’t know how to pick them, do you? ” Il pourrait tout aussi bien la traîner d’inutile que ç’aurait le même effet. “ She can probably serve a few drinks and dance at the House, help pay your bills so you can focus on your debts. ” Il a des dettes donc. Et c’est quand même sur elle qu’il a gâché ses économies. Il a des dettes et c’est peut-être pour ça qu’il est coincé dans cette ville grise. On est même pas en train de lui poser la moindre question — c’est à Sami que László s’adresse comme si véritablement elle lui appartenait désormais (mais c’est ce que doit dire le contrat, elle n’en doute pas) — pourtant elle a envie de dire oui. Il lui semble naturel qu’elle l’aide, et même qu’elle le rembourse si c’est possible pour les quatre-vingt milles qu’il a du payer pour elle et qui semblent représenter beaucoup. Elle lui a volé ses rêves d’après László et Jaz ne pourrait jamais se pardonner si elle ne savait pas aussi les lui rendre. “ I will. ” Sami et elle ont ouvert la bouche en même temps, mais sa voix s’est échappée la première, assurée quoiqu’un peu tendue et quand Sami tourne le regard vers elle, elle a l’impression de l’avoir déçu.

Ses rêves. Les rêves de Sami, c'est Jaz, c'est le monde qu'ils ont créé à deux. Mais ses rêves, aussi, c'est retourner dans la Backcountry, dans le coin de sa ville natale, et y acheter une ferme. Son rêve, c'est travailler la terre comme ses parents avant lui, c'est reconnecter avec ses origines et ses ancêtres, retrouver la communauté éthiopienne qui l'a vu grandir. Sauf que dans ces rêves-là, maintenant, il y a Jaz — et il aurait été impensable pour Sami de ne pas sacrifier tous ces fantasmes stupides pour elle, pour sa soulmate. Ça, bien entendu, il ne va pas le dire à Laszlo. Il l'apprécie, lui est un peu loyal — mais pour autant, il ne lui fait pas confiance. Le chef des Sharks n'est que ça: un squale avec des dents pointus, prêt à tout pour lui seul et pour sa propre survie. Il n'a pas besoin de savoir les états d'âmes de Sami alors il reste fièrement silencieux, soutient son regard, son animosité écrite partout sur son visage et dans la manière qu'il a de se tenir. Il n'aime pas le mépris dans la voix du chef des Sharks et il devrait peut-être défendre Jaz mais il repousse bien vite cette idée: il ne peut pas se mettre totalement le chef des Sharks à dos et puis il ne sait rien de la relation l'unissant à Jaz et il ne mérite pas de savoir quoique ce soit de plus. “ She’s not done costing you, this one. ” Sami serre les dents, ses mains — qui se sont machinalement liées dans son dos, comme un soldat saluant anxieusement un général — dans son dos sont tordues, blanchies par la tension qui les relie. “ You’d better put her to work. ” Sami renifle. Pas question qu'ils restent à Neodam. Sami a l'espoir fou qu'ils pourraient partir, même si ça voudrait dire... avoir pour toujours les Sharks aux trousses. Mais ils pourraient s'effacer dans la campagne rase de Néphède, ne plus jamais retourner dans cette ville de malheur et alors peut-être... “ Do you have a name? — Yasmeen. ” Sami tourne brutalement la tête vers elle, il aurait dû lui dire de ne pas parler devant lui. Toute information est bien trop importante pour être partagée. “ What’s yours? — Laszlo. ” Voir l'homme qui régit sa vie — à qui sa vie appartient — et son rêve, sa soulmate, interagir l'angoisse incroyablement. C'est tellement absurde.

“ And what do you do? What can you do? ” Les yeux de Sami sont pesants sur Jaz, lui demandant de ne rien dire, mais n'osant pas vocaliser cette demande de peur que Laszlo s'offusque qu'il remette son autorité en question. Mais Jaz ne le regarde pas, n'a d'yeux que pour les leaders des Sharks. “ I uh…I sing? And I can dance. ” Elle aurait pu dire n'importe quoi mais il a fallu qu'elle dise ça. Sami est furieux — envers Laszlo, envers Neodam, et il est un peu en colère contre elle aussi, il enfonce ses ongles dans sa paume sans rien dire. “ Eighty thousands for a songbird. You really don’t know how to pick them, do you? ” Les yeux de Sami reviennent sur Laszlo, qui serait surpris d'y voir la lueur pernicieuse qui y règne en reine, les deux orbes couleur obsidienne enflammées de rage et de violence, deux sentiments que Sami garde profondément enfouis en lui d'ordinaire, que rien ne peut libérer à part... à part Jaz, peut-être, ou l'impression qu'il a qu'elle est en danger. À cause de lui. “ She can probably serve a few drinks and dance at the House, help pay your bills so you can focus on your debts. ” Ses dettes. Celles qu'il aurait pu rembourser dix fois avant d'avoir acheter Jaz — celles qu'il n'a jamais remboursées en se disant toujours: plus tard, plus tard, plus tard. Et maintenant il en est là. Il aurait dû partir au moment où il a atteint la somme qu'il doit à Laszlo. Il n'en serait pas là aujourd'hui.

Malgré lui, Sami suit le mouvement du regard de Laszlo et ses yeux retombent sur Jaz. Il n'en serait pas là aujourd'hui... mais si, justement, il n'avait pas été là? Que lui serait-il arrivé? Il est hors de question qu'elle travaille à la Maison ceci dit, et Sami ouvre la bouche pour refuser ce qui ne peut être qu'une offre. Il se sent impuissant et las mais il refuse que Jaz s'abaisse à ça. Mais elle est plus rapide que lui. “ I will. ” Sami fronce les sourcils dans sa direction. Elle n'y comprend rien. Elle ne sait même pas ce qu'elle est en train de dire. Ça le frappe qu'ils viennent de mondes complètement différents. Are you a little bit of a ganster yene fikir? avec un petit sourire sur les lèvres. Il s'en souviendra toute sa vie. L'innocence de la question, le tease derrière, comme si les mains de Sami n'étaient pas recouvertes de sang, comme si il ne pouvait pas convoquer le souvenir de toutes les vies qu'il a ruiné en pillant, détruisant, mettant le feu à des boutiques ou des maisons. Comme si il n'était pas un rouage de l'économie terrible et corrompue de Neodam. Comme si il n'était pas littéralement la lie de la société néphèdienne, comme si il ne méritait pas de- “ Good. — She won't. — Why, is she not her own person anymore? Slavery is long done, Slim, even if this paper is trying to tell you otherwise, ” rétorque aussitôt Laszlo en plaquant le contrat contre son torse. “ You'll ask him to drive you to the House and you can get to work there. Since you're not a gang member, we'll deduct a thirty percent tax from all of your earnings. ” Il est déjà en train de bouger vers la porte et Sami reste immobile, une statue habitée par la rage, gardant toujours le contrat contre son torse, ses doigts crispés froissant un peu le papier. “ And yourself Sami... ” L'instant suivant, Laszlo est sur lui et si la réaction initiale de Sami est de le repousser et de se débattre, il s'interrompt bientôt. Inutile de chercher la bagarre avec le chef des Sharks.

La main de Laszlo sur sa gorge lui fait mal et il déglutit difficilement, même quand l'autre le relâche rapidement, le geste plus destiné comme une menace qu'autre chose. “ Don't forget that this store is ours and that I did not allow you to have an off day today... don't forget you have nine fingers for me to break either, XO boy, ” lui souffle-t-il doucement au visage. Sami ne répond pas, ne rencontre même pas son regard, regarde un point du sol sans rien dire. Ses poumons le brûlent — Laszlo lui a bloqué la respiration pendant deux secondes — mais il refuse de se laisser aller à la douleur, pas devant lui. Le chef des Sharks l'observe un peu plus, si proche de lui — il sent son souffle sur sa joue — et puis se détache et disparaît sans un regard en arrière. Sami inspire profondément et tousse un peu et porte ses mains à son cou — il peut déjà deviner qu'il va légèrement bleuir — mais il n'a pas le temps de regarder Jaz que déjà Scar débarque. “ Uh, Sami? ” Il a l'air fatigué et inquiet et s'approche de lui mais Sami le repousse brutalement. Il n'arrive pas à parler mais l'autre membre du gang n'insiste pas, le regarde se lever et aller en cuisine faire à manger — Scar engloutit tout ce qui lui passe sous la main dès qu'il se réveille —, rapidement, avant d'apporter deux assiettes à Scar et à Jaz qui l'ont observé faire en silence. Sami tremble encore de rage et de désespoir. Tout cet argent, tous ces rêves, tout ce futur parfait qu'ils ont imaginé avec Jaz... il ne pourra jamais lui donner ça, construire ça tous les deux. Pas ici, en tout cas, et ils y sont coincés. Scar essaie de parler mais Sami est plus rapide: “ Rest some more, Jaz, ” dit-il d'une petite voix tendue. Et déjà il redescend dans l'atelier-boutique.

Il a du mal réprimer l'envie de tout envoyer valser; finalement il s'assied à son plan de travail et, comme si rien de particulier n'était arrivé, continue le travail qu'il a laissé en plan le matin même pour aller sauver Jaz.

Ses doigts tremblent un peu et il est anxieux et il est fébrile et il ne dit rien, il n'y a pas un bruit, pas même de la rue à l'extérieur, pas même de l'étage où restent Scar et Jaz. Il n'entend même pas les pas descendre, ni les pas qui se rapprochent; sursaute quand une main sur se pose sur son épaule, près de sa nuque, et s'apprête à envoyer Scar bouler sauf que c'est Jaz. Et Sami perd toute contenance en lisant du doute et de la peur dans son regard vert, ses si beaux yeux dans lesquels il pourrait se noyer sans peur. Il n'hésite pas une seule seconde à passer un bras autour de sa taille et l'attirer jusqu'à lui, enfouissant son nez contre son ventre en l'enlaçant de son autre bras. Il est rassuré quand les doigts de Jaz se glissent dans ses cheveux à la base de sa nuque, le contact rassurant et étonnamment familier. “ I'm sorry, ” finit-il par murmurer, le son étouffé tant il se presse contre elle. Il appuie sa joue contre son ventre avant de se redresser pour la regarder dans les yeux, l'attirant un peu à lui et soupirant de soulagement quand elle accepte de s'asseoir en travers de ses genoux. “ It physically pains me that you're here... in this godforsaken city that I hate... ” Il appuie ses lèvres contre sa joue, longuement. “ Please... please don't ask me to drive you to the House. Jaz. Please. ”

Jaz ne sait même pas ce à quoi elle vient de dire oui. Elle ne sait pas ce qu'est La Maison (elle devine le grand M), quel genre d'établissement exactement, n'a pas vraiment songé aux types de danses qu'on voudrait lui faire faire. Elle a juste dit oui. Parce que László a l'air de dire que c'est la seule chose qu'elle peut faire pour gagner de l'argent ici et qu'il faut qu'elle en gagne pour rembourser Sami. Il a vendu ses rêves pour elle, utilisé l'argent de ses dettes pour elle et ça a l'air de ne pas plaire du tout à László et Jaz n'a pas besoin qu'on lui fasse un dessin en revanche pour savoir qu'il est dangereux. Elle n'a pas besoin que Sami parle non plus pour savoir qu'elle l'a énervé, déçu, un peu des deux certainement. Il ne voulait pas qu'elle accepte, that much is clear. “ Good. — She won't. — Why, is she not her own person anymore? Slavery is long done, Slim, even if this paper is trying to tell you otherwise, ” Elle se souvient avoir pensé la même chose chez Madame, mais c'est différent dans la bouche de László ça lui semble presque ironique. “ You'll ask him to drive you to the House and you can get to work there. Since you're not a gang member, we'll deduct a thirty percent tax from all of your earnings. ” Elle a l'instinct d'ouvrir la bouche pour répondre, négocier comme sa mère ou John le feraient pour elle, mais elle peut bien voir que László n'attend aucune forme de protestation. Elle a dit oui, c'est déjà trop tard pour reculer et les termes du contrat oral sont visiblement inchangeables. Déjà il esquisse un mouvement pour sortir. “ And yourself Sami... ” Sauf qu'il ne sort pas, un instant il est près de la porte et l'autre, il a sauté sur Sami arrachant une exclamation de panique à Jaz qui est déjà sur ses pied alors que l'autre semble prêt à étrangler son âme-sœur. Sami ne se défend même pas. Since you're not a gang member. László est un Shark donc, c'est enfin rendu très clair et elle pense même qu'il doit s'agir de leur chef vu la révérence que lui offre un Sami qu'elle croit pourtant savoir en colère. Elle n'a que le temps de faire le tour du lit que László a déjà relâché Sami. “ Don't forget that this store is ours and that I did not allow you to have an off day today... don't forget you have nine fingers for me to break either, XO boy, ” Les yeux de Jaz s'agrandissent brusquement, elle est juste à portée de leur échange, aurait presque pu ne pas entendre le souffle de László. Elle aurait presque préféré. Elle aurait presque préféré ne pas deviner, ne pas comprendre, ne pas savoir que c'est lui qui a brisé le doigt de son Sami, qui ne se plie plus même dans les rêves. C'est lui qui lui a fait du mal et à lui que prétendument sa vie appartient. C'est lui, avec son regard glacial et ses menaces à peine cachées et son mépris pour elle, c'est lui le monstre qu'elle doit abattre pour sauver son tisseur de tapis. Elle a encore le souffle coupé de la réalisation que, son pauvre Sami, pendant ce qui semble être des années a été forcé de travailler pour son bourreau, quand ce dernier se détache enfin et quitte la pièce en emportant quelques degrés de plus avec lui.

Elle n'a que le temps de faire un pas tremblant vers Sami que Scar est déjà là. “ Uh, Sami? ” Jaz hésite a finir son geste malgré tout, venir le prendre dans ses bras, mais Scar se fait brutalement repousser et elle a un peu peur d'avoir droit au même traitement. Après tout, tout est de sa faute à elle. Elle n'aurait pas du dire oui. Elle n'aurait pas du passer par le portail, même si elle ne l'a certainement pas fait exprès. Elle a l'impression de n'attirer que des ennuis à Sami même quand elle essaye de se rendre utile, preuve s'il en est qu'elle en est tout à fait incapable, qu'elle est née et sera toujours une incapable congénitale. Déjà, son soulmate s'échappe vers la cuisine et Jaz se rassoit tristement sur le lit, l'appartement restant silencieux outre les bruits qui s'échappent de la préparation de Sami. En d'autres circonstances, elle aurait posé mille questions à Scar, elle n'en doute pas une seconde, sur Sami et Neodam et Sami et XO et Sami. Au lieu de ça, elle ose à peine respirer, les yeux fixés sur ses pieds nus sur le plancher froid. Elle relève seulement la tête quand Sami lui apporte une assiette, elle croit voir qu'il tremble un peu. “ Rest some more, Jaz, ” Sa voix est si tendue, ça lui brise le cœur d'en être pour partie, si ce n'est totalement, responsable. Il s'en va déjà, passe la porte pour travailler en bas, à l'atelier certainement — elle lui a déjà volé quelques heures précieuses de travail apparemment — et Jaz regarde un instant le vide où il se trouvait avant de déposer l'assiette sur le lit et de se lever sans un mot pour le suivre. “ Maybe you shouldn't- ” Elle entend à peine Scar et dévale les marches avant d'avoir le temps de changer d'avis.

Sami est assis devant un plan de travail, il a un objet inconnu dans les mains qu'il semble en train de démonter, Jaz s'en fiche, si elle passe un instant à l'observer sur le palier sans faire le moindre bruit elle regarde pas vraiment ce qu'il fait, elle ne le regarde lui, juste lui dans son élément naturel, ce qu'il serait en train de faire si elle n'était jamais venue, si elle avait fini son insipide soirée à Little Versailles et s'était juste endormie dans sa suite, les larmes aux yeux sans aucun doute. Finalement elle s'approche doucement, dépose une main hésitante sur son épaule comme si elle craignait qu'il ne se retourne brusquement et la repousse comme Scar. Moins violemment imagine-t-elle. Elle n'en sait rien ceci dit. Il sursaute effectivement, mais elle peut bien voir qu'il est surpris que ce soit elle, elle qui le regarde presque un peu craintive comme si elle ne savait pas vraiment comment le prendre. C'est vrai. Elle a l'impression d'avoir fauté en acceptant l'offre d'emploi du chef des Sharks, mais en même temps que pouvait-elle faire d'autre ? Vivre aux dépends de Sami qui semble déjà à court d'argent ? Elle sait bien qu'elle n'a aucun véritable talent, aucun compétence vraiment utile, elle n'a jamais eu de travail que le plus futile : celui d'être une star. Autant dire qu'une fois qu'on lui enlève ça, sa célébrité, elle n'est plus rien. Ici, elle n'est rien.

Alors elle prend ce qu'on lui offre. Surtout si ça peut l'aider lui, même un peu. Elle n'ose pas approfondir le contact d'elle-même, mais soupire véritablement de soulagement quand il passe un bras autour de sa taille et l'attire à lui. Il écrase un peu son ventre de son visage, mais elle ne bronche pas, glisse au contraire ses doigts de son épaule à sa nuque, aux cheveux qui y frisent légèrement. Elle se sent toujours incroyablement coupable, mais elle est rassurée qu'il ne lui en veuille pas au point de l'envoyer paître. “ I'm sorry, ” murmure-t-il, lui, à sa grand surprise et incompréhension. Que peut-il donc avoir à se faire pardonner ? C'est elle l'intruse, le boulet, elle qui a tout chamboulé dans son quotidien (pour le pire, visiblement). Elle à cause de qui il a perdu ses économies, à cause de qui László l'a menacé, à cause de qui il est énervé. Elle, juste elle, qui ne sait rien faire de bien. Elle ne mérite pas qu'il s'appuie tant contre elle, elle ne mérite pas de trouver du réconfort dans ses bras, d'être contente qu'il la fasse asseoir en travers de ses genoux. “ It physically pains me that you're here... in this godforsaken city that I hate... ” Elle pince des lèvres alors qu'il appuie les siennes sur sa joue. Elle peut honnêtement dire qu'elle partage le sentiment. Ça fait peut-être des années qu'il vit ici, mais Jaz déteste découvrir que sa vie c'est ça. Néodam la puante, Néodam la sale, Néodam la dangereuse. Les caresses de ses doigts sur sa nuque se font un peu plus appuyées, comme si rien que de son toucher elle pouvait lui faire passer le message. “ Please... please don't ask me to drive you to the House. Jaz. Please. ” Elle se renfrogne, mais se serre un peu plus contre lui tout à la fois. Elle ne sait pas si elle est obligée de le lui demander, elle pense que oui, même si elle n'a rien signé avec László elle pense que l'accord oral fait office de contrat. Mais même en admettant que ce ne soit pas le cas et qu'elle ait le choix, elle le lui demanderait quand même. Parce qu'elle n'a pas d'autre idée de comment l'aider. Parce qu'elle doute qu'il veuille rester à Néodam, mais ne sait pas s'il peut partir. Parce qu'elle ne sait pas comment rentrer chez elle (et l'emmener avec lui). Parce qu'il faut bien qu'elle fasse quelque chose, se rende utile un jour au moins dans sa vie. “ Sami…” commence-t-elle tout doucement, ses lèvres trouvant son front. “ I'm the sorry one. I come here and I blow up everything in your life, burst your dreams, steal your money…I'm so sorry I'm such a burden on you right now. I'm- I'm just trying to correct that a little bit, help out. I know it won't be much, but I have to…this money…you were going to use it for something else right? How long had you been saving for it? I can't just take it.” Elle ne l'a pas pris elle-même, mais c'est tout comme, il l'a dépensé pour elle, sans hésiter. Elle sait qu'elle en aurait fait autant pour lui évidemment, à Sigan, et ne s'attendrait pas une seconde à ce qu'il la rembourse, mais c'est différent, elle, du Temps, elle en a plein. Et puis, elle, elle n'a pas d'autre rêve que lui. Son Temps ne pourrait jamais être mieux dépensé que pour le sauver lui. Et puis, peu importe qu'il lui ait dit qu'elle n'avait pas besoin de le rembourser, il leur faut de l'argent pour faire leur vie ensemble (s'il le veut toujours — le veut-il toujours ?) et ce ne serait pas juste qu'il soit le seul à trimer pour. “ I…I have nothing here. My Timer stopped.” Elle ne s'arrête même pas pour se demander si c'est une bonne chose ou pas que ses secondes ne soient pas littéralement comptées (non que ç'ait jamais été le cas, elle a toujours été forte de centaines d'années sur son compte en banque à défaut de son bras). Elle prend une grande inspiration et puis d'une toute petite voix, demande : “ The-the House is it- is it a strip-club? ” Elle sait que Sami va dans des endroits de ce genre avec ses amis, elle en a même vu des vidéos sur youtube. László a dit qu'elle allait danser et elle pense comprendre maintenant qu'elle y pense, maintenant qu'elle voit la réaction de Sami, que ce ne doit pas être un spectacle des plus respectables qu'on lui propose.

Les Sharks ne vendent pas des corps — ils laissent ça à Heathen — mais des danses et des fantasmes. Il y en a des dizaines de filles et Sami les aime bien. Les filles l'aiment bien en retour, il les fait rire et il a couché avec pas mal, et il leur rapporte toujours des petits cadeaux, pour les faire sourire, peut-être pour adoucir leur quotidien qui n'a rien d'attirant. Il n'a jamais pensé à les sauver, pourtant. Il sait que leurs vies ne sont pas les meilleures, que la plupart sont coincées à Neodam, à la Maison, comme lui. Il sait que beaucoup aimeraient être sauvées: mais que peut-il y faire, vraisemblablement? Tout, mais il ne fait rien, n'y pense pas. En revanche, l'idée que Jaz les rejoigne... l'affole. Ce n'est pas tant l'idée qu'elle danse, à moitié nue, pour d'autres hommes (quoique ce soit un gros facteur malgré tout, réveillant en son coeur une jalousie corrosive dont il ignorait jusque-là l'existence) — mais il préférerait qu'il n'y ait pas de contact ou de lien entre Jaz et Laszlo, qu'elle n'ait jamais à voir l'envers du décor, une vie à laquelle elle a échappé en étant bien-née. Jaz se serre un peu contre lui et Sami pense naïvement que ça suffira, qu'il l'a convaincue, qu'ils n'en reparleront pas. Laszlo viendra peut-être lui chercher de noises, mais elle n'a rien signé, elle n'est tenue de rien en réalité.

“ Sami… ” Sami se tend en entendant le ton précautionneux de sa voix, son visage se ferme même quand les lèvres de Jaz en effleurent la peau et le front. “ I'm the sorry one. I come here and I blow up everything in your life, burst your dreams, steal your money…I'm so sorry I'm such a burden on you right now. I'm- I'm just trying to correct that a little bit, help out. I know it won't be much, but I have to…this money…you were going to use it for something else right? How long had you been saving for it? I can't just take it. ” Il ne peut pas lui dire que c'est l'argent de toute une vie, un argent qu'il a gagné avec des privations, des courses qu'il n'aurait pas dû faire, des vies brisées, des déjeuners sautés, des nuits passées sur un estomac vide à se dire: pense à la ferme, pense à la ferme, pense à la ferme jusqu'à en perdre la tête. Mais Sami est plutôt pragmatique, et ça appartient au passé. Il a dépensé cet argent, peu importe maintenant. Il ne veut pas y penser. “ I…I have nothing here. My Timer stopped. ” Sami fronce les sourcils en l'entendant, il a les yeux baissés depuis qu'elle a commencé à parler, et regarde son bras come si il pouvait voir les chiffres sous la manche de son pull qu'elle a enfilé.

Il n'a pas le temps de lui demander de lui montrer qu'elle reprend déjà: “ The-the House is it- is it a strip-club? ” Et il serre les dents. Rien que le fait qu'elle ait besoin de lui demander prouve bien qu'elle ne sait rien. “ Yes. ” Il relève les yeux vers elle, le regard dur, un peu. “ There's a thousand things that you can do. You could serve drinks in bars and coffee shops and-- ” Pas grand-chose d'autre, si il doit être honnête. Même si il ne faut pas de référence, pour thrive à Neodam, il faut du skill et il pense que Jaz en manque. Elle sait marcher et poser et chanter et danser mais Sami préférait mourir plutôt que de l'offrir en pâture aux émissions de musique télévisées qui existent et le reste.. Sami soupire lourdement. Il sait que si la situation aurait été inversée, si il s'était retrouvé à Sigan, il aurait voulu la rembourser, faire n'importe quoi pour l'aider. C'est ça qui le tue. Il appuie sa bouche contre son épaule, se repose contre elle, silencieux un petit moment. Lentement, une main se pose sur le poignet de Jaz, vient soulever la manche de son pull pour révéler son avant-bras ou effectivement, les chiffres ont cessé de bouger. Elle n'a plus rien et bientôt, lui non plus n'aura plus rien. “ I was saving money to pay off my debt but I couldn't have done that a hundred times... I wanted to have more money, and then more, and then more, so I could just leave town and hide forever, buy a farm and live there, ” murmure-t-il, se rendant compte de tout ce qu'il a fait pour rien, de tout ce qu'il a perdu en parlant. Il reste silencieux, pense à ce futur auquel il s'était destiné, qu'il aurait pu avoir.

Et puis il se détache pour la regarder dans les yeux et tend le cou timidement jusqu'à sourire quand elle l'embrasse, répondant à son baiser avec besoin et impatience, avidité. “ But we're going to pay off my debt and leave and live somewhere, somewhere sunny with flowers and dogs and grass, real grass, just like our little dreamhouse, ” promet-il en appuyant ses lèvres sur sa joue. “ You're my new dream, azizam. I love you. ”

“ Yes. ” Jaz se souvient lui avoir malicieusement proposé de lui faire une lap dance un jour, quand il lui a dit qu'elle était la seule femme qu'il avait envie de voir danser et se dénuder pour lui. Elle plaisantait, un peu, pas trop, elle l'aurait sans doute fait pour être honnête. L'idée de danser pour plusieurs hommes (ou femmes d'ailleurs) de cette façon en revanche la met plus mal à l'aise qu'elle ne saurait le dire. Elle n'a jamais fait ça. Pourtant, d'aucuns pourraient dire que la façon qu'elle a de se trémousser sur des chorégraphies savamment travaillées sur scène dans des tenues parfois assez révélatrices n'est pas un travail très éloigné. C'est différent toutefois : à Sigan il y a toujours la couverture (le mensonge) qui consiste à faire croire que c'est pour sa voix, pour ses chansons que les gens se pressent vers le devant de la scène pour la voir de plus près, payent parfois un siècle ou plus pour une bonne place. Ça, sa mère la laisse le faire, l'y encourage même. Mais danser dans un strip club en se déshabillant pour aucune autre raison que réveiller le désir sale de purs inconnus elle doute sincèrement que Darya l'y autoriserait. Surtout quand il n'y a pas de reconnaissance, de célébrité à la clé. Elle est arrachée à ses pensées par le regard que Sami relève vers elle, son malaise en revanche croît de façon exponentielle quand elle y voit quelque chose de dur. “ There's a thousand things that you can do. You could serve drinks in bars and coffee shops and-- ” Et c'est tout. Son silence parle pour lui. Il y'a mille choses qu'elle peut faire prétend-il, mais la liste est odieusement courte. Même servir dans un bar ou un café requiert généralement un peu d'expérience ce dont elle manque cruellement. Elle ne sait rien faire, ce n'est pas une surprise, même si l'entendre de la part de son soulmate est une blessure nouvelle.

Sami abandonne définitivement sa phrase, vient plutôt appuyer ses lèvres contre son épaule dans un silence qui ne fait que permettre à Jaz de paniquer encore plus, de laisser libre cours à sa haine d'elle-même. Au moins elle sait danser. Elle pense que ça va la dégoûter, ce job, mais s'il peut rapporter de l'argent à Sami, l'aider à payer sa dette, alléger un peu le poids sur ses épaules, alors il n'y a aucune hésitation à avoir. Elle sait danser, même si ce n'est pas le même genre de danse, même s'il s'agit de mettre en avant un corps qu'elle n'a jamais su que détester, elle se débrouillera. Sans un mot il pose une main sur son poignet et fait remonter la manche du pull qu'elle lui a chipé, dévoile les chiffres gravés à même la peau de son avant-bras, le Timer avec lequel elle est née, immobile pour la première fois depuis ses seize ans. “ I was saving money to pay off my debt but I couldn't have done that a hundred times... I wanted to have more money, and then more, and then more, so I could just leave town and hide forever, buy a farm and live there, ” Jaz l'écoute attentivement, le visage se crispant de seconde en seconde, les yeux s'emplissant doucement de larmes. Il avait un rêve donc, un joli rêve, un plan pour s'enfuir de Néodam sans un regard en arrière et retrouver la vie qu'il a connu avec ses parents, à la ferme. C'est une des rares choses qu'elle sait vraiment de sa vie : la ferme artificielle dans laquelle il a grandi, avec sa famille qui lui parlait amharique. Il voulait retrouver ça, elle imagine que ça fait des années qu'il y pense, s'il a sauvé autant d'argent — il faut donc croire, que quatre-vingt mille, ce qu'il a dépensé pour elle, se sont les économies d'une vie — et elle a tout brisé d'un pas de travers, d'une chute dans un portail. Elle n'est vraiment rien d'autre qu'un boulet pour ceux qu'elle aime, détruisant tout ce qui compte pour eux. Et ça la tue, d'entendre ça de Sami. Ça la tue qu'il ait économisé pour rien. Parce qu'elle se souvient, Jaz, elle se souvient de tout ce que lui a jamais dit Sami, et elle se souvient très bien de son aveu quand il a découvert sa maladie :  Sometimes I don't eat too. Because I'm saving money and food is so expensive. But I always end up making myself a waffle when I'm too hungry. Il a tant sacrifié pour son rêve. Tout ça pour tout gâcher pour elle. Autant dire pour rien. Quand il se détache pour la regarder, elle pleure déjà, incapable de soutenir son regard, elle se sent tellement coupable, tellement nulle. Elle a rarement ressenti ça devant lui.

Il tend le cou presque timidement, mais elle est plus hésitante encore, ne consentant à poser ses lèvres sur les siennes que pour ne pas avoir à parler, pour ne pas qu'il ait le temps de s'inquiéter de ses larmes non plus. Le baiser est évide et impatient, mais elle y répond mollement, juste remplie de tristesse. “ But we're going to pay off my debt and leave and live somewhere, somewhere sunny with flowers and dogs and grass, real grass, just like our little dreamhouse, ” promet-il en se détachant pour appuyer ses lèvres sur sa joue, geste qui dans le dreamworld lui arrachait toujours un sourire, mais qui, ici, dans la vraie (sale) vie de Néodam, n'arrive pas vraiment à la réconforter. Elle aime ce rêve-là bien entendu, celui qu'ils ont partagé, cette maison et ce chien qu'il insiste pour avoir, tout ça pour elle alors que lui-même est allergique. Elle veut toujours tout ça et ça la rassure qu'il lui dise qu'il le veut encore lui aussi, mais elle a l'impression d'être un second choix. Ça ne devrait pas être décevant ; elle a toujours eu l'impression de l'être : celle que l'on prend quand on ne peut pas avoir Noora ou Tamina. “ You're my new dream, azizam. I love you. ” Elle frissonne devant la déclaration, mais elle ne peut empêcher une moue de déformer ses lèvres. Il ne devrait pas l'aimer, pas quand elle lui a gâché sa vie et ses rêves. “ That…That's w-why I n-need to w-work. ” parvient-elle à articuler la voix tremblante, quoi qu'elle soit sûre de son fait. We're going to pay off my debt ; ils vont le faire ensemble comme elle le prévoyait déjà et ça veut bien dire qu'elle doit travailler. “ Would serving drinks and dancing at the House make more money than just serving drinks at a bar or coffeeshop? ” C'est une question sincère, elle n'en sait absolument rien, imagine simplement que deux occupations valent mieux qu'une — espère aussi pour le bien des danseuses que celles-ci sont raisonnablement rémunérées, peut-être mieux qu'une simple serveuse. Elle n'a aucune envie d'être strip-teaseuse pour être honnête, mais elle préfère ne pas le montrer, elle est prête à tout pour lui, pour l'aider le plus efficacement possible. Et puis, elle a déjà dit oui à László et elle a peur que ce soit un problème — il n'a menacé que Sami en partant, mais c'est pour elle pire encore que s'il l'avait menacée elle. “ We don't need the house and the grass and the dog, ” murmure-t-elle un peu plus de douceur dans sa voix qui reste un peu tendue malgré tout. Elle frotte son nez au sien, se force à arrêter de pleurer. “ You're allergic. ” sourit-elle très légèrement contre la peau de sa joue. Ses doigts cherchent les siens, elle presse la paume de sa main brisée contre la sienne sans savoir si c'est elle ou lui qu'elle cherche à réconforter. “ I just need you. You're my only dream. I love you. I want to help you, I want to help us be together without worrying about the Sharks and László- ” elle serre s'en rendre compte ses doigts un peu plus fort en le mentionnant lui, celui qui a, elle a cru le deviner, brisé son pauvre majeur, “ -and the House and the debts and anything else. ” Elle veut se concentrer sur eux, ça fait plus de cinq ans maintenant qu'ils se voient la nuit, qu'ils se voient dans un monde imaginaire, et maintenant qu'ils sont enfin réunis il est et ils sont sa seule et unique priorité. “ I just want to be with you. And for you to be safe and happy. ” Parce que ces deux choses-là, pour elle, du moment qu'elle est avec lui, elles sont acquises : elle se sent safe et elle est heureuse malgré ses joues humides, plus en tout cas qu'elle ne l'a jamais été de toute sa vie. Elle apporte sa main à sa bouche embrasse lentement sa paume et puis ses phalanges et puis le bout de son doigt éternellement tendu. “ Always.” Elle glisse lentement son majeur entre ses lèvres, geste presque innocent si son regard n'était pas ancré dans le sien et légèrement mordu de noir.

Jaz n'a pas l'air attendrie ou contente de ce qu'il vient de lui dire. Peut-être que la petite maison de leurs rêves n'était que ça: un rêve et rien d'autre, peut-être qu'il est en train de forcer ses fantasmes sur elle. Elle pleure, réalise-t-il avec horreur, et Sami sent son estomac se tordre dans son ventre. “ That…That's w-why I n-need to w-work. ” Il fronce les sourcils sans comprendre, la serre un peu contre lui, une main se levant pour effleurer sa joue. Elle pleure tellement, il ne l'avait même pas remarqué. Il n'aime pas ce qu'elle dit, il y a une différence entre travailler et travailler pour les Sharks. “ Would serving drinks and dancing at the House make more money than just serving drinks at a bar or coffeeshop? ” Ce raisonnement lui donne envie de vomir. L'important c'est sa santé et le fait qu'elle soit à l'aise. Elle n'a pas cessé de lui dire qu'elle n'aimait pas son corps, pourquoi veut-elle le montrer à d'autres? Sami pourrait lui dire que si il voulait se faire plein d'argent rapidement, il ne ferait que des courses de voitures. Sauf que c'est dangereux, et ça le stresse, et le Mendax le rend parano alors il n'en fait pas tant que ça, se réfrène parfois. Jaz veut tout tout de suite, ça ne devrait pas l'étonner.

“ We don't need the house and the grass and the dog. ” Sami baisse les yeux sans rien dire, un peu vexé. C'est donc ça, elle ne veut pas de ce rêve. C'est le sien et le sien seulement après tout, et il est en train de le lui imposer. Peut-être que pour Jaz c'était qu'une idée, un rêve étrange et amusant à la fois, presque absurde. C'est vrai qu'il a du mal à l'imaginer vivre dans un environnement modeste, presque rustique, comme lui-même l'imagine. Ils viennent de mondes différents et sont des gens fondamentalement différents: leurs rêves ne peuvent que l'être eux aussi. Il se force à sourire un peu quand elle frotte son nez au sien. “ You're allergic. ” Il sourit en réponse, distraitement, pressant sa joue contre les lèvres qui l'effleurent. Ils regardent leurs mains pressées l'une contre l'autre sur les cuisses de Jaz, sans rien dire, les doigts délicats de Jaz et les siens, plus épais, la paume un peu plus calleuse, parcourue de petites cicatrices; et c'est sans compter son doigt brisé, le liseré de peau mal refermée qui est si pâle sur sa peau brune, l'angle étrange de la deuxième phalange. Même si il est un peu chipped par endroits, le vernis de Jaz est parfaitement appliqué. “ I just need you. You're my only dream. I love you. I want to help you, I want to help us be together without worrying about the Sharks and Laszlo and the House and the debts and anything else. ” Sami rougit en l'entendant, il est si égoïste de vouloir quelque chose — une maison lui appartenant — alors qu'il l'a elle, plus précieuse que n'importe quoi. Elle a déjà tout, elle n'a pas besoin de quoique ce soit, juste de lui. Il est trop matérialiste, au diable la maison, l'herbe et le chien. Elle serre un peu sa main et il se permet de relever des yeux un peu timides vers elle.

Elle a les yeux humides et l'estomac de Sami se retourne une nouvelle fois dans son ventre. Elle pleure à cause de lui. “ I just want to be with you. And for you to be safe and happy. ” Elle embrasse doucement la peau de sa main, ses différents doigts, Sami a un douloureux frisson qui lui remonte le long du bras quand ses lèvres se posent sur son doigt. “ Always. ” Les lèvres s'entr'ouvrent et amène le doigt dans sa bouche; Sami a l'impression que chacune des terminaisons nerveuses de son doigt est en feu. Le doigt est hypersensible, l'a toujours été, mais c'est souvent de la douleur qu'il ressent et non ça. Et Sami pourrait volontiers se perdre dans les beaux yeux de Jaz, à la fois sombres et brillants mais- mais voilà, ils sont brillants et ses joues humides et elle a pleuré, tellement pleuré, à cause de lui, alors qu'ils s'aiment et se sont retrouvés mais il est nul et stupide et clairement en dessous de tout ce qu'elle mérite en termes de soulmate. Il retire son doigt et détourne les yeux sans rien dire, avant d'enfoncer sa bouche dans son cou pour y cacher son visage. “ I'm sorry, ” finit-il par dire doucement, passant son bras autour d'elle pour la serrer contre lui. “ I'm always safest and happiest when I'm with you. It's enough. ” Il embrasse sa peau, doucement, redescend jusqu'à l'encolure de son pull, un peu frustrante. “ If you're feeling good about it, you can do whatever you want. I'll drive you to the House if you want to work there, ” marmonne-t-il, défait, abandonnant les armes. Laszlo a raison, l'esclavage n'existe plus depuis bien longtemps, et il n'est personne pour la forcer ou non à faire quelque chose. Ça le contrarie beaucoup, et le rend un peu malheureux, mais il ne peut rien y faire si c'est le voeu de Jaz.

Il frotte doucement son nez contre sa peau, contre sa gorge, sa main se posant sur sa jambe et remontant un peu sur sa cuisse, presque innocemment. “ Despite it's crippled, you like my finger, ” fait-il, amusé, contre sa peau. “ Maybe I'll touch you with it. ” Il se détache pour la regarder dans les yeux et finalement, lève la main pour effacer doucement les larmes qui ont mouillé ses joues. “ Would you like that, ghalbami? ” Ses lèvres reviennent vers son cou, sa mâchoire, la peau sensible sous son oreille, mais ils sot interrompus par des bruits de pas dans l'escalier et Scar qui s'avance timidement dans leur direction. Sami se détache à peine de Jaz, garde ses bras autour d'elle en lui jetant un regard curieux. “ Just passing, ” fait Scar avec un petit sourire en coin, ramenant à Jaz son assiette à laquelle elle n'a pas touchée. “ I'm working tomorrow, I'll see you at the house Sami? — Yeah. — It was good meeting you, Jaz, ” fait Scar, lui serrant rapidement la main avant de se faufiler jusqu'à la porte.

Jaz sait qu’elle a fait une erreur, comme toujours ceci dit, quand Sami retire son doigt d’entre ses lèvres et détourne le regard sans un mot. Il n’a pas envie qu’elle le touche, pas à cet endroit-là en tous cas et elle ne devrait pas être vexée, parce que c’est compréhensible, ça doit lui rappeler de bien mauvais souvenirs et elle ne sait pas pourquoi elle a cru que la sensation pourrait être agréable, qu’il pourrait aimer ça. Ou peut-être qu’en cet instant précis il n’a pas envie qu’elle le touche du tout, peut-être que son erreur réside aussi dans ce qu’elle lui a dit. Elle pince des lèvres, elle a cessé de pleurer, mais l’envie de replonger se fait désormais pressante, même quand il finit par enfoncer son visage dans son cou et qu’elle reste immobile, trop anxieuse pour oser le toucher. “ I'm sorry, ” mais c’est elle qui est désolée, elle a l’impression qu’elle ne sait rien faire de bien même avec Sami. Ce n’était pas autant le cas dans les rêves, mais peut-être que c’est le prix à payer pour l’avoir en vrai ; il faut qu’il la voit maladroite et stupide et nulle et inutile, il faut qu’il la voit comme elle est vraiment. Il passe un bras autour d’elle, la serre contre lui et elle se laisse faire sans toutefois vraiment se détendre. “ I'm always safest and happiest when I'm with you. It's enough. ” Elle a l’impression qu’il n’est pas très sincère. Peut-être qu’il tient plus à la maison et au cadre de leur rêve qu’au fond : eux ensemble. Jaz aussi aimerait beaucoup qu’ils aient l’image qu’ils se sont tous les deux peints, mais elle saurait se contenter de bien moins, de n’importe quoi en réalité pourvu qu’il soit ensemble. Peut-être qu’il ne l’a pas bien comprise, ou peut-être que, pour lui, Jaz seule n’est pas suffisante — elle ne peut pas l’en blâmer. Il lui embrasse doucement la peau du cou, descend vers son décolleté inexistant, lui arrache un petit frisson alors qu’elle accepte enfin de passer un bras autour de lui, elle aussi.

“ If you're feeling good about it, you can do whatever you want. I'll drive you to the House if you want to work there, ” Elle fronce le visage, contente qu’il ne puisse pas le voir tout serré contre elle qu’il est. Elle n’irait certainement pas jusqu’à dire qu’elle se sent bien à l’idée d’avoir à s’exposer, à faire un strip-tease devant de purs inconnus, certainement pas. Mais elle a peur que ce soit la seule chose qu’elle soit capable de faire, elle a peur aussi que Laszlo fasse des ennuis à Sami si elle ne se présente pas à la Maison comme prévu. Jaz ne sait pas quoi dire, alors elle ne dit rien. Elle n’a certainement pas envie de faire ça et que Sami puisse même le suggérer la vexe un peu, même si elle essaye de l’oublier contre les caresses de son visage sur sa peau et sa main sur sa jambe remontant innocemment vers sa cuisse. “ Despite it's crippled, you like my finger, ” Elle fait un peu la moue. Elle aime tout chez lui ce qui inclut même les petites cicatrices sur son torse ou bien son doigt brisé. Elle aime tout, même les marques de sa vie difficile, elle aimerait qu'il n'ait jamais eu à souffrir, elle aimerait pouvoir tout effacer, faire payer ceux qui lui ont fait du mal, mais elle l'aime lui en entier tel qu'il est. “ Maybe I'll touch you with it. ” À ça elle frissonne un peu se détend un peu plus, accepte de sourire légèrement rougissant un peu quand il se détache pour la regarder. Elle est gênée quand il vient effacer l'humidité sur ses joues, mais elle le laisse faire, contente que quelqu'un soit-là pour essuyer ses larmes pour une fois. “ Would you like that, ghalbami? ” Elle hoche très lentement la tête avant de le laisser faire traîner ses lèvres sur son cou, trouvant les points sensibles qu'il a découvert pendant leurs rêves.

Sami s'arrête quand des pas dévalent l'escalier avant que Scar n'apparaisse, Jaz remarquant avec un peu de satisfaction qu'il ne se détache pas vraiment d'elle et garde ses bras autour d'elle comme s'il n'avait pas trop honte de l'aimer, d'être avec elle. Ceci dit, elle imagine que vu comme il s'est plié en quatre pour la trouver chez Madame, Scar doit déjà se douter de ce que Sami ressent pour elle. “ Just passing, ” fait-il avec un sourire en coin. Il s'approche d'eux toutefois et dépose devant Jaz l'assiette pleine de nourriture qu'elle a laissé en haut sans y penser à deux fois, ce qui la fait un peu rosir, puis sérieusement pâlir. Si elle doit se dénuder devant un public elle doute de pouvoir avaler quoi que ce soit — mais cette même pensée, la pente glissante sur laquelle elle sait qu'elle se trouve, la rend malade, elle aussi. “ I'm working tomorrow, I'll see you at the house Sami? — Yeah. — It was good meeting you, Jaz, ” Il tend la main vers elle et elle l'accepte un peu timidement. “ You too Scar. ” Elle se rend compte quand il s'en va qu'ils n'ont à aucun moment été présentés officiellement l'un à l'autre, mais quand même, ils s'appellent déjà par leurs surnoms respectifs, comme s'ils se connaissaient. “ You told him about me, ” remarque-t-elle tout doucement. Sami l'a déjà mentionné dans leurs échanges téléphoniques, que Scar savait qui elle était, qu'il savait même qui elle était sans Sami — mais elle a du mal comprendre, — qu'il la suivait même sur Instagram et- “ Hey do you have a charging pod? My phone died and er…I might have received some messages. ” Peut-être. Elle ne sait pas. Si ça se trouve on ne s'est pas rendu compte qu'elle a disparu, elle est sûre que Noora devait être contente de ne plus avoir à partager la vedette ceci dit, elle a dû suffisamment occuper les invités pour qu'on oublie Yasmeen. Sauf Lupe. Elle espère pas Lupe. Elles auraient du dormir ensemble la veille après la soirée, papoter ; sûrement Lupe aurait-elle eu besoin de la réconforter, aussi. Elle ne sait pas si elle a reçu des messages, elle espère. “ I don't know what I'll tell them though. ” murmure-t-elle avec une petite moue. Comment expliquer où elle est, sans qu'on pense qu'elle ment ou fait simplement semblant ? Elle ne sait pas exactement l'heure qu'il est, mais de façon réaliste, si on ne s'est pas rendu compte qu'elle n'est pas revenue à la fête, on doit se demander où elle est maintenant ; ne serait-ce que sa team vu son album censé sortir dans une poignée de jours. Tout ça, c'est sa vie, c'est tout ce qu'elle connaît, mais maintenant qu'elle est dans les bras de Sami, ça lui paraît si lointain. Ça l'est : elle est dans un tout autre monde et peut-être que le sien, elle ne le reverra jamais. La moue s'approfondit.