lavender blue (jo)

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je suis de sortie. nova m’a proposé de l’accompagner à un rendez-vous. mais je crois que c’est avec son amoureux, j’aime pas le voir. il me regarde bizarrement, comme s’il me jugeait. j’ai demandé à diana si je pouvais rester dans ma chambre mais elle veut pas. elle arrête pas de me répéter que j’ai besoin de sortir, de prendre l’air. que j’ai besoin de rencontrer d’autres personnes. j’ai pas besoin d’autres personnes. je comprend pas pourquoi on me conseille ça. j’ai les nulls, c’est suffisant. c’est déjà beaucoup de prénoms à retenir, de visages à assimiler. je peux pas tout faire. y’a plus de places pour les autres, déjà. mais diana m’a assuré que si j’essayais, je pouvais faire de la place pour les autres. j’y crois pas trop. puis de toute façon, personne n’est aussi intéressant que les gens ici. personne ne m’aime autant qu’eux. personne ne sera jamais aussi important qu’eux. que theo surtout. theo est particulier, il a cette place dans ma tête, et dans mon coeur. et dans mon corps aussi. même s’il la refuse. j’aime pas ça, quand il m’évite. je voulais profiter de mon temps dehors pour passer du temps avec lui. mais diana m’a dit qu’il était occupé. puis qu’il fallait que je rencontre d’autres personnes. que je pouvais pas vivre toute ma vie avec juste cinq personnes. je suis pas d’accord. cinq personnes, c’est amplement suffisant. j’ai pas besoin de plus. diana pense que si. nova aussi. même ajay. et theo est le premier à dire que je dois sortir et découvrir le monde. je le comprends pas. c’est lui qui m’a emmené ici, au départ. il voulait qu’on se voit plus souvent. et maintenant, il fait tout pour que je m’éloigne de cet endroit, qu’on se voit de moins en moins. ça me rend triste.
je regarde pas où je vais, je percute quelqu’un, je dis pas pardon. cette personne aurait pu se décaler. puis je suis triste. on m’a dit qu’il fallait que je m’excuse quand je poussais quelqu’un. mais je suis triste, j’ai pas envie. je marche sans réfléchir. de toute façon, je vais toujours au même endroit quand on m’oblige à sortir, et que je suis pas accompagnée. je m’assois sur le banc, sur le trottoir face au magasin de fleurs. je pense souvent que celui qui y travaille est un ange. il a le comportement d’un ange. il ressemble à un ange, aussi. pas avec des ailes. mais il semble tout blanc, et gentil et doux. je me sens bien quand je le regarde travailler. je passe mes heures là, et j’attends que le temps passe. pour pouvoir retourner dans ma chambre, chez les nulls. dans ma famille. où je me sens vraiment bien. j’ai envoyé la robe que je porte à diana. elle m’a dit que c’était pas vraiment la bonne occasion pour la porter. mais elle savait que je changerais pas. elle m’a juste demandé de mettre un t-shirt et des collants, en dessous. elle est courte. arrive au milieu des cuisses. puis y’a un décolleté. mais avec le collants noir et le t-shirt blanc, c’est même plus beau. c’est plus très joli à regarder. j’aime pas, quand je suis pas jolie à regarder. j’ai l’impression de perdre tout mon intérêt, si je suis pas jolie.
je suis assise, les jambes croisées, depuis une bonne heure. je pourrai retourner dans ma chambre dans deux heures. c’est trois heures, qu’on me demande de sortir. et la dernière fois que j’ai essayé de revenir plus tôt, nova m’a pas laissé rentrer. en prétextant que diana lui avait demandé de me laisser dehors trois heures, pas une minute de moins. lorsque je lève les yeux vers le magasin de fleurs, je vois l’ange me regarder, il baisse les yeux aussitôt. et j’espère qu’il me trouve jolie. que c’est pour ça qu’il me regardait. même si, vraiment, j’aimerai que tout le monde me trouve jolie. puis, pourquoi il me fixerait, si c’était pas ça, la raison ?
je tourne la tête quand je sens une présence à côté de moi. elle est rousse. c’est une fille. elle est belle. enfin. non. elle est agréable à regarder. j’aime pas dire que les filles sont belles. j’aime juste l’entendre. que je suis belle. les filles belles, je les aime pas. elle, elle est agréable à regarder. elle a pas les yeux bridés, comme moi. je dis rien, je tourne la tête vers le magasin de fleurs. l’ange est plus là. mais c’est pas grave. en deux heures, il réapparaîtra forcément. puis une fois que la fille sera partie, je pourrais continuer à regarder les fleurs, et l’ange, tranquillement. j’ai bien retenu la leçon. si la personne ne s’intéresse pas clairement à moi, je ne dois pas penser que c’est un client. je ne sais pas ce qu’elle veut, après tout. si ça se trouve, elle aime aussi regarder l’ange. j’ai bien retenu la leçon. tant qu’elle ne me parlera pas, je ne ferai rien.
ce serait dommage de louper une cliente potentielle. quand même.

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Tu forces un sourire sur tes lèvres alors que ton mari commence à te raconter ce qu’il a prévu pour le reste de sa journée. Il n’est pas rare que vous passiez votre heure de repas ensemble lorsque vos horaires le permettent ou que l’envie vous prend. Avant ça te calmait de passer du temps avec lui comme ça, à parler de tout et n’importe quoi avec la seule intention de garder la même proximité que vous aviez au temps de la formation. C’est une noble intention, une nécessité considérant que tu t’éloignes toujours un peu plus de lui. C’est bien inconscient, comme si ta nature te forçait à le faire, mais le constat est là. Et sans doute qu’il te sent aussi détachée par moment, nerveuse par instant et ça ne peut que faire naitre un sentiment de culpabilité en toi. Peut-être que tu devrais être honnête, lui dire que ça ne pourra pas être possible dans le futur, que vous n’êtes pas possible pour toi. Sauf que tu te dégonfles, comme à chaque fois, et tu lui dis à ce soir avec une joie à moitié feinte. Ça se finit toujours comme ça, bien incapable d’assumer ce que tu ressens lorsque ça le concerne. Tu ne voudrais pas lui faire du mal, jamais, alors tu ne dis rien et tu retournes au boulot.

Sauf que tu te rends rapidement compte que tu n’as pas la concentration pour y être. Tu ne fais pas d’erreur particulièrement grave, mais tu manques des détails qui auraient du te sauter aux yeux : le manque de contrôle d’un de tes subordonnés, des regards de travers entre deux d’entre eux. C’est finalement une collègue qui vient te voir pour te conseiller de prendre ton après-midi pour te changer les idées. Peut-être qu’elle a vu ta tête peu convaincue, peut-être qu’elle remarque quelques changements en toi ces derniers temps, notamment à cause de la disparition d’Olivia qui vient s’ajouter à tout ce qui te trotte en tête. Puis au final, avec les heures supplémentaires que tu donnes à la compagnie, ce ne serait qu’une façon comme une autre d’équilibrer.
Alors pour une rare fois, tu te laisses convaincre. Tu comptes bien aller passer un après-midi tranquille. Tu commences te promener dans le centre de la ville avant d’obliquer vers une petite boutique que tu as appris à connaitre. Était-ce en raison de la personne qui y travaille ou à cause des produits qui sont vendus, tu ne saurais le dire. Peut-être un peu des deux en fait. Ton amour pour les fleurs ne fait aucun doute, même si tu préfères les voir pousser complètement. Enfin, ça n’empêche pas qu’acheter des fleurs par moment est un bonheur évident pour toi.

Tu t’y rends donc avec un minuscule sourire qui commence à se dessiner sur tes lèvres. T’acheter un beau bouquet pour mettre dans ton bureau, voilà qui te fera du bien. Convaincue de ce fait, tu t’apprêtes à entrer dans la boutique lorsque tu remarques une jeune femme assise sur le banc de l’autre côté du trottoir et elle a l’air de fixer dans ta direction (ou du moins celle de l’établissement). En temps normal tu ne t’en serais pas préoccupée, mais ce n’est pas la première fois que tu la vois à ce même endroit. À croire qu’elle passe pas mal de son temps là… ce qui est un peu particulier. Ni de un, ni de deux, tu t’approches d’elle pour venir t’installer à ses côtés. Tu ne veux pas la brusquer, loin de là même, mais tu es intriguée et même un peu inquiètes. Peut-être qu’il y a une raison qui la pousse à se mettre sur ce banc, peut-être qu’elle a besoin d’un coup de main. « Tout va bien ? » Ta voix se fait douce alors que tu la détailles en silence. Elle est jolie. Pas que ce soit important. « Tu viens souvent ici, je me trompe ? » À vrai dire, tu en es plutôt certaine, après tout, c’était suffisant que tu la reconnaisse.

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parfois, quand je sors j’aime juste regarder l’ange travailler. et souvent, c’est ce que je finis par faire. parce que nova peut pas passer une seconde sans son amoureux, et que je peux pas passer une seconde dans ma chambre quand diana veut pas. mais j’aime bien être seule quand je le regarder travailler. d’ailleurs il me trouve bizarre je crois. non, je suis sûre. mais tout le monde me trouve bizarre. je trouve que tout le monde est bizarre sauf moi. et theo, et ajay et diana. même nova est bizarre. nova est probablement la plus bizarre des bizarres. jad est pas bizarre, non plus. je pense que je lui ai jamais dit que je trouvais qu’on se ressemblait. elle aussi elle danse. elle aussi elle est dans un gang. elle aussi elle est blonde. elle a pas les yeux bridés, elle couche pas avec les clients, et elle aime pas son gang, elle. c’est les différences qu’il y a entre nous. l’ange est pas bizarre, non plus. je crois. il travaille, il aime ce qu’il fait, comme moi j’aime ce que je fais. parfois, je pense qu’il parle aux plantes. il les fait pousser avec un pouvoir. c’est fascinant, et dérangeant, les pouvoirs. moi j’en ai pas, theo non plus. et je pense qu’il aimerait bien en avoir un. moi je sais pas. j’y ai jamais pensé. peut-être que j’aimerai bien en avoir un. mais j’ai déjà assez de pouvoir sur les gens je trouve. alors peut-être qu’il me serait pas utile. même si parfois j’y pense, j’aimerais bien pouvoir faire pousser des plantes aussi. j’aime le regarder travailler parce qu’il sursaute facilement, qu’il rougit vite, et qu’il est beau quand il rougit. il reprend composure vite aussi. j’aime bien ça. j’aime quand il est mal à l’aise. j’ai l’impression de pas être seule quand il l’est. j’ai l’impression que le mal être que je ressens quand je suis avec les autres, lui aussi il le ressent parfois. c’est pour ça que j’aime venir ici. puis aussi parce que c’est là que j’ai été la toute première fois que je suis venue. et que j’aime quand je connais les choses. j’aime pas l’inconnu. le seul inconnu que j’ai aimé, c’était theo, et les nulls. mais j’aimais pas avant eux. maintenant que j’aime bien, que je suis bien, je veux pas d’inconnus. j’aime bien être seule ici et le regarder travailler.
sauf que je suis pas seule. et je sais pas comment agir. elle est jolie la fille rousse à côté de moi. elle est un peu plus âgé que moi. beaucoup plus, peut-être une dizaine d’année. je la regarde à peine. parce que je suis là pour voir l’ange. et elle m’empêche de me concentrer sur lui, son visage concentré. et en même temps, elle a l’air aisée. financièrement. peut-être qu’elle pourrait être une cliente si je m’y prends bien. peut-être même que c’est ce qu’elle veut, flirter. et si c’est ça, c’est tout une bonne occasion pour moi. j’ai peu de femmes dans mes clientes. et ça me dérangerait pas d’en avoir un peu plus. elles sont plus douces. j’aime bien la douceur, aussi. j’attends qu’elle parle, par contre. theo, diana, et nova m’ont souvent répété qu’il fallait pas que je pense trop tout le temps aux clients. que parfois, être assise à côté de quelqu’un, c’était pas forcément qu’il était intéressé, juste parfois y’avait de la place nulle part ailleurs. mais j’y crois pas. je suis belle, les gens sont intéressés, c’est normal. c’est habituel. j’aime quand les choses sont habituelles. mais je dis rien, parce qu’on m’a répété de rien dire. nova et diana m’ont même dit que parfois, même s’ils parlaient, c’est juste qu’ils voulaient faire la discussion. j’y crois pas. je vois pas pourquoi des gens voudraient parler avec moi si ce n’est pas pour mes services. moi, j’ai envie de parler à personne si c’est pas mes amis ou mes clients.
et elle parle, la rousse. elle me demande si tout va bien. elle s’intéresse à moi. peut-être qu’elle a vu mon tatouage. ou peut-être que ma tenue est un indice évident sur mon métier. et elle continue à parler, à s’intéresser à ma vie. à mon emploi du temps. c’est mignon, comme approche. je me retourne vers elle, avec mon sourire le plus charmeur et remet une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. “je vais bien merci.” mon sourire quitte pas mes lèvres quand je passe ma langue dessus, pour les humidifier. “je viens souvent ici. quand je travaille pas.” mettre le travail dans la discussion, c’est fait. maintenant, y’a plus qu’elle s’assure de ce que je fais. et je pourrai lui donner mes tarifs. et ce sera une affaire de réglée. j’aime quand je rencontre des clients lors de mes sorties. j’ai l’impression d’aider les nulls, même hors de leurs murs. j’aime les aider. beaucoup. je me rapproche un peu d’elle, quelques centimètres à peine, faut que je sois discrète sur mes intentions.

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Si les fleurs étaient ton intention initiale en t’approchant de la boutique, la curiosité te pousse à te détourner de cet objectif pour t’approcher d’une jeune femme. C’est que ce n’est pas la première fois que tu la vois dans les parages, mais tu n’as pas souvenir de l’avoir déjà vu entrer dans la boutique, pas pendant que tu y étais en tout cas. Après vas savoir, tu n’es pas non plus la cliente la plus dévouée, en général tu fais pousser tes propres fleurs comme un passe-temps. C’est donc tout de même particulier que tu la remarques, qu’elle ait été là suffisamment souvent en même temps que toi pour que tu te sentes à l’aise de lui parler. Enfin, à l’aise reste un grand mot, peut-être trop d’ailleurs, mais ça ne t’empêche pas de t’adresser à elle avec ta douceur habituelle. Tu ne dis rien de spécial, tu te contentes surtout de lui demander si elle vient souvent par ici. C’est un peu une question inutile, tout comme il l’est de lui demander si ça va. Même si elle n’allait pas bien, il n’y aucune chance qu’elle se confie à toi. Ce n’est pas ton objectif de toute façon, demander si tout va bien est une platitude en soit, une offre d’aide facile, mais peu convaincue ou convaincante. C’est la voie de la simplicité, de la facilité, que tu prends.

Ça ne semble pas déranger la jeune femme. Au contraire, elle se tourne vers toi avec un beau sourire. Peut-être qu’elle est seule, peut-être qu’elle a envie d’un peu de compagnie. Tu n’en sais trop rien, mais tu hoches distraitement la tête lorsqu’elle affirme que tout va bien. Au moins elle ne se présente pas devant la boutique pour une raison particulière qui indiquerait un besoin. Elle ne cherche pas à s’enfuir on dirait, pas comme toi… du moins pas comme une partie de ton esprit te le crie. Mais c’est une autre histoire, tu te concentres plutôt sur la jeune femme en lui rendant son sourire, le côté charmeur en moins. « Tant mieux alors. » Tant mieux si elle va bien, que ce soit la vérité ou une fausseté qu’elle te dit. Tu n’es pas là pour la questionner de long en large.
Non, tu fais plutôt remarquer qu’elle vient souvent. Tu présentes la choses avec une hésitation feinte, tu sais que tu l’as déjà vu. Sauf que tu n’as pas envie de paraitre tout particulièrement bizarre. La réponse attise à nouveau ta curiosité et tu y vois une façon de te changer les idées. Tu souris : « Ah oui ? Tu fais quoi comme travail ? » Tu pourrais essayer de deviner, formuler mile et une hypothèses pour essayer de rendre la conversation plus ouverte. Sauf que ce serait idiot, ce n’est pas comme si tu peux réellement deviner ce que quelqu’un fait juste en la regardant. Ce serait donc absurde de commencer à faire des suppositions dans l’air. « La boutique est sympa, je viens aussi me changer les idées parfois. » Et tu en as terriblement besoin de te changer les idées. Parfois c’est quand tu es stressée ou énervée comme aujourd’hui, parfois c’est autre chose. À croire que tu as besoin de te détendre, mais ça doit se voir assez facilement quand on te connait un minimum.  

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si diana me voyait, elle serait fière de moi. parce que je lui ai pas sauté dessus, la rousse. et parce que, quand même, j’essaye d’avoir une nouvelle cliente. je sais que c’est pas comme ça que c’est censé se passer. normalement, c’est diana qui choisit mes clients. elle prend que des personnes gentilles et qui me respectent. je lui en suis reconnaissante. je comprends pas pourquoi je peux pas trouver moi-même mes clients. parfois j’aimerai que ce soit le cas. et puis cette fille a l’air très gentille. peut-être que si j’arrive à l’attirer dans mes filets, et que je la présente à diana. alors peut-être qu’elle pourra devenir une cliente à moi ? je sais pas. ce serait bien. elle est jolie. je suis pas particulièrement attirée physiquement par les filles. puis j’ai theo. mais j’aime bien les clientes filles. elles ont une douceur que les hommes n’ont pas forcément. par contre, elles essayent souvent de parler, avant, pendant ou après. et d’ailleurs, y’en a certaines qu’ont déjà trop parlé un jour. maintenant je les vois plus. ils voient quelqu’un d’autre. je comprends. je suis pas très sociale. et je suis une bonne prostituée pour les nulls, tant que je commence pas à parler. parce qu’on peut voir rapidement que je suis ‘inapte’. c’est comme ça que dit theo. je suis inapte socialement. je suis pas sûre d’avoir exactement trop compris ce que ça voulait dire. je pense que ça veut dire que je suis pas comme tout le monde. et les gens aiment pas ce qui est pas comme tout le monde. alors quand j’ai un client, je me tais. et si vraiment, on me demande de répondre, j’essaye de piocher dans les réponses qu’on m’a apprise. et si je peux pas, bah. je perds des clients. et c’est dommage. la fille semble vraiment s’intéresser à mon bien-être. c’est une bonne chose. est-ce que ça veut dire que si je lui dis que pour aller bien, il faut qu’elle devienne cliente, elle le fera ? je pense pas. ce serait trop beau que ce soit aussi simple. puis d’après nova, c’est pas normal, d’aimer ce que je fais. la dernière fois, alors qu’on était toutes les deux couchées devant la télé, elle m’a dit qu’aimer se prostituer, c’était pas normal. que les gens faisaient ça en général pour gagner de l’argent ou rembourser une dette. je crois que nova, c’est pour rembourser une dette. moi, j’aime ça. j’aime vraiment ça. puis en plus, ça aide les nulls, quand je gagne de l’argent. et j’ai envie de les aider. j’ai envie de rendre service à theo, diana et ajay. parce que j’arrête pas de me dire que grâce à ça, je peux vivre heureuse. avec theo. puis j’apprends plein de trucs depuis que je suis arrivée chez eux. j’apprends à lire, par exemple. et à écrire. et j’apprends à parler sans être ‘inapte’. sans paraître complètement bizarre. c’est grâce à eux, tout ça. c’est normal que j’aime ce que je fais. parce que je les aime eux. et que ce que je fais les aide. la question me sort de mes souvenirs et de mes pensées. et enfin. cette question. alors je souris. un sourire aguicheur. mais pas trop. raisonnable. pas vulgaire, mais charmeur. elle fait une réflexion sur la boutique, et je l’entends que d’une oreille. elle parle de la boutique. de se changer les idées. c’est ce que je fais, moi aussi. enfin ça, et le fait que c’est le seul endroit où je me sens bien, à part mon appartement. sinon, c’est pas des endroits, mais des personnes qui me font me sentir bien. avec theo, je suis amoureuse, donc je me sens tout. diana, je me sens appréciée. nova, je me sens différente. et ajay, en sécurité. ils ont tous des rôles différents dans ma vie. c’est rassurant. “je me prostitue. et je suis très douée.” j’hésite à ajouter un clin d’oeil, mais je le fais pas. diana dirait que c’est probablement mal placé, et juste un peu trop. alors je continue juste de lui sourire, charmeuse. j’hésite quelques secondes avant de me déplacer juste encore quelques centimètres plus près d’elle. elle sent bon, aussi. c’est joli comme couleur de cheveux. je suis pas habituée. les gens autour de moi ont tous les cheveux noirs. ça doit être beau, sur des draps blancs.

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« Je me prostitue. Et je suis très douée. » Les mots traversent ses lèvres et tu les entends aussi tôt. Sauf que tu ne les assimiles pas, comme si tu penses qu’il est plus probable que tu les aies imaginé que vraiment entendue. Vient-elle vraiment de vanter ses talents dans la prostitution. Tu ne veux pas juger, tu ne veux surtout pas lui mettre des paroles qu’elle n’a même pas prononcé. Sauf qu’au fur et à mesure que les instants passent, tu réalises bien que tu ne peux pas avoir imaginé une telle chose, surtout vu comment elle se rapproche. Ça a le don de te mettre légèrement mal à l’aise et tu ne peux que toussoter faiblement pour tenter de le chasser. Ce n’est pas comme si tu ferais appel aux services d’une telle jeune femme. Tu es mariée et puis malgré tout, malgré Nimh, ce n’est pas comme si tu assumais parfaitement ton attirance pour la gente féminine. Il n’y a aucun doute quant au fait que tu es contradictoire à ce sujet, te bornant à refuser la réalité même lorsqu’elle pourrait paraitre évidente pour quiconque à un sens de l’observation. Un peu comme en ce moment, parce que tu n’as rien imaginé, ça aussi c’est évident. Non pas que ça te donne une réponse à lui offrir. Te propose-t-elle réellement ses services ? Ou est-ce qu’une information à prendre comme quelqu’un parlerait du beau temps ? T’en sais rien. Ça te trouble au fond. Alors ce n’est qu’après de longs instants de silence que tu lâches un : « Pardon ? » Oui fais comme si tu n’avais pas compris, comme si c’était moindrement crédible après que tu aies eu le bug du siècle pendant un long moment.

Mal à l’aise, incertaine de la bonne réaction à avoir, tu souffles un bon coup. Peut-être que tu as donné l’impression de la solliciter, peut-être que tu avais l’air d’avoir besoin d’un coup de réconfort. Si ce second point n’es pas forcément faux, tu doutes que ce soit la bonne façon de faire. Puis ce n’est pas comme si tu avais vraiment pu envoyer ce genre de signaux alors que tu t’es installée auprès d’elle en raison d’un semi-hasard. Quoi que c’est peut-être ça qui a troublé les cartes. Peut-être qu’il vaudrait mieux que tu t’éloignes, que tu te barres pour éviter les quiproquos et lui donner de faux espoirs. Tu ne sais pas trop si c’est vraiment ce que tu lui donnes en restant dans les parages, mais bon. Peut-être vaut-il mieux que mettes les choses au clair avant. « Tu sais, ce n’est pas pour… ça que je suis venue te parler. » Loin de là même. Est-ce que tu aurais même pu savoir ce à quoi elle s’adonne à titre de métier ? Peut-être, peut-être que t’es juste aveugle à ce sujet. Ce ne serait pas étonnant. Tu dois vivre dans un monde différent… ou pas. « C'est juste que ça fait quelques fois que je te vois ici. » Et tu étais curieuse, là est peut-être ton erreur. Enfin quoi qu’il en soit, tu ne sais pas trop quoi lui dire. Tu ne veux pas la repousser d’un bloc alors qu’elle ne t’a pas formellement fait de proposition. Puis tu sais pas si tu devrais avoir envie de l’aider, de lui dire qu’elle vaut mieux que de la prostitution. Tu le penses, ça c’est une chose certaine, mais peut-être que ce n’est pas ce qu’elle veut ou ce qu’elle a besoin d’entendre. Alors tu sais pas trop ce que tu devrais lui dire. Tu fais juste retourner dans un silence. Tu t’efforces de ne pas la dévisager, alors tu reportes justes ton attention vers la boutique de fleurs. Peut-être que tu aurais juste du  y aller plutôt que de t’arrêter près d’elle.  

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je l’observe, et c’est vrai qu’elle a un charme. que beaucoup de mes clients ont pas. ni les clientes. j’ai pas beaucoup de clientes. les clientes que j’ai sont fortunées. très fortunées. elles ont beaucoup d’argent, et c’est grâce à ça qu’elles peuvent se payer mes services, à moi. mais j’ai l’impression que plus quelqu’un est riche. moins elle est charmante. ou pas, peut-être, charmante. mais chaude. y’a cette chaleur que je trouve à theo, ou à diana, ou à nova. que je trouve pas chez mes clients. et c’est ironique. parce que diana m’a un jour dit que c’est ce qu’ils venaient chercher, de la chaleur. et je leur en donne. mais eux, ils n’en ont pas à donner, du tout. parfois, il y en a qui veulent parler, mais ils sont rares. souvent, au contraire, ils préfèrent ne rien dire. et ça me convient. ça me convient même mieux. parce que je saurais pas quoi leur dire. je sais pas vraiment tenir une conversation, après tout. je crois que j’ai jamais su. et peut-être que diana et le King essayent de m’apprendre, mais c’est pas encore acquis. je fais encore des fautes, beaucoup. sur ce que je dois dire, et quand. surtout sur ce que je dois pas dire. alors je dis rien. et c’est plus prudent. et ça leur convient. ils sont là pour mon corps, et pour ma chaleur corporelle. pas pour ma conversation. pour ma compagnie, pas pour mes réflexions. la rousse, ce serait une cliente différente, pour une fois. et peut-être qu’elle a pas assez d’argent pour payer mes services. et peut-être que diana m’en voudra, de lui avoir fait de la drague et de la vente forcée, alors qu’elle a pas les moyens. mais encore, peut-être qu’elle les a. et je veux pas louper une seule occasion de donner une cliente de plus aux nulls. d’ailleurs, il faudrait peut-être que je lui dise que je suis pas la seule prostituée, et que si je lui plais pas, il y en a d’autres. mais je suppose qu’elle s’en doute. et puis, j’ai jamais vraiment rencontré quelqu’un, sachant que j’étais prostituée, ne pas demander mes services. les gens me préfères aux autres filles. et j’aime ça. sa voix est étonnée, et son visage aussi. peut-être qu’elle le savait vraiment pas. et ça m’étonne. parce que, elle est venue me parler. pourquoi venir me parler si c’est pas pour ça ? elle me connaît pas, non plus. pas comme nova ou theo. c’est pas une amie. et je connais pas de situation où de simples inconnus discutent ensemble. juste pour discuter. dans mes souvenirs, les inconnus attendent toujours quelque chose des autres. les inconnus ont toujours attendu quelque chose de moi, en tout cas. et elle se remet à parler. et elle confirme ce que je pensais n’être pas possible. parce que, si c’est pas pour ça, pourquoi, alors ? je suis jolie, et je porte une tenue qui laisse aucune place à l’imagination. si c’est pas pour me payer pour une séance d’une ou deux heures, pourquoi ? je comprend pas les gens. ceux qui s’assoient juste pour discuter. à quoi ça sert de parler du beau temps. à quoi ça sert de juste parler aux gens, comme ça. je fronce les sourcils, en la regardant, et je détourne le regard. et je le fixe sur le magasin de fleurs, de nouveau. je me sens pas gênée, ni ridicule. je suis juste surprise, et étonnée. je comprends pas. elle continue de parler. c’est juste que quoi ? ce qu’elle dit n’a aucun sens. vraiment aucun. pas pour moi, en tout cas. du tout. est-ce qu’elle parle à toutes les personnes qu’elle voit plusieurs fois au même endroit ? est-ce que je suis pas la seule qu’elle ait abordé aux hasards des rues, comme ça ? certaines pourraient prendre peur, que quelqu’un vienne leur parler, comme ça. pas moi. moi je suis habituée. parce que les gens sont attirés par moi. et que c’est mon métier, d’être attirante. assez pour qu’ils déboursent leur argent pour moi. “ah. bon.” je sais pas quoi dire, après ça. diana me dirait probablement de m’excuser. “désolée alors.” voilà. diana serait contente. je le pense pas. parce que, j’ai aucune raison, réelle de m’excuser. ça aurait pu, dû, fonctionner. alors je me tourne vers elle, décidée à comprendre pourquoi. ça a pas fonctionné. “j’suis pas votre genre ?” c’est la première fois que je m’adresse vraiment à elle. et j’ai décidé de la vouvoyer. parce que diana aurait pas été contente que je la tutoie. après tout, tutoyer les gens, c’est quand on les connait vraiment bien. diana, je la tutoie, nova aussi, et theo. et les gens pour qui j’ai aucun respect. comme cette fille du bar. mais les clients, potentiels, et les inconnus, c’est un no no.

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Tes explications ne semblent pas la convaincre et tu comprends pourquoi. Parce qu’elles ne veulent rien dire sans doute. Tu comprends qu’elle n’ait pas été mue par des paroles floues. Sauf que la vérité, c’est que tu ne savais pas quoi lui dire, n’ayant aucune idée de ce qui peut être avancé pour expliquer un tel malentendu. Tu ne sais même pas si on peut vraiment appeler la situation un malentendu, tu es plutôt celle qui a tout compris de travers. Serais-tu incapable de soulever les signes ? C’est fort probable, ce n’est pas comme si tu cherchais régulièrement ce genre de chose ou que - concrètement - tu étais moindrement initiée en la matière. S’il n’est donc pas étonnant que tu n’aies pas capté ce qui se passait jusqu’à ce qu’elle t’informe de son métier (et de son talent pour celui-ci), ça n’enlève pas la gêne qui te prend. Elle semble pourtant épargner ton interlocutrice. Celle-ci s’excuse, ce qui ne t’aide pas avec ta gêne. Tu n’aurais pas voulu lui donner de faux espoirs - si on peut les qualifier comme tel - ou la déranger plus que ça. Alors tu soupires légèrement et t’empresses de répondre : « Ah, non. Ce serait plutôt à moi de m’excuser. » De quoi exactement tu ne sais pas, peut-être de la situation en général, peut-être de la gêne que tu ressens. Ça n’as pas tellement d’importance au fond, c’est juste ce que tu dois faire, une question de décence en quelques sortes. Ça ne veut peut-être pas dire grand chose aux vues des circonstances, mais au moins c’est là. Puis peut-être que ça chassera ton malaise, au moins un minimum.

Sauf que non, pas spécialement alors qu’elle se tourne vers toi pour te poser une question à laquelle tu ne t’attendais pas. Ton genre ? Tu la regardes avec des grands yeux, encore une fois dépourvue de réponses. Tu pourrais lui dire non, directement, ainsi le sujet serait rapidement clos, mais la vérité est plus proche de l’ignorance. Mettre un descriptif sur ton type serait bien compliqué, trop pour ce que tu as envie de faire à l’instant précis. Alors tu optes pour autre chose, pour une réponse plus simple à donner : « C’est que je suis mariée. » Mais au fond, ça ne veut pas dire grand chose. Tu sais pertinemment que le mariage n’arrête pas une multitude de gens de se tourner vers le confort des bras de ceux qui vendent leur corps. Tu sais aussi que ça ne répond pas à la question qu’elle t’a posé - ce qui, en soit était l’intérêt. Alors tu restes là, toujours mal à l’aise à chercher quelque chose à ajouter. Tu pourrais insister sur ton mariage en clamant que tu vis le parfait bonheur avec ton homme, mais ce serait bien peu crédible. Puis, au fond, ce n’est pas non plus la vérité alors pour une rare fois, tu ne te vois pas la scander. Sauf que même s’il n’y a pas exactement ton mari, il y a bien quelqu’un d’autre, quelqu’un que tu écartes de tes pensées le temps de dévisager celle qui se tient près de toi. Elle est bien jeune, trop jeune il te semble.
« En fait, c’est tout ça qui est pas mon genre. » Ça étant avoir recours à une prostituée. Tu ne veux pas dire elle, mais bien l’idée même de ce genre de transaction. Tu ne saurais pas comment l’expliquer, si l’idée même suffit à te mettre mal à l’aise, si tu juges ou non. Incapable de faire preuve de plus de franchise, en disant ouvertement que tu ne te verrais jamais y recourir, tu optes plutôt pour quelque chose de plus doux. « Ce n’est pas toi quoi. » Comme si tu avais peur de la froisser avec trop d’honnêteté, même si au fond, elle doit bien s’en ficher. Tu ne veux pas non plus avoir l’air trop moralisatrice, tout en l’étant. Tu as envie de lui dire qu’il y a toujours d’autres alternatives à la vie, qu’elle vaut sans doute plus que vendre son corps, même si tu sais que c’est un fort jugement de valeur de ta part. Alors tu restes silencieuse pendant un autre instant, tout aussi bref. « Je voulais juste discuter. » Discuter avec quelqu’un que tu croises par moment sans jamais connaitre. « C’est bizarre je sais. » Tu ajoutes ces mots à ta propre intention. Voilà qui est bien plus vrai, non pas que c’était ton intention de départ.  

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j’comprends pas bien. je suis pourtant jolie. et le genre de beaucoup de gens. diana me dit souvent que je suis une des plus belles filles qu’elle ait. et theo me trouve belle aussi. theo m’aime, c’est différent. j’aimerais savoir si le King me trouve jolie. parce que si lui, me trouve jolie, alors tout le monde me trouve jolie. je suppose qu’il a des goûts bien à lui, le King. je sais que je suis belle. et que cette fille ait pas envie de passer un moment avec moi, ça me dépasse un peu. peut-être qu’elle aime pas les filles ? j’ai jamais trop compris comment ça fonctionnait, les préférences sexuelles. j’ai jamais pris le temps de me poser et de me demander si je préférais les hommes ou les femmes. j’aime bien les deux, de façon différentes. enfin. je désire les deux. parce que la seule personne que j’aime, c’est theo. les femmes sont plus douces, mais aussi plus exigeantes. les hommes parlent moins, et sont plus dans l’action. les hommes, en général, ils ont des femmes à qui retourner, après, avec qui parler. les femmes, c’est différent. j’ai déjà eu une femme qui venait juste pour parler. mais diana me l’a enlevé, parce que je suis pas capable de tenir une conversation. et c’était bizarre. et j’avais pas aimé ça, devoir parler, devoir faire celle qui comprend. je comprenais pas ses problèmes, et j’avais pas envie de les comprendre. la fille s’excuse, la rousse. je sais pas pourquoi. mais je me suis rendue à l’évidence de pas comprendre grand chose, d’elle. de pas la comprendre. j’ai mal compris les signaux, et peut-être que j’en ai imaginé certains, même. c’est à moi de m’excuser. et je l’ai fait. et ça devrait finir comme ça, non ? c’est bien pour une fin de conversation. mais non, elle s’excuse, la rousse. et elle s’explique. elle est mariée. ouais. bah. enfin. je connais des gens mariés, beaucoup. si je devais estimer, je dirais que huit sur dix de mes clients et clientes sont marié(e)s. et même que cinq sur dix ont probablement des enfants. et je dirais que deux sur dix ont des enfants de mon âge, même. eux, je les trouve bizarre. elle finit par reprendre, en parlant de “tout ça” qu’est pas son genre. je sais pas de quoi elle parle. ma robe ? elle est jolie, ma robe. peut-être qu’elle aime pas le blond ? j’aime pas vraiment qu’elle parle de moi comme un “ça”. je vends mon corps pour ma famille, ça fait pas de moi un objet. je tourne mes yeux vers la boutique de fleurs. c’est vraiment méchant de sa part, de me prendre comme un vulgaire objet. je me respecte plus que ça, quand même. je reste humaine. je suis pas blessée, mais un peu vexée, peut-être. elle finit par reprendre, en disant que c’est pas moi. et je fronce les sourcils. comment ça, c’est pas moi ? je la regarde de nouveau, le visage évidemment inquisiteur. je comprends rien à ce qu’elle raconte. j’aime pas trop ça, les gens pas clairs dans ce qu’ils disent. y’a beaucoup de personnes qui disent un truc, pensant que forcément, on va comprendre un autre truc en les écoutant. des messages cachés, ou des choses insinuées. mais je les connais pas, moi, je les comprend pas. elle voulait juste discuter. ah. bon. bah je suis pas douée pour discuter, de toute façon. je suis très très mauvaise pour discuter. je sais pas faire, j’ai jamais sû faire. bizarre ? non. parfois je vois les gens discuter. je comprends juste pas vraiment l’intérêt. discuter avec nova, diana, le King, theo, oui, c’est intéressant, parce que c’est des gens que je connais et que j’apprécie. mais discuter avec un parfait inconnu, je vois pas l’intérêt. y’a jamais rien à se dire. “c’est pas grave si j’suis pas votre genre. mais je suis pas douée pour discuter.” puis, ça servirait à rien. elle me paiera pas pour discuter avec elle. et j’avais envie de ramener de l’argent aux nulls moi, aujourd’hui. pas de faire du bénévolat en discutant avec une rousse, aussi jolie soit-elle, sur un banc. je regarde le magasin de fleurs de nouveau et hausse les épaules. “le fleuriste, c’est votre genre ?” peut-être que c’est juste qu’elle aime pas les femmes. si elle aimait les femmes, je serai forcément son genre. après tout, c’est diana qui l’a dit, je suis le genre de tout le monde.

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T’as du mal, beaucoup trop de mal à mettre tes idées en forme de phrases claires pour expliquer ce qui s’est passé. Tu ne sais pas trop quoi lui dire, si ce n’est peut-être de nouvelles excuses. Tu voudrais bien trouver une façon de lui faire comprendre le malentendu sans que ça paraisse complètement horrible à dire, sans la blesser. Ce qui ne semble pas fonctionner. Patiner n’est pas simple, tu le fais bien trop souvent à essayer de ne pas y aller trop fort, de ne pas vexer qui que ce soit avec des mots mal choisis. Sauf que ça t’empêche pas de mettre les pieds dans les plats malgré tout. Peut-être que cette fois, alors que tu cherches la bonne chose à dire pour lui faire comprendre que tu n’es définitivement pas une cliente, c’est ce que tu fais. En cherchant à la ménager, à ne rien dire de trop cru, tu fais bien pire. Tu ne le réalises pas vraiment, pas consciemment, mais tu culpabilises un peu quand même. Parce que le but de la conversation, c’était certainement pas de la dénigrer d’une façon ou d’une autre, non c’était comprendre ce qu’elle pouvait bien faire devant la boutique de fleurs. Peut-être que t’aurais pas du, peut-être que c’était une mauvaise idée, mais aurais-tu vraiment pu savoir d’entrée de jeu ? Surement. En faisant un peu attention, en ouvrant les yeux aux signaux qu’il y avait. La robe, le style, quelque chose. Sauf que t’as rien vu, rien du tout et tu te retrouves donc dans une situation dans laquelle tu ne sais pas quoi faire.

Tu retiens un soupir lorsqu’elle souligne que ce n’est pas grave si tu n’es pas son genre. À ce point, tu ne sais toujours pas quoi dire, mais tu es on ne peut plus mal à l’aise. Parce que ce n’est pas vraiment une question qu’elle est pas ton genre, surtout que concrètement, tu ne saurais pas définir ton genre à l’instant précis. Tu en serais surement même incapable. Peut-être parce qu’on te le demande ou peut-être juste parce que tu ne veux pas admettre ce qu’il en est vraiment. L’un n’empêche pas l’autre après tout, même s’il est évident que tu refuses une part de la vérité. Tu n’es pas mariée à un homme dont tu n’es pas vraiment amoureuse sans raison. Tu ne passes pas beaucoup trop de temps à essayer de garder contact avec quelqu’un qui t’accueille avec un silence sans raison non plus. Sauf que le savoir au plus profond de toi et l’admettre est autre chose, alors tu ne dis rien, pas sur ce sujet parce que la réponse t’échappe toujours. Tu te concentres plutôt sur le fait qu’elle affirme ne pas être douée pour la discussion. Tu n’es pas certaine de comment quelqu’un peut ne pas être doué pour cela, mais soit. Tu ne vas pas questionner la chose. « Ah. C’est pas grave, mais pourquoi venir ici si ce n’est pas pour discuter ? » Tu doutes que le coin du fleuriste est réellement le plus approprié pour trouver ce genre de client. Après, qu’est-ce que tu en sais ? Rien surement. Et tu n’as pas le temps de contempler l’idée davantage qu’une nouvelle question t’es posée, une question qui te fait froncer les sourcils, non sans une dose de malaise. « Pas vraiment non. » Il en est assez loin t’imagines. Cette fois la réponse te vient un peu plus naturellement, peut-être parce que tu sais que les femmes ont ta préférence, même si ça ne parait pas toujours. « Il est de ton genre ? » Question innocente, retournée par curiosité, cette motivation qui caractérise tout cet échange de ton côté. S’il est de son genre, ça expliquerait surement le choix d’endroit, mais franchement tu n’es plus certaine de savoir quoi que ce soit en fin de compte.