just caring about you (evan)

C'est des jours comme ça où Liz a quelque chose en tête, elle sait que ce n'est pas moral, que c'est quelque chose qu'elle ne devrait pas faire, qu'elle se sentira coupable, mais elle n'arrive pas à ignorer cette idée, ça la taraude, et elle finit par agir, tant pis pour les conséquences. Elle s'est fait avoir avec Yohan ; elle ne s'est pas inquiétée assez vite, elle n'a pas osé insister de peur de le repousser, et apprendre qu'elle a ignoré pendant près d'un an qu'il a des soucis lui a fait trop de mal pour qu'elle refasse la même erreur avec un autre membre de l'équipe.

Yohan ne l'a pas évitée ; il venait moins souvent l'aider, peut-être, mais il est resté le même avec elle, c'est peut-être pour cette raison qu'elle n'a pas cherché à en savoir davantage sur ses cernes plus rapidement. Evan, lui, l'évite, elle le ressent. Elle sait que ce n'est pas un comportement anodin ; elle n'a jamais eu de problème avec Evan – avec aucun membre de l'équipe, finalement – et ses regards fuyants, ses départs trop rapides lorsqu'il sait pertinemment qu'elle souhaite le voir la laissent perplexe. Quelque chose cloche. Ce n'est pas seulement le fait qu'il l'évite. L'intuition maternelle, peut-être, parce que Liz considère les Misfits comme ses enfants, au fond, mais elle sent que quelque chose ne va pas avec Evan. Peut-être se met-il la pression, peut-être ne sait-il pas la gérer ; après tout, elle sait comment il est, et il est peut-être inquiet à l'idée qu'elle le mette au repos forcé si elle constate qu'il ne prend pas soin de lui comme il le devrait. Elle aurait voulu lui parler mais elle voit déjà la scène : alors qu'il s'entraîne, elle va lui demander de venir la voir après et il trouvera une excuse pour partir rapidement ou il filera en douce avec les autres, prétextant avoir oublié lorsqu'elle lui demanderait pourquoi il n'est pas venu la voir. Si elle n'a pas osé confronter Yohan tout de suite, elle a décidé d'agir pour Evan. Tant pis pour les conséquences.

Elle les regarde au loin ; ils s'entraînent durement. Yohan a l'air d'aller bien ; Evan aussi. Il maîtrise son élément à la perfection et il semble concentré. C'est parfait. Elle n'entend pas les consignes de Zach mais l'entraînement n'est pas terminé. Elle a le temps. Elle rentre à l'intérieur du bâtiment, se demandant encore et toujours si elle prend la bonne décision ; mais son choix est fait. Elle rejoint la salle de repos, se sentant un peu idiote alors que son cœur bat à tout rompre. Elle ne devrait pas être stressée pour ce genre de chose : elle le fait pour Evan. Elle sait que jamais son grand-père n'aurait jamais fouillé dans ses affaires mais elle n'y pense plus alors qu'elle aperçoit le sac d'Evan sur le canapé. Bon... Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle cherche ; un message sur son téléphone, des documents venant de l'hôpital (après tout, c'est comme ça que Yohan l'a surprise), quelque chose, n'importe quoi, pour qu'elle puisse comprendre pourquoi il l'évite alors qu'il n'a normalement aucune raison de le faire. Elle s'apprête à ouvrir le sac, les mains un peu tremblantes. Elle n'aime pas faire ça. Mais elle ne se fera plus avoir.

Il y a des jours où les choses ne sont pas si pires, où tu penses que t’es en contrôle de ta vie (ou presque). Tu t’es pointé à l’entrainement avec un enthousiasme habituel. Tu fais bien attention à maintenir la façade pour ça et ça fonctionne. Sauf lorsque Liz est dans les parages. Ce n’est pas que tu as quelque chose contre elle, loin de là, mais elle te stresse. Tu as peur qu’elle devine quelque chose. Bien sur ton étrange comportement, celui de l’éviter à chaque occasion, ne doit pas aider. Tu penses quand même que c’est la bonne chose à faire, qu’autrement, en passant trop de temps avec elle, elle pourrait déceler des indices. Elle en a les capacités, tu le sais, et tu doutes de tes chances de la convaincre que tout va bien. Alors tu fuis, c’est une option viable à tes yeux.
Au moins les entrainements se passent bien ou plutôt tu t’efforces de faire mine que c’est le cas. Il faut dire qu’il y a moins de stress. Tu peux donc gérer plus ou moins bien les choses. Ton élément est familier, c’est une partie de toi après tout. Tu le connais de fond en comble et tant que tu n’as pas à subir trop de pression, il n’y a pas de problème. Et cette fois c’est le cas et t’as même l’impression que c’est une bonne journée. C’est l’inverse d’un cercle vicieux. Tu gères mieux parce que tu penses que t’es en contrôle pour une fois, ce qui rehausse ton impression de contrôle. Bref, c’est une bonne chose et tu te sens presque bien pour une fois.

Sauf que le tout ne peut pas être si rose. Ce l’est jamais de toute façon. Après un moment la fatigue te prend. Ça ne te le fait plus dans les matchs parce que tu as quelque chose qui t’aide, quelque chose de pas très légal. Tu n’en prends pas pendant les entrainements, pas toujours en tout cas. Cette fois, tu as fait un effort, tu t’es retenu de compenser tes lacunes avec le flash. Et ça te rattrape. Ce n’est pas très grave, tu vois bien que les autres commencent aussi à se sentir moins pimpants. Alors tu t’excuses vite fait avant de te diriger vers la salle de repos. Tu veux juste te désaltérer un peu, souffler avant de retourner à l’entrainement.

Ce qui t’attend dans la pièce n’est pas du tout ce que tu te serais imaginé. Tu vois Liz et instinctivement, tu t’apprêtes à rebrousser chemin. Lui parler ne t’aidera définitivement pas à te reposer. C’est alors que tu remarques ce qu’elle a devant elle, ce qu’elle s’apprête à ouvrir. « Je peux t’aider ? » Tu fais genre. Tu veux donner l’impression que t’es fâché de la prendre presque la main dans le sac. T’aurais bien raison de ne pas être content, après tout, c’est ta vie privée qu’elle est sur le point d’envahir. Mais la vérité, c’est que tu as peur. Tu sens ton coeur se débattre dans ta poitrine. « Parce que c’est mon sac ça. » Tu lui dis, peut-être que c’est qu’une honnête erreur. Comme si cette pensée est suffisante pour te rassurer. C’est loin d’être le cas, t’as la chienne. Elle ne trouvera rien dans ton sac, mais t’es quand même terrifié. Tu ne veux pas la décevoir au fond et t’as l’impression que c’est la seule conclusion possible à cette situation.