lavender blue (jo)

lavender blue
j’avoue que je sais pas trop ce que ça veut dire, être le genre de tout le monde. je sais pas vraiment si c’est possible. moi, c’est particulier, d’après diana. moi j’ai pas de genre, parce que mon genre c’est theo. et que je distingue pas mon genre de l’amour. il paraît que c’est juste lié au physique, le genre. et je sais que je suis belle. mais est-ce que être belle c’est pas un peu trop subjectif ? tout le monde est pas obligé de me trouver belle, je le sais. mais je sais aussi qu’ils sont beaucoup à me trouver belle. et douce. et gentille. et silencieuse. alors est-ce que le comportement rentre dans le genre ? certains m’apprécient parce que je suis silencieuse. parce que je parle pas beaucoup. et en ça, je suis leur genre. je pense qu’en tout et pour tout, entre mon physique et mon comportement, je dois être le genre de tout le monde. je sais pas. puis, pour être sincère, je m’en fou. lorsque la fille répond, j’hausse les épaules. pourquoi elle, elle vient là, si c’est pour discuter ? y’a pleins d’autres endroits pour discuter, qu’en plein milieu de la rue, non ? c’est pas un endroit pour discuter. je le sais. tout le monde le sait. quand je m’assoie ici, c’est pour être seule, et observer l’ange. celui qui garde la boutique de fleurs. il ressemble vraiment à une fleur, c’est joli. si ce que dit diana est vrai, alors il est mon genre. même si theo est plus beau. et que theo, je l’aime. l’ange, c’est comme s’il était pas sur terre. comme s’il était irréel. je viens ici pour le regarder, lui. pas pour discuter, avec personne. elle répond à ma question. elle, c’est pas son genre. peut-être qu’elle aime pas les yeux bridés. parce que si je suis pas son genre, et qu’il est pas son genre, alors personne ne l’est. personne avec des yeux bridés. peut-être que diana serait son genre, ou le king, ou nova. ou peut-être qu’elle aime les blondes, comme moi, mais sans les yeux bridés. je sais pas, j’en sais rien. je m’en fou. et lorsqu’elle me renvoie la question, j’hausse les épaules, une nouvelle fois. “je sais pas. je crois pas.” j’observe l’ange prendre une fleur et l’ajouter à un bouquet. “j’ai pas vraiment de genre, je crois. je suis juste amoureuse. et pas de lui.” puis, de toute façon. même si j’avais un genre, j’aurais pas forcément le choix. j’ai pas le choix de mes clients. diana choisit toujours les plus doux, les plus gentils. elle choisit toujours ceux qui ont besoin le moins de discuter. ceux qui ont juste besoin d’un présence à leur côté. de se sentir aimer. j’ai pas le choix du genre. et ça m’arrive de trouver quelqu’un beau. souvent. sauf les vieux bedonnants, eux, ils sont pas beaux. même si, ils sont souvent plus gentils. ils sont souvent plus souriants. c’est comme s’ils étaient ceux qu’étaient les plus heureux d’être avec moi. c’est satisfaisant. je m’éloigne un peu de la rousse, je prends des distances. après tout, j’ai bien compris. elle est pas intéressée. et dans ces cas là, diana m’a dit de jamais insister. je quitte pas l’ange des yeux, et je souris un peu, en le regardant. j’aime bien être là, le regarder travailler. c’est apaisant. je me retourne vers la rousse, finalement. perd mon sourire. je devrais probablement dire un truc. parce que c’est comme ça que se font les discussions. mais j’ai pas d’idées. alors je tourne la tête vers l’ange, de nouveau, et je croise mes bras sur ma poitrine. parce qu’il fait froid. puis je me sens mieux, comme ça. diana dirait que ça peut être considéré comme quoi j’ai envie de terminer la conversation. mais c’est pas vrai. la conversation a jamais réellement commencé, de toute façon. puis si elle est pas intéressée, j’ai rien à lui dire. elle m’intéresse pas. j’aime juste beaucoup ses cheveux.

lavender blue
Tu réalises bien que tu la déranges. Tu as surement bien trop insisté pour le bien de la conversation. Ta curiosité n’est certainement pas agréable pour tout le monde, tu le sais bien au fond. Discuter avec elle t’a tout de même permis de soulager un peu les questions qui voguaient dans son esprit à son sujet. Tu ne sais pas si c’est réellement une bonne chose, mais c’est fait et tu ne peux pas trop y changer quoi que ce soit. Tant pis pour les questions qu’elle a soulevé sans même le vouloir. Qu’est-ce que c’est ton genre en fait ? Il y a une réponse évidente et celle que tu t’évertues à affirmer malgré les nombreux indices. Enfin ce n’est pas à elle que tu pourrais en parler, tu es plutôt certaine que ça ne l’intéresserait pas le moins du monde de toute façon. Comme ça ne risque pas d’intéresser les principaux concernés. Tu as fait ton choix il y a longtemps et tu en vis les conséquences encore aujourd’hui. Mais encore une fois, ce n’est pas quelque chose que tu peux dire à une parfaite inconnue, surtout avec l’étrange conversation que vous aviez depuis le début. Non, tu préfères plutôt lui retourner cette question qu’elle t’a posé avec un intérêt pour la réponse. Un intérêt innocent parce que ce n’est pas comme si tu comptais les présenter ou faire quoi que ce soit. Déjà rien que venir lui parler sans prévenir semblait étrange alors tu ne t’imagines pas faire plus. Tu n’es qu’à moitié surprise par ce qu’elle te répond. C’est la fin qui attise à nouveau ta curiosité même si cette fois tu arrives à la contenir. Qu’elle n’est pas de genre, tu supposes que c’est normal, que ça vient avec le métier à quelque part. Qu’elle est amoureuse c’est surprenant, mais ce n’est pas de tes affaires, encore moins que tout le reste, que toutes les questions que tu t’es permise de poser. Alors tu ne dis rien, t’hoches légèrement la tête.

Tu restes silencieuse pendant un moment. Tu l’observes elle, puis le fleuriste, pour revenir à elle lorsqu’elle s’éloigne de quelques pas. Tu ne passes aucun commentaire et ne fais aucun geste pour la retenir. Ce n’est pas comme si tu pouvais la forcer à discuter avec toi ou même si tu en avais envie. Elle n’en a certainement pas envie non plus, alors c’est mieux ainsi. Tu le comprends totalement lorsqu’elle finit par croiser les bras, ce qui est sans équivoque. Tu ne comptes pas rester plus longtemps et t’imposer à nouveau. Alors tu soupires légèrement, rien de méchant et tu te relèves. « Je vais te laisser tranquille. » Peut-être ce qu’elle attend depuis que tu lui as fait savoir que tu n’es pas une potentielle cliente. Tu ne sais pas quoi dire d’autres, n’ayant aucune platitude à lâcher dans une telle situation. Tu n’espères pas la revoir, pas spécialement en tout cas. Tu ne lui souhaites pas de mal pour autant. C’est peut-être ton instinct maternelle qui te pousse à ajouter : « Prends soin de toi. » À voix basse, plus pour toi même que pour elle. Parce que tu ne la connais pas au fond et que tu ne sais absolument rien de sa vie. Tu penses seulement que c’est la chose à dire dans une telle situation, parce que tu ne crois pas que ça doit faire partie de ses habitudes. Même si c’est sans doute un jugement hâtif de penser ainsi. Enfin. Tu la salues d’un geste de main et reprend la direction de chez toi. Tu en oublies totalement de passer chez le fleuriste, ou peut-être que tu ne veux pas déranger qui que ce soit d’autres, et tu ne penses même plus à la raison qui t’a fait sortir en premier lieu. Tu veux juste retrouver la simplicité, au moins pour un moment.